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les contrats de vente internationale de marchandises *

2. Caractéristiques de la réglementation

2.1. Caractéristiques de la responsabilité du débiteur

238. Dans ce sous-chapitre,quatrecaractéristiques de la responsabilité du débiteurseront approfondies,en vue de l’analyse comparative avec le droit in-terne suisse.

239. En revanche,une autre caractéristique peut simplement être rappe-lée,sans qu’il soit nécessaire d’y revenir, étant donné qu’elle a déjà été relevée dans le chapitre précédent (I.1., N 63 ss), lorsque la réglementation de la Convention a été décrite. En effet, en particulier lors de l’analyse du champ d’application des art. 74 à 77 et de l’art. 79 CVIM354, on a vu que le régime qui réglemente la réparation du dommage résultant de l’inexécution au sens large d’une des obligations du débiteur est unique, dans le sens qu’un seul et même régime s’applique, indépendamment de la cause, la forme, la gravité de l’inexé-cution et quelle que soit l’obligation violée ou la prestation due355.

2.1.1. Une formulation détaillée

240. On mettra d’abord en évidence le contexte dans lequel la Convention opère, qui justifie que les règles de droit soient formulées de la manière la plus explicite possible (A.) ; ensuite, on précisera quelles sont les explicitations, cer-tes utiles mais non indispensables, contenues à l’art. 79 al. 1 et 2 CVIM (B.) ; en-fin, on proposera une relecture de l’art. 79 al. 1 CVIM qui tienne compte de ce qui aura précédé (C.).

A. L’utilité d’une formulation détaillée

241. L’art. 79 al. 1 CVIM énonce trois conditions dont l’exonération au sens de cette disposition présuppose la réalisation356. En particulier, il exige que la survenance de l’empêchement ne soit, objectivement et compte tenu des cir-constances, pas raisonnablement prévisible au moment de la conclusion du contrat pour le commerçant diligent357. Or, bien qu’il soit effectivement néces-saire que cette condition soit remplie pour que le débiteur ne réponde pas du dommage résultant de l’inexécution au sens large (à moins que les parties au contrat aient prévu autre chose), il ne s’agit pas d’une véritable exigence posée par l’art. 79 al. 1 CVIM, parce qu’elle résulte déjà du contrat conclu par les

354 Sur le champ dapplication des art. 74 à 77 CVIM, cf. lintroduction du sous-chapitre I.1.2., notamment N 100. S’agissant du champ d’application de l’art. 79 CVIM, cf. le paragraphe I.1.3.2., p. 51, N 146 ss.

355 Dans le même sens JANSER, p. 8 s.

356 Concernant les conditions de lexonération selon lart. 79 al. 1 CVIM, cf. le paragraphe I.1.3.3., p. 56, N 164 ss.

357 Sur l’appréciation du caractère imprévisible de l’empêchement, cf. le paragraphe I.1.3.3.B., notam-ment N 180.

parties interprété en conformité avec l’art. 8 al. 2 CVIM358. A première vue, il peut paraître étrange que les auteurs de la Convention aient repris à l’art. 79 al. 1 CVIM une exigence qui résulte déjà d’une autre disposition. En réalité, une telle répétition est compréhensible si on considèrele contexte dans lequel la Convention opère.

242. Le champ d’application géographique de la Convention comprend des Etats de tous les continents. En même temps, elle est interprétée et appliquée par les tribunaux sans que ces derniers soient soumis à une juridiction de contrôle supranationale. Le risque d’interprétations divergentes est donc im-portant359. Par ailleurs, les auteurs de la Convention ont voulu que la réglemen-tation soit la plus indépendante possible360. Dès lors, à côté des autres mesures adoptées pour atteindre cet objectif (notamment les règles autonomes de l’art. 7 CVIM pour interpréter la Convention et en combler les lacunes), il doit avoir paru (consciemment ou inconsciemment) prudent et utile deformuler les rè-gles de droit de la manière la plus explicite possible.Cette attitude a parfois conduit à ce qu’un texte rappelle, explicite ou confirme des normes prévues ail-leurs dans la Convention à l’endroit où une certaine question est expressément traitée, en raison de la pertinence de celles-là pour résoudre celle-ci.

Exemple:Art. 79 CVIM mis à part, d’autres dispositions témoignent de l’inten-tion de formuler le contenu de la Convenl’inten-tion de la manière la plus explicite possible. Dans cette étude, on a vu que les art. 75 et 76 CVIM ne font que compléter l’art. 74 CVIM et en concrétiser la règle pour des situations particu-lières361.

B. Le cas particulier de l’art. 79 al. 1 et 2 CVIM

243. L’intention d’énoncer le contenu matériel de la Convention de la

ma-nière la plus explicite possible estparticulièrement perceptible à l’art. 79 al. 1 CVIM.

Exemple 1 :L’art. 79 al. 1 CVIM précise qu’il faut que, objectivement et compte tenu des circonstances, on ne puisse raisonnablement attendre de la part du dé-biteur que, en tant que commerçant diligent, il prévienne l’empêchement ou, au moins, les conséquences de celui-ci. Or, tout obstacle à une bonne exécution hors de la sphère d’influence du débiteur a, par définition, cette qualité362. Dès

358 A propos du rapport entre le caractère imprévisible de lempêchement au moment de la conclusion du contrat et l’art. 8 al. 2 CVIM, cf. le paragraphe I.1.3.3.B., notamment N 178 s.

359 TERCIER,contrats spéciaux,N 1377.

360 Sur le caractère autonome de la Convention, cf. lintroduction de la première partie, notamment N 60.

361 A propos du rapport entre les art. 75 et 74 CVIM, cf. le paragraphe I.1.2.2.B., notamment N 117 ; à pro-pos de celui entre les art. 76 et 74 CVIM, cf. le paragraphe I.1.2.2.C., notamment N 121.

362 Sur le rapport entre linévitabilité dun empêchement (et des conséquences de celui-ci) et le caractère

« hors de la sphère d’influence du débiteur » du même empêchement, cf. le paragraphe I.1.3.3.C., no-tamment N 183.

lors, l’exigence mentionnée n’est pas vraiment une condition supplémentaire de l’exonération : il s’agit plutôt d’un élément qui contribue à déterminer si l’empêchement est effectivement hors de la sphère d’influence du débiteur.

Exemple 2 :De même, l’art. 79 al. 1 CVIM exige que, objectivement et compte tenu des circonstances, on ne puisse raisonnablement attendre de la part du débiteur que, en tant que commerçant diligent, il surmonte l’empêchement ou, au moins, les conséquences de celui-ci. Ici également, il ne s’agit pas d’une véritable condition supplémentaire de l’exonération, mais plutôt d’une préci-sion quant au lien de causalité qui doit exister entre l’obstacle à une bonne exé-cution et l’inexéexé-cution au sens large : seul un empêchement qui soit raison-nablement insurmontable, et dont les conséquences sont raisonraison-nablement insurmontables, peut être une cause pertinente de l’inexécution, susceptible d’exonérer le débiteur de sa responsabilité363.

244. L’art. 79 al. 2 CVIM également ne fait qu’expliciterla règle de l’art. 79 al. 1 CVIM pour une situation particulière, soit celle dans laquelle le débiteur charge une tierce personne (dépendante ou indépendante) d’exécuter l’une de ses obligations et que le créancier n’obtient pas de bonne exécution de la pres-tation due364.

245. On peut avancerau moins deux raisons spécifiques,pour expliquer toutes ces précisions et la formulation particulièrement étendue de l’art. 79 al. 1 et 2 CVIM.

246. Premièrement, une partie du Groupe de travail chargé par la Commis-sion des Nations Unies pour le droit commercial international de préparer le projet de convention étaittrès critique envers l’art. 74 LUVI(soit la disposition de la Convention de La Haye sur la vente internationale des objets mobiliers corporels de 1964 qui traite de la même problématique et qui servit de base à l’élaboration de l’art. 79 CVIM) : elle estimait que l’art. 74 LUVI n’est pas suffi-samment sévère envers le débiteur365.

247. En plus, indépendamment de ce premier aspect, dans le Groupe de tra-vailles conceptions étaient discordantesquant au contenu de la dispositionin fieri.On procéda alors en essayant de prendre en compte tous les avis, de sorte que l’art. 79 CVIM est plutôt le résultat d’une série de juxtapositions que le fruit

363 A propos du rapport entre l’insurmontabilité d’un empêchement (et des conséquences de celui-ci) et le lien de causalité entre ce même empêchement et linexécution au sens large, cf. le paragraphe I.1.3.3.

C., notamment N 187.

364 Sagissant du rapport entre lart. 79 al. 1 et lart. 79 al. 2 CVIM, cf. le paragraphe I.1.3.4.A., p. 66, N 190 ss.

365 Cf., par exemple, SCHLECHTRIEM-STOLL, N 1adart. 79 CVIM, et PICHONNAZ,Impossibilité,N 1684 avec réf.

En particulier, l’art. 74 al. 1 LUVI prévoit ce qui suit : « Lorsqu’une partie n’a pas exécuté une de ses obligations, elle n’est pas responsable de cette inexécution si elle prouve que celle-ci est due à des circonstances que, daprès les intentions des parties lors de la conclusion du contrat, elle nétait tenue ni de prendre en considération, ni déviter ou de surmonter ; à défaut dintention des parties, il faut rechercher les intentions qu’ont normalement des personnes raisonnables de même qualité placées dans une situation identique. »

d’une approche univoque et structurée (parfois même, pendant la Conférence diplomatique de Vienne – où la Convention fut adoptée – les discussions concernant l’art. 79 CVIM furent confuses et perturbées par des malenten-dus)366.

248. On a ainsi voulu, parune formulation particulièrement développée, s’assurer que le régime de responsabilité soit plus sévère envers le débiteur que celui de la Convention de La Haye et, en même temps, offrir une réglemen-tation qui soit ample et acceptable par tous les participants à la Conférence diplomatique.

C. Une relecture de l’art. 79 al. 1 CVIM distinguant le contenu original des simples explicitations

249. Le souci d’exhaustivitédes auteurs de la Convention, qui a parfois im-pliqué que, en explicitant, concrétisant ou précisant, on adoptât des normes qui sous certains aspects ne font que répéter le contenu d’autres règles de droit de la Convention,facilite l’application de la réglementation.

250. Mais il faut savoir reconnaître ces répétitionspour ne pas leur donner une portée qui dépasse leur raison d’être (et qui, par conséquent, pourrait nuire à l’unité globale de la Convention elle-même).

251. A la lumière des paragraphes précédents (I.2.1.1.A., N 241 s., et I.2.1.1.

B., N 243 ss), l’art. 79 al. 1 CVIM peut être paraphrasé de la manière sui-vante367:

– Le débiteur ne répond pas du dommage résultant de l’inexécution au sens large de l’une quelconque de ses obligations s’il prouve que, objectivement et compte tenu des circonstances, cette inexécution est due à un empêchement hors de sa sphère d’influence, en tant que commerçant diligent ;

– En particulier, un empêchement ne peut être hors de la sphère d’influence du dé-biteur–et susceptible d’exonérer ce dernier de sa responsabilité–que si sa sur-venance n’était pas raisonnablement prévisible au moment de la conclusion du contrat, et qu’on ne peut raisonnablement attendre de la part du débiteur qu’il pré-vienne ni surmonte l’empêchement ou, au moins, les conséquences de celui-ci.

2.1.2. Une responsabilité objective, quoique limitée

252. On soulignera d’abord la nature objective de la responsabilité du débi-teur (A.). On relèvera ensuite que cette dernière n’est, néanmoins, pas absolue (B.).

366 Cf., par exemple, SCHLECHTRIEM-STOLL, N 1 ssadart. 79 CVIM, et LAUTENBACH, p. 17 s.

367 Pour une paraphrase des conditions de l’exonération due à la force majeure tenant compte également des art. 7.1.7 par. 1 PU et 8:108 al. 1 PE, cf. le paragraphe III.2.2.1.A., notamment N 922.

253. C’est notamment en raison de ces caractéristiques que la doctrine en langue allemande parle d’une « modifizierte Erfolgshaftung »368, ou d’une

« durch Verschuldenselemente modifizierte Garantiehaftung »369.

A. Une responsabilité objective

254. Tant l’inexécution au sens large d’une obligation, que les conditions de l’exonération au sens de l’art. 79 al. 1 et 2 CVIM sont jugées selon un critère ob-jectif370.Aucune référence n’est faite à la faute(subjective) du débiteur ou des tiers dont il répond371.

255. Les premières versions du projet d’article devenu par la suite l’art. 79 CVIM actuel prévoyaient notamment que le débiteur n’était libéré de sa res-ponsabilité que s’il prouvait son absence de faute. Par la suite, le Groupe de tra-vail décida de supprimer toute référence à l’exigence de l’absence de faute. En particulier, on invoqua à l’appuis de cette décision le fait quedans le projet la faute était de toute façon définie en termes objectifs,ce qui rendait la réfé-rence à son absence superflue.372

256. Etant donné que les droits résultant de l’inexécution au sens large pré-vus par la Convention, notamment l’action en dommages-intérêts, ne présup-posent pas de faute (subjective) de l’auteur de la contravention, on considère quele débiteur garantit de fournir la prestation373 et quesa responsabilité est objective374.

B. Une responsabilité avec des limites

257. Néanmoins, d’après la Convention, la garantie de fournir la prestation et la responsabilité du débiteurne sont pas absolues375. Ainsi, l’art. 80 CVIM prévoit que, à certaines conditions, le créancier est déchu des droits résultant

368 Cf. KRÜGER, p. 68.

369 JANSER, p. 51.

370 A propos du critère pour juger de linexécution au sens large dune obligation, cf. le paragraphe I.1.2.1.

B, notamment N 108. Sur le critère selon lequel on juge des conditions de lart. 79 al. 1 et 2 CVIM, cf.

l’introduction du sous-chapitre I.1.3., notamment N 140.

371 Cf., par exemple, TERCIER/FAVRE, N 1689, et KELLER/SIEHR, p. 160.

372 Cf., par exemple, SCHLECHTRIEM-STOLL, N 3adart. 79 CVIM avec réf., et PICHONNAZ,Impossibilité,N 1685 avec réf.

373 Handelsgericht des Kantons Zürich,10 février 1999 (cause n° HG970238.1 ; CLOUT n° 331 ; CISG-on-line n° 488), consid. 3.2d.aa ; dans le même sens déjà PICHONNAZ,Impossibilité,N 1600 avec réf.

374 TERCIER,contrats spéciaux,N 1484.

375 Dans le même sens, par exemple, PICHONNAZ,Impossibilité,N 1600 ss, et BIANCA-PONZANELLI, N 1ad art. 79 CVIM, p. 311.

de l’inexécution au sens large376. De même, s’agissant spécifiquement de l’obli-gation de réparer le dommage, le débiteur en est exonéré si les conditions de l’art. 79 al. 1 et 2 CVIM sont réalisées377.

2.1.3. Une exonération possible, bien que difficile

258. On relèvera d’abord que l’exonération prévue par l’art. 79 al. 1 et 2 CVIM constitue techniquement une preuve libératoire à la disposition du débi-teur (A.) ; ensuite, on mettra en évidence l’inévitable et même souhaitable flexi-bilité du régime de responsaflexi-bilité (B.) et, enfin, la sévérité avec laquelle on ad-met l’exonération (C.).

A. Une preuve libératoire à la disposition du débiteur

259. L’art. 79 al. 1 et 2 CVIM est lecontrepoids nécessaire à une

responsa-bilité indépendante de toute faute(subjective) du débiteur ou des tierces per-sonnes dont il répond378.

260. Il n’est pas question d’une disculpation au sens étymologique du terme, parce que l’art. 79 al. 1 et 2 CVIM ne se réfère pas à l’absence de faute (subjective)379. En revanche, il s’agit bien d’unepreuve libératoire,puisque le débiteur est exonéré de la responsabilité résultant de l’inexécution au sens large d’une de ses obligations s’il prouve que les conditions de l’art. 79 al. 1 et 2 CVIM sont remplies.

B. La flexibilité du régime

261. La pierre angulaire concernant la réalisation des conditions de l’exoné-ration est constituée par ce qu’on aurait pu objectivement attendre d’un commerçant raisonnable et diligent dans la même situation380. En particulier, tant l’imprévisibilité de l’empêchement au moment de la conclusion du contrat, que l’insurmontabilité de l’obstacle à une bonne exécution et des conséquences de celui-ci sont jugés selon ce critère381. On retrouve dans ce

cri-376 Sagissant de lart. 80 CVIM, cf. le sous-chapitre I.1.1., p. 23, N 66 ss.

377 Dans le même sens SCHWENZER/FOUNTOULAKIS, p. 565. Cf. également le sous-chapitre I.1.3., p. 49, N 138 ss.

378 Cf., par exemple, KELLER/SIEHR, p. 219, et MAGNUS, N 1adart. 79 CVIM.

379 Dans le même sens KELLER/SIEHR, p. 160.

380 A propos de la pierre angulaire par rapport à laquelle on juge des conditions de lart. 79 al. 1 et 2 CVIM, cf. lintroduction du sous-chapitre I.1.3., notamment N 141.

381 Sur lappréciation du caractère imprévisible de lempêchement, cf. le paragraphe I.1.3.3.B., notam-ment N 180. Sur l’appréciation du caractère insurmontable de l’empêchenotam-ment (et des conséquences de celui-ci), cf. le paragraphe I.1.3.3.C., notamment N 188.

tèrel’idée d’une faute objective,qui selon PICHONNAZ « coexiste avec la res-ponsabilité pour inexécution »382.

262. Cela dit, quel est l’intérêt de ce constat ? On a vu que l’une des raisons qu’on invoqua à l’appui de la décision de supprimer toute référence à l’exi-gence de l’absence de faute dans le projet d’article devenu par la suite l’art. 79 CVIM actuel fut que, comme la faute était de toute manière définie en termes objectifs, se référer à son absence était superflu383. En effet, se rapporter à la faute ou à son absence n’a de véritable portée que si elle est définie en termes subjectifs : parler de faute objective ou de responsabilité objective est principa-lement une manière de souligner qu’on ne se réfère pas à la faute subjective ; encore faut-il alors préciser le critère qu’on applique matériellement.Sous cet angle, il est donc relativement peu intéressant d’affirmer que l’art. 79 al. 1 et 2 CVIM exige implicitement une absence de faute objective.

263. Cependant, relever cet élément est intéressant d’un autre point de vue.

Le fait que l’exigence d’un empêchement hors de la sphère d’influence du débi-teur sous-entend celle d’une absence de faute objectivemet en évidence le ca-ractère relatif du critèreselon lequel on juge des conditions de l’art. 79 al. 1 et 2 CVIM. Autrement dit, il confirme qu’il n’est pas possible d’admettre une fois pour toutes que tel ou tel obstacle est hors de la sphère d’influence du débiteur, mais qu’il faut, au contraire, juger des conditions de l’art. 79 al. 1 et 2 CVIMin concreto384.

264. Principalement, il n’est pas possible d’affirmer une fois pour toutes que tel ou tel empêchement est hors de la sphère d’influence du débiteur parce que cette dernièredépend fortement de ce que les parties au contrat ont conve-nu385. On a vu, par exemple, qu’en définissant leurs obligations respectives, les parties contribuent à déterminer également le cercle des personnes dont cha-cune d’entre elles répond386. De même, si une partie contracte sans réserves, dans des circonstances ordinaires elle assume conventionnellement le risque de la survenance de tout empêchement qui est raisonnablement prévisible au moment de la conclusion du contrat387. D’ailleurs, l’art. 79 CVIM reconnaît de manière générale l’importance du contrat en matière d’exonération, en fixant

382 PICHONNAZ,Impossibilité,N 1752, ainsi que N 1689. Dans le même sens, par exemple, TERCIER/FAVRE, N 1690, et SCHLECHTRIEM-STOLL, N 9adart. 79 CVIM, n. 37 avec réf.

383 Sur la suppression de lexigence de labsence de faute dans le projet darticle devenu par la suite l’art. 79 CVIM actuel, cf. le paragraphe I.2.1.2.A., notamment N 255.

384 Cf., par exemple, PICHONNAZ,Impossibilité,N 1691, et HONNOLD, § 432.1, p. 483.

385 Dans le même sens CNUCDI, N 6adart. 79 CVIM ; ainsi que CONSEIL FÉDÉRAL SUISSE,Message Conven-tion,§ 235.41b, p. 788.

386 A propos de linfluence du contrat sur le cercle des personnes dont le débiteur répond, cf. le para-graphe I.1.3.4.B., notamment N 202.

387 Sur les événements dont la personne qui contracte sans réserves assume le risque de la survenance, cf. le paragraphe I.1.3.3.B., notamment N 178.

une limite à la responsabilité du débiteur qui correspond idéalement à la vo-lonté hypothétique de parties raisonnables et honnêtes dans des circonstances usuelles388.

265. Il est incontournable que la responsabilité du débiteur dépend de ce que les parties au contrat ont convenu : en effet, nier cette corrélation signifie-rait renoncer à la primauté de leur volonté sur les règles supplétives de la Convention, prévue par l’art. 6 CVIM.La flexibilité du régime est inévitable et même souhaitable,si on tient au principe de la liberté contractuelle.

C. La sévérité du régime

266. Malgré la flexibilité du régime mise en évidence dans le paragraphe précédent (I.2.1.3.B., N 261 ss), la responsabilité du débiteur est caractérisée parune constante : la sévérité avec laquelle on admet l’exonération389. En ef-fet, la preuve libératoire de l’art. 79 al. 1 et 2 CVIM constitue une exception au principe selon lequel le débiteur doit indemniser le créancier du dommage ré-sultant de l’inexécution au sens large de l’une quelconque de ses obligations et, comme pour toute exception, il faut en interpréter les conditions strictement390. En particulier, l’exonération est difficile en raison des exigences matérielles qui doivent être remplies et notamment du fait qu’un empêchement n’est suscep-tible d’exonérer le débiteur de sa responsabilité que si on ne peut raisonnable-ment attendre de la part de ce dernier qu’il surmonte l’empêcheraisonnable-ment ou, au moins, les conséquences de celui-ci391. La formulation particulièrement détail-lée de la preuve libératoire témoigne de la fermeté avec laquelle on a voulu un

266. Malgré la flexibilité du régime mise en évidence dans le paragraphe précédent (I.2.1.3.B., N 261 ss), la responsabilité du débiteur est caractérisée parune constante : la sévérité avec laquelle on admet l’exonération389. En ef-fet, la preuve libératoire de l’art. 79 al. 1 et 2 CVIM constitue une exception au principe selon lequel le débiteur doit indemniser le créancier du dommage ré-sultant de l’inexécution au sens large de l’une quelconque de ses obligations et, comme pour toute exception, il faut en interpréter les conditions strictement390. En particulier, l’exonération est difficile en raison des exigences matérielles qui doivent être remplies et notamment du fait qu’un empêchement n’est suscep-tible d’exonérer le débiteur de sa responsabilité que si on ne peut raisonnable-ment attendre de la part de ce dernier qu’il surmonte l’empêcheraisonnable-ment ou, au moins, les conséquences de celui-ci391. La formulation particulièrement détail-lée de la preuve libératoire témoigne de la fermeté avec laquelle on a voulu un