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L’intérêt d’une harmonisation des qualifications

B. Angle juridique d’une comparaison

2. L’intérêt d’une harmonisation des qualifications

Comme on vient de le voir, si la base est commune aux systèmes étudiés,  il  existe des particularités tenant d’une part aux spécificités des réseaux locaux mais aussi  à  la  politique  économique  et  financière  des  Etats.   Aussi, avant d’aborder  la  perspective  d’une harmonisation des droits de l’insolvabilité bancaire, la première question  qui  se  pose  est  de  savoir  quel  périmètre  est  approprié  pour  qualifier  un  établissement bancaire. Il existe en effet des divergences entre les différents droits.  

Comme  évoqué  précédemment (v. supra, sur l’angle économique), les établissements bancaires ont quatre fonctions principales : l’offre de liquidités et de services de paiement, la transformation de l’actif, la gestion des risques, ainsi que la collecte  des  informations  et  la  surveillance  des  agents  économiques. Aujourd’hui, bien que les fonctions bancaires n’aient pas changé, le champ des activités a évolué. Grâce à l’intégration et à l’innovation financière, des activités extérieures aux activités bancaires au sens traditionnel peuvent être exercées par les établissements  bancaires.  En  ce  qui  concerne  la  politique  réglementaire  du  secteur  bancaire,  le  périmètre d’un établissement bancaire peut être plus ou moins restreint. Par exemple,  dans  certains  Etats,  comme  la  Chine, seul l’établissement qui exerce des activités bancaires traditionnelles peut être qualifié d’établissement bancaire, mais dans certaines autres, comme la France, l’établissement qui exerce des activités extérieures

       

106 V. Article 2 et 3, la loi de la RPC sur les banques commerciales.   107 Ibid. 

aux  activités  bancaires  traditionnelles  peut également être qualifié d’établissement bancaire. Au vu de cette divergence, les établissements qui exercent des activités au­ delà  du  champ  traditionnel  peuvent  être  qualifiés  et  réglementés  de  manières  différentes, et de même, leurs régimes de traitement de la défaillance peuvent aussi  être différents. Cela peut créer une incertitude juridique pour lesdits établissements  ayant des activités internationales.  

Afin d’harmoniser les législations de l’insolvabilité bancaire, la première étape  est de chercher une convergence dans la qualification des établissements bancaires.  Selon un principe de liberté d’accès ou non à la profession, corollaire de la classique liberté du commerce et de l’industrie. Bien que la mise en œuvre d’une réglementation à l’égard des établissements bancaires soit une prérogative des États,  le niveau auquel l’État peut intervenir est déterminé par sa politique réglementaire. Il existe deux approches : soit l’État décide du périmètre d’un établissement bancaire, et alors c’est une approche sur l’établissement, c’est­à­dire que c’est la qualification de  l’établissement qui décide du périmètre de ses activités ; soit l’État décide que  l’établissement qui exerce des activités ayant été identifiées comme des fonctions bancaires  doit  respecter  ou  non  les  exigences  réglementaires  concernant  les  établissements  bancaires  au  sens  général.  Autrement  dit,  à  travers  les  types  d’activités, l’État décide quels établissements sont réglementés comme établissements bancaires, c’est­à­dire  que  la  qualification  des  activités  détermine  la  nature  de  l’établissement qui les exerce. Les établissements qui sont qualifiés selon l’une et l’autre des deux approches peuvent être traités en tant qu’établissements bancaires. Ce qui revient à contrôler ou non l’accès à ce profession et non pas seulement leur  exercice.  

Si le périmètre se limite aux activités du champ traditionnel, les établissements  bancaires  peuvent  courir  moins  de  risques,  si leur activité est exclusive d’autres missions ; à l’inverse, si le périmètre  des  activités  est  vaste,  les  établissements  bancaires  peuvent  courir  plus  de  risques,  et  cela  peut  accroitre  pour  eux  la 

probabilité  de  défaillance  et  augmenter  corrélativement  le  coût  de  traitement  supporté par l’État. Dans ces conditions, le législateur national doit donc s’assurer que sa réglementation correspond bien au niveau des risques associés aux activités  dans lesquelles les établissements bancaires s'engagent, afin d’atténuer la probabilité de défaillance bancaire. 

Parmi les fonctions remplies par les établissements bancaires, les fonctions clés  sont  celles  qui  sont  étiquetées  comme  constituant  les  infrastructures  du  système  financier,  telles  que  le  service  de  paiement,  et  le  service  de  compensation  et  de  règlement. Théoriquement, les infrastructures du système financier en tant que biens  publics doivent être offertes par l’État, puisque l’État a la mission, hormis l’offre d’un minimum de protection pour sauvegarder les  intérêts individuels,  de maximiser le  bien­être  général.  Aussi  est­ce la prise en compte de l’intérêt général qui devrait commander  la  détermination  des  établissements  et  des  activités  à  contrôler  et  corrélativement du champ d’application des droits de défaillances. Dans la pratique,  les  fonctions  constituant l’infrastructure du système financier relèvent principalement des agents du secteur privé, et l’État doit donc s’assurer que  les  établissements  qui  offrent  cette  infrastructure  sont en mesure d’assurer pleinement ces  missions.  Or,  généralement,  les  établissements  bancaires  assurent  d’autres  fonctions bancaires en plus de celles d’infrastructure, le législateur national doit donc apprécier l’ensemble des risques qui  y  sont  associés et mettre en œuvre une réglementation appropriée. Il est donc utile de procédure à des « études d’impact »  lors de l’élaboration d’une loi.  

Par  ailleurs,  en  vue  du  développement  du  marché,  certaines  fonctions  bancaires peuvent être exercées individuellement par des établissements autres que  les établissements bancaires ; par exemple, le service de paiement peut être offert par  des établissements de paiement, le service de compensation et de règlement peut être  offert  par  des  établissements  de  compensation  et  de  règlement,  la  fonction  de  transformation de l’actif peut être offerte par des systèmes bancaires parallèles, etc. 

La  question  se  pose  alors  de  savoir  si  lesdits  établissements  et  ceux  qui  leur  sont  similaires  doivent  être  réglementés  comme  des  établissements  bancaires.  D’où l’importance de déterminer le champ des activités de nature bancaire. Si ce champ est  restreint, un moins grand nombre d’établissements est susceptible d’être réglementé en tant qu’établissements bancaires  et le coût d’engagement dans les activités hors champ  est  moins  élevé,  mais  les  risques  associés  auxdites  activités  sont  moins  identifiables sur le marché (s’il n’y a pas de réglementation ni de surveillance vis­à­ vis  des  activités  hors  champ).  Inversement,  si  le  champ  des  activités  de  nature  bancaire  est  vaste,  un  plus  grand  nombre  d’établissements sont susceptibles d’être réglementés en tant qu’établissements bancaires :  les  risques  associés  aux  activités  sont  alors  plus  facilement  identifiables, mais le coût de l’engagement dans lesdites activités est élevé. L’échelle du champ des activités de nature  bancaire  peut  donc  orienter la structure du secteur bancaire.  

Il est donc rationnel, comme nous l’avons vu, lors que les  établissements  autres  que  les  établissements  bancaires  offrent  un  service  de  paiement,  de  compensation  et  de  règlement,  exercent  des fonctions d’infrastructure, soient  réglementés comme établissements bancaires, y compris dans le régime de traitement  de  la  défaillance.  Par  conséquent,  outre  les établissements  pratiquant  des  fonctions  clés,  actuellement,  les  établissements  ayant  des  filiales  de  nature  bancaire,  et  notamment des filiales pratiquant elles aussi des fonctions clés, telles que les sociétés  bancaires holding, les sociétés financières holding, etc., doivent également être traités  en tant qu’établissements bancaires.  

La question se pose alors de savoir si les établissements ayant des filiales de  nature bancaire, notamment des filiales qui exercent des activités ne concernant pas  les fonctions clés, doivent aussi être traités en tant qu’établissements bancaires. C’est un choix de réglementation de la part de l’État. Généralement, lesdits établissements ne pratiquent pas d'activités à l’égard des épargnants ordinaires, donc leur défaillance,  en  théorie,  ne  compromet  pas l’intérêt du grand public ;  cependant, 

l’intégration du secteur financier peut créer des effets de contagion financière, et une  éventuelle défaillance peut donc affecter globalement la stabilité du secteur bancaire.  Pour  décider de son niveau d’intervention, le législateur doit évaluer les conséquences de l’accroissement  des  exigences  réglementaires  et  celles  de  la  défaillance bancaire en comparaison des risques d’une perte de bien­être général. Si  la  défaillance  desdits  établissements  est  susceptible  de  produire  des  conséquences  néfastes, il sera préférable de les réglementer en tant qu’établissements bancaires et d’étendre, alors le champ du traitement de la défaillance bancaire. Mais il faut s’assurer aussi que le règlement appliqué auxdits établissements ne les encourage pas  à  multiplier  les  activités  risquées,  un  danger  fondamental  tient  à  ce  que  les  économistes  appellent  depuis  Adam Smith, l’aléa moral, c’est­à­dire l’asymétrie d’informations entre l’emprunteur et le préteur. D’où un rééquilibrage nécessaire par l’intervention de « contrôleurs » compétents.  

  

Plan d’étude  

Historiquement, dès l’invention de la monnaie, des commerçants ont eu l’idée de tirer profits des prêts et des transports d’argent108. A Rome déjà, ils étaient placés 

sous le contrôle du préfet de la ville. Et avec la renaissance des échanges en Europe  au XIIe siècle, l’internationalisation de ce commerce vit se perfectionner les activités d’établissement bancaire, notamment sous l’influence de la corporation des banquiers italiens. L’internationalisation de la finance s’accrut avec le développement  des  grands  banquiers  liés  au  XIXème  siècle  au  capitalisme  libéral.  Mais,  les  faillites  retentissantes  des  grands  établissements  attirèrent  l’attention des Etats sur la nécessité de mettre en place un contrôle des établissements bancaires au XXème sicle,  qui ont eu pour but de moraliser l’exercice de la profession, notamment en interdisant à des délinquants et à des faillis d’y accéder.  

       

108 V. Delebecque Ph. et Germain M., Traité de droit commercial de Ripert et Roblot, Tome 2, [texte imprimé],17e  ed. Paris : LGDJ, 2004, n. 2217, p. 162 

Ces règlementations n’ont fait que se complexifier tant au niveau local qu’international. En effet, les établissements bancaires ont accru leur présence sur des  marchés internationaux jusquʹà instituer des réseaux et des implantations à travers le  monde.  En  Europe,  dès  1973  ont  été  supprimées  les  restrictions  à  la  liberté  d’établissement puis ultimement à la liberté des prestations. Encore faut­il que soit  assurée une équivalence de garantie contre les risques de défaillance109. Désormais, 

au sein de l’Union européenne, on observe un mouvement d’harmonisation maximale110. La marge de liberté des Etats membres s’étant amenuisée  jusquʹà  leur 

interdire d’adapter  les  règles  proposées  ou  de  maintenir  des  règles  dérogatoires,  seraient­elles plus protectrice ? Si une unification est envisageable en présence d’une organisation politique constitutive d’un marché unique aux institutions  supranationales  fortes,  en  revanche,  n’est elle  pas  utopique  au  niveau  mondial ?  Aussi est­ce une autre voie qui a inspiré notre étude, s’il apparaît que les principes qui gouvernent des systèmes nationaux offrent des garanties équivalentes, s’agissant de l’accès à la profession bancaire ou de son exercice, alors, à l’instar des étapes initiales  de  la  construction  européenne,  il  est  envisageable  d’encourager  une  reconnaissance  mutuelle,  fondée  sur  une  harmonisation  minimale111,  qui  serait  en 

quelque sorte, un code de principes structurants.  

Cette  reconnaissance  des  systèmes  étrangers  pouvant  être,  naturellement,  fondatrice d’un laboratoire d’expérimentation de solutions locales et de partage de connaissance fiable. L’harmonisation minimale n’est autre que l’affirmation par les Etats  de  leur  prise  de  conscience  de  la  nécessaire  sécurité  des  services  bancaires  conforme à l’intérêt de tous les agents économiques publics et prives, qui interviennent sur des marchés internationaux globalisés.  

Dans  cette  recherche,  pour disposer d’une base fiable et qui soit facilement accessible au lecteur, nous avons retenu des dispositions légales consultables en ligne, 

       

109 V. Delebrecque Ph. et Germain M., op.cit. n. 2225.    110 V. Bonneau Th., op.cit. n. 27, p.34.  

et tenté une analyse comparée de législation de pays ayant une influence mondiale  sur les marchés. Or, par nature, « les banques participent à une fonction que les Etats  ont toujours considérée comme un privilège régualien, l’émission monétaire »112. Ces 

pays ont une influence à travers le dollar(Etats­Unis), l’euro (l’Union européenne), et le renminbi(Chine), monnaies qui constituent l’actif de réserve du FMI, les droits de tirage spéciaux(DTS).  

Or, qu’il s’agisse des pays de droit écrit ou de Common  Law,  le  droit  des 

défaillances  bancaires est l’objet de règlementations écrites étendues. Ce qui en assure  la  prévisibilité  et  partant  la  sécurité  des  acteurs.  Plus  prosaïquement,  cette  réunion  de  multiples  sources  écrites  offre  à  tout  intéressé  un  point  de  vue  sur  les  droits nationaux et leurs ressemblances caractéristiques, mais aussi leurs divergences  ponctuelles.  

Cette recherche bien que limitée a pour objet, de tenter de dégager le « plus  petit dénominateur commun » du droit de l’insolvabilité bancaire, fondement d’une codification  de  principes  universels.  Cette  structure  partagée  est,  par  exemple,  nettement affirmée par les nouvelles dispositions,  de l’Union bancaire européenne,  mais elle transparait plus largement encore dans une comparaison des législations au  niveau mondial, si l’on retient les systèmes influents sur les marchés financiers.  

Une  « summa  diviso » s’est d’emblée  imposée  entre  la  prévention  et  la  résolution  des  difficultés,  elle  même  subdivisée  entre  les  interventions  administratives  et  judiciaires.  Par  conséquent,  une  autre  question  est  devenue  secondaire, celle de savoir si les banquiers doivent être soumis au seul droit commun  judiciaire.  

On constate que, comme dans bien d’autres domaines, « prévenir vaut mieux  que guérir », bien que les établissements bancaires qualifiés par leur périmètre ou par  leur type d'activités soient admis dans le champ du droit de l’insolvabilité bancaire,  l’État doit s’assurer, en premier lieu, que lesdits établissements sont réglementés de

       

façon adéquate. C’est­à­dire que l’État doit mettre en œuvre une réglementation pour équilibrer le coût de l’engagement sur les activités, et les risques qui y sont associés.  Après la crise des subprimes, la communauté internationale a proposé des projets de  règlement selon deux approches : la séparation des activités et le renforcement des  normes  prudentielles,  dans  le  but  de  renforcer  la  résilience  des  établissements  bancaires.  La  séparation  des  activités  devait  aider  à  redéfinir  le  périmètre  des  établissements bancaires, tandis que le renforcement des normes prudentielles devait  garantir que les établissements qui pratiquent des activités de nature bancaire sont  réglementés de façon adéquate. Par rapport à la séparation des activités, la procédure  de mise en œuvre du renforcement des normes prudentielles a été plus rapide. Cela signifie que l’État a préféré maintenir le périmètre des établissements  bancaires,  et  leur  offrir  un  niveau  approprié  de  réglementation.  En  effet,  outre  les  exigences  statiques, la surveillance des établissements bancaires est également importante car  elle a pour objet de révéler les difficultés à un état précoce.  

Cependant, bien que l’exigence de la gouvernance d’entreprise sous le régime de droit commun doive être respectée, ce seul mécanisme de contrôle n’est pas assez efficient,  et  de  plus,  le  déclenchement  du  traitement  précoce  sous  régime  privé  ne  peut pas toujours être assuré. Or, dans le régime de la prévention administrative, les  difficultés peuvent être mesurées grâce à des critères réglementaires adoptés, et sur  la base desquels, l’autorité régulatrice peut mettre en œuvre des mesures correctives à l’état précoce (première partie). 

Mais  si  les  mesures  correctives  ne  peuvent  pas  rétablir  la  solvabilité  de  l’établissement bancaire, il faut mettre en œuvre le traitement.  

Actuellement,  les  traitements  administratif  et  judiciaire  coexistent  dans  certains systèmes. Et parce que l’activité bancaire est internationale, la coordination et  la coopération entre Etats et institutions dans le traitement de la défaillance bancaire  sont indispensables. Cependant, quelle stratégie de traitement transfrontalier faut­il  retenir ?  En  effet  une  concurrence entre pays d’origine et pays d’accueil existe

toujours, puisque la protection de l’intérêt local est  une  dernière  ligne  de  défense,  mais  qui  ne  peut  pas  non  plus  être  exagérée  par  les  États  en  économie  de  marché 

(deuxième partie).                                         

Première  partie :  L’harmonisation de la prévention des risques de