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TENTATIVE VERS UN BADMINTON SPORTIF … OU VERS UN SPORT

2. Structuration institutionnelle de l’activité : vers la sportivisation du badminton et davantage de visibilité ?

2.3.2. Un gain de visibilité dans la presse

Entre les saisons 1933-1934 et 1938-1939, nous avons recensé 116 articles qui traitent de l’activité817. Sur cette période, le tirage du journal oscille entre 250 000 et 350 000 exemplaires818, et offre ainsi une certaine diffusion de la pratique vers un lectorat intéressé par le fait sportif. Celle-ci demeure à relativiser quand on sait que le basket-ball est présenté à au moins 500 reprises, chaque année, sur cette même période819.

Figure 33 : Évolution du nombre d’articles traitant du badminton dans L’Auto entre septembre 1933 et juin 1939.

La progression du nombre d’articles traitant du badminton dans L’Auto est aléatoire. La place de l’événement parisien dans les lignes du journal offre une explication à la diminution observée pour la saison 1937-1938. En 1935-1936, neuf articles concernent la Coupe de l’Île-de-France et détaillent les résultats de ces rencontres locales. Quatre sont consacrés au tournoi du Sporting Club de la Seine. L’année suivante, ce dernier événement est couvert à sept

817 La liste des articles de L’Auto qui évoquent le badminton est présentée en annexe (tableau 3, p. 43).

818 SEIDLER, Édouard, Le Sport et la presse, Armand Colin : Besançon, 1964.

819 MONIER, Brice, op.cit., 2011, Annexes, p. 34.

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reprises, et la Coupe de l’Île-de-France relatée par un seul article. Quant à la saison 1937-1938, elle voit disparaître la Coupe du Sporting Club, et rien n’est dit concernant la Coupe de l’Île-de-France. La disparition d’un seul événement peut influencer de manière importante la visibilité encore très timide du badminton.

Figure 34 : Thèmes abordés par les articles parus dans L’Auto entre 1933 et 1939.

L’analyse qualitative de l’ensemble des articles permet de confirmer l’idée que les compétitions constituent le principal support de la visibilité de la pratique dans L’Auto. Les articles recensés ont été classés comme relatifs aux compétitions lorsqu’ils annoncent leur future tenue, retranscrivent leurs résultats ou en proposent un compte rendu. Les articles de nature institutionnelle présentent la création de la Fédération ou de nouveaux clubs. Les articles de propagande tentent de définir les contours de ce qu’est le badminton et sont logiquement davantage présents au moment où l’activité fait son « retour », en 1933. Enfin, les articles classés dans la catégorie « divers » ne répondent à aucune des trois autres catégories820. Finalement, l’essentiel de ce qui est présenté dans L’Auto ne permet pas au lecteur de se forger une image de la pratique et rejoint le constat que nous avions établi à l’occasion de la première partie.

820 Par exemple, un article explique qu’il faut 1 200 oies pour pouvoir fabriquer les volants nécessaires à la tenue des championnats internationaux d’Angleterre (L’Auto, 9 mars 1938, ark:/12148/bpt6k4636127x, p. 5, BnF, NUMP-16168), quand un autre dresse le portrait de Georges Grémillet, le joueur de tennis lyonnais également fervent de badminton (L’Auto, 28 décembre 1937, ark:/12148/bpt6k4630117p, p. 6, BnF, NUMP-16168).

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Concomitamment, des articles qui traitent du badminton voient le jour et se multiplient dans la Revue du tennis, du ping-pong et du badminton821.

Figure 35 : Évolution du nombre d’articles concernant le badminton dans la Revue du tennis et du badminton de 1931 à 1939.

Nous avons considéré qu’à chaque fois qu’un titre propose un changement de sujet ou de thématique, il s’agit d’un nouvel article. Parfois, ils sont difficiles à distinguer822. Dans certains cas, les articles s’étendent sur une page entière car un compte rendu de compétition est développé et la revue consacre une, deux, voire trois pages au badminton. Dans d’autres cas, seul un encart apparaît en dernière page. Ces logiques de parution sont souvent corrélées à la dynamique de la pratique, qui s’observe essentiellement l’hiver. Nous reviendrons sur ce constat. Ce graphique présente une légère augmentation du nombre d’articles consacrés au badminton à partir de la saison 1936-1937. Cette bascule peut se comprendre par le changement de gérant de la revue. Jacques Quiry cède sa place à René Mathieu en décembre 1936, soit deux mois avant que ce dernier ne rejoigne le bureau de la Fédération française de badminton. Son implication dans l’activité influence certainement l’importance qu’il lui accorde dans la revue officielle. Entre décembre 1935 et janvier 1936, l’organe officiel est rebaptisé : le ping-pong disparaît, il devient uniquement la Revue du tennis et du badminton.

821 La liste des numéros qui présentent des articles concernant le badminton est présentée en annexe (tableau 4, p. 45).

822 C’est le cas par exemple dans la Revue du tennis et du badminton, n°178, avril 1939, p. 16, Musée Tenniseum FFT. L’extrait est présenté en annexe (image 8, p. 74), nous estimons que trois articles sont proposés.

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Le ping-pong dispose dès 1932 de sa propre revue823. Ainsi, en plus d’obtenir un espace éditorial libéré, un promoteur du badminton prend la tête de l’édition. Plus encore, René Mathieu, sportif accompli, est journaliste de métier et responsable de la propagande pour la Fédération française de lawn-tennis. D’après son fils Maurice, René Mathieu fait partie des personnes ayant impulsé le développement du badminton en France dans les années 1930, du fait de ses liens avec René Gathier, qu’il aurait rencontré en Angleterre824. Maurice Mathieu précise également que son père est ami avec des journalistes du Figaro ou de L’Auto.

Figure 36 : Portrait de René Mathieu, Smash, n°4, mars-avril 1940, p. 16, Musée Tenniseum FFT.

Dès lors, nous pouvons penser que René Mathieu est une pierre angulaire de la propagande et de l’information autour du badminton, à travers la presse et dans la revue officielle. Il devient également président de la Fédération française de badminton à partir de 1937, et est à l’initiative de nombreuses compétitions et démonstrations. À la fin des années 1930, il reprend le rôle d’informateur jusqu’alors probablement assuré par John Yeo-Thomas dont on savait les capacités à diffuser les informations concernant le badminton dieppois dans la presse nationale. Les premiers articles de L’Auto sont sans doute liés à l’action de ce dernier. La comparaison des publications de la revue officielle avec des articles du quotidien sportif fait état d’une intrigante similarité :

823 MOUSSET, Kilian, RENAUD, Jean-Nicolas, « Divertissement de salon ou sport moderne ? Représentations du tennis de table dans l’Auto-Vélo et l’Auto (1900-1939) », Réseaux, n°199, 2016, pp. 183-214.

824 D’après Maurice Mathieu, entretien du 13 octobre 2014. Il précise que René Mathieu suivait sa femme, Simonne, joueuse de tennis de niveau international et plusieurs fois championne de France.

Figure 37 : Extraits de L’Auto (à gauche, L’Auto, 8 février 1936, ark:/12148/bpt6k4629431h, p. 3, BnF, NUMP-16168) et de la Revue du tennis et du badminton (à droite, n°141, 15 février 1936, p. 28, Musée

Tenniseum FFT.) présentant le même article.

L’article de la revue officielle qui précède les résultats présentés est signé par John Yeo-Thomas. Ces indices laissent largement penser qu’avant l’arrivée de René Mathieu, au début de la saison 1936, c’est bel et bien l’ancien Dieppois qui agit pour la propagande de l’activité en parallèle des actions de diffusions portées par les entreprises Babolat-Maillot-Witt et RSL.

Enfin, l’analyse qualitative des articles qui paraissent dans cette revue confirme l’idée que les compétitions constituent le principal support de visibilité donné au badminton (figure 38).

Figure 38 : Répartition thématique des articles de la revue officielle par saison sportive.

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Ainsi, les données liées aux compétitions apparaissent majoritaires. Les informations proposées se diversifient à partir de la saison 1936-1937, avec davantage d’éléments d’ordre institutionnel, et témoignent d’une bureaucratisation qui s’accentue. En revanche, la rubrique concernant les techniques et tactiques disparaît en même temps que John Yeo-Thomas abandonne le poste de conseiller technique. L’impact de chacun des acteurs paraît alors très important dans les dynamiques de l’activité. C’est ce qu’a observé Jean-Marc Silvain dans le cas du ping-pong, dont le développement a été initialement porté par un groupe d’individus déterminés et passionnés825. Le badminton repose sur quelques forces, soulignant la fébrilité de son institution naissante et éprouve ainsi des difficultés à subvenir aux exigences de la visibilité d’un sport moderne. Ces acteurs tentent d’offrir cette image en recherchant le progrès des meilleurs joueurs, dans l’espoir de disposer d’une aura internationale, ou, du moins, européenne.

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