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346 Outre ces premières protections, au stade de la conclusion du con-

trat, la L.P.M.C. vise à protéger le consommateur de trois manières : 1. si le contrat est par écrit, celui-ci devra être rédigé « de manière claire et

compréhensible » (article 40, § 1er) ;

2. « en cas de doute sur le sens d’une clause, l’interprétation la plus favora- ble au consommateur prévaut » (article 40, § 2) ;

3. enfin, toute clause abusive est interdite et nulle (article 75, § 1er).

2. Le contrat écrit doit être écrit de manière claire et compréhensible

47. Comme le souligne, à juste titre, Monsieur Erneux, « la première pro- tection du consommateur réside dans le plein exercice de son consentement » 48.

La question est évidemment de savoir pourquoi, après avoir utilisé l’adjectif « claire » le législateur a voulu y ajouter le terme « compréhensible ». Le législateur a voulu ainsi ajouter un critère subjectif en plus du critère objectif qu’est la clarté. Il nous semble qu’ainsi le législateur ait voulu insister sur le fait que la clarté du texte devra être adaptée en fonction de chaque consommateur et de son âge, son niveau d’éducation, sa formation profes- sionnelle, etc pour que le texte soit compréhensible au consommateur qui est appelé à signer le contrat.

3. En cas de doute, l’interprétation « la plus favorable au consommateur » vaudra

48. À nouveau, il faut faire le constat que le droit de la consommation vient court-circuiter le droit civil. Les règles d’interprétation des contrats existant aux articles 1156 et suivants du Code civil ne doivent plus être prises en compte puisque la règle est simple : en cas de doute, l’interprétation sera toujours en faveur du consommateur et pour grossir le trait, le législateur de 2010 utilise un superlatif (« le plus favorable »).

Comme l’écrit, avec raison, Monsieur Erneux

« les professionnels de la rédaction des contrats immobiliers doivent prendre garde à ce dispositif. Il est en effet possible que l’intervention d’un juge relève l’existence d’une carence dans l’exercice de leur mission même si chacun sait que l’ambiguïté est parfois la résultante de la négociation des par- ties elles-mêmes » 49.

48. P.-Y. ERNEUX, « La protection des consommateurs dans les ventes immobilières : questions d’actualité », inLa vente immobilière, aspects civils, administratifs et fiscaux, Anthemis 2010, p. 293. 49. Voir P.-Y. ERNEUX, op. cit, p. 303.

4. Toute clause abusive est interdite et nulle

a)

Le principe de l’interdiction des clauses abusives

49. Si en vertu de l’article 1134 du Code civil, la convention fait la loi des parties (ce qui veut dire que sauf les sanctions liées à l’abus de droit, le juge ne peut intervenir dans les relations contractuelles), il en va tout autre- ment dans le droit de la consommation puisque l’article 75 de la L.P.M.C. érige en principe que toute clause abusive est « interdite et nulle », le contrat restant « contraignant pour les parties s’il peut subsister dans les clauses abusives » (article 75, § 1er, al. 2).

Cette règle est impérative. Comme le précise l’article 75, alinéa 3, toute renonciation que ferait le débiteur à son sujet sera sans effet.

50. Comme nous le verrons en examinant la liste noire des clauses abusi- ves (voir n° 53), le critère premier retenu par le législateur pour déclarer une clause abusive est le déséquilibremanifeste qu’elle crée au profit de l’entre- prise et au détriment du consommateur.

Nous voyons à nouveau que le droit de la consommation vient ainsi évincer le Code civil car cette notion de déséquilibre manifeste fait penser à la lésion et la notion de « lésion qualifiée » 50, tout en ayant à nouveau un

spectre plus large que celle du Code civil.

L’article 73 de la L.P.M.C. ajoute d’ailleurs à l’attention du juge que pour apprécier le caractère abusif de la clause, celui-ci devra tenir compte de

« …la nature des produits qui font l’objet du contrat et (…) toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même que toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend.(…) ».

Si on applique ces règles au monde de l’immobilier et de la construction, il ne fait pas de doute, comme le relève, à bon escient, M. Erneux, que « les juges doivent inclure dans leur analyse tant le contenu de l’acte juridique lui- même que le déséquilibre économique, probable ou avéré, créé entre les droits et obligations reciproques des parties » 51.

Allons même plus loin puisque la loi parle non seulement du contrat lui- même mais « d’autres contrats dont il dépend ». Ainsi, l’équilibre d’une clause peut être examinée au regard de l’ensemble de l’économie du groupe de con- trats auquel il appartient 52.

50. Voir à ce sujet, V. SIMONART, La loi sur les pratiques du commerce et le droit des obligations, op. cit., n° 18.

51. P.-Y. ERNEUX, op. cit., p. 306.

52. Voir à propos de cette notion, P.-A. FORIERS, Groupes de contrats et ensembles contractuels. Quelques

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L’on peut penser à examiner ensemble le contrat d’architecture, les con- trats de sous-traitance, les contrats du coordinateur de chantier,etc pour apprécier si certaines clauses du contrat d’entreprise sont abusives.

Pour examiner de telles implications, nous nous retrouvons en quelque sorte dans ce que, dans les années 80, les professeurs Alexis Jacquemin et Guy Schrans avaient appelé de leurs vœux, à savoir une « magistrature économi- que » qui devait faire entrer dans l’application de la loi toutes les conséquen- ces économiques qui pouvaient en dépendre.

51. Par ailleurs, comme nous l’avons indiqué supra (voir n° 47) le contrat doit être écrit en termes clairs et compréhensibles.

Ainsi, fort logiquement, le législateur rappelle à l’article 73, 2e alinéa, de

la L.P.M.C., que dans l’appréciation du caractère abusif d’une clause, le juge tiendra également compte de l’exigence de « clarté et compréhension » qu’il a par ailleurs édictée.

52. Par contre, l’interdiction des clauses abusives vise ainsi spécifique- ment ces clauses et non l’ensemble du contrat.

C’est la raison pour laquelle l’article 75, § 2, de la L.P.M.C. stipule que le contrat peut rester contraignant pour les parties s’il peut subsister sans les autres clauses abusives.

Le législateur précise encore, à l’article 75, § 3, de la L.P.M.C., que « L’appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la défini- tion de l’objet principal du contrat, ni sur l’adéquation entre le prix et la rémunération d’une part et les biens et services à fournir en contrepartie, d’autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de manière claire et compréhensible ».

Il en découle que le droit de la consommation laisse encore aux parties la liberté de négocier pour autant que le professionnel puisse prouver que le consommateur ait fait un choix sur les éléments essentiels du contrat, en toute connaissance de cause, après avoir été parfaitement éclairé.

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