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Au-delà de ces premières mesures d’urgence, quatre principes doivent guider le nécessaire soutien de l’Etat au secteur public

territoriales sont confrontés à des difficultés très diverses qui justifient des réponses sur

2. Au-delà de ces premières mesures d’urgence, quatre principes doivent guider le nécessaire soutien de l’Etat au secteur public

local et conduisent à écarter deux scénarios extrêmes

2.1. QUATRE PRINCIPES POUR GUIDER L’ACTION DE L’ETAT

L’analyse menée jusqu’à présent des conséquences de la crise sanitaire sur les finances locales mais également l’impact plus large de la crise économique et sociale conduit à construire une réponse graduée qui doit tenir compte de quatre principes majeurs pour guider l’action de l’Etat :

La solidarité en ciblant un soutien aux collectivités les plus fragiles et les plus touchées par la crise afin d’assurer la continuité du service public ;

Une adaptation graduée dans le temps en tenant compte de l’évolution de la situation ;

La libre administration des collectivités territoriales, avec pour corollaire une exposition aux aléas de la conjoncture et une responsabilisation sur les dépenses engagées ;

25 Source : DGFiP, équivalent à cette date en 2019

RECOMMANDATION 11.

Préserver les versements de l’Etat aux collectivités (CAF…), des collectivités entre elles (CCAS, ASE, subventions…) et des collectivités aux associations et entreprises (levée de la clause du service fait, exécution de la commande publique, etc…) afin de circonscrire l’impact le plus en amont possible.

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La subsidiarité de l’action publique en considérant les collectivités comme les acteurs indispensables tant pour la gestion de la crise que pour la gestion de « l’après ». Les collectivités sont tout à la fois des acteurs-clés pour :

La gestion de la crise sanitaire : achat de masques et de matériels de protection et, de manière générale, contribution au maintien de l’ordre public sanitaire ;

Le soutien à la société civile (entreprises, associations, particuliers) face à la crise économique et sociale, dans le respect de leurs compétences respectives ;

La relance de l’économie, qui ne pourra que passer par le secteur public local au vu de son poids dans l’investissement public et de la diversité des territoires et des situations locales.

2.2. CES PRINCIPES CONDUISENT A ECARTER DEUX SCENARIOS EXTREMES : L’ABSENCE D’INTERVENTION ET LA COMPENSATION INTEGRALE DES RECETTES ET DES DEPENSES

2.2.1. L’absence de soutien de l’Etat

L’absence de soutien de l’Etat, option choisie suite à la crise de 2008-2009, aurait des conséquences graves sur la situation financière des collectivités qui seraient dans l’incapacité de jouer leur rôle dans le soutien et la relance de l’économie.

La majorité des collectivités dispose d’une trésorerie et d’une capacité d’autofinancement théoriquement suffisantes pour répondre aux enjeux de la crise sanitaire et faire face aux pertes de recettes comme aux dépenses nécessaires à la continuité des services publics et au soutien de l’économie locale et du monde associatif. Certains pourraient être tentés de les laisser “se débrouiller”. Ce scénario n’apparaît pas souhaitable car il aurait pour conséquence :

L’impossibilité pour certaines collectivités de voter un compte administratif 2020 avec une section de fonctionnement équilibrée. Les premières mesures proposées par le Gouvernement (avances de fiscalité, acomptes de DGF…) repoussent en fin d’exercice les difficultés de trésorerie rencontrées actuellement par les collectivités et groupements les plus fragiles financièrement (outre-mer, communes exposées aux recettes « sensibles », AOM, certains départements), sans cependant les faire disparaître. Les limites légales de déséquilibre de la section de fonctionnement en exécution (5 à 10% selon les cas) seront dépassées dans certains cas et les collectivités qui parviendraient à les respecter auront consommé l’intégralité de leur capacité d’autofinancement,

 Une diminution importante de la capacité d’autofinancement des administrations publiques locales, ce qui entraînerait un effondrement de l’investissement public dès maintenant et pour les prochaines années ; Le tissu économique, le monde associatif et les ménages en seraient les premières victimes. Il se traduirait par une augmentation prévisible de la pression fiscale (comme observée en 2009/2010) ainsi que par la difficulté voire l’impossibilité de maintenir, et a fortiori, de renforcer l’investissement public local et les mesures locales de soutien.

Cela ne pourrait qu’accentuer les inégalités territoriales et la difficulté pour de nombreux acteurs à surmonter la crise que nous traversons.

Les réponses apportées au choc de la crise de 2008 n’étaient ni suffisantes ni correctement ciblées et ne peuvent constituer un modèle pour le présent

La crise financière de 2008-2009 a eu un impact très net sur les finances locales et provoqué d’importantes pertes de recettes et, particulièrement pour les départements, une progression des dépenses sociales.

Les réponses apportées se sont contentées de faciliter l’accès aux crédits des collectivités et à veiller à ralentir l’augmentation du coût de la dette, alors que les collectivités entraient dans la crise dans une situation plus délicate qu’aujourd’hui. En effet, les marges financières du secteur public local étaient moins importantes : en 2007, les

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administrations publiques locales (APUL) affichaient alors un solde de -0,4% du PIB, soit -8,1 Md€ (vs 2,7Md€ en 2019). La capacité de désendettement était largement supérieure à celle d’aujourd’hui (7,8 années en 2007 vs 4,5 années en 2019). De même, l’accès à l’emprunt de l’ensemble des collectivités territoriales est facilité : alors que les taux d’emprunt étaient d’environ 4% en 2007 (vs <1% aujourd’hui).

La Caisse des dépôts et consignation a ainsi débloqué une enveloppe exceptionnelle de 5 milliards d’euros pour pallier la pénurie de crédit.

Aucune mesure n’a été prise pour compenser les pertes de recettes fiscales, domaniales et tarifaires. Les collectivités étaient d’autant plus fragiles en 2008 que la crise a révélé l’existence d’emprunts toxiques contractés par les collectivités conduisant à la mise en place d’une « charte de bonne conduite » entre établissements bancaires et collectivités et à la création d’un médiateur pour les emprunts toxiques. Alors qu’aujourd’hui, 95% de l’encours de dette des collectivités locales est à taux fixe.

Les collectivités locales ont ainsi été contraintes d’accroître la pression fiscale sur le contribuable local (deux tiers des communes ont ainsi augmenté leur taux de TH et de TF ; les départements ont, en moyenne, accru les mêmes taux de 6,2% en métropole).

Déjà en 2008, le constat le plus préoccupant s’est porté sur la situation des finances départementales. Les DMTO ont tout particulièrement pâti de la conjoncture économique : leur rendement a chuté de -11 % en 2008 et de -27%

en 2009. Confrontés en parallèle à une hausse de leurs dépenses sociales (avec notamment des dépenses de RSA en hausse de +9,7% en 2009 et +12,8% en 2010), les départements ont subi un véritable effet ciseaux. Les départements n’ont bénéficié d’aucune mesure de soutien à court-terme et ont dû recourir à l’endettement pour faire face à leurs frais de fonctionnement - le montant de leurs emprunts a ainsi augmenté de 37,3 % sur l'exercice 2008. Cet effet ciseaux a également été compensé par une augmentation de la pression fiscale et une diminution des projets d’investissement. Une dotation d’urgence (fonds de 150 M€), très en deçà des besoins réels, a finalement été mise en place, à l’occasion de la loi de finances rectificative pour 2010, afin de venir en aide aux départements les plus en difficulté.

Enfin, la crise de 2008-2009 a entraîné assez rapidement la désindexation de la DGF et plus tard sa baisse drastique.

Surtout, si la comparaison entre la crise de 2008 et la crise actuelle est tentante, les situations diffèrent sous de nombreux aspects et appellent des réponses différentes. En effet, les mesures de confinement et de protection rendues nécessaires par la crise du covid19 entraînent une mise à l’arrêt immédiate et presque complète de l’économie et particulièrement des services, avec des perspectives de reprise incertaines. La crise financière de 2008 se différencie car elle a eu pour conséquence principale une contraction de l’investissement privé et de la consommation provoquant à son tour une baisse du niveau et du taux de croissance des recettes fiscales, notamment locales.

2.2.2. La compensation intégrale des pertes de recettes et des dépenses supplémentaires par l’Etat

A l’inverse, la compensation intégrale des pertes de recettes et des dépenses supplémentaires occasionnées par la crise ne serait pas soutenable et serait contradictoire avec le principe de libre administration des collectivités territoriales.

Pour les défenseurs de cette solution, l’Etat serait le seul acteur à pouvoir recourir à l’endettement pour couvrir son déficit. Il emprunterait en outre à des taux moindres que les autres acteurs publics. Par ailleurs, l’Etat serait le seul responsable des mesures prises pour lutter contre la pandémie (confinement et déconfinement en particulier) et n’associerait pas les collectivités locales à ses décisions. Il devrait donc assumer l’ensemble des coûts afférents.

La compensation intégrale des moindres recettes et des dépenses supplémentaires constituerait ainsi une nationalisation totale du coût de la crise. Ce scénario n’apparaît pas non plus souhaitable :

 Accroître le déficit et l’endettement de l’Etat alors que les collectivités disposent d’une bonne trésorerie et de marges de manœuvre n’aurait pas de sens ;

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Une compensation intégrale serait contradictoire avec les principes de libre administration et d’autonomie financière qui distinguent les collectivités locales de simples opérateurs de l’Etat. Elle correspondrait à un « droit de tirage » illimité qui ne tiendrait pas compte des responsabilités des élus dans de multiples décisions (exonérations, soutien au tissu économique…). Les gains seraient individualisés et les pertes nationalisées.

 Elle traduirait également une absence de confiance de l’Etat dans la capacité des élus à gérer cette crise ;

Elle aurait un caractère “aveugle” qui ne tiendrait pas compte de la capacité de nombreuses collectivités à traverser la crise sans dommages, ni des économies réalisées dans le fonctionnement des services, alors que les administrations publiques locales ont, elles aussi, un devoir de solidarité ;

Elle créerait une confusion en matière de démocratie locale sur les responsabilités de chacun à un moment où tous cherchent à aligner compétences / ressources / responsabilités.

En outre, la compensation intégrale négligerait le fait que l’ensemble des collectivités territoriales dispose aujourd’hui de l’autonomie financière. Cela implique une exposition aux hausses comme aux baisses de recettes fiscales dont elles sont bénéficiaires. Le niveau des recettes issues des services publics reflète largement les choix de gestion des collectivités. Les dépenses supplémentaires sont, pour une large part, dépendantes des choix individuels des collectivités d’intervenir au soutien du tissu économique et associatif, ainsi que d’assurer un niveau déterminé de services publics qu’il n’appartient pas à l’Etat d’arbitrer (au-delà d’un niveau minimal souhaitable sur l’ensemble du territoire).

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Partie 5.

Des mesures d’urgence pour faire face à la