• Aucun résultat trouvé

Une image de sport prestigieux à travers les compétitions internationales mais révélant le faible niveau sportif des français

TENTATIVE VERS UN BADMINTON SPORTIF … OU VERS UN SPORT

2. Structuration institutionnelle de l’activité : vers la sportivisation du badminton et davantage de visibilité ?

2.3.4. Une image de sport prestigieux à travers les compétitions internationales mais révélant le faible niveau sportif des français

Un événement gage de prestige et d’une image de pratique élitiste

Dès la seconde année d’existence de la Fédération, la France organise des championnats internationaux. Hérités du championnat international de Dieppe, d’après le nostalgique John Yeo-Thomas847, ils marquent la clôture de la saison au mois d’avril. C’est la compétition qui présente les comptes rendus les plus conséquents dans la revue officielle. Sa dimension internationale est sans doute à l’origine d’une visibilité importante et d’une volonté politique des dirigeants de la Fédération française de badminton d’en donner une image prestigieuse.

L’événement est une aubaine publicitaire pour les entreprises Babolat-Maillot-Witt848 ou R.S.L. qui offrent les coupes aux vainqueurs. Encore une fois, l’implication de la structure marchande, qui s’associe à l’institution, agit dans l’optique de développer le badminton et d’élargir sa visibilité pour appuyer le versant économique latent. Chaque année, la compétition regroupe des joueurs de plusieurs horizons. Les dirigeants les plus marquants du badminton international, comme G. A. Thomas, le président de l’IBF849, ainsi que ceux du badminton français, sont invités et reçus avec des attentions particulières. Les lieux où se déroule la compétition se situent dans les quartiers chics de Paris850, et le tirage au sort est effectué « dans le salon d’honneur du RC de France »851. Enfin, la compétition se conclut par des festivités, banquet852, ou « grand dîner », dans les salons du Tennis Club de France, avec comme invitée en 1937, Miss Exposition853. Ces réjouissances rappellent les sociabilités mondaines de la Haute société. Sa présence n’est pas anodine l’année où se tient l’Exposition Universelle à Paris. À cette occasion, la Fédération de badminton organise, les 16 et 17

847 Revue du tennis, du ping-pong et du badminton, n°125, 15 avril 1935, p. 14, Musée Tenniseum FFT.

848 Charles Fritsch est d’ailleurs présent en 1935.

849 Revue du tennis et du ping-pong, n°106, 15 avril 1934, p. 20-21, Musée Tenniseum FFT.

850 Les lieux sont cités dans le calendrier présenté en annexe (tableau 8, p. 53).

851 L’Auto, 5 avril 1935, ark:/12148/bpt6k46348039, p. 4, BnF, NUMP-16168.

852 Revue du tennis et du badminton, n°167, mai 1938, p. 16, Musée Tenniseum FFT.

853 Revue du tennis et du badminton, n°155, mai 1937, p. 23, Musée Tenniseum FFT.

octobre 1937, un « tournoi international de l’Exposition Universelle »854 dans le droit fil de l’esprit des championnats internationaux de France, qui lui aussi est gage de visibilité. Il se tient dans un lieu nouvellement construit, le Stade de Coubertin855 et s’assure de la présence de joueurs étrangers pour agrémenter le spectacle sportif. Ce tournoi est annoncé à cinq reprises par la Revue du tennis et du ping-pong856, ainsi qu’à quatre reprises par L’Auto857 ou encore par la presse généraliste comme Le Figaro858 ou Le Populaire de Paris859. Ce n’est donc pas le seul média spécialisé qui accueille les narrations de badminton. D’autres lecteurs, répondant au positionnement de leur hebdomadaire ou quotidien préféré860, sont aussi sensibilisés. La discipline est présentée dans les lignes du Figaro, parmi des sports comme le golf, le tennis, le polo, l’aviation861. Le caractère distinctif de la discipline est ainsi rappelé avant dans les années 1930. Par sa filiation supposée avec le jeu de volant, pratiqué par la bourgeoisie et conseillé dans les guides de bonne conduite862, le badminton conserve une image de sport « chic ». Il serait conforme aux usages du lectorat bourgeois de ce journal. La retenue, la distance sociale entre les pratiquants, séparés par un filet, les politesses, que l’on retrouve à l’occasion des agapes annexes aux compétitions, sont les valeurs associées à l’activité et admises par ses pratiquants de la Haute société863. Lors des exhibitions et compétitions, la Revue du tennis et du badminton rapporte la présence d’une « assistance d’élite »864, d’un « public élégant »865, quand le Badminton Club de Paris annonce « tenue blanche de rigueur »866 pour intégrer le club proposant des installations luxueuses867. Le club de badminton est ainsi davantage un lieu de sociabilité majeur, où le sport n’est qu’un

854 Revue du tennis et du badminton, n°161, novembre 1937, p. 19-20, Musée Tenniseum FFT.

855 L’Auto, 16 octobre 1937, ark:/12148/bpt6k46300447, p. 5, BnF, NUMP-16168.

856 Dans les numéros de mai, juin, juillet, août, septembre 1937.

857 L’Auto, 15 octobre 1937, ark:/12148/bpt6k4630043t, p. 5, BnF, NUMP-16168 ; L’Auto, 16 octobre 1937, ark:/12148/bpt6k46300447, p. 5, BnF, NUMP-16168 ; L’Auto, 18 octobre 1937, ark:/12148/bpt6k46300462, p. 2, BnF, NUMP-16168.

858 Le Figaro, 14 octobre 1937, ark:/12148/bpt6k4096428, p. 10, BnF, NUMP-1139 : « Badminton. La Fédération française organisera, sous l’égide du Comité des Sports de l’Exposition, un tournoi international, qui sera disputé les 16 et 17 octobre prochains. Ce tournoi, qui sera joué au Palais Sportif de la porte Saint Cloud, comprendra cinq épreuves : simple dames, simple messieurs, double dames, double mixte, double messieurs ».

859 Le Populaire de Paris, 16 octobre 1937, ark:/12148/bpt6k8228263, p. 4, BnF, NUMP-6515 : Une ligne dans la rubrique « à l’exposition » : « Aujourd’hui, 14h-19h finale du tournoi de Badmington de l’exposition ».

860 ALBERT, Pierre, « La presse française de 1871 à 1940 », dans BELLANGER, Claude, GODECHOT, Jacques, GUIRAL, Pierre, TERROU, Fernand (dir.), Histoire générale de la presse française, tome 3, 1871-1940, Paris : Éditions PUF, 1972, p. 196.

861 Nous avons relevé un total de dix-huit articles relatifs au badminton dans le quotidien entre 1931 et 1939.

862 GUILLAIN, Jean-Yves, op.cit., 2002.

863 DAUMARD, Adeline, op.cit., 1987, p. 34.

864 Revue du tennis et du badminton, n°154, avril 1937, p. 27-28, Musée Tenniseum FFT.

865 Revue du tennis et du badminton, n°176, février 1939, p. 7, Musée Tenniseum FFT.

866 Le Figaro, 4 novembre 1938, ark:/12148/bpt6k410031f, p. 10, BnF, NUMP-1139.

867 Revue du tennis et du badminton, n°174, décembre 1938, p. 40, Musée Tenniseum FFT.

prétexte pour se réunir entre personnes bien aisées. Le Club-house est un élément fondamental du milieu tennistique et du badminton : la revue de la FFLT consacre deux pages complètes sur les règles à respecter pour son bon fonctionnement868. Les championnats majeurs sont organisés sur les courts couverts du Tennis Molière, dans le XVIe arrondissement ou encore sur les courts du Palais du tennis, 147 avenue de Versailles869. Le tarif de la cotisation est proche de celui du lawn-tennis. Pour pratiquer au Sporting Club de la Seine en 1935, il faut payer 20 francs par mois (et 30 francs pour le tennis)870. Il faut se doter de volants, dont les coûts sont élevés et même problématiques : la Revue du tennis et du badminton nous apporte un éclairage sur ce point. Il est en effet précisé, à l’occasion des championnats de Paris, que les droits d’engagements s’élèvent à 6 francs mais ne comprennent pas la fourniture des volants871 : chaque joueur doit en acheter un par match, au prix de 7 francs. Il s’agit de ne pas pénaliser financièrement les joueurs qui perdent au premier tour et qui auraient à payer une inscription élevée pour un seul match. Ce souci d’équité financière et de réduction des coûts des compétitions pour y attirer un maximum de participants, quel que soit leur niveau, nuance le pouvoir d’achat des joueurs, supposé important. Enfin, un dernier indice souligne la discrimination par le coût de la pratique du badminton, et notamment du badminton compétitif, se retrouve dans les frais de séjours et de déplacement qui sont entièrement à la charge des participants872. Du côté des spectateurs, pour venir assister aux championnats de France, l’entrée est de 3 francs le samedi et 5 francs le dimanche, pour les finales873. Ainsi, plusieurs éléments étoffent l’idée que le badminton demeure une pratique distinctive, mais à l’intérieur de laquelle une division des classes se fait sentir. Pour autant, la très haute bourgeoisie reste sensiblement présente. Quelques renseignements sont offerts par la revue officielle concernant le statut social de certains joueurs de badminton. Par exemple, Landry874 est en forme physiquement et moralement grâce à « une magnifique performance réalisée dans l’acquisition d’un certain Rembrandt »875, Chanel, le président du Badminton Club de Lyon, est pilote de guerre, et Balland, le président du Badminton Club de Châlons est pilote de tourisme876. René Mathieu,

868 Revue du tennis et du badminton, n°177, mars 1939, p. 2-3, Musée Tenniseum FFT.

869 Revue du tennis et du badminton, n°155, mai 1937, p. 23, Musée Tenniseum FFT.

870 L’Auto, 1er mai 1935, ark:/12148/bpt6k4634829j, p. 4, BnF, NUMP-16168.

871 Cette disposition est d’ailleurs adoptée par le conseil fédéral (Revue du tennis et du badminton, n°175, janvier 1939, p. 8, Musée Tenniseum FFT).

872 Revue du tennis, du ping-pong et du badminton, n°124, 1er avril 1935, p. 15, Musée Tenniseum FFT.

873 L’Auto, 22 février 1936, ark:/12148/bpt6k4629445j, p. 4, BnF, NUMP-16168.

874 Il est membre du Badminton Club de Paris pour la saison 1938-1939.

875 Revue du tennis et du ping-pong, n°81, janvier 1933, p. 20, Musée Tenniseum FFT.

876 Revue du tennis et du badminton, n°178, avril 1939, p. 16, Musée Tenniseum FFT.

le président de la Fédération à partir de 1938, dispose d’héritages importants d’après son fils877. Finalement, les compétitions de badminton, particulièrement celles d’envergure internationale, en diffusent une image de marque et véhiculent l’idée que ce sont les lieux où il faut se montrer. « Une foule » de 4 000 visiteurs se serait déplacée sur les deux jours du tournoi de l’Exposition Universelle, marquant ainsi « sa consécration officielle » selon René Mathieu878. La volonté de ce dernier d’en diffuser une image de prestige peut se lire quand il insiste sur la rigueur des horaires et de l’organisation879.

Les championnats internationaux de France, systématisés et organisés chaque année, sont aussi annoncés par L’Auto880. En 1936, cinq articles couvrent l’événement881, rapidement qualifié d’« annuels championnats internationaux »882. En 1937, trois articles du quotidien sportif présentent le tournoi mais aucun n’en relate les résultats883. En 1938, quatre articles de ce même journal évoquent l’événement, de son annonce jusqu’aux résultats884. L’inconstance de ce suivi en termes de qualité, avec par exemple l’absence d’un compte rendu en 1938, par opposition à la présentation détaillée du programme de la compétition en 1935, rappelle l’intérêt aléatoire du journal envers l’activité qui n’est pas une priorité. On imagine que le lectorat n’est que peu sensible aux résultats relatifs au badminton, qui passent donc parfois sous silence, d’autant plus si l’espace éditorial est complet. L’année 1939 marque un tournant dans la tenue des internationaux de France qui, « dans un but de diffusion du badminton en France »885 ou de « propagande »886, se tiennent à Lyon. Le Figaro relaie l’information, annonce la compétition887, en donne les résultats et précise la présence « d’une nombreuse

877 Entretien avec Maurice Mathieu, 13 octobre 2014. Toutefois, Maurice Mathieu n’a pas su nous donner davantage de précisions sur la provenance de cet héritage.

878 Revue du tennis et du badminton, n°161, novembre 1937, p. 20, Musée Tenniseum FFT.

879 Ibid., p. 19-20.

880 L’Auto, 17 mars 1935, ark:/12148/bpt6k4634784d, p. 6, BnF, NUMP-16168 ; L’Auto, 5 avril 1935, ark:/12148/bpt6k46348039, p. 4, BnF, NUMP-16168°; L’Auto, 6 avril 1935, ark:/12148/bpt6k4634804q, p. 4, BnF, NUMP-16168.

881 L’Auto, 27 mars 1936, ark:/12148/bpt6k4629479b, p. 5, BnF, NUMP-16168°; L’Auto, 1er avril 1936, ark:/12148/bpt6k4629484n, p. 6, BnF, NUMP-16168 ; L’Auto, 2 avril 1936, ark:/12148/bpt6k46294852, p. 2, BnF, NUMP-16168 ; L’Auto, 4 avril 1936, ark:/12148/bpt6k4629487w, p. 6, BnF, NUMP-16168 ; L’Auto, 5 avril 1936, ark:/12148/bpt6k46294889, p. 6, BnF, NUMP-16168.

882 L’Auto, 27 mars 1936, ark:/12148/bpt6k4629479b, p. 5, BnF, NUMP-16168.

883 L’Auto, 28 mars 1937, ark:/12148/bpt6k46294800, p. 7, BnF, NUMP-16168 ; L’Auto, 2 avril 1937, ark:/12148/bpt6k46298507, p. 5, BnF, NUMP-16168 ; L’Auto, 3 avril 1937, ark:/12148/bpt6k4629851n, p. 8, BnF, NUMP-16168.

884 L’Auto, 30 mars 1938, ark:/12148/bpt6k46361483, p. 5, BnF, NUMP-16168 ; L’Auto, 2 avril 1938, ark:/12148/bpt6k4635073h, p. 3, BnF, NUMP-16168 ; L’Auto, 3 avril 1938, ark:/12148/bpt6k4635074x, p. 6, BnF, NUMP-16168°; L’Auto, 4 avril 1938, ark:/12148/bpt6k4635075b, p. 7, BnF, NUMP-16168.

885 L’Auto, 18 janvier 1939, ark:/12148/bpt6k46353635, p. 7, BnF, NUMP-16168.

886 Revue du tennis et du badminton, n°179, mai 1939, p. 12, Musée Tenniseum FFT. La Revue du tennis et du badminton consacre d’ailleurs quatre pages à l’événement (Revue du tennis et du badminton, n°179, mai 1939, p. 12-16, Musée Tenniseum FFT).

887 Le Figaro, 21 mars 1939, ark:/12148/bpt6k410168f, p. 8, BnF, NUMP-1139.

assistance »888. En revanche, seuls deux articles de L’Auto traitent de l’événement, sans les précisions habituelles concernant le tirage au sort. La délocalisation de la compétition semble associée à moins d’intérêt de la part du journal, confirmant sa logique très parisienne. La présence de « quelques bonnes raquettes anglaises et danoises » est annoncée, sans doute pour attiser la curiosité des spectateurs et donner une ampleur spectaculaire à l’événement889. Une image médiocre du niveau de jeu des Français sur le plan international

La venue des joueurs étrangers sur les terrains français met en exergue le retard des pratiquants de badminton du pays. Pour la première édition, un nombre important de joueurs est engagé et provient de sept nations différentes890. En 1936, seuls trois pays sont représentés : l’Angleterre, l’Irlande et la France. En 1937, les joueurs d’Outre-Manche sont fidèles et une nouvelle fois présents, accompagnés d’un joueur canadien, V.deB. Oland891. Dès 1935, ils affichent une « nette supériorité »892 en étant finalistes et vainqueurs de toutes les épreuves893. Chaque année, le constat se répète. Bien que les Français engagent leurs

« meilleures raquettes »894, la supériorité des Britanniques, qui trustent régulièrement les cinq titres895, est soulignée par la presse896. En 1938, l’écart de niveau demeure important897 et Henri Pellizza échoue en finale898 sur le score sévère de 15-4/15-8 contre Ian Maconachie899. Les Britanniques repartent une fois de plus avec cinq titres. Cette domination écrasante les porte naturellement au rang de modèle. Le développement de la pratique Outre-Manche est incontestable : en 1935, la Revue du tennis et du Badminton signale l’existence de 1 600 clubs et 200 000 membres en Angleterre900. Cette masse de pratiquants va de pair avec leur rayonnement dans les grandes compétitions. Les Britanniques récoltent la plupart des titres

888 Le Figaro, 5 avril 1939, ark:/12148/bpt6k410182v, p. 8, BnF, NUMP-1139.

889 L’Auto, 16 février 1939, ark:/12148/bpt6k4635392w, p. 5, BnF, NUMP-16168 ; Revue du tennis et du badminton, n°179, mai 1939, p. 12, Musée Tenniseum FFT.

890 En 1935, sept nations sont représentées parmi les 123 joueurs engagés : Angleterre, Écosse, Hollande, Irlande, Suisse, Canada et France (Revue du tennis, du ping-pong et du badminton, n°125, 15 avril 1935, p. 14, Musée Tenniseum FFT).

891 L’Auto, 2 avril 1937, ark:/12148/bpt6k4629879q, p. 5, BnF, NUMP-16168.

892 L’Auto, 7 avril 1935, ark:/12148/bpt6k46348054, p. 5, BnF, NUMP-16168.

893 Revue du tennis, du ping-pong et du badminton, n°125, 15 avril 1935, p. 14, Musée Tenniseum FFT.

894 L’Auto, 1er avril 1936, ark:/12148/bpt6k4629484n, p. 6, BnF, NUMP-16168.

895 Revue du tennis et du badminton, n°155, mai 1937, p. 23, Musée Tenniseum FFT.

896 Le Figaro, 19 octobre 1937, ark:/12148/bpt6k4096475, p. 8, BnF, NUMP-1139.

897 L’Auto, 30 mars 1938, ark:/12148/bpt6k46361483, p. 5, BnF, NUMP-16168 ; L’Auto, 2 avril 1938, ark:/12148/bpt6k4635073h, p. 3, BnF, NUMP-16168 ; L’Auto, 3 avril 1938, ark:/12148/bpt6k4635074x, p. 6, BnF, NUMP-16168 ; L’Auto, 4 avril 1938, ark:/12148/bpt6k4635075b, p. 7, BnF, NUMP-16168.

898 Il parvient en finale après avoir éliminé uniquement des joueurs français, que ce soit en simple ou en double messieurs (L’Auto, 3 avril 1938, ark:/12148/bpt6k4635074x, p. 6, BnF, NUMP-16168).

899 L’Auto, 4 avril 1938, ark:/12148/bpt6k4635075b, p. 7, BnF, NUMP-16168.

900 Revue du tennis, du ping-pong et du badminton, n°125, 15 avril, p. 14, Musée Tenniseum FFT.

lors des compétitions internationales901, tout comme au cours de leur fameux All England Open qui rassemble les meilleurs joueurs du monde. Le public est si nombreux pour cette compétition, « malgré les dimensions imposantes du Hall », que des spectateurs sont refusés902, alors que les internationaux de France peinent à recevoir un millier de personnes au cours des deux jours de compétition. Les Français cherchent à copier ces joueurs qui font donc office de référence. Ils se disputent l’acquisition des raquettes des Anglais à l’issue des championnats internationaux de France de 1936903. Le niveau de jeu des Français est très souvent comparé au leur et, au cours de cette période, la quête incessante des dirigeants du badminton est tournée vers le progrès dans le but de rivaliser, ou au moins « faire bonne figure », face à eux904. Ces derniers sont décrits comme « admirables de puissance, de style et d’aisance […] tandis que la majorité des joueurs français a le geste étriqué »905. Ces propos placent ainsi les Français dans une motricité débutante, alors que les Anglais sont experts et ont construit des habiletés qui présentent une image de fluidité. Ils sont considérés comme les seuls capables de montrer aux yeux des sportifs français ce qu’est le « vrai badminton » :

Nous serions réellement heureux que les sportifs français comprennent un jour les qualités athlétiques et esthétiques du Badminton. Nous restons persuadés que s’ils avaient pu voir le géant Maconachie en action ou le superbe effort de Miss Green dans la finale, ils seraient convaincus et bon nombre viendraient à ce sport merveilleux906.

Cette citation, qui cherche à démontrer l’importance du modèle anglais, rappelle l’ambivalence des valeurs physiques attribuées à l’activité. L’évocation des qualités athlétiques et esthétiques, de Ian Maconachie et de Miss Green, souligne également la place accordée aux hommes comme aux femmes. Le premier est « en action », la seconde dans l’« effort », ce qui laisse entendre un certain degré de facilité pour l’homme, une forme de fragilité pour la femme.

Les relations établies avec l’Angleterre paraissent donc incontournables voire primordiales. Elles sont en plus valorisées par l’institution. La présence des joueurs d’Outre-Manche est intimement liée à l’influence de René Gathier907 que ce soit pour le tournoi de l’Exposition où il remplit « plus que son devoir en nous amenant à Paris les meilleurs

901 La revue officielle souligne leur domination en 1935, 1936, 1937.

902 Revue du tennis et du ping-pong, n°105, 1er avril 1934, p. 14, Musée Tenniseum FFT.

903 Revue du tennis et du badminton, n°143, 15 avril 1936, p. 24, Musée Tenniseum FFT.

904 Smash, n°27, mars-avril 1948, p. 17, Musée Tenniseum FFT.

905 Revue du tennis et du badminton, n°167, mai 1938, p. 16, Musée Tenniseum FFT.

906 Ibid.

907 Revue du tennis et du badminton, n°159, septembre 1937, p. 24, Musée Tenniseum FFT.

joueuses et joueurs anglais »908, ou pour les internationaux de France, où il fait « venir de Grande-Bretagne la plus formidable coalition de joueurs que nous ayons eu l’occasion de voir en France »909, d’après René Mathieu pour qui il est un ami proche910. René Gathier et René Mathieu représentent tous deux la France lors des réunions de l’IBF. Ce duo de dirigeants accorde ainsi une importance majeure aux relations internationales à travers la pratique du badminton. Un intérêt commercial est probablement sous-jacent à cette entente entre la France et l’Angleterre : rappelons que René Gathier est aussi représentant de l’entreprise anglaise R.S.L., et pourrait se saisir de ce partenariat afin de vendre les volants de cette marque en France. Il accompagne régulièrement l’équipe britannique à l’occasion des compétitions organisées sur le territoire français et entretient les relations amicales, à travers le badminton, entre les deux pays.

Finalement, les compétitions internationales organisées sur le sol parisien offrent au badminton une opportunité de visibilité par le prestige qu’elles véhiculent, lié à la présence de joueurs étrangers. Ce prestige est par ailleurs signe du maintien du caractère distinctif de l’activité, encore empreinte de valeurs élitistes. Le modèle du gentleman aristocrate anglais et amateur, dont fait écho l’article de la Revue du tennis, du ping-pong et du badminton911 évoquant des « parties » « âprement mais amicalement disputées », par des joueurs de

« grande classe », qui se rencontrent en « grands seigneurs »912, paraît définir la manière dont les promoteurs de la discipline envisagent et donnent à voir le joueur de badminton dans les années 1930. Il est alors limitant pour le développement de l’activité alors réservée à une élite sociale peu nombreuse. Couplée à ce facteur qui restreint l’accès au badminton, la confrontation des joueurs français à leurs homologues anglais met en évidence leur faible niveau. Leur retard sportif maintient le badminton en tant que pratique avant tout d’Outre-Manche, alors que le tennis s’est détaché de cette image par ses champions comme Suzanne Lenglen et les Mousquetaires. « Sans champion, pas de spectacle ; sans icône, pas de phénomène identificatoire »913. Le badminton est encore loin de se détacher de ses origines, de diffuser les valeurs françaises et montrer la force de la nation sur la scène mondiale. La politique de développement du badminton vers l’international – et résolument tourné vers le jeu anglais – paraît n’avoir eu que des impacts épisodiques liés au spectacle et avoir peiné à

908 Revue du tennis et du badminton, n°161, novembre 1937, p. 19-20, Musée Tenniseum FFT.

909 Revue du tennis et du badminton, n°179, mai 1939, p. 12, Musée Tenniseum FFT.

910 Entretien du 13 octobre 2014 avec Maurice Mathieu.

911 Revue du tennis, du ping-pong et du badminton, n°123, 15 mars 1935, p. 18, Musée Tenniseum FFT.

912 Revue du tennis et du badminton, n°142, 15 mars 1936, p. 26-27, Musée Tenniseum FFT.

912 Revue du tennis et du badminton, n°142, 15 mars 1936, p. 26-27, Musée Tenniseum FFT.

Outline

Documents relatifs