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TITRE I. LA PERFORMANCE COMME ELEMENT DE GESTION DE

Section 2. Le devoir de reddition des comptes et la Cour des comptes

« La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration »

Article 15 de la déclaration des droits de

l’homme et du citoyen, de 1789.

Les agents publics responsables dans le cadre du processus d’externalisation sont en

charge de la gestion des biens et des intérêts de l’administration publique. Pour cette raison, ils sont assujettis à la reddition de comptes liée à la manipulation d’argent public

et du patrimoine publique360.

En droit français cette obligation de compte-rendu a été imposée par voie législative et réglementaire au partenaire privé qui sans réserve de respecter le cadre réglementaire imposé, est libre de la forme donnée. En droit brésilien, en revanche, cette obligation constitue un principe constitutionnel, dans lequel les actes des agents publics en charge

de la gestion de biens et d’intérêts de l’administration publique sont assujettis. Comme l’explique Joaquim Barbosa :

« Le principe constitutionnel de reddition obligatoire des comptes pour tous ceux qui

sont responsables de l’utilisation de biens et deniers publics est une norme largement

enracinée dans notre ordre juridique. Le non-respect de ce principe dans le système constitutionnel entraîne des conséquences drastiques, tant sur le plan juridique de nos entités fédératives, que sur le plan des droits politiques des agents concernés. Les Etats fédérés et les communes peuvent même en subir une intervention. Pour leur part, les agents concernés peuvent voir leurs droits politiques suspendus. L’examen de tels faits

360« Les institutions supérieures de contrôle des finances publiques jouent un rôle important pour ce qui

est de rendre l’administration publique plus efficiente, plus respectueuse du principe de responsabilité, plus efficace et plus transparente ».ONU, Résolution 66/209 adoptée par l’Assemblée générale le 22 déc.

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incombe à une institution politico-administrative désormais traditionnelle chez nous, les

cours des comptes, qui ne sont rien d’autre qu’une création juridique typique de la

France napoléonienne »361.

Le contrôle des actes des agents publics constitue un élément essentiel dans le processus

d’externalisation, nécessaire à la fois à la passation et à l’exécution des contrats362. Il

constitue donc un élément d’équilibre permettant d’exprimer rapidement les éventuelles difficultés, d’éviter les éventuelles déviances durables, de favoriser le dialogue et aussi de renforcer la confiance entre les cocontractants.

La majorité des contrôles porte sur la régularité des actes. Toutefois, il existe des mécanismes permettant de mieux contrôler à la fois la passation et l’exécution des contrats de l’administration363. Ces contrôles s’appliquent également sur les nouvelles technologies d’achat, comme le précise Gérard Marcou :

« Les nouvelles technologies d’achat permettant de mieux répondre aux besoins de

l’administration et à meilleur coût, telles que les accords-cadres (task ordres contracting aux Etats-Unis), le dialogue compétitif, le système d’acquisition dynamique

ne sont pas sans risque et appellent aussi des contrôles appropriés de la part des

361 BARBOSA, Joaquim, L’intérêt du droit français pour le juge brésilien, in « Droit français et droit brésilien, perspectives nationales et comparées ». Sous la direction de Michel FROMONT. Bruxelles : Bruylant, 2012, 1107 p., sp. p. 61.

362 Gérard Marcou précise que : « […] le contrôle des marchés publics est inhérent à leur notion même,

qu’il s’agisse de leur passation ou de leur exécution ». (MARCOU, Gérard, Le contrôle des marchés publics, ses buts et ses moyens, in « Le contrôle des marchés publics », sous la dir. de G. MARCOU. Paris : IRJS, 2009, 28 p., sp. p. 2.

363 Gérard Marcou explique que : « La première fonction du contrôle des marchés publics a été de

protéger l’administration et les deniers publics contre le risque de collusion, entre les soumissionnaires ou entre certains d’entre eux et des fonctionnaires. Cela explique la préférence dont a longtemps bénéficié l’adjudication en France, car elle permettait la participation de tous les professionnels

intéressés par l’appel d’offres et donnait un caractère automatique à la décision d’attribution du marché, sous réserve de l’approbation donnée par l’administration et exprimant son consentement. […] Avec le temps et le changement des conditions économiques, la rigueur du contrôle a cédé devant la recherche de

plus de flexibilité des techniques d’achat, dans un but d’efficacité, mais la préoccupation demeure: c‘est d’ailleurs le même avantage que l’on attend aujourd’hui des enchères électroniques ». (MARCOU, Gérard, Le contrôle des marchés publics, ses buts et ses moyens, in « Le contrôle des marchés publics », sous la dir. de G. MARCOU. Paris : IRJS, 2009, 28 p., sp. p. 8).

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autorités administratives et des techniques de contrôle adéquates de la part des juges

pour que ce soit leurs avantages qui l’emportent »364.

Le droit français des marchés publics connait des contrôles purement administratifs365 qui incombent à des autorités publiques non juridictionnelles comme les Chambre

régionales de comptes. Ils s’appliquent par la nécessité d’assurer la satisfaction d’un intérêt général dépassant celui poursuivi par le contrat, et ce pour l’essentiel de la bonne

utilisation des deniers publics366.

Le contrôle peut être effectué par l’administration ou par tout organisme extérieur à l’administration dûment mandaté par elle. Il concerne tous les éléments qui contribuent au service externalisé. Il peut s’exercer indépendamment sur des rapports annuels fournis par le partenaire, ou complémentaires de ces derniers.

Pour permettre à l’administration d’assurer le contrôle dans des conditions optimales,

certains partenaires privés font établir par des professions réglementées un contrôle global de leurs moyens mutualisés, dont ils peuvent fournir conclusions et attestations à toutes les administrations concernées. Les administrations qui le souhaitent peuvent

s’épargner de mettre en place des contrôles redondants.

Le contrôle doit être essentiellement axé sur les performances du service externalisé, en termes de qualité et de satisfaction des usagers comme en termes de respect des stipulations du contrat367.

Selon Roland Vandermeeren :

364 MARCOU, Gérard, Le contrôle des marchés publics, ses buts et ses moyens, op.cit., sp. p. 8.

365 Exemples : Le contrôle « a priori » exercé sur les dépenses engagées des administrations par un « contrôleur financier » et le contrôle exercé sur les dépenses impliquant la passation d’un marché ; le contrôle du comptable public, chargé de vérifier la régularité de la dépense qui va résulter de

l’engagement contractuel de l’Etat.

366 DREYFUS, J.-D., L’exécution des contrats «Les pouvoirs de contrôle de l’administration en France », in « Le contrôle des marchés publics », G. MARCOU (dir.). Paris : IRJS, 2009, 8 p, sp. p. 243.

367Cette prérogative à l’égard de son partenaire privé est aussi un devoir vis-à-vis des usagers du service

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« En France le modèle de contrôle sur les acheteurs publics a connu au cours de la période récente – et connaît toujours actuellement – des substantielles transformations,

mais qui ne bouleversent cependant pas tous les fondements du schéma d’origine. Les

traditions juridiques nationales sont fortes et seuls les impératifs du droit

communautaire (en vigueur ou en devenir) seront parvenus à “affiner” les instruments

dont dispose le juge administratif. Il restera à rechercher le meilleur équilibre possible

entre les deux exigences qui s’affrontent en la matière : la nécessité de protéger les

intérêts légitimes des candidats à l’attribution d’un marché et celle de préserver la

sécurité juridique des opérateurs économiques »368.

En France et au Brésil, ces Cours des comptes respectives sont des organes chargés de contrôler la régularité des comptes publics et de vérifier le bon emploi des fonds publics.

En droit français, la Constitution garantit l’indépendance de la Cour des comptes par

rapport au pouvoir législatif et au pouvoir exécutif369 car elle ne juge pas les ordonnateurs de dépenses, mais vérifie le bon emploi des fonds publics soit à l’occasion du jugement des comptes des comptables de l’Etat et des établissements publics, soit

directement en examinant la gestion des ordonnateurs.

En droit brésilien, la Cour des comptes selon le courant majoritaire de la doctrine est un

organe doté d’indépendance et d’autonomie: La Cour des comptes de l’Union

(fédérale) est un organe auxiliaire du Congrès National, les Cours des comptes des Etats fédérés sont des organes auxiliaires des Assemblées Législatives, la Cour des comptes du District Fédéral est un organe auxiliaire de la Chambre législative du District Fédéral

368 VANDERMEEREN, Roland, Les recours ouverts aux entreprises : les contrôles de l’administration acheteuse. L’évolution du modèle français, in « Le contrôle des marchés publics », G. MARCOU (dir.). Paris : IRJS, 2009, 13 p, sp. p. 59.

369 Cons. Const., 25 juill. 2001, n° 2001-448 DC ; Loi organique relative aux lois de finances, JO 2 août 2001, p. 12490, § 106 ; AJDA 2002, 59, note P. Jan. (RFDA, 31e année – bimestrielle, n° 4 juill.-août 2015).

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et les Cours des comptes des communes sont des organes auxiliaires des Chambres municipales. Elles sont responsables du contrôle externe des comptes publics370.

L’administration publique brésilienne est assujettie à trois types de contrôle : Le contrôle législatif, le contrôle judiciaire et le contrôle administratif.

Le contrôle législatif est réalisé par le parlement avec l’aide des Cours des comptes371. Le contrôle judiciaire quant à lui est réalisé à travers des actions constitutionnelles devant le Pouvoir judiciaire, pouvant être exercé a priori ou a posteriori. Il s’agit d’un

contrôle provoqué par la partie intéressée à travers un mandado de segurança372 ou une action civile publique.

Le contrôle administratif, enfin, est celui effectué à l’intérieur de l’administration

publique. Il permet à celle-ci de confirmer, corriger ou altérer le comportement de ses agents publics. Le modèle brésilien de contrôle permet que les décisions qui émanent de

ces Cours des comptes soient assujetties à la révision judiciaire à l’inverse d’autres

modèles où les Cours des comptes exercent une fonction typiquement juridictionnelle. Ainsi, les décisions des Cours des comptes brésiliennes sont susceptibles d’être modifiées par d’autres instances judiciaires ordinaires373.

370D’après Odete Medauar, les Cour des comptes ont été créées par Ruy Barbosa en 1890. Il s’agit d’une

institution étatique indépendante puisque ses intégrants possèdent les mêmes garanties attribuées au

pouvoir judiciaire selon l’art. 73, § 3º, de la Constitution fédérale brésilienne. Elle ajoute qu’il est impossible de le placer ou l’insérer dans la structure du pouvoir législatif. (MEDAUAR, Odete, Direito administrativo moderno. 17ª ed. rev. e atual. São Paulo : RT, 2013, 489 p., sp. p. 421).

371Selon l’art. 71 de la Constitution fédérale brésilienne, le contrôle externe est exercé par le Congrès

national avec l’aide de la Cour des comptes.

372 « Ordonnance de sûreté » : Il s’agit d’un ordre de sécurité en Droit Français.

373Eduardo Lobo Botelho Gualazzi mentionne l’existence de cinq différents modèles de contrôle externe :

L’anglo-saxon, le latin, le germanique, le scandinave et le latino-américain. Selon lui, le modèle anglo-saxon est utilisé par la Grand Bretagne, les Etats-Unis, l’Irlande, Israël et par d’autres Etats anglophones

de l’Afrique et de l’Asie. Il est composé par un seul magistrat (contrôleur général), aidé par une chambre

révisionnelle, auquel il est hiérarchiquement subordonné. Ce magistrat est choisi par le Parlement, auquel il doit reporter ses résultats. Le modèle latin est composé par un ensemble de magistrats chargés du

contrôle et des fonctions juridictionnelles. Il s’agit du modèle adopté par l’Italie, la France, la Belgique, la Roumanie et par plusieurs pays francophones en Afrique. L’Allemagne et l’Autriche utilisent le modèle germanique dont l’organe de contrôle est composé d’un seul magistrat possédant les garanties d’indépendance judiciaire. Dans le modèle scandinave, le contrôle est exercé par des organes appelés

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Le modèle de contrôle brésilien est singulier : La Cour des comptes a le pouvoir de contrôler et de produire des rapports destinés au Ministère Public, au Pouvoir exécutif et

au Pouvoir législatif, le pouvoir d’ordonner la révision ou suspendre des actes ou des

contrats et de sanctionner des gestionnaires publics et privés. Malgré la compétence constitutionnelle pour juger des comptes publics, ses décisions ne sont pas revêtues de

l’autorité de chose jugée. Elles peuvent être mises en cause par le Pouvoir judiciaire.

Il existe des systèmes dans lesquels les organes responsables du contrôle se limitent au contrôle des activités administratives, en ayant comme principale fonction l’élaboration d’informations destinées à d’autres organes administratifs en vue de l’adoption de mesures subséquentes telles que la suspension de l’affectation de ressources, l’engagement de poursuites criminelles ou encore l’instauration de procédures

disciplinaires.

Dans d’autres modèles, les organes responsables du contrôle externe possèdent une fonction de révision des décisions prises par l’administration. Tous les modèles

possèdent un point commun qui tient à l’existence d’un organe technique attaché au

Parlement374.

Controladorias Gerais ou Cour des comptes : Différemment du modèle latin, dans lequel le contentieux est exercé par des magistrats non intégrants du Pouvoir judiciaire, les Cours des comptes et les Controladoriasne possèdent pas de compétences juridictionnelles et sont situés dans l’orbite du Pouvoir

législatif. (GUALAZZI, Eduardo Lobo Botelho, Regime Jurídico dos Tribunais de Contas. 1a ed., São Paulo : Revista dos Tribunais, 1992, 230 p., sp. pp. 28/29).

374 ROCHA FURTADO, Lucas, As raízes da corrupção : estudo de casos e lições para o futuro. Thèse de doctorat. Salamanca : Universidad de Salamanca, 2012, 499 p., sp. pp. 66-90.

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