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1.6 Propagation d'ondes en milieux aléatoires

1.6.4 Milieux eectifs

Les méthodes de réexions multiples sont fondées la plupart du temps sur la connais-sance explicite d'une solution pour un problème d'inclusions ponctuelles ou de géométries particulièrement simples. D'autre part, elles se limitent très largement au cas des matériaux bi-phasiques isotropes. Une approche plus générale fondée sur une formulation en polarisa-tion et le principe variapolarisa-tionnel de Hashin-Shtrikman [91] a été développée et permet d'accé-der à des caractéristiques eectives du milieu liants le tenseur des contraintes moyennes au tenseur des déformations moyennes. On se référera essentiellement aux travaux assez repré-sentatifs de Willis [222, 223, 224]. Pour une présentation théorique systématique et générale dans le cas statique, on se reportera à Kröner [117] ou François et al. [65]. Enn pour des résultats originaux plus récents, on pourra consulter la thèse de Bornert [21].

Formulation en polarisation

L'approche en polarisation est similaire à la formulation du problème adjoint d'une équation du mouvement de la forme :

−Divσ(u) + ρ ¨u = 0 (1.34)

à laquelle on associe la fonction de Green UG(x, y; t) solution de : −Divσ(UG)(x, y; t) + ρ ¨UG(x, y; t) = δtδy − xId

et qui vérie les conditions aux limites homogènes sur le bord ∂Ω du domaine considéré, et la condition initiale UG(x, y; t) ≡ 0 dès que t < 0. La décomposition classique des tenseur élastique et masse volumique du matériau considéré en partie de référence supposée connue (pas forcément strictement homogène) et partie uctuante incertaine est notée :

D = D0+dD (1.35)

ρ = ρ0+dρ (1.36)

Les tenseur de polarisation des contraintes et champ de polarisation de la quantité de mou-vement sont alors dénis respectimou-vement par :

τ = (D − D0) : (u) π = (ρ − ρ0) ˙u

et non nuls uniquement dans les zones occupées par les inclusions. Ils vérient un système d'équations intégrales couplées faisant intervenir les hétérogénéités sous la forme de fonctions généralisées : (u0)(x) = (D − D0)−1τ (x) + Z Sx(x, y; t) ?tτ (y, t) dy + Z x( ˙UG)(x, y; t) ?tπ(y, t) dy (1.37) et : ˙ u0(x) = (ρ − ρ0)−1π(x) + Z y( ˙UG)(x, y; t) ?tτ (y, t) dy + Z ¨ UG(x, y; t) ?tπ(y, t) dy (1.38) où u0 est la solution de l'équation du mouvement, Eq.(1.34), pour le matériau de référence vériant les conditions aux limites et les conditions initiales du problème considéré. La solution pour le matériau hétérogène est ensuite obtenue par une équation de Lippmann-Schwinger transitoire de la forme :

u(x) = u0(x) − Z y(UG)(x, y; t) ?tτ (y, t) dy − Z ˙ UG(x, y; t) ?tπ(y, t) dy (1.39)

Willis [222] a montré que la solution est unique pour le problème aux limites posé avec conditions initiales pour la quantité de mouvement. La solution moyenne d'ensemble, dans le sens de l'espérance mathématique, peut donc être écrite :

hui (x) = u0(x) − Z y(UG)(x, y; t) ?thτ i (y, t) dy − Z ˙ UG(x, y; t) ?thπi (y, t) dy (1.40) Cette équation et le système associé ci-dessus Eqs.(1.371.38) constituent une formulation générale de la propagation d'onde en milieu hétérogène. De l'Eq.(1.40) ci-dessus on peut par exemple déduire les expressions de h(u)i et h ˙ui en fonction de hτ i et hπi pour en-suite éliminer (u0) et ˙u0 dans les Eqs.(1.371.38) (c'est l'approche dite du lissage). On peut alors caractériser le comportement eectif du matériau hétérogène considéré sous la forme d'un système couplé liant le tenseur des contraintes moyennes et la quantité de mou-vement moyenne (hσi , hρ ˙ui) au tenseur des déformations moyennes et à la vitesse moyenne (hi , h ˙ui) [224]. Néanmoins, ces développements ne restent pratiquement abordables que pour des cas particuliers assez simples, et en supposant généralement que les perturbations dD etdρrestent faibles. Une autre diculté importante est la détermination de la fonction de Green UGpour le domaine Ω, qui n'est connue analytiquement que dans le cas où celui-ci est inni.

Exemples d'applications

Inclusion unique  (Willis [222]) La formulation en polarisation se simplie avantageu-sement dans le cas particulier d'une inclusion unique de géométrie quelconque plongée dans une matrice considérée comme innie et excitée par une onde plane. Les résultats obtenus peuvent être étendus sans diculté au cas d'un milieu dispersé à inclusions multiples dans lequel on suppose qu'il n'y a pas d'interaction entre celles-ci. L'auteur introduit la section rééchissante Q du matériau ainsi constitué, dénie comme le rapport du ux moyen (rela-tivement à la surface délimitant un volume de matériau donné  moyenne "géométrique") d'énergie sortante associée au champ purement rééchi v = hui − u0 sur le ux moyen (idem) d'énergie rentrante associée au champ incident. Sans chercher explicitement v, il obtient une formule asymptotique formelle simpliée pour Q, fonction des diérents noyaux des opérateurs intégraux du système (1.371.38), dans le domaine des basses fréquences et pour le cas d'une inclusion ellipsoïdale. Aucune hypothèse d'isotropie de la matrice n'est requise à ce stade. Des résultats explicites sont reproduits pour le cas d'une inclusion sphé-rique, d'un disque plat élastique ou rigide, d'une bre mince ou d'une cavité cylindrique plate sous incidence d'ondes P, SV ou SH, dans une matrice cette fois isotrope. Le principal intérêt que l'on peut voir dans ces développements est que l'auteur a pu obtenir diérentes expressions de référence pour des cas très simples sans se limiter à l'approximation de Born en basses fréquences comme cela avait été le cas dans la majorité des travaux antérieurs, ainsi qu'une expression formelle de la section rééchissante dans une matrice anisotrope. Inclusions multiples distribuées aléatoirement  (Willis [223, 224]) Pour un matériau composite bi-phasique type, le matériau de référence sera la matrice et les hétérogénéités seront les inclusions supposées constituées d'un même matériau diérent du matériau de référence. Par dénition, les polarisations sont partout nulles sauf dans les inclusions. On

peut déterminer τ et π par une méthode similaire à celle des réexions multiples exposée plus haut, et qui conduit à exprimer hτ i (respectivement hπi) en fonction de sa valeur dans le volume occupé par une inclusion centrée en A, sa position étant xée, notée par analogie hτAiA(resp. hπAiA). hτAiAet hπAiAsont eux-mêmes fonctions des polarisations condition-nelles en B hτBiBA et hπBiBA pour des inclusions xées en A et B par l'intermédiaire du système ci-dessus, Eqs.(1.371.38), etc. Le schéma hiérarchique est bouclé par exemple en introduisant l'approximation quasi-crystalline consistant à poser :

BiBA→ hτBiB, hπBiBA→ hπBiB

lorsque |xA− xB| → ∞, et valable pour des concentrations volumiques restant faibles. On peut ensuite rechercher les solutions hτAiAet hπAiA, puis hτ i, hπi et hui, sous forme d'ondes planes en supposant le milieu de propagation inni ce qui revient à s'aranchir des conditions aux limites, soit w, et à utiliser la fonction de Green connue analytiquement pour une matrice homogène innie. Pour les basses fréquences, le système (1.371.38) se réduit, après application de la méthode de lissage, à :



(D − D0)−1τA+ Sx,statτA = hi (ρ − ρ0)−1πA = h ˙ui

L'auteur déduit de ce système une estimation du tenseur élastique homogénéisé équivalent au milieu hétérogène avec inclusions sous la forme :

˜

D = D0+ Cdh(D − D0)−1+ (1 − Cd)Gi

−1

où Cd déf= |Ω| p

A désigne la concentration volumique des inclusions ; G est un tenseur constant lié au tenseur élastique de la matrice D0 et à la géométrie des inclusions, ap-pelé tenseur de Hill. Des formules explicites de ˜D sont données pour une matrice isotrope et des inclusions sphériques (auquel cas ˜D est aussi isotrope), puis des inclusions sphé-roïdales (auquel cas ˜D est transversalement isotrope) du type disques plats élastiques ou rigides, cavités cylindriques plates (ssures), bres minces. Ces estimations coïncident avec les résultats obtenus par une formulation variationnelle de Hashin-Shtrikman (6) [91, 92]. Le matériau homogène équivalent complet est obtenu en ajoutant pour sa densité la densité moyenne :

˜

ρ = ρ0+ Cd(ρ − ρ0)

Encore une fois, ceci est conforme aux résultats de McCoy [152] dans le cas des basses fréquences, avec en plus une estimation directe des paramètres du matériau équivalent. Par ailleurs, une formule similaire au cas de l'inclusion unique est obtenue pour Q dans le cas d'un alignement d'ellipsoïdes, celle-ci approchant la section rééchissante du cas de l'inclusion simple lorsque la concentration volumique des inclusions Cd diminue. Q peut être explicitée pour diérentes simplications telles qu'une matrice isotrope contenant des inclusions sphériques.

Formulation systématique et bornes

Ainsi que nous avons déjà pu l'entrevoir brièvement dans les sections précédentes, une autre approche pour traiter la propagation d'ondes en milieu hétérogène couramment mise

en oeuvre dans la littérature est de dénir un milieu équivalent. Les formulations variation-nelles classiques fondées sur les principes d'énergie minimale et d'énergie complémentaire, ou la formulation variationnelle de Hashin-Shtrikman, permettent d'obtenir des bornes pour le tenseur élastique du matériau homogénéisé équivalent ˜D tel que hσi = ˜D : hi (voir l'Eq.(1.32)). Généralement ˜Dn'a aucune raison d'être homogène sur l'ensemble du domaine Ω considéré ; les résultats classiques présentés ci-dessous montrent également qu'il s'ex-prime sous la forme d'un tenseur non local qui peut dépendre, par exemple, des conditions aux limite imposées. Dans la suite on se limite au cas statique, aucun résultat comparable concernant la dynamique n'ayant été publié à notre connaissance. Si l'on revient au pro-blème tel qu'introduit dans le cadre de la méthode des réexions simples, les Eqs.(1.37) et (1.39) permettent d'exprimer le tenseur élastique du milieu aléatoire homogénéisé déni par l'Eq.(1.32) sous la forme générale (Kröner [117], Willis [224], François et al. [65]) :

˜

D = D0+ hdD [Id+ SxdD]−1i ⊗ h[Id+ SxdD]−1i−1 Preuve  De l'Eq.(1.39) en statique on déduit :

 = 0− SxdD :  soit formellement :

 =hId+ SxdDi

−1

: 0 (a)

Comme par ailleurs :

σ =hD0+dDi:  =hD0+dDi hId+ SxdDi

−1

: 0 (b)

on en déduit en prenant la moyenne d'ensemble dans les deux relations (a) et (b) ci-dessus et en éliminant

0 le résultat annoncé pour ˜Dliant hσi et hi. 

Pour kdDksusamment faible (la norme restant à dénir), on peut formellement développer en série cette expression et retrouver une formule identique à l'Eq.(1.33) :

˜

D = D0+ hdDi − h(dD − hdDi) Sx(dD − hdDi)i + · · ·

qui fait intervenir les distributions de probabilité de trouver une inclusion en un point donné A, une inclusion en un point donné B sachant qu'il y en a déjà une en A, etc. Ainsi, les termes successifs dans l'expression ci-dessus font intervenir les probabilités conjointes successives pour un nombre croissant de points. La simplicité formelle de ces équations ne doit pas masquer leur complexité intrinsèque : elles font intervenir en eet des opérateurs intégraux et exigent une information très complète sur la distribution de probabilité du champ de tenseur D1(x), qui n'est généralement pas accessible. Deux types de développements sont généralement envisagés pour surmonter ces dicultés :

 la recherche de bornes pour le tenseur d'élasticité eectif ˜D et le tenseur de souplesse eective ˜D−1, associées à une connaissance partielle de la distribution de dD(x) ou dD(x)−1;

 ou bien la formulation d'hypothèses simplicatrices permettant une résolution eective pour des distributions spatiales particulières d'inclusions dont la forme est connue, par exemple.

On donne ici quelque unes des bornes les plus référencées.

Borne de Voigt  Si dans le développement ci-dessus on se limite au second terme (soit un développement au premier ordre), on obtient pour la borne élémentaire supérieure de

Voigt :

DV déf= D

0+ hdDi

pour laquelle DV − ˜Dest déni non négatif sachant que ˜Dminimise l'énergie de déformation du matériau équivalent pour une condition aux limites en déplacement qui permet à hi d'être uniforme dans tout Ω.

Borne de Reuss  La borne élémentaire inférieure de Reuss est obtenue de la même manière pour le tenseur de souplesse D−1 inverse du tenseur élastique, soit :

DR déf= [D−1

0 + hdD−1i]−1

DR− ˜D est déni non négatif sachant que ˜D maximise l'énergie complémentaire pour une condition aux limites en traction qui permet à hσi d'être uniforme dans tout Ω.

Bornes de Hashin-Shtrikman  Les bornes de Hashin-Shtrikman [91, 92] sont obtenues à partir de la décomposition en partie locale Sl

x et régulière Sr

x du noyau Sx, où : Srx(x, y) =o 1

ky − xk quand ky − xk → +∞ Kröner [117] dénit la condition de désordre gradué de rang n comme :

h(dD − hdDi) [Srx(dD − hdDi)]pi = 0, ∀p = 1, 2, . . . n − 1

Si le milieu satisfait à cette condition au rang n = 2, on obtient la borne supérieure de Hashin-Shtrikman sous la forme :

D+HS déf= D

0+ hdDId+ SlxdD−1i ⊗ hId+ SlxdD−1i−1

La borne inférieure D

HS s'obtient par une démarche analogue, mais formulée en terme de souplesse dans une relation déformation en fonction de la contrainte.