Section I : Le cadre statutaire de la surveillance
A. Les statuts nationaux
Le modèle de structure de surveillance ayant pour objet d’examiner la conformité aux normes prudentielles a été intégrée au Bâle II499. Ce texte propose des
examens réguliers de la conformité aux normes prudentielles et de l’état de santé des établissements bancaires, tels que des examens ou des contrôles sur place, des examens sur dossiers, des entretiens avec les membres de l’organe de direction, lʹexamen de dossiers préparés par des experts comptables extérieurs, ainsi que la demande de rapports réguliers500. Par ailleurs, le teste de résistance501 (stress test)
devient progressivement le moyen offert à une autorité régulatrice compétente pour évaluer l’état financier des établissements bancaires502.
Parmi les systèmes sélectionnés, des mécanismes de contrôle sur place et sur dossiers, des entretiens avec les personnes responsables, etc., sont similaires, mais le périmètre des informations collectées n’est pas entièrement homogène, et cela peut affecter la qualité du contrôle, selon qu’il s’agit des Etats de l’Union européenne, de la Chine ou des EtatsUnis.
Union européenne Une série des règlements européens ont été adoptés503ou
sont en cours de finalisation504 pour établir l’Union bancaire505. Les règlements
499 V. CBCB, Convergence Internationale de la mesure et des normes de fonds propres, [en ligne] juin 2006, [réf. du 1er février 2015], Disponible sur : http://www.bis.org/publ/bcbs128fre.pdf 500 Ibid., partie 3, p. 223 et suivant 501 Le teste de residence ( stress test) est « quantitative tools used by banking supervisors and central banks for assessing the soudness of financial systems in the event of extreme, but still plausible, shocks( macroeconomic stress tests) », aussi, il est « an important management instrument for banks since they provide financial institutions with useful indications in the reliability of the internal systems designed for the measurement of risks ( microeconomic or prudential stress tests) ». V. Quagliariello M.(ed.). Stresstesting the banking system : Methodologies and applications. Cambridge, UK : Cambridge University press, 2009. p. 1 502 V. Les résultats de testes de résistance concernant les établissements bancaires des EtatsUnis et de l’union européenne, [réf. du 1er décembre 2015], disponible sur : site de la FED : http://www.federalreserve.gov/bankinforeg/stresstestscapitalplanning.htm ; site de l’ABE : http://www.eba.europa.eu/riskanalysisanddata/euwidestresstesting.
503 Le règlement uniforme des normes prudentielles est assuré par le règlement européen du 26 juin 2013, la surveillance unique est assurée par le règlement européen du 15 octobre 2013, la résolution unique est assurée par le règlement européen du 15 juillet 2014.
504 Le système européen de garantie des dépôts a en train d’être finalisé par le projet du règlement européen du 24 novembre 2015.
505 Actuellement, l’Union bancaire contient deux pillers, notamment, la surveillance unique et la résolution unique. V. site de la Commission européenne sur l’Union bancaire : http://ec.europa.eu/finance/general policy/bankingunion/index_fr.htm
européens du 15 octobre 2013506 et du 22 octobre 2013507, organisent ce qu’il est
convenu d’appeler le MSU (mécanisme de surveillance unique) des établissements bancaires sous la tutelle de la Banque centrale européenne (BCE). Même si l’on excepte des risques isolés de défaillance, le contrôle prudentiel s’exerce désormais sous l’égide de la BCE en liaison avec les autorités nationales spécialisées.
Sous le régime de l’Union bancaire, la banque centrale européenne (BCE) a le pouvoir de surveiller les établissements bancaires soumis à son régime réglementaire. Le règlement européen du 15 octobre 2013 précise donc les pouvoirs de la BCE en matière de surveillance : demande d’information, mise en œuvre d'enquêtes, inspections sur place, etc.508. Sur demande de la BCE, les personnes morales ou
physiques doivent fournir toutes les informations509 nécessaires à l’accomplissement
de ces missions de surveillance, et doivent faciliter les enquêtes510 menées par la BCE
par la transmission de documents, de livres et dʹenregistrements, par la soumission d'explications écrites ou orales, etc. En cas d’inspection sur place511, les agents de la
BCE et les autres personnes mandatées peuvent pénétrer dans les locaux professionnels et sur les terrains professionnels de l’établissement bancaire soumis à l’enquête, examiner des documents, des livres ou des enregistrements, et interroger toutes les personnes où les réponses sont susceptibles d'être utiles pour l’enquête. L’autorité régulatrice nationale peut assister à l’accomplissement de la mission de la
506 V. Conseil de l’Union européenne, RÈGLEMENT (UE) N° 1024/2013 DU CONSEIL du 15 octobre 2013 confiant à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit, [en ligne], 15 octobre 2013, [réf. du 1 février 2015], disponible sur : http://eurlex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2013:287:0063:0089:FR:PDF
507 V. RÈGLEMENT (UE) No 1022/2013 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 22 octobre 2013 modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité bancaire européenne) en ce qui concerne des missions spécifiques confiées à la Banque centrale européenne en application du règlement (UE) no 1024/2013, [en ligne], 22 octobre 2013, [réf. du 1 février 2015], disponible sur : http://eur lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2013:287:0005:0014:FR:PDF
508V. Chapitre III, Section I, RÈGLEMENT (UE) N° 1024/2013 DU CONSEIL du 15 octobre 2013 confiant à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit.
509 Ibid., Article 10. 510 Ibid., Article 11. 511 Ibid., Article 12.
BCE512.
France – Sous l’empire de l’Union bancaire513, l’Autorité de contrôle prudentiel
et de résolution (ACPR) en France est l’autorité nationale compétente pour la surveillance des établissements bancaires514. Les contrôles sont réalisés sur dossier ou
sur place515. L’ACPR est susceptible d’inviter les autres régulateurs ou les experts
extérieurs à lʹassister dans sa mission de contrôle516. L’ACPR dispose du pouvoir de
déterminer « la liste, le modèle, la fréquence et les délais de transmission des documents et des informations qui doivent lui être remis périodiquement » 517; tous
renseignements, documents, éclaircissements ou justifications nécessaires doivent donc lui être fournis par l’établissement contrôlé, y compris les rapports des commissaires aux comptes et les autres documents concernant les comptes518. Outre
les établissements directement contrôlés, l’ACPR peut contrôler sur place les entités étroitement liées auxdits établissements, par exemple les filiales et les établissements qui les contrôlent, ou les autres entités faisant partie du groupe de cet établissement, etc., ceci afin d’assurer la stabilité sur une base consolidée519. Il est nécessaire de noter
qu’au moment de l’agrément, le Code monétaire et financier français impose explicitement un contrôle prudentiel à l’égard des apporteurs de capitaux potentiels de l’établissement bancaire visé520.
Allemagne – A l’instar de la France, en Allemagne qui fait partie de l’Union bancaire521, l’autorité fédérale de la supervision financière (Bafin) et la Bundesbank
sont les autorités nationales compétentes qui contrôlent les établissements
512 Ibid.
513 L’Etat membre de la zone euro fait partie automatique du Mécanisme de la surveillance unique (MSU). 514 Outre les établissements bancaires, l’ACPR surveille aussi les compagnies d’assurance.
515 Article L61223, C.M.F. 516 Ibid.
517 Article L 61224, C.M.F. 518 Ibid.
519 Article L61226, C.M.F.
520 Selon Article L51110 et R511 32, C.M.F., l’ACPR peut refuser l’agrément si la qualité des apporteurs de capitaux ne permet pas de garantir une gestion saine et prudente de l’établissement bancaire visé ; aussi, V. Stoufflet J. et Gavalda Ch., Droit bancaire,[texte imprimé] éd. 9e,2015 , France : LexisNexis, n. 72,p. 51. 521 V. supra, sur l’Union bancaire.
bancaires522. La Bafin est compétente pour les problèmes relatifs à l’administration
dudit établissement, tandis que la Bundesbank surveille, sur le plan technique, son niveau prudentiel523. Par rapport aux autres législations, le KWG allemand prévoit le
type des informations524 susceptibles d’être soumises pour objet d’évaluer le niveau
prudentiel des établissements visés. Par ailleurs, selon la taille, l’importance systémique, et la nature, l’échelle et la complexité des activités des établissements visés, la Bafin, après avoir consulté la Bundesbank, peut décider la régularité de leur évaluation prudentielle525.
Royaume-Uni – A l’inverse de la France et de l’Allemagne, le RoyaumeUni ne
fait pas partie du mécanisme de surveillance unique 526. La surveillance des
établissements bancaires est donc soumise à la compétence de ses propres autorités régulatrices. Après la réforme structurelle de l’organe de supervision en 2012, l’établissement bancaire est surveillé par deux organes : la Prudential Regulatory
Authority (PRA) qui surveille sa stabilité, et la Financial Conduct Authority (FCA) qui
surveille son comportement527.
Selon la FCA handbook, le contrôle peut être réalisé par plusieurs moyens, tels que l’examen sur dossier des informations actuelles et des données passées, l’entretien avec les membres de l’organe de direction de l’établissement visé, l’invitation à une assistance extérieure, par exemple l’assistance d'autres organes de supervision ou dʹexperts professionnels, etc.528
L’information est au cœur de la surveillance, puisqu’ils peuvent aider les organes de supervision à se manifester dans un délai court, et éviter ainsi la
522 Section 7, KWG. 523 Ibid. v. aussi site du Bundesbank: https://www.bundesbank.de/Navigation/EN/Tasks/Banking_supervision/Bundesbank_and_BaFin/bundesbank_a nd_bafin.html[ réf. du 1 février 2015] 524 Section 6b(2), KWG. 525 Section 6b(4), KWG. 526 Le RoyaumeUnis utilise sa propre monnaie – livre sterling, il ne fait pas donc partie de la zone euro, de plus, il n’a pas demande à adhérer au mécanisme de la surveillance unique.
527 V. Partie II, Financial Services Act 2012 528 V. FCA Handbook, SUP 1A.4.5
poursuite de la dégradation de la situation. En règle générale, les organes de supervision respectent les initiatives des établissements visés, c’estàdire que, si les établissements bancaires fournissent volontairement les informations exigées, par exemple, les rapports périodiques sur leur état financier 529, et notifient les
changements ayant affecté leur niveau prudentiel530, ces informations n’ont pas
besoin dʹêtre collectées par dʹautres moyens ; la demande dʹinformations par les organes de supervision nʹest alors quʹun moyen supplémentaire. Si nécessaire, les organes de supervision peuvent exiger la fourniture dʹinformations supplémentaires, utiliser les rapports préparés par les experts professionnels, ou désigner des agents pour examiner l’établissement visé531, etc.532 Par ailleurs, celuici doit assurer l’accès
aux informations détenues par ses fournisseurs extérieurs533.
Chine – Dans la législation chinoise, selon la loi de la PRC sur les banques
commerciales534 et la loi sur la régulation et la supervision du secteur bancaire535,
l’autorité régulatrice doit établir un mécanisme de contrôle sur les informations536
fournies par les établissements bancaires afin d’analyser et d’évaluer leur niveau
529 V. FCA Handbook, SUP 15. Les rapports périodiques sont variables : outre les dossiers financiers, il faut soumettre annuellement le rapport relatif aux actionnaires majeurs de l’établissement, en précisant les changements de contrôle, le montant des actions détenues par chaque actionnaire, et ensuite dʹautres informations nécessaires sur les actionnaires majeurs, sur les participations croisées, sur les liens entre l’établissement et ses partenaires, sur les changements de participation, sur les partenaires euxmêmes, puis enfin sur la structure juridique et réglementaire du groupe où l’établissement fait partie, etc.
530 V. FCA Handbook, SUP 16. En ce qui concerne l'étendue du champ de notification, l’établissement visé doit notifier les affaires susceptibles de menacer la stabilité financière, telles que le nonrespect des conditions d’agrément, les menaces sur les intérêts des clients, les violations du règlement, l’entrée dans une procédure judiciaire, etc., ainsi que les affaires susceptibles d’affecter le niveau prudentiel de l’établissement, tels que la création de succursales ou de filiales, l’introduction de nouveaux produits, le changement de contrôle ou de structure du capital, etc.
531 En vue de l’examen, l’organe de supervision peut nommer des personnes extérieures ; l’établissement visé doit garantir l’accès aux documents et leur reproduction, ainsi que la disponibilité de ses salariés pour répondre aux questions. 532 V. FCA Handbook, SUP 2.1.5 533 V. FCA Handbook, SUP 2.3.7 534 V. La Loi de la PRC sur les banques commerciales,[en ligne], 10 mai 1995, [réf. du 1 février 2015], disponible sur : http://www.cbrc.gov.cn/chinese/home/docView/2421.html 535 La Loi sur la régulation et la supervision du secteur bancaire, [en ligne], 31 octobre 2006, [réf. du 1 février 2015], disponible sur : http://www.cbrc.gov.cn/chinese/home/docView/2419.html
536 Article 33, la Loi sur la régulation et la supervision du secteur bancaire : l’autorité régulatrice peut demander aux établissements bancaires de lui fournir le bilan de l’actif et du passif, le bilan du revenu, et d'autres documents financiers, y compris le rapport de statistiques et de gestion et le certificat des comptes signé par l’expertcomptable ; Article 61, La Loi de la PRC sur les banques commerciales
prudentiel537 ; de ce fait, elle peut aussi effectuer régulièrement des examens sur place
pour déterminer le niveau prudentiel dʹun établissement : par exemple, elle peut effectuer des examens sur le niveau des dépôts, des prêts, surtout des prêts non performants (Non Performing Loan – NPL), etc., ainsi que sur le système informatique de l’établissement, interroger les salariées et les membres de l’organe de direction sur les transactions importantes, etc.538. Au cours de l’examen sur place, l’établissement
bancaire visé, selon l’exigence de l’autorité régulatrice, doit fournir des informations sur son bilan, ses contrats dʹactivités et les autres informations relatives à sa gestion, etc.539 Si cet établissement fait partie d’un groupe, ou détient d'autres types
d'établissements financiers, les examens doivent s’appliquer sur une base consolidée540. Outre le contrôle régulier, l’autorité régulatrice doit établir un
mécanisme pour évaluer et prévenir les risques liés aux établissements, afin d’appliquer un niveau approprié de contrôle541.
États-Unis – Les établissements bancaires aux EtatsUnis sont agréés et
régulés à deux niveaux, notamment le niveau fédéral et le niveau étatique. Au niveau fédéral, trois régulateurs (lʹOffice of comptroller of currency (OCC)542, la Federal Deposit
Insurance Coportation (FDIC)543, la Federal Reserve (FED)544) sont responsables de la
supervision de différents types dʹétablissements bancaires. En vue de la complexité de la réglementation des établissements bancaires, l’établissement d’une coordination entre les régulateurs, afin d’éviter l’inefficacité, est nécessaire. L’examen des informations collectées est lʹun des moyens de surveillance, les informations détenues par un régulateur pouvant être transférées aux autres545. Par ailleurs, les
537 Article 23 et 24, la Loi sur la régulation et la supervision du secteur bancaire 538 Ibid., Article 34 et 35, 539 Article 62, la Loi de la PRC sur les banques commerciales 540 Article 25, la Loi sur la régulation et la supervision du secteur bancaire 541 Ibid., Article 27.
542 L'OCC est généralement responsable de la supervision des banques nationales, et des associations d’épargne fédérales.
543 Le mécanisme de fonds de garantie des dépôts – la FDIC aux ÉtatsUnis dispose du pouvoir de surveiller les établissements de dépôts assurés au cours de leur fonctionnement.
544 La Fed est responsable de la supervision des sociétés bancaires holding et des sociétés d'associations d’épargne holding.
régulateurs peuvent effectuer un examen coordonné, lʹun des régulateurs étant désigné régulateur principal de l’établissement visé546. Le régulateur principal doit
préparer un rapport d’examen et coordonner les informations venant des autres régulateurs547. Selon la nature et la situation des établissements visés, le régulateur
peut déterminer la régularité des examens sur place : normalement, cet examen intervient tous les 12 à 18 mois ; puis il peut également fixer, d’après le niveau prudentiel de l’établissement visé, la fréquence des entretiens avec les membres de son organe de direction548. La coopération interne aux EtatsUnis très intégrée n’a pas
les mêmes aspectes sur le plan international, où elle reste embryonnaire à la différence de l’Union européenne.