I. Activités externalisés, gestion privée des services publics et principes des services publics
3. Le principe de mutabilité/adaptabilité
En droit français comme en droit brésilien, le principe de mutabilité/adaptabilité prend en considération le fait que les services publics doivent s'adapter aux évolutions sociales et technologiques. Les besoins des gens varient dans le temps et les technologies évoluent rapidement. Il est donc nécessaire d'ajuster les activités administratives. Le
principe vise à permettre l’adaptation efficace du service aux besoins des usagers et aux variations de l’intérêt général.
En droit français, le principe de la mutabilité/adaptabilité figure dans les textes
législatifs depuis une vingtaine d’années. Il n’est ni un principe à valeur constitutionnelle, ni un principe général du droit selon le Conseil d’Etat, qui à travers la
décision du 10 janv. 1902, Compagnie nouvelle du gaz de Déville-lès-Rouen79, fait un
premier pas vers l’admission de la mutabilité des contrats administratifs80.
78 Monica Spezia Justen explique que « Le principe d'égalité découle de la révolution de 1789.
L’avertissement de Jacques Moreau semble pertinent quant à la multiplicité des facettes trouvées dans ce
principe : l'égalité de tous les citoyens devant les charges publiques, qui constitue l'un des fondements de la responsabilité administrative - l'égalité d'accès aux concours de recrutement (personnels) [...] - ouverture égale à l'embauche par la concurrence. [...] Ce principe s'applique également aux agents des services publics, l'accès à la carrière dans la fonction publique, et aux usagers qui sont dans une situation similaire. Selon Moreau, bien que le principe de base soit le même, on peut trouver quelques particularités dans la voie de la réalisation de l'égalité devant les services publics administratifs et devant les services publics industriels et commerciaux. Ce qui est observé, c'est que dans les services économiques, il peut y avoir des discriminations entre les usagers, qui sont soumis aux règles générales du commerce ». (JUSTEN, Monica Spezia, A noção de serviço público no direito europeu. São Paulo: Dialética, 2003, 255 p., sp. p. 54).
79 CE 10 janv. 1902, Compagnie nouvelle du gaz de Déville-lès-Rouen, n° 94624, Rec. p. 5.
80La jurisprudence du Conseil d’Etat du 2 févr. 1983, Union des transports publics urbains et régionaux,
dispose expressément que l’administration peut modifier unilatéralement les conditions d’exécution de
ses contrats en vertu des règles générales applicables aux contrats administratifs. (CE 2 fév. 1983, Union des transports publics urbains et régionaux : RDP 1984, Rec. p. 12). Il s’agit d’un pouvoir auquel l’administration ne saurait pas renoncer. (CE 6 mai 1985, Association Eurolat, AJDA 1985, n° 41589,
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C’est un principe animé par la recherche de la performance dont l’application est
souvent difficile puisqu’elle comporte trois conséquences : Celles relatives au personnel81, celles relatives aux usagers82 et celles relatives aux partenaires privés de l'administration.
En ce qui concerne les conséquences relatives au personnel, il importe de relever que les agents publics ne peuvent faire obstacle, par principe, à la modification de
l’organisation ou du fonctionnement du service, sous réserve que le principe de légalité
soit respecté.
Les conséquences relatives aux usagers dépendent en grande partie des dispositions régissant le service. Les usagers ne peuvent invoquer des droits acquis au maintien du service public ou à des intérêts particuliers en cas de changements apportés à
l’organisation ou au fonctionnement du service public. À l’inverse, ces dispositions
peuvent être modifiées unilatéralement par l’administration, sans le consentement des
usagers et au nom de l'intérêt général. Ainsi, l'administration peut toujours mettre fin à un service public si la loi ne le rend pas obligatoire.
Enfin, dans le cas où l’administration concède un service à un particulier, le contrat qui
les lie définit les modalités de fonctionnement du service public. L'administration possède toutefois le droit de modifier unilatéralement ce contrat au cours de son exécution et, pour voie de conséquence, les modalités de fonctionnement du service. Le principe de mutabilité/adaptabilité comporte des limites fixées par la jurisprudence.
En premier lieu, toutes les modifications doivent être inspirées par le souci de l’intérêt
général. En deuxième lieu, les changements ne valent que pour l'avenir. Dans le cas où
l'administration décide de modifier le fonctionnement d’un service, elle doit donc,
81 CE 11 oct. 1995, Institut Géographique National, n° 142644, Rec. p. 620 : « L’autorité compétente peut
fixer et modifier librement les dispositions statutaires qui régissent les agents des services publics, même contractuels, et notamment celles qui sont relatives aux conditions de leur rémunération ».
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préalablement, modifier les règles qui le gèrent. Néanmoins, pour autant qu'elles n’aient
pas été modifiées, ce sont ces règles qui doivent être mises en œuvre.
Au Brésil, le principe de mutabilité/adaptabilité est également lié à l’évolution de l'intérêt collectif dans le temps. Il implique l’absence d’obstacles juridiques aux
transformations devant être réalisées par l'administration83.
Les nécessités peuvent changer en raison des circonstances sociales. Ces changements
peuvent conduire à la création ou à la suppression d’une prestation publique, ou au
changement de régime juridique, lorsque, par exemple, un service public administratif est requalifié de service public à caractère industriel ou commercial.
L'administration doit prendre en compte les changements et les transformations juridiques, économiques ou techniques et entreprendre les modifications nécessaires. Comme en France, les usagers et les agents ne peuvent pas s'opposer à ces modifications puisque le droit acquis aux dispositions juridiques au moment de la fourniture de service public n'existe pas en leur faveur. Le statut de l’agent public peut
donc être changé et le tarif supporté par l'usager peut être majoré84 puisque le contrat
peut être modifié par voie unilatérale par l’administration85.
En effet, conformément à la rédaction de l'art. 6º, § 2, de la Loi générale des concessions et permissions86, il est nécessaire de mettre à jour la prestation de services publics, afin de prévenir les dommages causés par le passage du temps, ce qui
« comprend la modernité des techniques, des équipements, des installations et de la conservation, ainsi que l'amélioration et l'expansion du service ».
83Ibidem.
84Il s’agit d’un autre type de délégation de service public du droit brésilien.
85 GASPARINI, Diógenes, Direito administrativo. 12a ed. São Paulo : Saraiva, 2007, 1030 p., sp. pp. 290-309.
86 Loi n° 8.987 du 13 fév. 1995 : « Art. 6º. Toute concession ou permission présuppose la prestation d’un
service adéquat pour satisfaire pleinement l'usager, comme le prévoit la présente loi, les normes pertinentes et dans le contrat. § 1º. Service adéquat est ce qui satisfait les conditions de régularité, la
continuité, l'efficacité, la sécurité, l’actualité, la généralité, la courtoisie de la prestation et la modicité
des tarifs. § 2º. L'actualité comprend les techniques modernes, les équipements, les installations et la conservation, ainsi que l'amélioration et l'expansion du service ».
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Pour les services confiés à des personnes privées, l’exigence doit sans aucun doute être
maintenue. Le fournisseur doit offrir aux utilisateurs un service moderne, pourvu de technologies de pointe afin de répondre aux besoins de la communauté87.
87 DAL POZZO, Augusto Neves, Aspectos fundamentais do serviço público no direito brasileiro. São Paulo : Malheiros, 2012, 144 p., sp. p. 106.
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