Les activités bancaires n’ont pas été spécialement réglementées selon une approche historique. Pendant longtemps, elles ont été gérées en tant qu’activités ordinaires, par les commerçants ou par les banquiers privés. Grâce à l’évolution de la technologie et de la forme de gestion des activités commerciales, l’échelle des activités bancaires s’est largement agrandie. Mais les établissements bancaires, en tant qu’entreprises commerciales, ont commencé par être fondés sous forme de sociétés anonymes. Certains grands établissements bancaires sont nés sur 19e siècle113.
Après les commerçants et les banquiers privés, l’État s’est lui aussi engagé dans les activités bancaires. Au début, la nature des activités de l’établissement bancaire public a été comparable à celle de l’établissement bancaire privé, et l’engagement de l’État dans les activités bancaires l’a amené à assurer son propre financement ; mais après avoir subi l’effet du free banking114, l’État a monopolisé l’émission des billets de
banque et a fini par désigner l’établissement bancaire détenu par l’État comme seul émetteur des billets de banque115 : ce fut l’intervention initiale de l’État à l’égard des
activités bancaires, et elle eut donc un impact sur le fonctionnement de l’économie116.
113 Sur l’historique, v. Belebecque Ph. et German M., Traité de droit commercial, [texte imprimé] Paris : LGDJ., 16
éd. , 2004, n. 2217 et suivant.
114 La théorie libérale est en faveur de l’idée de free banking, ayant pour origine la politique du laissezfaire sur le système bancaire et monétaire. Selon la théorie du free banking, l’établissement bancaire est traité en tant qu’établissement ordinaire du marché. Par ailleurs, l’établissement bancaire peut émettre librement les billets de banque. Les agents de l’économie peuvent déterminer le montant des liquidités susceptibles de circuler sur le marché, les liquidités étant soutenues par une réserve équivalente. Au sens strict de free banking, la banque centrale est supprimée, le soutien de la banque centrale est bloqué, la crédibilité mise dans les billets de banque et dans les dépôts bancaires est également abolie. Le Free banking s’oppose au monopole bancaire, mais le bon fonctionnement de la banque libre exige le soutien de conditions supplémentaires, telles que la confiance, l’établissement du système de la confiance et la visibilité sur une exploitation à long terme. Sans soutien supplémentaire, la défaillance du free banking peut produire plus d’effets négatifs sur le marché, c’est la raison pour laquelle la pratique du free banking s’est arrêtée dans plusieurs juridictions après avoir subi la crise bancaire. Par ailleurs, certains aspects de l’idée de free banking, tels que l’émission libre de billets de banque et le maintien
d’une circulation de billets de banque entre différentes banques, peuvent augmenter le coût de transaction entre les acteurs du marché.
115 Après l’arrêt de la convertibilité entre les billets de banque et l’or, les billets deviennent des monnaies fiduciaires, garanties par la crédibilité de l’état.
116 V. Grossman R. Unsettled Account: the evolution of banking in the industrialized world since 1800, [texte imprimé], EtatsUnis: Princeton university press, 2010, p. 38 et suivant.
Aujourd’hui, les activités bancaires sont devenues une activité réglementée, et le niveau des exigences réglementaires, prolongement de l’étude des crises bancaires dans le siècle précédent117, a augmenté exponentiellement. Outre l’émission de billets
de banque qui a déjà été soumise à la compétence de la banque centrale, l’exercice des activités bancaires est soumis à des conditions d’agrément et à des normes prudentielles118. Si un établissement bancaire rencontre des difficultés, selon la
gravité de cellesci, la banque centrale comme préteur en dernier ressort119, et le
mécanisme de garantie des dépôts120 peuvent intervenir pour les traiter, afin de
maintenir la stabilité du marché. Mais à cause de sa nature, le déroulement des activités bancaires est toujours associé à un haut niveau de risques. La prévention des risques de défaillance est donc importante. Et ce qui caractérise notre droit contemporain, c’est une extension de la régulation administrative des activités bancaires. Elle n’a cessé de croitre depuis 2008.
Certes, l’établissement bancaire, en tant qu’entité commerciale bien que réglementé, est soumis au régime du droit commun et à celui du droit bancaire. Or, la ligne de la prévention des risques de défaillance en droit bancaire est claire : d’une part, il faut renforcer les normes prudentielles et mettre en œuvre une surveillance fiable, afin d’augmenter le niveau de résilience et de corriger les irrégularités dès leur apparition ; d’autre part, il faut pouvoir adapter la structure des établissements bancaires, soit par le régime de la séparation des activités, soit par le régime de la préparation du traitement de la défaillance bancaire, afin d’assurer l’efficience des fonctions clés et de faciliter le traitement de la défaillance.
117 L’histoire de la réglementation des activités bancaires reflète le fil des expériences de crises bancaires. Selon
Reinhart et Rogoff, plus de deux tiers des juridictions ont subi, depuis 1800 jusqu’à 2008, des crises bancaires, et la
majorité des crises ont été subies dans le siècle précédent. V. REINHART et ROGOFF, This time is different, Eight
centuries of Financial folly [texte imprimé] ,EtatsUnis: Princeton University Press, 2009, data appendixes, A.4.
118 Plus de la moitié des juridictions ont adopté ou sont en train d’adopter la nouvelle édition des normes
prudentielles dites Bâle III, V. Le résultat de l’enquête publié par BIS et FSI, http://www.bis.org/publ/bcbs290.pdf, http://www.bis.org/fsi/fsiop2014.htm
119 En l’état actuel, plus de 90% des juridictions disposent d’une banque centrale ou d’une institution qui assume les fonctions d’une banque centrale, V. Liste des banques centrales, http://www.bis.org/cbanks.htm,
http://en.wikipedia.org/wiki/List_of_central_banks
120 Plus de la moitié des juridictions disposent du mécanisme de garantie des dépôts, la statistique est fournie par l’association internationale de l’assurance des dépôts, V. http://www.iadi.org/di.aspx?id=67
Aussi par rapport à l’orientation administrative, l’efficacité de la prévention de la défaillance bancaire en droit commun est moins réactive. Bien que les membres de l’organe de direction ou les gestionnaires professionnels, par rapport à l’autorité régulatrice, disposent de plus d’informations, la mise en œuvre d’un contrôle efficient, sur la seule base de codes de la gouvernance d’entreprise, n’est pas facile : l’insuffisance de la motivation des membres de l’organe de direction, associée au risques de la mise en œuvre d’une responsabilité, y est pour une part ; d’autre part, le manque de motivation ou de compétence des parties juridiquement qualifiées pour le déclenchement du traitement peut faire perdre l’opportunité d’initier le traitement privé de façon précoce. Pour cette raison, le droit commun de la prévention des risques de défaillance a une position subsidiaire.
En droit bancaire comparé positif, un constat, quantitatif et qualitatif s’impose celui de la prééminence des autorités administratives lors de la mise en œuvre de mesures préventives. Cependant, le droit commerce n’en continue pas moins à être applicable, sauf prescription contraire. Dans les deux hypothèses, les mesures sont confidentielles.
L’harmonisation doit tendre rationnellement à coordonner les interventions des autorités administratives, mais aussi à les adapter avec le droit commun commercial et son application judiciaire. Titre 1 : la prééminence de la prévention administrative Titre 2 : la complémentarité ou la subsidiarité du droit commun