• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE IV : MISE AU POINT ET APPLICATION D’UN INDICE D’EROSION

IV 1. 5 Synthèse

VI. 2. 1 Phénomènes de « rupture » observés sur le terrain

Au début de l’année 2003, une campagne de mesures de haute résolution temporelle (relevés quotidiens pendant deux mois) a été menée pour évaluer la fonctionnalité du projet de fixation du trait de côte sur la plage de Vert-Bois (description en III. 2. 2) : le « Chantier-Pilote » mis en œuvre par la Direction Départementale de l’Equipement de Charente-Maritime (J. Musereau, 2003). Une portion d’environ 80 m de linéaire côtier a été mesurée quotidiennement pendant 45 jours, entre le 9 janvier et le 27 février 2003. Les relevés topographiques ont eu lieu après chaque marée haute diurne dans un espace compris entre les coordonnées 103 450 m et 103 530 m (Système NTF, projection Lambert II), le front de dune et la cote 0 m NGF (Figure 76 et Annexe 21). En utilisant les piquets de bois qui composaient l’ouvrage de la DDE comme points de repères fixes (donc avec une marge potentielle d’erreur), des variations quotidiennes de hauteurs de sable ont été calculées pour dégager une approximation du volume du stock sédimentaire présent dans cette portion du littoral. Parallèlement à ces relevés, des données concernant les principaux agents dynamiques ont fait l’objet d’une acquisition : la vitesse et la direction du vent moyen maximal (Météo-France), la hauteur des vagues au large (NOAA) et la hauteur d’eau théorique à marée haute (SHOM). Durant cette campagne de mesures, trois phases d’érosion ont pu être mesurées (Figure 77) :

du 17 au 23 janvier (1) ; du 1er au 5 février (2) ; les 18 et 19 février (3).

Plusieurs épisodes de vents forts ont été enregistrés dans le même temps, en particulier les 20, 30 janvier et 03 février. En ce qui concerne la hauteur des vagues, un pic de 6 m a été atteint le 20 janvier. Durant le reste de la campagne, elle a généralement varié qu’entre 1 et 4 m. Trois cycles de vives-eaux se sont succédés durant cette période. Les coefficients de marée atteints pendant ces vives-eaux sont respectivement de 93 (le 20 janvier), 95 (le 02 février) et 106 (le 19 février).

La dépression responsable du coup de vent du 20 janvier 2003, en circulant très près des côtes atlantiques françaises (Annexe 26), a pu générer une houle qui n’a pas eu le temps de s’amortir dans le Golfe de Gascogne avant d’atteindre le rivage. Cette synoptique particulière contribue sans doute à expliquer pourquoi la bouée n° 62001 a enregistré un pic de houle d’une telle ampleur. Au-delà de la réduction du volume de la plage, cette longue période d’agitation (4 à 5 jours de vent fort en réalité) a également engendré un recul du front de dune, taillé une falaise dunaire et détruit certains éléments de défense mis en place au pied de la dune par la DDE (Figure 78). Les levés topographiques ont montré à l’inverse que la tempête du 30 janvier 2003 n’a engendré aucun phénomène majeur. Il s’agissait pourtant de

l’épisode venteux le plus intense du suivi, avec un à 22 m.s-1. Comme l’illustre la situation

synoptique du 30 janvier, le système dépressionnaire à l’origine de la tempête a généré un fort flux de Nord (Annexe 26). La plage de Vert-Bois est située au fond d’une baie ouverte vers le sud-ouest. Cette situation d’abri vis-à-vis des vents de Nord contribue sans doute à expliquer pourquoi, en dépit d’une intensité absolue plus importante qu’au mois de janvier, cette seconde période agitée n’a eu pratiquement aucun impact sur la plage de Vert-Bois.

Au mois de février, deux phases d’érosion ont été relevées. Celle du début du mois correspond à une situation proche de celle observée au cours du mois de janvier. Un violent vent d’Ouest a balayé le Golfe de Gascogne en raison du passage d’un minimum dépressionnaire sur les Iles Britanniques (Annexe 27). La mer était forte, avec des creux de 3 à 4 m. Cette troisième période d’agitation est à nouveau intervenue pendant un cycle de vive-eau. Le front de dune a une nouvelle fois été attaqué et taillé en falaise (Figure 79). La phase d’érosion mesurée sur le terrain entre les 18 et 19 février n’était elle pas liée à un épisode de vent fort (Figure 77), comme ce fut le cas au mois de janvier et au début du mois de février. La situation synoptique du 19 février montre un net ralentissement de la circulation d’Ouest et le développement d’une cellule de hautes pressions sur la Scandinavie (Annexe 27). Un vent d’afflux (Sud-Ouest) d’une vitesse modérée et une houle de l’ordre de 2 à 3 m ont tout de même été mesurés localement. Ces conditions d’agitation, d’un niveau relativement faible au regard des événements antérieurs, se sont par contre manifestées au sein d’un cycle de vive-eau particulièrement important (coefficients de marée supérieurs à 100, Figure 77).

Figure 79 : Les dégâts causés par le coup de vent du 02 février 2003 (Vert-Bois)

Plusieurs éléments peuvent être tirés de cette première campagne d’observations. Les phases d’érosion s’y sont manifestées de manière brutale (Figure 80). Alors que les conditions météo-marines et les configurations atmosphériques qui en sont à l’origine étaient très variées, il semble que le facteur marégraphique se soit avéré déterminant. Il est donc logique, à travers ces résultats, d’envisager que leurs effets combinés aient pu conduire à des situations propices à la manifestation de phénomènes de rupture. Dans cet exemple, le mot « rupture » ne correspond pas forcément à un changement catastrophique du fonctionnement du système, mais simplement à un enlèvement du matériel (falaise dunaire), à une diminution notable du volume de la plage. Ces phénomènes, classiquement décrit comme « seuils de

déclenchement des processus morphogéniques » par R. Neboit (1991, p. 230), ont déjà été utilisés pour classer des tempêtes en fonction de leur propension à éroder le littoral (exemple parmi d’autres J. C. Gibeaut et al., 2002).

Figure 80 : Phénomènes de « rupture » observés sur la plage de Vert-Bois

Un point doit cependant être précisé. Au moment des mesures, la plage de Vert-Bois était aménagée. Si les piquets de bois du Chantier-Pilote ont pu faciliter le repérage et les relevés, d’une certaine manière, ils ont aussi contribué à perturber la morphodynamique de la plage. Les variations de volumes mesurées au cours de cette campagne étaient donc influencées par l’ouvrage (accélération des processus d’aggradation), en plus d’être relativement peu précises au regard de ce que l’on peut obtenir à partir de levés DGPS. Mais ces éléments ne remettent pas fondamentalement en cause la chronologie des phases d’enlèvement du matériel qui ont été mesurées au cours du suivi. En périphérie du dispositif de protection, les mêmes phénomènes d’érosion ont été observés aux mêmes dates que celles évoquées plus haut en ce qui concerne l’espace aménagé (Figure 81).