• Aucun résultat trouvé

libératoire à la disposition du débiteur

2. La preuve libératoire à la disposition du débiteur en matière de responsabilité pour des auxiliaires

2.1. La preuve libératoire en général

438. Avant tout, il est opportun d’identifier la preuve libératoire dont dis-pose le débiteur lorsque l’art. 101 al. 1 CO s’applique,en général.

439. En particulier, les développements qui suivent sont pertinents uni-quement siles parties au rapport d’obligation ne dérogent pas (par hypothèse, valablement623) au système légal en prévoyant un niveau de responsabilité en matière de responsabilité du débiteur pour ses auxiliaires qui soit autre (plus ou moins élevé) que celui qui vaut pour la responsabilité du débiteur pour son propre fait.

440. On notera qu’une telle convention contrevient au but de l’art. 101 al. 1 CO, qui est d’assimiler au régime de responsabilité applicable au fait personnel du débiteur les situations dans lesquelles ce dernier fait appel à un tiers pour exécuter son obligation624. Le système bipartite du droit interne suisse se fonde de la sorte sur un parallélisme existant entre la responsabilité du débiteur pour son propre fait et celle pour ses auxiliaires, dans le sens que l’étendue de la responsabilité est,mutatis mutandis,la même dans les deux hypothèses.Ce

622 Concernant la nature juridique de la preuve libératoire de l’art. 101 al. 1 CO, cf. le sous-chapitre II.2.3., p. 176, N 516 ss.

623 Pour une critique de lart. 101 al. 2 et 3 CO, cf. le paragraphe II.1.4.4., p. 137, N 407 ss.

624 Sur le but de l’art. 101 al. 1 CO, cf. le paragraphe II.1.4.1., notamment N 384.

parallélisme n’est, en principe, pas mis en question lorsque les parties au rapport d’obligation modifient, conventionnellement, la mesure de la res-ponsabilité.En effet, si par exemple elles conviennent d’une diligence spéciale adaptée à leur propre sens de l’équité, elles veulent que tant le débiteur que ses auxiliaires agissent avec la diligence promise, de sorte que le parallélisme lui-même n’est pas remis en discussion.

441. Toutefois, il est possiblequ’exceptionnellement les parties décident de deux niveaux de responsabilitédifférents, l’un pour la responsabilité du débiteur pour son fait personnel et l’autre concernant celle pour ses auxiliaires.

Etant donné qu’elles dérogent alors à l’un des fondements du système bipartite lui-même, l’on ne saurait admettre une volonté commune en ce sens que si celle-ci a été clairement manifestée625.

2.1.1. Le critère en général

442. L’analyse de la raison d’être de la responsabilité du débiteur pour des

tiers conduite dans le chapitre précédent (II.1., N 293 ss) a permis de mettre en évidence que le but de l’art. 101 al. 1 CO est celui de rendre le débiteur respon-sable comme il l’aurait été s’il n’avait pas confié l’exécution de son obligation à un tiers mais s’en était occupé personnellement : en matière de responsabilité du débiteur pour ses auxiliaires, on satisfait le sentiment de la justice si le sys-tème est tel que la situation juridique du débiteur qui se sert d’une tierce per-sonne pour accomplir la prestation due n’est ni pire ni meilleure que ce qu’elle serait si celui-là ne faisait pas intervenir le tiers dans le processus d’exécution mais s’exécutait personnellement626.

443. En conformité avec cette finalité, lorsque l’art. 101 al. 1 CO s’applique, c’est-à-dire lorsqu’un débiteur recourt à une tierce personne dans l’exécution de l’obligation qui le lie au créancier, ledébiteur ne peut pas se libérerde sa responsabilité pour ses auxiliaires à la suite de l’inexécution (au sens large) d’une obligationen prouvant qu’il n’a pas commis de faute627. En particulier, il doit répondre de l’activité de son auxiliaire alors même qu’il ne pouvait pré-voir que ce dernier lui causerait du tort et bien qu’aucun reproche ne puisse lui être fait de se l’être adjoint628.

625 Cf. lATF 124/1997 III 155, consid. 3c, p. 165, JdT 1999 I 125, 134 s. ; ainsi que le paragraphe II.1.4.4.

A., notamment N 414.

626 A propos du but de l’art. 101 al. 1 CO, cf. le paragraphe II.1.4.1., notamment N 384.

627 ATF 117/1991 II 65, consid. 2b, p. 67in fine; 90/1964 II 15, consid. 3d, p. 21, JdT 1964 I 554, 559 ; ainsi que WEBER2, N 6 et 136adart. 101 CO ; CR-THÉVENOZ, N 2 et 25adart. 101 CO avec réf. ; BaK-W IE-GAND, N 2 et 12adart. 101 CO avec réf.

628 ATF 82/1956 II 525, consid. 6, p. 534, JdT 1957 I 239, 246.

444. De même, ilne peut pas s’exonérerde cette responsabilitéde la même façon que l’employeurrecherché sur la base de l’art. 55 al. 1 CO629. Ainsi, il im-porte peu que le débiteur ait fait preuve de la diligence commandée par les cir-constances, notamment dans le choix de son auxiliaire, dans les instructions qu’il a données à ce dernier et dans la surveillance de celui-ci, ou que cette dili-gence n’eût pas empêché le dommage de se produire630.

445. Le débiteur ne peut pasnon plus s’exonérer en prouvant que l’ auxi-liaire a violé les instructionsqu’il lui avait données631.

446. En effet, si l’on admettait de telles preuves libératoires, tout débiteur serait mis en condition de diminuer les occasions d’engager sa responsabi-litéen recourant à un tiers pour exécuter son obligation632.

447. En réalité, pour s’exonérer de la responsabilité prévue par l’art. 101 al. 1 CO, le débiteur doit établir qu’il n’auraitpas été tenu pour responsable, s’il avait agi lui-même comme son auxiliaire l’a fait633. Le Tribunal fédéral ex-prime parfois cette idée, en disant que, lorsque l’art. 101 al. 1 CO s’applique, le débiteur répond du comportement de l’auxiliaire comme du sien propre634.

2.1.2. Une preuve libératoire à contenu matériel variable

448. Comme on l’a vu dans le paragraphe précédent (II.2.1.1., N 442 ss), pour se libérer de la responsabilité prévue par l’art. 101 al. 1 CO, le débiteur doit prouver qu’il n’aurait pas été tenu pour responsable, s’il avait agi lui-même comme son auxiliaire l’a fait.Cette formulation de la preuve libératoire est de nature fonctionnelle,dans le sens qu’elle tient, avant tout, compte de la fonction, du rôle, de l’art. 101 al. 1 CO dans le système bipartite de responsabi-lité du débiteur mis en place par le législateur suisse635.

629 ATF 53/1927 II 233, consid. 4, p. 243, JdT 1927 I 487, 495 ; 70/1944 II 215, consid. 4, p. 221, JdT 1945 I 41, 47 ; ainsi que BaK-WIEGAND, N 12adart. 101 CO ; CR-WERRO, N 35adart. 55 CO.

630 ATF 70/1944 II 215, consid. 4, p. 221, JdT 1945 I 41, 47 ; ainsi que, par exemple, WEBER2, N 136ad art. 101 CO, et CR-THÉVENOZ, N 25adart. 101 CO avec réf.

631 WEBER2, N 138adart. 101 CO avec réf. ;contraPICHONNAZ/KUONEN,intérêts,p. 17 avec réf.

632 Sur l’art. 101 al. 1 CO en tant que règle de droit permettant d’éviter que le débiteur diminue les occa-sions dengager sa responsabilité, cf. le paragraphe II.1.4.1., notamment N 383.

633 ATF 92/1966 II 15, consid. 3, p. 18, JdT 1966 I 526 (extr.), 527 ; ainsi que BECKER, N 14 s.adart. 101 CO ; KELLER/SCHÖBI, I, p. 239 ; OFTINGER/STARK, II, § 20 N 26. Cf. également CR-THÉVENOZ, N 27 ad art. 101 CO.

634 ATF 113/1987 II 424, consid. 1b, p. 426 ; 91/1965 II 291, consid. 2a, JdT 1966 I 180, 184 ; 90/1964 II 15, consid. 3d, p. 21, JdT 1964 I 554, 559 ; 82/1956 II 525, consid. 5, p. 533, JdT 1957 I 239, 245 ; ainsi que, par exemple, WEBER2, N 138adart. 101 CO, et ENGEL,Traité, p. 740.

635 A propos du système bipartite de responsabilité du débiteur du droit interne suisse, cf. l’Introduction, notamment N 7.

449. Formulée ainsi, la preuve libératoire ne posepas d’exigences matériel-les précises.

450. Cette caractéristique de la preuve libératoire à la disposition du débi-teur lorsque l’art. 101 al. 1 CO s’applique est due au fait que le rôle de cette dis-position n’est pas celui de prévoir un seuil de responsabilité en matière de res-ponsabilité pour des auxiliaires qui soit autre (le cas échéant, plus élevé) que le seuil qui vaut pour la responsabilité du débiteur pour son propre fait, mais plu-tôt celui d’étendre ce niveau de responsabilité aux situations dans lequelles le débiteur fait appel à un tiers pour exécuter son obligation636. En conformité avec cette finalité,le contenu matériel de la preuve libératoiredont dispose un débiteur en matière de responsabilité pour ses auxiliairesdépendde celui de la preuve libératoire à la disposition du même débiteur pour ses propres agissements.

451. Ainsi, lorsque le débiteur peut s’exonérer de la responsabilité pour son fait personnel en prouvant qu’il n’a pas commis de faute, il « peut se libérer, conformément à l’art. 101 al. 1 CO, en établissant que s’il avait agi lui-même comme son auxiliaire [...], on ne pourrait lui reprocher aucune faute »637. Comme la responsabilité du débiteur pour son propre fait présuppose, en prin-cipe, une faute du débiteur en conformité avec l’art. 97 al. 1 CO, cet extrait de jurisprudence énonce la preuve libératoire qui vaut de manière générale lors de l’application de l’art. 101 al. 1 CO. Il en sera question dans le prochain sous-chapitre (II.2.2., N 454 ss).

452. Toutefois, l’extrait de jurisprudence mentionné ci-dessus n’est pas per-tinent dans tous les cas de responsabilité du débiteur pour des auxiliaires. En effet, le débiteur répond parfois pour son fait personnel indépendamment d’une faute de sa part (art. 208 al. 2 deuxième phrase CO, art. 447 al. 1 et 448 al. 1 CO, art. 14 al. 1 et 15 al. 1 LVF, art. 487 al. 1 CO, art. 488 al. 3 CO, art. 490 al. 1 CO). Comme dans ces cas particuliers, il ne suffit pas que le débiteur prouve qu’il n’a pas commis de faute pour s’éxonérer de sa responsabilité pour son propre fait, il estégalement insuffisant, lorsque l’art. 101 al. 1 CO s’applique,que le débiteur établisse qu’on ne pourrait lui reprocher aucune faute s’il avait agi lui-même comme son auxiliare l’a fait.

Exemple 1 :En cas de résiliation d’une vente, le vendeur doit réparer le dom-mage direct subi par l’acheteur en vertu de l’art. 208 al. 2 deuxième phrase CO. Cette disposition instaure une responsabilité contractuelle causale, c’est-à-dire indépendente d’une faute contractuelle638. Ainsi, si la livraison défectueuse

636 Sur le but de l’art. 101 al. 1 CO, cf. le paragraphe II.1.4.1., notamment N 384.

637 ATF 119/1993 II 337, consid. 3c aain fine.

638 Cf., par exemple, CR-VENTURI, N 7adart. 208 CO, et ENGEL,Contrats,p. 43 ; ainsi que notamment l’ATF 133/2006 III 257, SJ 2007 I 461.

a été causée par les agissements du vendeur lui-même, ce dernier doit indem-niser l’acheteur du dommage qui en résulte directement sans égard à une faute de sa part et même en l’absence de celle-ci639. De manière similaire, si la livrai-son défectueuse est due au fait d’un auxiliare du vendeur, celui-ci doit réparer le dommage direct subi par l’acheteur même si on ne pourrait lui reprocher au-cune faute s’il avait agi comme son auxiliare l’a fait.

Exemple 2 :Lorsqu’un voiturier se charge d’effectuer le transport d’une chose moyennant salaire, sa responsabilité en cas de destruction (totale ou partielle), perte, avarie ou livraison tardive de la chose transportée est fondée sur les art. 447 ss CO. Ces dispositions instituent une responsabilité causale atté-nuée640, dans le sens que celle-ci est en principe engagée dès que survient l’un de ces cas d’inexécution au sens large dans le transport de la chose641, mais le voiturier recherché peut opposer des preuves libératoires642, notamment prou-ver que l’inexécution résulte, en réalité, « de circonstances que les précautions prises par un voiturier diligent n’auraient pas pu prévenir » (art. 447 al. 1 CO, applicable à tous les cas d’inexécution au sens large dans le transport de la chose par renvoi de l’art. 448 al. 1 CO643)644. Or, l’art. 449 CO réaffirme la règle de droit de l’art. 101 al. 1 CO en matière de contrat de transport645et indique que le voiturier répond du comportement de son sous-traitant comme s’il s’a-gissait du sien propre. Il s’inscrit dans la ligne des art. 447 s. CO et n’est pas en soi un chef de responsabilité dérogeant à ces dispositions646. En particulier, la responsabilité du voiturier au sens de l’art. 449 CO n’est pas de nature diffé-rente : elle est une responsabilité causale atténuée au sens de l’art. 447 al. 1 CO, et non une responsabilité pour faute comme pourrait le laisser penser le texte de l’art. 449 CO (« fautes commises pendant le transport »)647. Dès lors, si l’inexécution au sens large dans le transport de la chose résulte des agisse-ments d’un sous-traitant du voiturier, ce dernier ne peut pas s’exonérer de sa responsabilité en démontrant qu’on ne pourrait lui reprocher aucune faute (subjective648) s’il avait agi comme l’autre l’a fait. Il doit, au contraire, établir la réalisation d’une des preuves libératoires prévue par l’art. 447 al. 1 CO.

Exemple 3 :D’après l’art. 14 al. 1 LVF, l’organisateur d’un voyage ou le détail-lant partie à un contrat de voyage à forfait « est responsable envers le

consom-639 TERCIER/FAVRE, N 851.

640 TERCIER/FAVRE, N 6411 avec réf. ; ENGEL,Contrats,p. 593 avec réf. ; CR-MARCHAND, N 1adart. 447 CO.

641 CR-MARCHAND, N 34adart. 447 CO.

642 TERCIER/FAVRE, N 6420.

643 Cf., par exemple, CR-MARCHAND, N 1adart. 448 CO, et TERCIER/FAVRE, N 6420.

644 TERCIER/FAVRE, N 6422.

645 ATF 107/1981 II 238, consid. 5b, p. 245, JdT 1982 I 82, 89.

646 CR-MARCHAND, N 1adart. 449 CO.

647 CR-MARCHAND, N 1 et 18adart. 449 CO.

648 Sur la nature foncièrement subjective de la notion de faute, cf. le paragraphe II.2.2.2.A., notamment N 464.

mateur de la bonne exécution du contrat ». Cette disposition introduit un ré-gime de responsabilité contractuelle proche de celui qui vaut pour les contrats de transport (illustré dans l’exemple précédent)649. Ici également, il s’agit d’une responsabilité causale atténuée, dans le sens que l’organisateur, ou le détaillant, est tenu de réparer le dommage causé au consommateur par l’inexécution au sens large du contrat650, indépendamment de sa faute ou de celle de ses auxi-liaires, mais il dispose de preuves libératoires dans les trois hypothèses alterna-tives que le législateur a énumérées exhaustivement à l’art. 15 al. 1 LVF651. Il peut notamment établir que l’inexécution au sens large est « imputable à un cas de force majeure ou à un événement que l’organisateur, le détaillant ou le prestataire, malgré toute la diligence requise, ne pouvaient pas prévoir ou contre lequel ils ne pouvaient rien » (art. 15 al. 1 let. c LVF). Or, l’art. 14 al. 1in fineLVF (« indépendamment du fait que les prestations dues soient à fournir par [le débiteur] ou par d’autres prestataires de services ») reprend la règle de droit de l’art. 101 al. 1 CO en matière de contrat de voyage à forfait et montre que l’organisateur, ou le détaillant, est responsable du comportement de ses prestataires de services comme s’il s’agissait du sien propre652. Dès lors, si l’inexécution au sens large du contrat est due aux agissements d’un prestataire de service auquel a fait appel l’organisateur, ce dernier ne peut pas se libérer de sa responsabilité en prouvant qu’on ne pourrait lui reprocher aucune faute (subjective) s’il avait agi comme l’autre l’a fait. Il doit, au contraire, démontrer la réalisation d’une des preuves libératoires prévue par l’art. 15 al. 1 LVF.

453. Il existe, en outre, des cas de responsabilité du débiteur pour son fait personnel fondée sur la faute, mais qui présupposent uniquement une faute qualifiée du débiteur. Ainsi, la responsabilité de l’acheteur au sens de l’art. 193 al. 2 CO ou celle du donateur au sens de l’art. 248 al. 1 CO exigent un cas de dol ou de faute grave. De même, l’associé d’une société simple qui n’est pas rému-néré pour sa gestion n’est tenu qu’à une diligentia quam in suis en vertu de l’art. 538 al. 1 CO. Comme dans ces cas particuliers, il suffit que le débiteur prouve qu’il n’a pas commis cette faute qualifiée pour se libérer de sa responsa-bilité pour son propre fait, il estégalement suffisant, lorsque l’art. 101 al. 1 CO s’applique,que le débiteur établisse qu’on ne pourrait pas lui reprocher de faute qualifiée s’il avait agi lui-même comme son auxiliaire l’a fait653.

649 TERCIER/FAVRE, N 6556.

650 CR-STAUDER, N 1adIntroduction aux art. 14-16 LVF.

651 CR-STAUDER, N 5adart. 14 LVF et N 1adart. 15 LVF avec réf. ;contraBaK-ROBERTO, N 5adart. 14 et 15 LVF avec réf.

652 BaK-ROBERTO, N 7adart. 14 et 15 LVF avec réf.

653 Cf. WEBER2, N 138adart. 101 CO.

2.2. La preuve libératoire lorsque la responsabilité