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Prise en compte de l'aléa dans les méthodes numériques

La prise en compte, dans les méthodes numériques, de l'aléa des paramètres mécaniques du système traité pose de sérieuses dicultés mathématiques et de modélisation, dont cer-taines ont pu être abordées brièvement dans le chapitre Ÿ1. Les techniques mises en oeuvre ont rarement un caractère général dans la mesure où elles restent souvent limitées à des con-gurations (géométrie, lois de comportement, discrétisation ...) bien particulières. Dans cette section on ne s'intéresse pas à la modélisation probabiliste proprement dite de l'aléa, mais aux formulations déterministes qui permettent d'en tenir compte de façon plus ou moins ecace. Cela va nous permettre de dégager les approches les plus pertinentes pour l'analyse du problème de transmission étudié, sans pour autant nuire à la généralité des résultats de la section Ÿ3.2 qui pourront donc être appliqués au schéma de discrétisation retenu par la suite. Ainsi les développements des sections précédentes doivent nous permettre de traiter désormais l'aléa comme une dimension supplémentaire du problème de transmission de l'in-teraction sol-structure. Les quelques remarques qui suivent ont pour objectif de dégager la méthodologie la mieux adaptée pour la discrétisation de la dimension spatiale du problème de transmission, an qu'elle conserve par ailleurs le plus de lattitude possible vis-à-vis de la discrétisation de sa dimension aléatoire telle qu'elle a été abordée précédemment.

Dans le cas de domaines bornés, il est classique d'exprimer U0 et/ou dK en fonction soit des modes propres de ces domaines, soit des opérateurs de masse, raideur et dissipation approchés par une méthode d'éléments nis usuelle. Celle-ci permet notamment de traiter des géométries complexes pour des milieux fortement hétérogènes, type composites, et peut être étendue sans trop de dicultés aux cas de matériaux et/ou chargements aléatoires. La méthode des éléments nis stochastiques regroupe dans la littérature, sous la même termi-nologie, diérentes approches dont la nature peut être très diérente suivant les objectifs xés. Ainsi les auteurs se limitent le plus souvent aux deux premiers moments du second ordre de la réponse du système (moyenne et variance), qu'il est possible d'obtenir (i) soit par des développements algébriques directes, (ii) soit par des statistiques réalisées sur les réalisations de la réponse observées pour diérentes valeurs des paramètres aléatoires. Dans le premier cas (i), le développement de formulations particulières de la méthode des éléments nis s'avère nécessaire. Dans cette optique, on peut citer :

 les méthodes de perturbation (voir par exemple [137]) qui consistent à introduire un développement de Taylor des diérents opérateurs et fonctions dépendants des paramètres aléatoires autour de leurs valeurs moyennes. Le système algébrique complet est ensuite résolu séquentiellement en identiant les termes polynomiaux de même degré. Cette approche, quoiqu'extrêmement lourde à implémenter numériquement et

peu robuste, donne des résultats satisfaisants tant que les variations des paramètres aléatoires du matériau considéré restent faibles. On trouvera ainsi dans [193] un critère général de validité du développement au premier ordre, en fonction du degré de non linéarité de la fonction approchée par rapport aux paramètres aléatoires et du niveau de conance autorisé ;

 une approche fondée elle aussi sur une hypothèse de petites perturbations des para-mètres est celle consistant à introduire un développement de Neumann de l'opérateur de raideur élastodynamique (voir par exemple [188, 226]) an d'obtenir une expression algébrique de la réponse du sytème dont on peut déduire aisément ses caractéristiques du second ordre ;

 plus récemment Elishako et al. [59, 60, 175] obtiennent, pour un modèle d'Euler de poutre en exion, des équations diérentielles exactes pour la moyenne et la variance de la èche en fonction des moyenne et variance de la rigidité supposée aléatoire. Celles-ci sont ensuite intégrées numériquement par une formulation variationnelle adaptée. Dans le deuxième cas (ii) seul, en toute rigueur, un code de traitement statistique encapsu-lant le calcul éléments nis proprement dit est à prévoir. La principale diculté est ici liée à la simulation des paramètres variables sous forme de processus ou de champs stochastiques. Les diérentes procédures applicables dans les cas les plus courants ont été rappelées à la section Ÿ1.3.4 pour l'exemple des chargements sismiques, et dans l'Annexe C. Cette ap-proche type simulation de Monte-Carlo a par ailleurs été présentée dans un cadre général à la section Ÿ3.3. Pour sa mise en oeuvre numérique dans le cadre de la méthode des éléments nis usuelle, on peut citer les travaux initiaux de Shinozuka [187] qui le premier a appliqué au calcul des structures la technique de Monte-Carlo pour un chargement aléatoire simulé par une représentation spectrale. Pour des applications plus récentes, on peut citer, par exemple, les travaux de Papadrakakis & Papadopoulos [163] simulant l'aléa des caractéris-tiques mécanique du matériau par une représentation spectrale moyennée spatialement sur les éléments, Ghanem & Spanos [72] ou Tarman [206] par un développement de Karhunen-Loeve, Ghanem [69] ou Matthies & Bucher [151] par une représentation en polynômes du chaos homogène, Lallemand et al. [123] par une approche du type ensemble ou, ou encore Huntington & Lyrintzis [98] couplant paramètres et chargement aléatoires du système étu-dié. Enn Soize [196] propose quant à lui, pour des systèmes complexes de conditions aux limites, caractéristiques mécaniques ou lois de comportement de nature aléatoire, de simuler leurs matrices de masse, raideur et dissipation stochastiques suivant des lois de probabilités compatibles avec, d'une part, leurs propriétés algébriques  symétrie, positivité  et, d'autre part, leurs caractéristiques probabilistes  moyenne et variance notamment.

Dans le cas des domaines non bornés, la méthode des éléments nis ne s'applique pas directement car il convient de ramener dans un premier temps le domaine non borné à un domaine borné. Pour ce faire il est classique d'imposer des conditions aux limites absorbant les ondes sortantes à sa frontière, mais les méthodes associées ne permettent généralement pas d'absorber tous les types d'ondes et certaines sont réèchies à l'intérieur du domaine. Frankel & Clayton [66] par exemple utilisent un schéma du type diérences nies pour traiter la propagation d'ondes dans des milieux aléatoires innis et étudier l'inuence de l'aléa sur l'atténuation apparente des ondes due aux réexions multiples, et sur la coda sismique. Si l'on tient compte de la dissipation, nous avons déjà vu que grâce à l'Eq.(2.31) tout se passe comme si le domaine sol était eectivement borné. Néanmoins si l'amortissement est faible sans être négligeable, il reste très étendu et sa discrétisation peut vite devenir fastidieuse, tout en introduisant un très grand nombre de degrés de liberté. On privilégiera donc dans

ce cas les méthodes d'équations intégrales de bord qui une fois discrétisées limitent l'eort de modélisation à la seule frontière du domaine étudié. La prise en compte de l'aléa dans les méthodes d'éléments nis de frontière pose en revanche de sérieuses dicultés et n'a à ce titre que très peu été abordée dans la littérature. Concernant l'eet d'un chargement ou de conditions aux limites aléatoires, l'approche ne pose a priori aucune diculté et peut être étendue directement aux équations intégrales directes ou indirectes usuelles. La prise en compte de l'aléa portant sur les caractéristiques du milieu nécessite elle des dévelop-pements particuliers dont on peut trouver un aperçu rapide dans [29]. Ils consistent dans la plupart des cas en une méthode de perturbations [103, 122] introduisant un développe-ment de Taylor du potentiel recherché autour de sa valeur moyenne ; les termes perturbatifs sont ensuite considérés comme des termes de source et l'on obtient ainsi une hiérarchie d'équations intégrales résolues séquentiellement (équations intégrales stochastiques dans la littérature). Comme pour les éléments nis usuels, ces approches sont diciles à mettre en oeuvre numériquement, et par ailleurs aucun résultat de convergence, même pour des petites perturbations des paramètres, n'est disponible. On peut aussi citer ici les travaux plus avancés de Breitung et al. [24] qui utilisent une formule de représentation intégrale élastostatique an de ramener l'intégrale sur le domaine à une intégrale de frontière, ainsi qu'un développement de Karhunen-Loeve pour représenter la perturbation des paramètres mécaniques du milieu aléatoire. Rappelons que nous avons également vu dans la section Ÿ1.5.1 que certains auteurs proposaient d'utiliser une fonction de Green hétérogène dont nous avons précisé les limites.

La méthode de sous-structuration que nous présentons dans le chapitre suivant va nous permettre de choisir, pour chacun des sous-domaines du problème de transmission (la struc-ture et le sol), le schéma de discrétisation le plus adapté. La prise en compte de l'aléa relatif aux paramètres mécaniques du sol, en liaison avec l'approche numérique retenue, nécessite quant à lui des développements plus originaux, présentés également dans le chapitre Ÿ4. Il sera montré que ceux-ci entrent, sans limitation, dans le cadre général de la modélisation probabiliste développée à la section Ÿ3.2.

3.5 Conclusion

Dans ce chapitre nous avons donné tous les éléments nécessaires pour le traitement probabiliste de la réponse sismique d'un système couplé sol-structure dans les cas (i) d'un chargement sous forme de champ incident de nature stochastique, et (ii) de modules de sol proches de la fondation de nature également aléatoire.

Dans le cas (i), la réponse aléatoire de la structure est linéaire vis-à-vis de la sollicitation imposée. Elle est alors caractérisée par les méthodes standards de l'analyse spectrale. La donnée fondamentale permettant de conduire une telle analyse est la fonction de réponse en fréquence, ou fonction de transfert, du système composite sol-structure pour un champ imposé à l'interface sol-fondation Γsf. Les outils de réduction de la dimension aléatoire du chargement dans L2(A ⊗ Γsf)ont été introduits. Ils ont permis de construire une représen-tation réduite de la dimension aléatoire de la réponse de la structure dans L2 A ,C, avec Nω ∈Nde l'ordre de quelques unités.

Dans le cas (ii), la réponse aléatoire de la structure est non-linéaire vis-à-vis des modules aléatoires du sol, introduits sous la forme d'une perturbation (pas nécessairement petite) de ses modules déterministes moyens sur une zone bornée Ωd. Elle est alors caractérisée

par une approche type simulation de Monte-Carlo. La donnée fondamentale permettant de conduire cette analyse est l'opérateur de raideur dynamique aléatoire du système composite sol-structure. Les outils de réduction de la dimension aléatoire dans L2(A ) de l'opérateur de raideur dynamique correspondant à la perturbation ont été introduits. Ils ont également permis de construire une représentation réduite de la dimension aléatoire de la réponse de la structure dans L2 A ,CN

, avec N ∈Nde l'ordre de quelques unités.

Dans les deux cas, les modèles réduits obtenus peuvent être exploités pour simuler des réalisations de la réponse de la structure et construire éventuellement ses caractéristiques du second ordre par une approche numérique de type Monte-Carlo. Les deux chapitres suivants sont consacrés aux constructions de la fonction de réponse en fréquence pour un champ imposé à l'interface sol-fondation, et de l'opérateur de raideur dynamique du système composite sol-structure. Elles vont nous permettrent d'en déduire une représentation réduite dans l'espace L2(Ωb)3 ≡ H(Ωb)de la dimension spatiale du champ des déplacements dans la structure.

Méthodes de sous-structuration

Dans le chapitre Ÿ2 relatif à la formulation du problème de transmission pour l'interaction sismique sol-structure, nous avons pu établir, moyennant un certain degré d'abstraction, une formulation globale découplant complètement la dimension spatiale et temporelle du problème de sa dimension aléatoire. L'objectif est de pouvoir traiter la discrétisation de l'aléa de manière indépendante et générique, telle que présentée au chapitre Ÿ3 à la section Ÿ3.2 pour la perturbation des modules du sol. Par ailleurs cette formulation permet de conserver une écriture générale du problème élastodynamique déterministe d'origine, posé sur tout le domaine d'étude (le sol et la structure). Elle laisse ainsi la possibilité de mettre en oeuvre les approches numériques jugées les plus adaptées sans introduire de limitations particulières pour le modèle. Nous abordons donc ici la discrétisation des opérateurs dénissant le système couplé sol-structure, en essayant de tirer parti des outils numériques existants au travers de la méthode de sous-structuration. Il est entendu que le choix particulier de cette méthode n'enlève rien au caractère général des résultats présentés aux chapitres Ÿ2 et Ÿ3. Nous nous attacherons toutefois à montrer que cette méthode s'avère à la fois originale, élégante et ecace ainsi que le montreront les résultats numériques obtenus au chapitre Ÿ6.

La première section (Ÿ4.1) de ce chapitre est consacrée à la discrétisation de l'équation en terme d'opérateur (2.42) pour le problème de transmission étudié au chapitre Ÿ2. Celle-ci étant posée sur tout le domaine couplé sol-structure, on s'intéresse plus particulièrement à une formulation par sous-structuration qui permet d'utiliser, dans chaque sous-domaine, la méthode numérique la plus appropriée. Cette approche est classique, elle est rappelée pour faciliter la compréhension de la démarche introduite par la suite. Ainsi dans une deuxième section (Ÿ4.2), on généralise la méthodologie introduite au cas du couplage avec la zone hété-rogène bornée du sol telle qu'elle a été dénie à la section Ÿ3.2. Le problème de transmission initial avec sol hétérogène dans une zone bornée au voisinage de la fondation peut ainsi être traité en ne discrétisant plus que l'interface volumique constituée par cette zone et cou-plant le domaine composite structure-sol non perturbé, dit de référence, et l'hétérogénéité caractérisée par une perturbation générique  déterministe ou aléatoire, petite ou grande  des modules élastiques de sol. Le problème local relatif au domaine composite de référence peut ensuite être étudié, par exemple, par la méthode de sous-structuration de la section Ÿ4.1.

Dans tout ce chapitre, on reprend les notations d'espaces fonctionnels introduites à la section Ÿ2.3.1 et en Annexe A.