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CHAPITRE III : PRESENTATION HISTORIQUE DES SITES ATELIERS

III. 3. 2 Il faut donner l'impression que la mer rentre dans la commune

« Marennes-Plage », un projet ambitieux…

En Charente-Maritime, les premiers rechargements de plage sont réalisés avec succès

à partir de 1990 sur la plage de Châtelaillon (300 000 m3 de sable), près de La Rochelle (S.

Pupier-Dauchez, 2002). La rive droite de l’estuaire de la Seudre présente de nombreux atouts pour la réussite d’une réalimentation artificielle. En outre, cette zone est bien protégée de

l’agitation océane, ce qui écarte d’autant plus le risque d’une dispersion trop rapide des apports sédimentaires. Ceux qui ont été effectués en 1993 sur la plage de Bourcefranc ont d’ailleurs rempli leur objectif. Les principales modifications induites par l’aménagement sont surtout d'ordre topographique. Elles ont uniquement affecté la frange sableuse du haut de l'estran. L'exhaussement du haut de plage a ainsi permis d’augmenter les capacités d’accueil, avec une occupation de plus longue durée à l'approche de la pleine mer. Cette opération

correspond à un volume de 117 000 m3 de sédiment. Avant d’être dispersé sur un linéaire de

plage de 1250 m, le sable a été extrait sur le banc de Barat (Figure 54), par l’intermédiaire d’une canalisation sous-marine. Le matériel transféré de cette manière est composé de sables fins (de 68 à 96 %), bien ou très bien classés (indice de tri faible (So) inférieur à 1.4) et dont

le grain moyen est compris entre 260 et 360 µm (J. M. Sornin et J. Fazilleau, 1994).

Le projet de la commune de Marennes, associant la commune de Marennes et la Direction Départementale de l’Equipement de Charente-Maritime, a été mis en œuvre peu après (1996). L’idée de créer Marennes-Plage repose en premier lieu sur la volonté de conforter l'identité balnéaire de la ville. Son but était de redynamiser le potentiel touristique de la plage et de son front de mer, mettre en valeur l'espace en préservant le caractère « naturel » des lieux et protéger la zone avec un ouvrage de défense côtière d’un nouveau type. La politique d’aménagement à l’origine de ce projet s’est appuyée sur une étude de la chambre de commerce réalisée auprès de ses habitants, qui se plaignaient de ne pas avoir de plage. La mairie a alors conçu la construction du bassin artificiel, « pour donner l'impression

que la mer rentre dans la commune » (expression employée par R. Hattabe, maire de

Marennes de 1977 à 2008). Comme nous l’avons décrit plus haut, avant que les travaux ne soient entrepris, le site présentait un front de mer disloqué, sans véritable zone de baignade puisque l'espace maritime était envasé et dépourvu de son sable originel.

Depuis l’échec de la défense frontale, s’agissant de rééquilibrer le budget sédimentaire et lutter plus efficacement contre l’érosion marine, le rechargement de plage s’est progressivement imposé comme une alternative crédible et justifiée. En ce sens, les dispositifs proposés à Marennes et à Bourcefranc marquent une évolution majeure au regard des pratiques et des politiques antérieures. Ces aménagements s’inscrivant résolument dans la recherche d’une solution « douce » au problème d’érosion. Mais cette évolution radicale des pratiques n’est pas forcément liée au fait que les questions environnementales soient devenues prioritaires. Si la défense de côte en est l’objectif affiché, c’est aussi parce qu’une bonne argumentation sur ce point permet aux municipalités de bénéficier systématiquement d'un

financement conjoint de l'Etat et de la Région, à hauteur de 65 % (S. Pupier-Dauchez, 2002). On comprend mieux, dès lors, que le thème de la protection du littoral n’est que très rarement dissocié de ce genre d’opérations, qu’il est ardemment mis en avant par les collectivités désireuses d’en faire usage et, dans les faits, susceptible d’être un peu galvaudé ou localement réinterprété. Certes, ces « facilités » financières ont eu, dans bien des cas, le mérite d’impulser des pratiques de gestion aux conséquences visiblement moins néfastes sur le plan environnemental. Mais contrairement aux enrochements, par définition, réalimenter artificiellement une plage demande à ce qu’un jour ou l’autre l’opération soit renouvelée. En l’occurence, la question du financement des nouveaux travaux va souvent s’imposer brutalement et peut rapidement devenir insoluble.

Les caractéristiques sédimentaires du matériel dragué au large de la plage de Marennes sont assez proches de celles des dépôts dont « l’ancienne plage » bénéficiait auparavant de manière naturelle. Trois zones d’extraction ont été définies : le banc de Barat, une nouvelle fois, mais aussi ceux de Trompe-Sot et de la Coursière des Lézards (Figure 54). La moyenne

granulométrique des sédiments extraits sur ces bancs est légèrement supérieure à 250 µm mais

la teneur en pélite peut y atteindre environ 30 %, en particulier en ce qui concerne les deux derniers sites (CREOCEAN, 1996). La construction du bassin a été effectuée en plusieurs étapes, que nous proposons de décrire rapidement. Auparavant, une première alimentation, de

dimension réduite, avait été testée en 1996. Cet apport, de 3600 m3 de sable, en provenance de

Boyardville (Oléron), avait été réalisé au début de l’année pour recouvrir définitivement l’enrochement. Il s’est avéré concluant, ce qui a permis d’asseoir une peu plus la légitimité du futur ouvrage. La construction du bassin ne débute réellement qu’à l’automne 1997. Celui-ci est implanté sur l’estran vaseux, en bordure d’une exploitation ostréicole et après avoir isolé la plage est marées. Le substratum retiré de l’estran durant cette étape sert à former le noyau compact du cordon prélittoral. Ce matériel est composé de sable très fin, plus ou moins argileux et coquillier. Au centre de l’édifice, une canalisation est installée pour permettre les futures vidanges du bassin lors des HMVE. Ce système de semi-ouverture a été préféré aux deux autres options possibles, garder le bassin définitivement fermé ou le laisser ouvert, afin de préserver durablement la stabilité de l’ouvrage tout en limitant le risque de pollution en

raison de la stagnation des eaux. 12 000 m3 supplémentaires sont ajoutés pour recouvrir le

haut de plage et 60 000 m3 sont nécessaires pour compléter la couverture sur le bas de plage,

Figure 54 : Lieux d’extraction sélectionnés pour réalimenter la plage de Marennes

… aux résultats surprenants

L’aménagement a considérablement changé la physionomie du littoral marennais (Figure 55). Sa présence implique un report du trait de côte vers le large sur près de 150 m. La plage possède désormais une largeur moyenne de 25 m en appui contre le mur de front de mer et recouvre totalement les enrochements. Le cordon artificiel culmine en moyenne à 3,4 m NGF et occupe un linéaire côtier de 650 m. Sa largeur varie au gré des marées d’une trentaine à une soixantaine de mètres.

Contre toute attente, la tempête du 27 décembre 1999 n’a causé que peu de dégâts, seulement quelques brèches minimes qu’un simple reprofilage permet de gommer et sans avoir à recourir à de nouveaux apports artificiels. Sa forme incurvée, son assise massive et la présence du bassin sur sa face interne sont autant d’éléments contribuant à sa bonne résistance aux conditions extrêmes qui ont accompagné l’ouragan (F. Brulay et S. Pupier-Dauchez, 2006). Le pari de l’attractivité a également été gagné, comme en témoigne la photo proposée par la municipalité sur son site Web pour présenter sa plage (Figure 55).

Avec le temps, le cordon littoral artificiel a toutefois eu tendance à se dégrader progressivement. Plusieurs reprofilages et transferts de sable ont été nécessaires pour préserver sa bonne tenue, avec une fréquence variable suivant les événements climatiques. Les premiers travaux de réfection du cordon dunaire avaient pour objet de remodeler son profil suite aux dégâts causés par la tempête de décembre 1999. Il fallait alors récupérer le sable déplacé par transfert éolien, depuis le fond du bassin vers le sommet du cordon. Les

travaux ont été menés au printemps 2000, pour un coût total proche de 20 000 €. L’année suivante, d’autres transferts du même type se sont avérés nécessaires. Ces effets indésirables, dont les processus ont été parfaitement décrits par M. A. Marquez et al. (2001) à travers le cas de Riells (Espagne), ont également été observés sur plusieurs plages charentaises ayant fait l’objet d’un rechargement. A Châtelaillon par exemple, l’emploi d’un grand nombre de ganivelles a permis de réduire efficacement les quantités de sable transportées vers l’espace urbain (S. Pupier-Dauchez, 2002). A cette occasion, un curage du chenal de vidange et un nivelage de la plage ont également été réalisés pour parfaire le remodelage du bassin. Cette nouvelle intervention a coûté 83 720 €. Les travaux de remise en état du site se sont poursuivis les années suivantes, sans qu’aucun apport extérieur d’envergure ne soit

nécessaire. Jusqu’à présent, le seul apport exogène a eu lieu en 2005. Il s’est limité à 3 000 m3

et répondait à un problème d’esthétisme (homogénéisation de la couverture sableuse).

III. 5 SYNTHESE