• Aucun résultat trouvé

Application ratione personae du droit de la consommation à l’immobilier

A.

Définition du « consommateur »

6. L’article 2, 3°,de la L.P.M.C définit le consommateur comme : « Toute personne physique qui acquiert ou utilise à des fins excluant tout caractère professionnel des produits mis sur le marché ».

Le consommateur se limite donc désormais aux seules personnes phy-

siques, à la différence de la définition antérieurede la L.P.C.C. qui visait éga-

lement les personnes morales. Ceci s’explique par le fait que législateur a souhaité faire correspondre la notion de consommateur avec les autres législa- tions belges 6 et est inspirée par des directives européennes en matière de pro-

tection du consommateur.

7. Comme par le passé, la notion de consommateur exclut tout carac-

tère professionnel, de sorte que la personne physique doit agir à des fins

exclusivement privées pour pouvoir bénéficier de la protection de la L.P.M.C. Si la personne physique destine le « produit acquis » à des fins pro- fessionnelles ou des fins « mixtes » 7, il s’exclut du champ d’application de la

loi 8, ce qui n’est pas sans importance dans la pratique.

En outre, c’est au moment de la formation du contrat que le caractère privé doit être examiné, et ce de manière objective. Pour les professionnels de l’immobilier, il est dès lors conseillé de prévoir, lors de la signature du contrat, une clause par laquelle son co-contractant déclare agir dans le cadre de son activité professionnelle, en tout ou en partie afin d’exclure l’applica- tion de la L.P.M.C.

8. Cette nouvelle définition du « consommateur » pose problème par rap- port à d’autres règlementations en droit de la consommation plus anciennes.

6. Voir, par exemple, l’article 1, 1° de la loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation. 7. L’exemple du véhicule automobile ou encore du PC est fréquent. En matière immobilière, l’on peut penser à la maison construite par un avocat pour y loger sa famille et y installer son cabinet. 8. J. STUYCK, « Les nouvelles définitions de la loi du 6 avril 2010 sur les pratiques du marché la protection du consommateur, et leurs conséquences », in X. La protection du consommateur après

les lois du 6 avril 2010, Anthemis, 2010, p. 27 ; Travaux parlementaires, DOC 52 2340/001,

Ainsi l’arrêté royal du 12 janvier 2007 relatif à l’usage de certaines clauses dans les contrats intermédiaires d’agent immobilier stipuleen son article 1, 1°, que :

« Le présent arrêté s’applique aux contrats d’intermédiaire de vente, achat et location conclus entre les agents immobiliers, visés par l’arrêté royal du 6 septembre 1993 protégeant le titre professionnel et l’exercice de la profession d’agent immobilier, et les consommateurs ».

L’arrêté royal ne définit cependant pas la notion de consommateur. Tou- tefois, dans la mesure où l’arrêté royalse fonde sur l’article 34 de la L.P.C.C., la doctrine 9 considérait qu’il y avait lieu de comprendre la notion de con-

sommateur de la même manière que celle qui résultait de l’article 1,7°, de la L.P.C.C., c’est-à-dire « Toute personne physique ou morale qui acquiert ou utilise à des fins excluant tout caractère professionnel des produits ou des ser- vices mis sur le marché ».

Dans la mesure où la L.P.C.C. a été remplacée par la L.P.C.M. et où le législateur a expressément indiqué vouloir harmoniser la L.P.C.C. aux « autres lois belges et de la législation européenne en matière du consomma- teur » désormais la notion de consommateur visée dans l’arrêté royal du 12 janvier 2007 relatif à l’usage de certaines clauses dans les contrats intermé- diaires d’agent immobilier, doit, à notre estime, être interprétée de la même manière que l’article 2, 3°,de la L.P.M.C. c’est-à-dire que le consommateur ne peut plus être qu’une personne physique dans le cadre du champ d’appli- cation de ce arrêté royal.

9. La loi du 2 août 2002 relative à la publicité trompeuse et la publicité comparative aux clauses abusives et aux contrats à distance en ce qui con- cerne les professions libérales 10 qui s’applique notamment aux architectes et

aux notaires, ne reprend pas, quant à elle, la notion de consommateur, mais de « client ». La définition reprise en son article 2, 2°, était cependant pro- che de celle du consommateur au sens de la L.P.C.C.

Ainsi, est « client » au sens la loi du 2 août 2002 :

« Toute personne physique ou morale qui, dans les contrats visés par la présente loi, agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle ».

9. J. STICHELBAUT, « Négociation immobilière – L’agent immobilier ou le notaire et son client : un couple sans histoire ? », in Actualité du droit immobilier, Anthemis, 2009, p. 24.

3

Ici, la définition n’a pas été adaptée, et vise dès lors toujours tant les per- sonnes physiques que les personnes morales mais toujours exclusivement dans le cadre de leurs activités privées. Compte tenu de la spécialité de la person- nalité morale qui a pour conséquence que cette personne n’existe que pour son objet social et ne peut accomplir valablement des actes qu’en vue de la réalisation de cet objet, l’on aperçoit mal comment parler d’« activités privées » dans le chef de ces personnes morales qu’elles aient été constituées à but de lucre ou non.

10. Au contraire, l’arrêté royal du 14 novembre 2006 portant approbation des règles applicables à la négociation par le notaire de vente amiable ou judi- caire de bien immeuble, prévoit qu’il s’applique aux contrats de négociations conclus par le notaire avec « ses clients » sans que cette notion ne soit définie. L’A.R. s’appliquera donc quelle que soit la qualité de son client, qu’il soit personne morale ou physique, agissant dans le cadre de ses activités profes- sionnelles ou privées 11, et ce donc même si ce dernier n’est pas un client au

sens de la loi du 2 août 2002 relative aux professions libérales.

B.

Définition du « professionnel »

11. Comme l’indiquent les travaux préparatoires de la L.P.M.C., l’une des principales modifications par rapport à la L.P.C.C. consiste en l’abandon de la notion de « vendeur » au profit de la notion d’« entreprise » 12. L’on ne

peut que s’en féliciter.

Bien que le législateur de 2010 ait choisi la notion d’« entreprise » et non de professionnel, ce dernier s’est en fait référé à la notion de « professionnel » au sens du droit européen pour définir la notion d’entreprise 13. Il convient

donc d’avoir finalement égard à la notion de « professionnel », telle que définie par la directive européenne 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur (ci-après

11. Cette distinction ne nous paraît devoir être faite que pour les personnes physiques, comme nous l’indiquons supra, n° 9.

12. Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 2009-2010, Doc 52 2340/001, p. 12.

13. Dans ses travaux parlementaires (notamment Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 2009-2010, Doc 52 2340/005,p. 7 et 2310/001, p. 13, le législateur se réfère à la loi sur la protection de la con- currence économique. Il faut cependant avoir égard à laDirective 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entre- prises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur qui traite de la même matière que la L.P.M.C.

appelée la « Directive de 2005 ») 14, pour interpréter la notion d’« entre-

prise » 15 dans la L.P.M.C. 16.

Ainsi, la notion de « professionnel » est définie en l’article 2 b) de la Directive comme

« toute personne physique ou morale qui, pour les pratiques commercia- les relevant de la présente directive, agit à des fins qui entrent dans le cadre de son activité, commerciale, industrielle, artisanale ou libérale, et toute personne agissant au nom ou pour le compte d’un professionnel ; »

12. La L.P.M.C. définit, de son côté, en son article 2, 1°, l’entreprise comme :

« toute personne physique ou personne morale poursuivant de manière durable un but économique, y compris ses associations ».

Les travaux préparatoires précisent à cet égard qu’une entreprise est une

organisation indépendante et durable au centre de laquelle une ou plu-

sieurs personnes produisent ou distribuent des biens ou des services à l’aide de moyens matériels et immatériels. Ainsi, le critère de l’entreprise tient compte exclusivement de l’organisation de l’activité, un simple acte isolé ne suffit pas pour bénéficier de la qualité d’entreprise 17 18.

Les travaux préparatoires précisent ainsi encore qu’est soumis à la L.P.M.C. celui qui participe aux échanges commerciaux au sens large du terme, et exclusivement ceux-là. Les actes des particuliers et leurs relations entre eux, en dehors de l’exercice de toute activité professionnelle, ne sont donc pas visées par la L.P.M.C. 19.

13. Vu le public auquel s’adresse ce recyclage, nous ne pouvons clore cette partie de notre étude sans aborder l’arrêt rendu ce 6 avril 2011 par la Cour constitutionnelle 20, même s’il ne concerne pas directement notre propos.

14. J.O., 10 juin 2005, L 149/22.

15. Bien que la notion d’entreprise au sens de la L.P.M.C. ne couvre pas le même champ d’application que celle du professionnel au sens de la directive, notamment en ce qu’elle exclut les professions libérales ainsi que les personnes qui agissent au nom ou pour le compte d’un professionnel. 16. C. const., n° 55/2011, 6 avril 2011, M.B., 8 juin 2011 ; A. PUTTEMANS, R. GYORY, « Qu’y a-

t-il de neuf dans la nouvelle loi sur la protection du consommateur (ex-LPCC) et qu’en est-il de sa compatibilité avec le droit européen ? », Dr. banc. fin., 2011/I, p. 7.

17. Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 2009-2010, Doc 52 2340/001, p. 13.

18. Il est intéressant de constater que cette définition se rapproche de celle de l’article 1er de notre Code

de commerce de 1804, tel que modifié en 1872 qui définit le commerçant qui fait « une profession

habituelle » dans laquelle il exerce des actes réputés commerciaux à l’article 2 de ce même Code.

19. Ibidem note infrapaginale 17.

3

Au contraire du droit européen, l’article 3, § 2, de la L.P.M.C précise que la loi ne s’applique pas au titulaire d’une profession libérale, au

dentiste, et au kinésithérapeute. En son article 2, 2°, la loi définit le titu-

laire d’une profession libérale comme :

« Toute entreprise qui n’est pas commerçante au sens de l’article 1er du

Code du commerce et qui est soumis à un organe disciplinaire créé par la loi ».

En effet, depuis 2002, les titulaires d’une profession libérale sont soumis à une loi spéciale, la loi du 2 août 2002 relative à la publicité trompeuse, la publicité comparative, les clauses abusives et les contrats à distance, propre aux professions libérales qui est considérée dans les travaux préparatoires de la L.P.M.C. comme similaire à la L.P.M.C. 21.

Cependant, dans son arrêt précité du 6 avril 2011, la Cour constitution- nelle en a décidé autrement. En effet, sur base d’une motivation qui fera sûre- ment l’objet de nombreux commentaires, la Cour a décidé que la L.P.M.C. s’applique à l’ensemble des professions libérales.

En application de cet arrêt et contrairement à que prévoit la loi elle- même les professions libérales, tels les architectes et les notaires tombent donc désormais dans le champ d’application de la loi.

14. En conclusion, la L.P.M.C. couvre tout professionnel quel qu’il soit, en ce compris les professions libérales, pour autant qu’il exerce son activité de manière durable et organisée. Cette loi concerne donc tant les entrepreneurs, que les architectes, le cuisiniste, l’électricien, le « toiturier », le poseur de châssis, etc.

SECTION 2

Application ratione materiae du droit

Outline

Documents relatifs