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CHAPITRE III : PRESENTATION HISTORIQUE DES SITES ATELIERS

III. 1. 1 Principe et objectif de l’historique

Dans ce chapitre consacré à la description de le morphogenèse de nos sites ateliers, notre objectif est d’extraire les points communs et les spécificités locales de ces trois secteurs expérimentaux afin de mieux cerner les enjeux qui en font actuellement des espaces particulièrement vulnérables à l’érosion, en tout cas perçus et vécus comme tels par les populations riveraines. Nous partons d’une hypothèse relativement simple, somme toute pragmatique et non nouvelle puisqu’elle a déjà été posée en ces termes par R. Neboit en 1983 (la citation suivante provenant de la réédition de 1991, p. 195) :

« L’Homme détient le pouvoir d’infléchir, dans certaines limites, le cours de la

morphogenèse. Il a ainsi imprimé sa marque au sol (…) Il est donc permis d’envisager que soit apparu, avec le temps, des types sui generis de modelés. »

4 Il peut parfois arriver (notamment dans l’exploration de la littérature grise) de rencontrer des textes dont l’argumentaire présente une nature partisane vis-à-vis de questions aussi sensibles que l’érosion ou l’urbanisation du littoral. Nous avons préféré faire abstraction de ce type de document.

Ce point de vue peut paraître évident pour un géographe, en particulier ceux dont les recherches portent sur l’analyse des contraintes socio-spatiales. Sous réserve d’employer un vocabulaire partagé, il en serait certainement tout autant pour un spécialiste des gestions territoriales. Cette axiomatique ne constitue pas en revanche un préalable chez les spécialistes de la nature. Or, l’étude de la morphodynamique côtière a longtemps été et reste en grande majorité du ressort des géophysiciens (géomorphologues, sédimentologues, géologues…), notamment parce que leur qualité d’expertise est plus légitime que celle des « non spécialistes » qui s’adonnent à l’exercice.

Afin d’illustrer le poids de cette influence dogmatique, nous nous permettons de citer quelques passages de la thèse de Géologie Marine soutenue récemment par X. Bertin (2008). L’auteur, pour lequel la côte sud-ouest d’Oléron (la dune de Saint-Trojan) n’est qu’une partie adjacente de sa principale zone d’étude (Pertuis de Maumusson et baie de Marennes-Oléron), a proposé un modèle conceptuel visant à synthétiser les dynamiques et processus à l’origine

de la rapide progradation de la Pointe de Gatseau observée durant les 19ème et 20ème siècles,

puis son érosion récente (cf. figure de synthèse de X. Bertin en Annexe 12) :

« De 1824 à 1882, la pointe de Gatseau effectue une progradation spectaculaire vers

le SW, qui atteint localement 1300 m en 28 ans, soit un taux moyen de plus de 20 m/an (…) De 1946 à 1997, l’évolution s’inverse (…) celle-ci devient une côte en érosion à partir de 1960 (…) De 1997 à 2005, l’érosion s’intensifie sur le littoral Sud de l’île d’Oléron » (…) De 1864 à 1946, la forte progradation du SW de l’île d’Oléron réduit pratiquement de moitié la largeur de l’embouchure de Maumusson (…) Dans cette configuration bathymétrique, le chenal de marée de Maumusson devait être localement emboîté dans l’incision du substratum qui lui imposait alors son orientation. Ce contrôle de la topographie du substratum rocheux sur le chenal de Maumusson permettrait d’expliquer sa réorientation dans une direction WNW, parallèlement à l’incision. Ceci permettrait également d’expliquer la stabilité remarquable dont fait preuve le chenal de Maumusson de 1864 à 1946, face à une dérive littorale qui devait être colossale si on considère la progradation kilométrique de la pointe de Gatseau pendant cette période (…) le chenal de marée devait localement reposer sur le socle mésozoïque incisé, qui lui imposait alors une orientation WNW (N 280°). De part cette orientation, le chenal de marée constituait un obstacle hydraulique face à la dérive littorale et permettait l’accumulation du sédiment sur la côte amont et sa progradation de plus d’un km vers le SW »

Notre objectif n’est pas de remettre en cause la qualité de ce modèle d’évolution mais d’y apporter quelques compléments. Nous notons simplement que dans ce remarquable travail de reconstitution des différents états du milieu à la fois terrestre et sous-marin, à aucun moment, l’auteur ne cite les aménagements que les Oléronnais ont réalisés durant l’ensemble de la période associée à la dynamique d’avancée du rivage, ni la concordance chronologique entre l’arrêt brutal de ses pratiques et l’initiation de la dynamique de recul de la dune littorale (qui selon les indicateurs socio-historiques en notre possession aurait d’ailleurs été plus tardive). A notre connaissance, il s’agit pourtant d’un effort de phytostabilisation qui n’a pas d’équivalent en terme de technicité et de témérité sur le littoral français. Les processus naturels décrits par X. Bertin sont-ils les seuls facteurs explicatifs de cette évolution ? L’intervention que nous venons de décrire très succinctement contribue-t-elle à expliquer, au moins pour partie, l’ampleur de cette progradation ? Et, finalement, de quelle manière ? Selon nous ces questionnements sont cruciaux pour qui voudrait reconstituer l’évolution historique de littoraux tels que ceux présentés dans ce travail de recherche. Plus globalement, l’état de l’art qui s’imposait comme préalable à l’élaboration de cet historique montre que les morphogenèses qu’il vise à décrire sont relativement peu documentées (Tableau 5) ; le cas de Marennes-Plage étant sans doute l’exemple le plus représentatif, notamment parce qu’il s’agit d’un site récent (1997) et de petite taille (environ 1,2 Ha).

Cartes topographiques Monographie Revues scientifiques Littérature grise

Lagune de

Belle-Henriette Dune de Saint-Trojan Marennes-Plage

Cartes anciennes (IGN)* Cartes anciennes (IGN)* P. Galichon (1984)** E. Deat (1995)** L. Godet (2003)** F. Verger (2005) X. Bertin (2008)** S. Grivel (2000)** J. Musereau (en 2003)** Pupier-Dauchez (2002)** A. Bouhier (1957) J. Welsch (1919) Salomon (1996) Prat et Salomon (1997) Prat (2001) Brulay et Dauchez (2006) Données historiques

Bocquier (1907) Y. Bertali et al. (2002)**

IGN (2000) IGN (2007) IGN (2007)

L. Godet (en 2003) E. Deat (1995)

J. Musereau (en 2003) Pupier-Dauchez (2002)

LGPA (1996 à 2000) 1 LIENs (1999 à 2007) 2 Brulay et Dauchez (2006) Suivis topographiques récents

DDE 85 (1981 à 1998) DDE 17 (en 2002)

ONF (ponctuellement) * Voir l’exemple des productions à l’échelle 1/25000 en Annexe 13

** Comprend des citations d’ouvrages antérieurs non mentionnés dans ce tableau

1 Laboratoire de Géographie Physique Appliquée (Université de Bordeaux 3)

2 Littoral Environnement et Sociétés - UMR 6250 (Université de La Rochelle)

Concernant la morphogenèse de ces sites, les ouvrages scientifiques traitant plus spécialement de la dynamique côtière n’ont donc pas toujours eu le souci d’insister sur l’influence du facteur anthropique. Notre postulat est au contraire de considérer que ce facteur est essentiel et qu’il constitue un précieux complément d’information. En comblant certains vides, nous visons donc à en proposer une interprétation plus nuancée et, en quelque sorte, moins déterministe. Notre approche se veut globale et synthétique. Même si dans cet exercice de nombreuses techniques ont déjà été mises au point pour résoudre les problèmes liés au référencement vertical des sources anciennes (S. P. Leatherman, 1983 ; M. Crowell et al., 1991 ; R. Dolan et al., 1991 ; R. Dolan et al., 1992 ; E. R. Thieler et W. W. Danforth, 1994 ; B. B. Parker, 2002…), notre but n’est pas de décrire leur évolution avec une précision absolue (trait de côte, morphologie, occupation du sol…). Ce travail demande cependant à ce que les éléments du système territorial en question soient identifiés et décrits sans ambiguïté, à la fois dans le temps et dans l’espace. Dans cette optique, nous avons construit un chorème permettant de mettre en exergue le type d’interactions que nous cherchons à déceler (Figure 34). Pour qu’il puisse être représenté en plan et faire l’objet d’illustrations de synthèse propres à chacun des sites ateliers, la représentation graphique qui en est proposée a volontairement été simplifiée. Elle se résume à la distinction de quatre étapes majeures. En théorie, elles peuvent être beaucoup plus nombreuses.