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L’immobilier et la consommation : deux mondes à part ?

Jean Pierre RENARD avocat

juge suppléantau tribunal de commerce de Nivelles

Ariane JORIS avocat

Entre le fort et le faible, … c’est la liberté qui opprime et la réglementation qui affranchit

Henri LACORDAIRE

SOMMAIRE

Introduction 82

SECTION 1

Application ratione personae du droit de la consommation

à l’immobilier 85

SECTION 2

Application ratione materiae du droit de la consommation

à l’immobilier 90

SECTION 3

Les obligations découlant du droit de la consommation

sur les professionnels de l’immobilier 94

SECTION 4

Les sanctions attachées aux violations des règles du droit

de la consommation 114

Introduction

1. Pendant longtemps, l’on pensa que le droit de la consommation n’avait pas vocation à croiser le monde de l’immobilier et de la construction.

Des opérations immobilières, qu’elles soient ventes ou contrats d’entre- prise n’intéressèrent que peu, dans un premier temps, le droit de la consomma- tion, partant du principe qu’une opération immobilière était exceptionnelle dans le chef du particulier/consommateur qui n’en réaliserait qu’une fois dans sa vie et encore pour les plus privilégiés d’entre eux, à savoir l’achat ou la cons- truction d’une maison familiale après avoir loué pendant un certain temps l’immeuble qui lui servait de résidence principale.

2. Cette conception a cependant changé sous l’influence de deux fac- teurs distincts.

D’une part le droit de la consommation s’est petit à petit intéressé au droit immobilier et les autorités prirent de en plus des dispositions spéciales visant à régler certaines situations spécifiques où il y avait lieu de protéger le consommateur face au professionnel avec qui il contractait. On pense ainsi notamment à :

– la loi Breyne du 21 octobre 1971 telle que réécrite en 1993 ;

– la loi du 7 décembre 1998 modifiant la loi du 14 juillet 1991 sur les pra- tiques du commerce et sur l’information et la protection du consomma- teur en (ci-après la « L.P.C.C ») étendant la liste noire des clauses abusives aux opérations immobilières ;

– la loi du 1er septembre 2004 relative à la protection des consommateurs

en cas de vente de biens de consommation, entrée en vigueur le 1er jan-

vier 2005, qui a inséré dans le Code civil les articles 1649bis à 1649octies sous une section intitulée « Dispositions relatives aux ventes à des consommateurs » 1 ;

– l’arrêté royal du 14 novembre 2006 portant approbation des règles appli- cables à la négociation par le notaire de vente amiable ou judicaire de bien immeuble ;

– l’arrêté royal du 12 janvier 2007 relatif à l’usage de certaines clauses dans les contrats intermédiaires d’agent immobilier ;

1. Comme nous l’expliquerons infra, il s’agit là qu’une avancée importante du droit de la consom- mation dans le monde immobilier qui passa relativement inaperçue lors de sa promulgation.

3

– la loi du 5 juin 2007 modifiant la L.P.C.C. en étendant le chapitre relatif à la publicité et les pratiques commerciales déloyales aux opérations immobilières ;

– etc.

D’autre part et surtout sous l’influence du droit européen, le droit de la consommation a eu de plus en plus tendance à supplanter le droit civil en vue de protéger au mieux les consommateurs dans toutes leurs relations avec un « professionnel ». Il a ainsi créé au-dessus des règles du Code civil 2 qui

règlent, de manière supplétive pour la majorité d’entre elles, les rapports entre les deux contractants, des dispositions que doit respecter impérative- ment le professionnel lors de la négociation, la conclusion et l’exécution du contrat quel qu’il soit, faisant en quelque sorte fi des distinctions essentielles (« summa divisio ») que le droit civil faisait entre les différents contrats nom- més, tels le contrat de vente et le contrat d’entreprise pour ne citer que deux des plus importants.

3. Ainsi, la loi du 6 avril 2010 relative aux pratiques du marché et à la protection du consommateur 3 (ci-après la « L.P.M.C ») qui a remplacé la

L.P.C.C. définit désormais le terme « produit » comme « les biens et les servi- ces, les biens immeubles 4, les droits et les obligations ».

C’est donc l’ensemble de la L.P.M.C. qui a donc désormais vocation à s’appliquer au droit immobilier 5. Par la loi du 6 avril 2010, le législateur a, tacitement mais

certainement, marqué la fin définitive du cloisonnement entre le droit immo- bilier et le droit de la consommation, mais cette étape bien que symbolique n’est finalement que l’aboutissement d’une « invasion » du droit de la consom- mation dans le monde de l’immobilier, commencée il y a plusieurs années.

4. À ce jour, on peut véritablement parler de « droit immobilier de la consommation » qui impose le respect de certaines règles, contraintes et forma- lités dans la négociation, la conclusion et l’exécution du contrat immobilier, distinctes des obligations du droit civil, et assujetties à des sanctions propres.

2. Qui lui-même connait l’influence du droit de la consommation puisqu’à ce jour les arti- cles 1649bis à 1649octiescomprennent les dispositions impératives relatives aux ventes à des con- sommateurs.

3. Parue au Moniteur belge du 12 avril 2010, p. 20.803. Elle est entrée en vigueur le 12 mai 2010. 4. C’est nous qui le soulignons.

5. Sous réserve que certaines pratiques ne visent que les « biens » et les « services » et non les « produits », ce qui ne rend pas les choses faciles quand il faut apprécier la situation du profes- sionnel dans le cadre du commerce « B to C » (Business to Consumer). Ainsi, par exemple, les dis- positions concernant la publicité comparative ne visent que les « biens » et non les « produits » (art. 19 L.P.M.C.).

Le droit immobilier de la consommation offre un corps de règles et de sanctions distincts du droit civil, fondé sur une logique propre et indépen- dante des classifications et sanctions classiques du droit civil.

Parallèlement au droit civil, le consommateur bénéficie donc d’une pro- tection spécifique à laquelle le professionnel (l’« entreprise »), sera attentive si elle ne veut pas voir le contrat conclu avec le consommateur touché par les importantes sanctions prévues par les différentes réglementations visant à pro- téger le consommateur (voir infra n° 61 et suivants).

La difficulté du droit immobilier de la consommation réside cependant dans le fait qu’il se compose de différentes législations particulières, certaines plus générales que d’autres, qui diffèrent toutes tant par leur champd’applica- tion que par leur contenu.

5. Dans la présente étude, nous nous efforcerons d’examiner les princi- pales conséquences de ce que l’on peut appeler le « droit immobilier de la consommation » a sur les rapports précontractuels et contractuels qui existent entre un professionnel et un particulier.

À cettefin, nous nous fonderons essentiellement sur la loi du 6 avril 2010 (la L.P.M.C.) et ses applications, que nous comparerons, le cas échéant, à d’autres lois particulières dont le champ d’application ratione personnae ou ratione materiae ainsi que le corps de règles sont chaque fois propres.

Au contraire, ne seront pas examinés dans le cadre de cette étude les rap- ports entre deux professionnels (le « B to B ») ou les rapports entre deux par- ticuliers (« C to C »), sous certaines réserves.

Nous n’examinerons pas non plus la question intéressante de l’influence du droit administratif, qu’il soit urbanistique ou environnemental, sur « les contrats immobiliers », qui dépasseraient largement le cadre de notre exposé.

* * *

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SECTION 1

Application ratione personae du droit

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