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libératoire à la disposition du débiteur

2. La preuve libératoire à la disposition du débiteur en matière de responsabilité pour des auxiliaires

2.3. La nature juridique de la preuve libératoire

516. Sur la base de l’analyse effectuée dans les deux sous-chapitres précé-dents (II.2.1., N 438 ss, et II.2.2., N 454 ss), il est possible de préciser la nature juridique de la preuve libératoire admise par l’art. 101 al. 1 CO. Pour ce faire, il est intéressant de procéder,dans ce sous-chapitre,de la même manière que pour la détermination du contenu de la preuve libératoire elle-même et d’en traiter d’abord en dehors de tout contexte particulier (II.2.3.1.), puis dans l’hy-pothèse la plus fréquente en pratique et qui vaut en l’absence de dispositions spéciales, à savoir lorsque la responsabilité du débiteur pour son fait personnel est une responsabilité pour faute selon l’art. 97 al. 1 CO (II.2.3.2.).

763 Sur la convergence matérielle de lapplication des art. 54 al. 1 et 101 al. 1 CO dune part et de l interpré-tation de laccord des parties sur la mesure de la responsabilité dautre part, cf.supra,notamment N 572.

764 Pour des concrétisations de la preuve libératoire au sens de l’art. 101 al. 1 CO en fonction du contexte légal, cf. le paragraphe II.2.1.2., p. 150, N 448 ss.

2.3.1. En général

517. Pris à la lettre, l’art. 101 al. 1 CO instaure une responsabilité du débi-teur pour le fait d’autrui sans preuve libératoire765.

518. Toutefois, jurisprudence et doctrine s’accordent pour dire que le débi-teur peut s’exonérer de cette responsabilité en prouvant qu’il n’aurait pas été tenu pour responsable, s’il avait agi lui-même comme son auxiliaire l’a fait766. Par cette preuve, le débiteur établit que le choix qui lui est imputable d’avoir fait appel à une tierce personne pour fournir la prestation due n’est pas une cause pertinente en droit de la survenance du dommage subi par le créancier, puisqu’il n’aurait pas dû répondre de ce préjudice s’il avait eu le même com-portement que son auxiliaire.

519. La preuve libératoire admise par l’art. 101 al. 1 CO est doncde nature causale,ce que la jurisprudence du Tribunal fédéral a déjà retenu767.

520. Elle s’apparente au principe que le Tribunal fédéral considère valoir de manière générale et selon lequel aucune responsabilité n’est engagée si le res-ponsable recherché prouvequ’un autre comportement conforme au droit au-rait causé le même dommageque celui qui est effectivement survenu à la suite du comportement contraire au droit768. Si ce principe n’a pas été codifié en tant que tel par le législateur fédéral, il apparaît notamment aux art. 55 al. 1in fine, 56 al. 1in fineet 103 al. 2 deuxième hypothèse CO769, ainsi que dans la notion de

« comportement de substitution licite »770.

521. De la même manière que pour la preuve libératoire prévue par l’art. 103 al. 2 deuxième hypothèse CO771, lorsque le débiteur apporte la preuve libératoire admise par l’art. 101 al. 1 CO, ilobjecte, d’une certaine façon, l’ ab-sence de causalité adéquate.En effet, comme on l’a vu, il établit alors que le choix qui lui est imputable d’avoir fait appel à une tierce personne pour fournir la prestation due n’est pas une cause pertinente en droit de la survenance du

765 CR-THÉVENOZ, N 25adart. 101 CO ; dans le même sens CR-WERRO, N 35adart. 55 CO ; PICHONNAZ/K UO-NEN,intérêts,p. 17.

766 Sur le critère général selon lequel on juge de la preuve libératoire de lart. 101 al. 1 CO, cf. le para-graphe II.2.1.1., notamment N 447.

767 ATF 116/1990 II 305, consid. 2c, p. 308, JdT 1991 I 173 (extr.), 175 avec réf. ; ainsi que, par exemple, GAUCH/SCHLUEP/EMMENEGGER, N 3014 et STAUDER,Droit suisse,p. 118.

768 ATF 131/2004 III 115, consid. 3.1, JdT 2005 I 279, 282.

769 Concernant la preuve libératoire de lart. 103 al. 2 deuxième hypothèse CO, cf. le paragraphe IV.1.3.2.

B., p. 351, N 1005 ss.

770 En allemand, « rechtmässiges Alternativverhalten » (cf. TF, 1ère Cour civile, 28 septembre 2005, SJ 2006 I 221, consid. 3.5.6, p. 230).

771 Sur la preuve libératoire de l’art. 103 al. 2 deuxième hypothèse CO dans l’optique de la distinction en-tre causalité naturelle et causalité adéquate, cf. le paragraphe IV.1.3.2.B., notamment N 1006.

dommage subi par le créancier772. Or, juger de la pertinence du point de vue ju-ridique appartient plus à la causalité adéquate qu’à la causalité naturelle, parce que c’est celle-là qui a pour fonction de trouver les limites de la réparation (c’est-à-dire de permettre au juge de ne retenir que le dommage qui mérite d’être réparé)773, alors que l’analyse de la causalité naturelle relève du simple établissement des faits. Il est vrai que, de la sorte, on étend apparamment la dé-finition purement probabiliste de la causalité adéquate774.

522. D’ailleurs, le plus souvent, le débiteur apporte la preuve en question en démontrant que l’inexécution au sens large est due, objectivement et compte tenu des circonstances concrètes, à un empêchement hors de sa sphère d’in-fluence775, à l’image de ce qui est prévu par l’art. 79 al. 1 et 2 CVIM776. Or, l’on a déjà eu l’occasion de relever qu’il existe unlien logique, et pratique, entre l’exonération en vertu de l’art. 79 al. 1 et 2 CVIM et l’idée d’interruption de la causalité pertinente (adéquate)777.

2.3.2. Lorsque la responsabilité du débiteur pour son fait personnel est fondée sur la faute (art. 97 al. 1 CO)

523. Lorsque la notion de faute est pertinente–car le débiteur ne répondrait pour son propre fait que si une faute lui était imputable (art. 97 al. 1 CO)–la preuve libératoire au sens de l’art. 101 al. 1 CO peut être précisée comme suit : le débiteur doit établir que, s’il avait agi lui-même comme son auxiliaire l’a fait, on ne pourrait lui reprocher aucune faute778. D’une certaine manière,la notion de faute,pertinente pour l’application de l’art. 97 al. 1 CO,déteint alors sur l’art. 101 al. 1 CO,sous la forme du critère de la faute hypothétique779.

772 A propos de la preuve libératoire de lart. 101 al. 1 CO en tant que preuve de labsence dune cause pertinente en droit, cf.supra,notamment N 518.

773 Cf., par exemple, DESCHENAUX/TERCIER, § 4 N 30, et REY, N 522 ss.

774 Cf., par exemple, DESCHENAUX/TERCIER, § 4 N 31, et REY, N 525 ss avec réf.

775 Pour un exemple en cas dincapacité de discernement de lauxiliaire, cf. le paragraphe II.2.2.3.C., no-tamment N 513.

776 Sagissant de lexonération en vertu de lart. 79 CVIM, cf. le sous-chapitre I.1.3., p. 49, N 138 ss. Pour une comparaison de la preuve libératoire à la disposition du débiteur selon lart. 101 al. 1 CO avec les réglementations des codifications supranationales récentes, cf. le paragraphe II.2.4.2., p. 184, N 538 ss.

777 A propos du lien entre la causalité pertinente de l’art. 80 CVIM et la réalisation des conditions matériel-les de lart. 79 al. 1 et 2 CVIM, cf. le paragraphe I.1.1.3.B., notamment N 87. Sur le lien entre la causa-lité pertinente de lart. 77 phr. 2 CVIM et la réalisation des conditions matérielles de lart. 79 al. 1 et 2 CVIM, cf. le paragraphe I.1.2.2.D., notamment N 128.

778 Pour le critère selon lequel on juge de la preuve libératoire de lart. 101 al. 1 CO lorsque la responsa-bilité du débiteur pour son fait personnel est fondée sur l’art. 97 al. 1 CO, cf. le paragraphe II.2.2.1., notamment N 455.

779 Sur le critère de la faute hypothétique, cf. le paragraphe II.2.2.1., notamment N 456.

524. Dans ce contexte, la preuve libératoire admise par l’art. 101 al. 1 CO ne consiste pas seulement en la preuve d’une absence de causalité pertinente en droit (adéquate), ce qui vaut de manière générale780, mais elle revient égale-ment à libérer le débiteur en l’absence de faute objective781.

525. A notre sens, si une partie de la doctrine nie le caractère causal de la responsabilité prévue par l’art. 101 al. 1 CO, c’est surtout parce qu’elle ne prend en considération que cette hypothèse particulière,à savoir celle dans laquelle la responsabilité du débiteur pour son fait personnel est engagée selon l’art. 97 al. 1 CO782. Toutefois, si cette hypothèse est certes la plus fréquente en pratique et celle qui vaut de manière générale en l’absence de dispositions spé-ciales783, il n’en reste pas moins qu’il existe des exceptions au principe que l’art. 97 al. 1 CO énonce et, en pratique, cette disposition n’est, donc, pas tou-jours pertinente784.

2.4. Synthèse, comparaison et considérations finales

526. Dans ce sous-chapitre, il s’agira d’abord de résumer le résultat de l’analyse (II.2.4.1.), avant de comparer ce dernier avec le régime de la respon-sabilité du débiteur, notamment pour ses auxiliaires, prévue dans les réglemen-tations des codifications supranationales récentes (II.2.4.2.). Enfin, on fera quel-ques considérations sur la portée de la distinction entre organe et auxiliaire en matière de responsabilité du débiteur (II.2.4.3.).

2.4.1. Synthèse

527. L’analyse conduite dans les sous-chapitres précédents (II.2.1. à II.2.3., N 438 ss) a mis en évidence que la responsabilité du débiteur, notamment la preuve libératoire à la disposition de ce dernier en matière de responsabilité pour des auxiliaires, dépend, avant tout et fortement, dece que les parties au rapport d’obligation ont valablement convenu785(cf. notamment l’art. 99 al. 2

780 Concernant la nature juridique de la preuve libératoire de lart. 101 al. 1 CO en général, cf. le para-graphe II.2.3.1., p. 176, N 517 ss.

781 Cf. WEBER2, N 137adart. 101 CO.

782 Cf. WEBER2, N 4 et 136adart. 101 CO.

783 Sur lart. 97 al. 1 CO en tant que règle générale pour lensemble de la responsabilité pour inexécution, cf. le paragraphe II.1.1.1., notamment N 302.

784 A propos du fait que la concrétisation de la preuve libératoire de lart. 101 al. 1 CO dans loptique de lart. 97 al. 1 CO ne rend pas compte de toutes les situations, cf. le paragraphe II.2.2.1., notamment N 459.

785 Sur le fait que la manière dont le débiteur doit se comporter dépend de ce que les parties ont convenu, cf. le paragraphe II.2.2.2.B., notamment N 466.

CO786). En particulier, celles-ci peuvent modifier le critère, en principe subjectif, selon lequel on juge de la faute au sens de l’art. 97 al. 1in fineCO787.

528. Elle montre également qu’en application des principes qui régissent l’interprétation de l’accord des parties, notamment selon la théorie de la confiance788, il est plus facile d’admettre l’existence de certainsaménagements contractuelsque d’autres.

529. Ainsi, il se justifie parfois de poser desexigences élevées en matière de formulation de certaines clauses contractuelleset de ne retenir que celles-ci existent que si elles expriment clairement la volonté commune des parties.

En particulier, il faut formuler clairement la convention prévoyant deux ni-veaux de responsabilité différents, l’un pour la responsabilité du débiteur pour son fait personnel et l’autre concernant la responsabilité pour ses auxiliai-res789; celle qui objective la faute et enlève toute pertinence à la diligence dont le débiteur est subjectivement capable790; ainsi que celle qui stipule que le débi-teur ne doit que la diligence, inférieure, dont est personnellement capable l’auxiliaire qu’il a chargé d’accomplir la prestation due791.

530. Dans la mesure où ces aménagements contractuels, notamment les deux derniers types de clause, correspondent à une restriction de la responsa-bilité du débiteur, après avoir admis, le cas échéant, que les parties ont stipulé une telle convention,il faut encore juger de la validité de celle-cià l’aune de l’art. 100 CO, respectivement de l’art. 101 al. 2 et 3 CO792.

531. En revanche, l’on admettra facilement que l’accord qui objective la faute n’enlève pas toute pertinence à la diligence dont le débiteur est person-nellement capable, mais au contraire s’ajoute au régime légal, dans le sens que le débiteur doit faire preuve de la diligence objective prévue au contrat, mais également ne pas commettre subjectivement de faute793. De même, lorsqu’un

786 A propos de lart. 99 al. 2 CO, cf. le paragraphe II.2.2.2.C., notamment N 480.

787 Sur le fait que les parties au rapport d’obligation peuvent déroger au critère subjectif selon lequel on juge de la faute au sens de lart. 97 al. 1 CO, cf. le paragraphe II.2.2.2.B., notamment N 467.

788 A propos de linterprétation de laccord des parties, cf. le paragraphe II.2.2.2.C., notamment N 479.

789 A propos des exigences élevées en matière de formulation d’une clause contractuelle prévoyant deux niveaux de responsabilité différents pour les agissements du débiteur lui-même et ceux des auxiliaires de ce dernier, cf. le paragraphe II.2.1., notamment N 441.

790 Sur la clause contractuelle qui objective la faute et enlève toute pertinence à la diligence dont le débi-teur est personnellement capable, cf. le paragraphe II.2.2.2.B., notamment N 476.

791 A propos des exigences élevées en matière de formulation dune clause contractuelle stipulant que le débiteur ne doit que la dilingence, inférieure, dont son auxiliaire est personnellement capable, cf. le paragraphe II.2.2.3.A., notamment N 498.

792 Pour une critique de l’art. 101 al. 2 et 3 CO, cf. le paragraphe II.1.4.4., p. 137, N 407 ss.

793 A propos des deux types de rapport imaginables s’agissant de la relation entre l’aménagement contractuel qui objective la diligence due et le régime légal, cf. le paragraphe II.2.2.2.B., notamment