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L’obligation de « pratiques commerciales » loyales 1 Définition de la pratique commerciale

Les obligations découlant du droit de la consommation sur les professionnels de l’immobilier

B. L’obligation de « pratiques commerciales » loyales 1 Définition de la pratique commerciale

23. Le législateur de 2010 a voulu viser toutes pratiques commerciales 36

et a donc donné à cette notion une définition extrêmement large. Selon l’article 2, 29°,de la L.P.M.C. 37, est une pratique commerciale :

« Toute action, omission, conduite, démarche ou communication com- merciale, y compris la publicité et le marketing, de la part d’une entreprise en relation directe avec la promotion, la vente ou la fourniture d’un produit » 38.

La notion de pratique commerciale vise donc tout comportement actif ou passif (les « omissions » sont également visées) d’une entreprise qui a pour but final la délivrance d’un produit au consommateur. Seule une publicité qui n’aurait aucun lien avec ce but pourrait être considérée comme ne ren- trant pas dans le champ d’application de la L.P.M.C. 39. L’hypothèse peut

exister mais elle est relativement rare, du moins en matière immobilière, et particulièrement dans le domaine de la « construction mobilière ».

L’article 83 de la L.P.M.C. ne fait que préciser ce qu’il faut entendre par lesdites pratiques commerciales déloyales puisqu’il stipule que la section con- cernant les pratiques commerciales déloyales s’appliquent « aux pratiques déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs avant, pendant et après l’offre en vente et la vente de produits ». En d’autres termes que si les « pratiques commerciales » visent déjà le professionnel dès le début de sa recherche du client consommateur, elles continuent à s’appliquer même dans

36. La L.P.C.C. visait de manière plus restrictive la « publicité » en ses articles 22 et s.

37. Le législateur de 2010 a eu l’excellente idée, à l’instar de la Directive de 2005, de rassembler en son article 2, 37° définitions de termes clés utilisés dans la L.P.M.C.

38. Ce texte n’est en fait que la transposition littérale de l’article 2 d) de la Directive de 2005 39. Voir I. FERRANT, « Les pratiques commerciales déloyales à l’égard du consommateur », in La pro-

les relations précontractuelles et contractuelles avec ce dernier. Les autres obligations que nous évoquerons infra (n° 45 et suivants) viendront se super- poser à ces pratiques qui devront rester loyales.

2. Définition de la pratique commerciale déloyale

24. Avant d’entrer dans le vif du sujet, nous voudrions vous livrer ce que nous considérons comme la meilleure définition de ce qui est « déloyal », car elle nous permettra chaque fois de trouver la ligne de démarcation entre la pratique commerciale qui peut être admise sans tomber dans un angélisme naïf et celle qui doit être prohibée.

Ce qui est « déloyal », c’est ce qui trompe la confiance légitime de

l’autre.

Le législateur de 2010 a utilisé, dans l’article 84 de la L.P.M.C., deux cri- tères pour décréter qu’une pratique commerciale est déloyale :

1. 1er critère : une pratique commerciale est déloyale tout d’abord lorsqu’elle

est « contraire aux exigences de la diligence professionnelle » 40.

25. Pour savoir ce qu’il faut entendre par diligence professionnelle, il faut se référer à l’article 2, 32°, de L.P.M.C. qui définit la diligence pro- fessionnelle comme étant

« Le niveau de compétence spécialisé et de soin dont l’entreprise est rai- sonnablement sensée faire preuve dans son domaine d’activité vis-à-vis du consommateur, conformément aux usages honnêtes en matière commerciale ».

L’on ne saurait trop insister sur ce premier critère puisqu’il oblige le pro- fessionnel, sous peine des graves sanctions que nous verrons infra (voir n° 61 et suivants), à être « compétent et consciencieux », comme le pré- cisent les travaux préparatoires.

Le fait, pour un entrepreneur de travaux, de faire de la publicité ou d’accepter un chantier qu’elle sait ne pas savoir accomplir au moment où elle fait l’offre, le fait pour un architecte de se présenter comme un spé- cialiste dans la conception de complexes industriels, qui le dépasse, le fait pour un pisciniste de faire de la publicité pour un système de couverture de piscine qu’il ne maîtrise pas, … sont autant de pratiques qui seront déloyales sans que le consommateur ne doive apporter d’autre preuve d’une quelconque faute dans le chef du professionnel.

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Certes, comme il sera rappelé infra (voir n° 26), le professionnel peut encore mentir caricaturalement et tomber dans la vantardise à la Tartarin de Tarascon qui ne convaincra personne et fera tout au plus sourire mais le mensonge calculé, par commission ou même par omission, du faux spé- cialiste trompant ainsi la légitime confiance du consommateur n’est plus admis.

2. 2e critère : altération substantielle du comportement du consommateur

moyen ou particulièrement vulnérable 41.

26. Est également considérée comme une pratique commerciale déloyale, celle qui

« altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur moyen qu’elle touche ou auquel elle s’adresse, ou si elle s’adresse à un groupe de consomma- teurs déterminés, le comportement économique du membre moyen de ce groupe, par rapport au produit concerné ».

Pour ne laisser aucun doute quant à sa volonté de protéger le consomma- teur, le législatif ajoute, à l’article 84 b), 2e alinéa, qu’il considère que :

« Une pratique commerciale qui est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique d’un seul groupe clairement identifiable de consommateurs, parce que ceux-ci sont particulière-

ment vulnérables à la pratique utilisée ou aux produits qu’elle con-

cerne en raison d’une infirmité mentale ou physique, de leur âge ou de leur crédulité, alors que l’on pourrait raisonnablement attendre de l’entreprise qu’elle prévoit cette conséquence, est évaluée du point de vue du membre moyen de ce groupe. Cette disposition est sans préjudice de la pratique publicitaire courante et légitime consistant à formuler des déclarations exagérées ou des déclarations qui ne sont pas destinées à être comprises au sens littéral ».

Comme nous l’avons indiqué au n° 25, il résulte de la dernière phrase de l’article précité que si, comme par le passé, l’on peut encore « mentir dans le vague » en annonçant par exemple « qu’on est le meilleur » sans faire aucun point de comparaison, la L.P.M.C. entend sanctionner de manière plus stricte qu’auparavant, tout comportement d’une entreprise qui a pour but (i) d’altérer le comportement économique (ii) d’un con- sommateur moyen (iii) en veillant à apporter une protection particulière aux consommateurs particulièrement vulnérables.

Revenons sur ces trois notions utilisées par la L.P.M.C. (i) « L’altération d’un comportement économique » :

27. Pour savoir ce que le législateur entend par « altération substan- tielle du comportement économique » d’un consommateur, il faut se référer à l’article 2, 30°, de la L.P.M.C. qui la définit comme suit : « l’utilisation d’une pratique commerciale compromettant sensible- ment l’attitude du consommateur à prendre une décision en con- naissance de cause et l’amenant par conséquent à prendre une

décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement ».

Pour savoir alors ce que le législateur de 2010 a entendu par « décision commerciale », il faut se transporter jusqu’au n° 35 du même article 2, où il est précisé qu’est une décision commerciale : « toute décision prise par un consommateur concernant l’opportunité, les modalités et les conditions relatives au fait d’ache- ter, de faire un paiement intégral ou partiel, de conserver, de se défaire ou d’exercer un droit contractuel en rapport avec le produit, qu’elle l’ait amené soit à agir, soit à s’abstenir d’agir » 42.

Voici un premier exemple éclatant de ce que nous indiquions en notre introduction, à savoir que le droit de la consommation sup- plante et court-circuite les dispositions du Code civil. Lorsqu’on lit, en effet, l’article 84 b) et les définitions qui s’y rapportent à l’article 2 de la L.P.M.C, l’on ne peut s’empêcher de penser aux vices de consentement des articles 1109 et suivants du Code civil. Il est clair cependant que par rapport à leurs conditions précises, telle par exemple celles qui découlent du dol principal par rapport à celle du dol incident, la L.P.M.C. vise de manière beaucoup plus large tout comportement de quelque nature que ce soit qui influence le consommateur tant dans la phase précontractuelle et contractuelle, que dans l’exécution du contrat. En outre, au point de vue des con- séquences que l’on peut en tirer, l’article 2, 35°, de la L.P.M.C. fait expressément état de la possibilité de « se défaire du produit » (ce qui suppose qu’on l’ait acquis) au contraire de la sanction prévue pour le dol principal qui est la nullité.

À nouveau seul le fait d’altérer la décision du consommateur suffit, l’élément requis en notre Code civil dans le dol est totalement absent.

42. Ces deux définitions, l’une concernant l’altération du comportement économique et l’autre la décision commerciale, viennent en droite ligne de la Directive de 2005 (voir ses articles 2.e) et k)).

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(ii) Le consommateur moyen » :

28. Contrairement aux autres notions déjà rencontrées, la L.P.M.C. ne définit pas ce qu’il faut entendre par consommateur moyen, mais la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés Européen- nes est suffisamment claire à ce sujet.

Il s’agit « du consommateur normalement informé et raisonnable- ment attentif et avisé, compte tenu des facteurs sociaux, culturels et linguistiques » 43. Une publicité pour l’acquisition d’un appartement

en time-sharing ou pour la pose d’une installation photovoltaïque devra être compréhensible par le consommateur lambda et non par le titulaire d’un diplôme universitaire ou d’une haute école.

(iii) Le consommateur (particulièrement) vulnérable » :

29. C’est la Directive de 2005 qui a créé cette nouvelle catégorie de consommateurs, à savoir le consommateur vulnérable à qui est accordée à juste titreune protection supplémentaire. Le texte vise les personnes âgées, les enfants ou les personnes handicapées, etc vis-à- vis desquels le professionnel de l’immobilier ou de la construction veillera particulièrement à ne pas être déloyal en profitant de sa fai- blesse ou ses besoins particuliers. Vendre un système domotique à une personne de 75 ans sera évidemment plus facile qu’à un jeune homme de 25 ans qui ne manquera pas de poser les questions aux- quelles ne pensera pas son aîné.

3. Interdiction des pratiques déloyales trompeuses ou agressives

30. Le législateur de 2010, après avoir par défaut défini la norme de la pratique commerciale loyale c’est-à-dire celle qui provient d’un professionnel normalement diligent, et qui ne vise pas à altérer de manière substantielle le comportement du consommateur moyen ou particulièrement vulnérable, a souhaité sanctionner deux pratiques déloyales particulières à savoir les prati- ques commerciales trompeuses, visées aux articles 88 et suivants de la L.P.M.C., et les pratiques commerciales agressives, visées aux articles 92 et suivants de la L.P.M.C.

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