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Modèles probabilistes du comportement des sols

Le sol n'est pas à proprement parler un matériau aléatoire. En revanche la connaissance que l'on peut avoir des paramètres de son comportement mécanique est aectée par plusieurs sources d'incertitude, de natures très diérentes :

 variabilité spatiale inhérente des matériaux, liée aux variations à petites échelles de leurs structures minéralogiques, à l'historique des processus géologiques ou de sédi-mentation et des sollicitations imposées, aux variations de leur degré de saturation en eau, etc. ;

 rareté des données disponibles pour les sols sur un site donné, essentiellement liée à leur coût d'extraction. Notons également que les essais in situ sont souvent diciles à mettre en oeuvre, tandis que ceux en laboratoire ne reproduisent que très partiellement les comportements réels des matériaux in situ à cause du remaniement. L'incertitude introduite à ce niveau est qualiée d'erreur d'investigation en géostatistique ;

 erreurs aléatoire ou systématique (biais) commises lors des essais d'identication in situ ou en laboratoire, liées à l'instrumentation, l'observation ou l'interprétation. Celles-ci sont qualiées d'erreur d'observation en géostatistique ;

 enn modication des propriétés du sol remanié ou non au voisinage de l'ouvrage, notamment pendant la réalisation des travaux de fondation.

Ces diérents aspects motivent les développements de modèles probabilistes du comporte-ment des sols et leur prise en compte dans les études de abilité et de sécurité des ouvrages de génie civil (voir par exemple Magnan [143] et Favre [61] pour des revues récentes). Ces modèles sont fondés essentiellement sur la caractérisation de deux types de grandeur, la moyenne, ou tendance, et la variance d'une part, et la structure de corrélation spatiale d'autre part. Leurs propriétés respectives peuvent être très diérentes (par exemple la ten-dance est certainement plus dépendante de la position que ne l'est sa covariance, c'est-à-dire la corrélation de la uctuation par rapport à la tendance) et à ce titre ils ne peuvent gé-néralement pas être donnés indépendamment l'un de l'autre lorsqu'il s'agit de caractériser un site particulier. Ainsi le premier type de grandeur, tendance et variance, est plus lié semble-t-il au type de sol étudié, alors que la structure de corrélation est elle plus liée au processus de formation.

Deux stratégies distinctes d'analyse géostatistique sont mises en oeuvre suivant les ob-jectifs xés et les données disponibles pour un site particulier [62] : la première est dite descriptive et a pour objectif d'enrichir, par interpolation essentiellement, la connaissance que l'on a déjà du sol ; la seconde est dite d'inférence et a pour objectif la caractérisation du modèle probabiliste d'un sol non connu (ou du moins que très partiellement) sur la base de données plus complètes disponibles pour d'autres sites. Les techniques descriptives, telle que la régression, l'estimation linéaire ou le krigeage [200] par exemple, sont par ailleurs souvent fondées sur la connaissance a priori d'une structure de corrélation pour le site étudié, et font donc appel aux techniques d'inférence.

Les processus stochastiques modélisant les paramètres mécaniques d'un sol sont quant à eux supposés généralement asymptotiquement homogènes (stationnaires) relativement à une échelle petite devant la stratication, inhomogènes à l'échelle de la sédimentation, et de nouveau homogènes à très grande échelle. Les densités de probabilité marginales sont prises non gaussiennes dans la mesure où, dans le cas contraire, les valeurs des paramètres mécaniques considérés pourraient être négatives. Une loi bien adaptée à des valeurs non négatives et non bornées est la loi log-normale, souvent retenue en géostatistique [62, 63]. Leur structure de corrélation est caractérisée, d'un point de vue strictement théorique, par deux modèles compétitifs :

 le modèle de Markov de coecient de corrélation type exponentielle décroissante : r(x − x0) = exp  −kx − x 0k ` 

où ` la longueur de corrélation représente l'échelle des uctuations des paramètres. Dans cette catégorie rentrent également les modèles gaussiens, triangulaires, sphé-riques [54] ou encore bruit blanc tronqué (voir Annexe C, ŸC.3) qui sont caractérisés par une échelle nie des uctuations ;

 ou le modèle de bruit en 1

f, appelé encore modèle fractal en ce sens que ses réalisations présentent des propriétés statistiques similaires à n'importe quelle échelle de résolution, et une longueur de corrélation innie. Plus généralement, les processus dont la fonction de densité spectrale s'écrit sous la forme :

S(k) = S0 kα

rentrent dans ce cadre. Ils sont de variance innie et donc physiquement non réali-sables, mais peuvent être rendus physiquement réalisables et stationnaires en tron-quant cette fonction de densité spectrale aux hautes fréquences si 0 ≤ α < 1 ou aux basses fréquences si α ≥ 1.

Grabe [79] a montré qu'expérimentalement la raideur du sol mesurée par un compactomètre (ratio des amplitudes des accélérations mesurées à deux fréquences diérentes) présentent eectivement une densité spectrale de la forme 1

f. Un tel processus est stationnaire, et presque toujours gaussien [154] ce qui est contradictoire avec les hypothèses a priori men-tionnées ci-dessus. Fenton [63] obtient un modèle similaire avec α ≈ 1.8 pour des mesures de résistance de cône qc au pénétromètre statique. Notons que les processus pour lesquels α < 1 ont les mêmes caractéristiques. En les moyennant spatialement sur une distance ∆ (suivant la profondeur z), il est possible de calculer sous forme explicite leur coecient de corrélation [145] :

r(d) = 1 2∆1+α



|d + ∆|1+α+ |d − ∆|1+α− 2 |d|1+α

avec d = |z − z0|. A partir de ce modèle analytique, ou de celui de Markov, on cherche à calibrer les paramètres signicatifs correspondants, soit α ou `, le plus souvent par une ap-proche du type vraisemblance maximale [54, 63]. Enn hormis le coecient de corrélation, divers outils statistiques sont utilisés pour représenter la structure de corrélation du sol : Vanmarcke par exemple [213] dénit le coecient de corrélation pour des variables aléatoires qui sont les moyennes spatiales des paramètres mécaniques étudiés sur des volumes élémen-taires, de l'ordre de ceux accessibles en laboratoire. On peut également citer la méthode du variogramme [200], celle de la fonction de variance ou de la représentation en ondelettes [62], ou encore celle du périodogramme (estimateur de la fonction de densité spectrale) [79, 195]. La modélisation développée au chapitre Ÿ3 pour la prise en compte de la variabilité du sol devra donc être adaptée aux types des données disponibles décrites ci-dessus. L'opéra-teur d'impédance dynamique K0 du système couplé structure-sol non perturbé sera ainsi construit à partir des données relatives aux tendances observées des paramètres mécaniques du sol, tandis que sa perturbation dK sera elle construite à partir de la structure de corré-lation des uctuations des paramètres du sol autour de leurs tendances, pondérée par leurs

variances (ou leurs coecients de variation, donnant l'amplitude de la variance par rapport à la tendance). La donnée du coecient de corrélation pour caractériser cette structure de corrélation permettra également de mettre en oeuvre la méthode de réduction présen-tée au chapitre Ÿ3 pour la représentation de la dimension aléatoire des uctuations par un développement de Karhunen-Loeve.