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L’exigence à l’égard de l’organe de direction dans la prévention de la défaillance

Section II:  Les devoirs des organes de direction

A. L’exigence à l’égard de l’organe de direction dans la prévention de la défaillance

Les établissements bancaires, parce qu’ils ont la forme de sociétés, doivent d’abord respecter les exigences propres au type qu’ils ont adopté. Ces exigences sont 

donc instituées soit sous le régime de droit commun des sociétés, soit sous l’influence de codes de la gouvernance d’entreprise, dont l’application dépend de la volonté de l’établissement bancaire visé. Selon la nature des textes (si les règles de la gouvernance d’entreprise ne sont pas introduites ou intégrées dans les législations),  le niveau de conformité à ces exigences par l’organe de direction sont susceptibles de variantes notables. On est alors en présence de ce qu’il est convenu d’appeler de la « soft law », par exemple, le Comité de Bâle a publié en juillet 2015 la nouvelle ligne  directrice  sur  les principes de la gouvernance d’entreprise pour les établissements

bancaires870. Par rapport au respect d’une exigence législative de portée générale,

l’application d’un code de la gouvernance d’entreprise est susceptible d’être interprété  et  aménagé  par  chaque  établissement.  Pour  cette  raison,  le  cadre  du  fonctionnement de la gouvernance sous lʹangle de la prévention de la défaillance est  disparate. Or, dans les législations sélectionnées, l’Union européenne prévoit dans sa directive du 26 juin 2013 des principes sur la gouvernance d’entreprise des établissements  visés, 871 la France, l’Allemagne, le Royaume­Uni,  précisent  des 

       

870 V.  BCBC,  Guidelines :corporate governance principles for banks, [en  ligne]  juillet  2015,  [réf.  du  1  décembre  2015],  disponible sur : http://www.bis.org/bcbs/publ/d328.pdf  

exigences  par  la  loi  ou  un  règlement  secondaire.  La  même  tendance  apparaît  aux  Etats­Unis. En revanche, la Chine choisit la solution d’un code de bonne conduite.  

Les systèmes étudiés ont renforcé ce qu’il est convenu d’appeler contrôle interne  ou  encore  contrôle  de  conformité.  Ce  contrôle  est  un  service  propre  à  l’établissement qui veille au respect de la règlementation et contrôle de manière continue sa gestion. En Europe, ce contrôle est considéré comme une pièce essentielle  de  la  politique  de  renforcement  de  la  supervision  des  établissements  bancaires.  Rationnellement, les agents qui le constituent doivent être indépendants des autres  services qu’ils contrôlent et disposer des moyens nécessaires à leur mission. En outre,  les  codes  de  bonne  conduite  des  établissements  bancaires  désignent  fréquemment  des « déontologies » ou compliance officers, veillant au respect de la déontologie et de  l’éthique au sein de l’entreprise : blanchiment de capitaux, conflits d’intérêts.  

France  –  Les  exigences  en  droit  français  sont  complexes.  Sous  le  régime  du 

droit des sociétés, l’organe de direction est chargé de préparer régulièrement les comptes sur l’exercice, ce qui lui permet de connaître l’état financier de l’établissement visé. On notera  par  exemple  en  France  que  des  obligations  comptables  spécifiques  pèsent  sur  les  entreprises  importantes,  afin  de  détecter  des  difficultés futures, sous la forme de documents dits prévisionnels.872  En dehors de la 

mission  de  préparation  desdits  documents,  le  principe  de  la  gouvernance  d’entreprise, surtout dans sa version appliquée à l’établissement bancaire intégré, doit être respecté873.  

Régime commun ­ Ayant satisfait la forme juridique874 et le seuil des activités875, 

l’établissement bancaire est soumis à l'obligation générale d’établir des documents prévisionnels sur l’exercice. L’organe de direction est en effet tenu d’établir « une 

      

principes sur la nomination, la qualification et la rémunération des membres de l’organe de direction.   872  V. Article L232­1 et suivant, Code de commerce, et Article L511­35 et suivant, C.M.F.  

873 V. Article L511­51 et suivant, C.M.F. et Article L823­19, Code de commerce.  

874 V. MONSÈRIÉ­BON M.­H., Entreprises en difficulté (Détection des difficultés), op. cit., paragraphe 10 et  suivant.  

situation de l’actif réalisable et disponible, valeurs d’exploitation exclues, et du passif  exigible,  un  compte  de  résultat  prévisionnel,  un  tableau  de  financement  en  même  temps que le bilan annuel et un plan de financement prévisionnel »876, afin d’observer

le déroulement dynamique de l’entreprise sous ses aspects de trésorerie, de revenus,  de perspectives et de moyens de financement. Généralement, la situation de l’actif réalisable et disponible, valeurs d’exploitation exclues, et du passif exigible sont préparés dans les quatre mois suivant la clôture de l’exercice de chaque semestre,877 et 

le  tableau  de  financement,  en  même  temps  que  le  bilan  annuel,  le  plan  de  financement  prévisionnel  et  le  compte  de  résultats  sont  établis  après  la  clôture  annuelle de l’exercice878. En dehors de ces documents, l’organe de direction doit

préparer  un  rapport  d’évolution sur l’établissement visé en accompagnement des documents  établis.879 En  vue  de  la  nature  des  documents,  la  circulation  est  limitée, 

seuls le commissaire aux comptes et le comité d’entreprise sont destinataires, ainsi que, le cas échéant, le conseil de surveillance880.  

Après avoir reçu les documents, si le commissaire aux comptes découvre des  irrégularités  dans  les  informations  données  dans  les  documents  établis,  ou  des  omissions dans l’établissement des documents, il doit les signaler dans un rapport  aux membres de l’organe de direction de l’établissement visé, et en même temps, adresser ce rapport au comité d’entreprise881.  Les  actionnaires  ou  associés  sont 

susceptibles d’être informés lors de l'assemblée générale suivante sur le rapport  préparé  par  le  commissaire  aux  comptes.882 Mais  les  textes  ne  prévoient  pas  de 

convocation d’une assemblée générale extraordinaire par le commissaire aux comptes à propos de ses observations sur les documents prévisionnels. Dans ce sens, 

       

876 V. Article L232­2, Code de commerce.  877  V. Article R 232­2, Code de commerce.  

878 V. Ibid.  Le tableau de financement en même temps que les comptes annuels est établi dans les quatre mois qui  suivent la clôture de l’exercice ; le plan de financement prévisionnel et le compte de résultats prévisionnel sont  établis au plus tard à l’expiration du quatrième mois suivant l’ouverture de l’exercice en cours. 

879 V. Article L232­3, alinéa premier et Article L232­4,alinéa premier, Code de commerce.    880 Ibid.  

881 V. Article L232­3, alinéa deux et Article L232­4,alinéa deux, Code de commerce.  882 Ibid.  

la  perspective  de l’intervention des actionnaires ou associés  dépend de l’avis de l’organe de direction. Mais on l’a vu, précédemment, si le commissaire aux comptes ou le comité d’entreprise déclenche officiellement la procédure d’alerte, le président de l’organe de direction, et si nécessaire, les membres de l’organe de direction, doivent  y  répondre  soit  par  un  avis  du  président,  soit  par  une  délibération  de  l’organe de direction. 

Hormis la préparation des documents prévisionnels, l’établissement d’un comité d’audit au sein de l’organe de direction est susceptible de faciliter le contrôle de la gestion et des comptes. Outre les missions liées au contrôle des comptes et de la  mission du commissaire aux comptes, le comité d’audit est chargé d’assurer la fiabilité  des  systèmes  de  contrôle  interne  et  de  gestion  des  risques.883 Grâce  à  la 

présence  de  ce  comité,  les  commissaires  aux  comptes  peuvent  communiquer  régulièrement sur les irrégularités et les inexactitudes découvertes au cours de leur  mission, et signaler les faiblesses significatives du contrôle interne, l’exposition aux risques, et les engagements hors­bilan significatifs de l’établissement visé au cours de l’examen des comptes. 884  Par ailleurs, le comité d’audit doit surveiller le

fonctionnement du système de contrôle interne et de gestion des risques, et mettre en  œuvre des corrections pour faiblesses ou anomalies significatives.885 A  travers  le 

comité d’audit, l’organe de direction est en outre susceptible d’être informé des irrégularités à un stade précoce, mais le comité d’audit a un rôle consultatif et ne saurait se substituer aux organes exécutifs.  

Régime  spécial  ­  Hormis  le  code  général,  le  droit  bancaire  impose  une 

gouvernance d’entreprise spéciale aux établissements bancaires, et exige de ces établissements « une organisation claire assurant un partage des responsabilités bien  défini, transparent et cohérent, des procédures efficaces de détection, de gestion, de 

       

883 V. Article L823­19, Code de commerce.  

884 V. AFEP et MEDEF, Code de gouvernement d’entreprise des sociétés cotées, révisée en juin 2013, [en ligne], juin 2013, [réf. du 1 févier 2015], disponible sur : 

http://www.afep.com/uploads/medias/documents/Code_gouvernement_entreprise_societes_cotees_Juin_2013.pdf,  paragraphe 16, p. 13  

suivi  et  de  déclaration  des  risques  auxquels  ils  sont  ou  peuvent  être  exposés,  un  dispositif adéquat de contrôle interne, des procédures administratives et comptables  saines  et  des  politiques  et  pratiques  de  rémunération  permettant  et  favorisant  une  gestion saine et efficace des risques »886. Les organes de direction et de surveillance 

sont chargés d’examiner et d'évaluer régulièrement l’efficacité du fonctionnement de la  gouvernance,  et  de  garantir  que  « des  mesures  correctrices  pour  remédier  aux  éventuelles défaillances ont été prises »887. Suivant l’exigence législative, en dehors de

l’établissement d'un comité d’audit en droit commun, l’établissement d'un comité de gestion des risques est donc exigé pour tout établissement bancaire.888  

Enfin,  des  exigences  spécifiques  concernent  la  personne  des  organes  de  direction.  Pour  prendre  par  exemple  le  droit  français,  mais  les  autres  pays  connaissent des règles équivalentes, la direction d’un établissement bancaire doit être  assurée par deux personnes au moins, « aucun dirigeant ne saurait avoir un domaine  réservé »  et  « l’absence ou l’empêchement momentané d’un dirigeant ne doivent mettre en péril la nécessaire continuité de direction d’un établissement en empêchant que soient prises les décision que les circonstances exigent ou en privant les autorités  bancaire d’un interlocuteur  responsable  en  mesure  de  répondre  à  toute  demande  d’information »  

Aucune condition de nationalité n’est exigée, mais chaque dirigeant doit posséder l’expérience adéquate ainsi que la compétence et l’honorabilité nécessaire à la fonction889.  

Or, il est significatif que l’appréciation n’en est pas laissée à la collectivité des associés, mais bien à l’autorité de contrôle prudentiel et de résolution selon l’article L511­10­1 alinéa 2 du Code monétaire et financier.  

Par  conséquent,  cette  autorité  doit  être  informée  des  nomination  et 

       

886 V. Article L511­55, C.M.F.   887 V.  Article L511­59, C.M.F.  

888  V. Article L511­92 et suivant, C.M.F.   889 V. Bonneau Th., op.cit. n. 247.  

renouvellements et dispose du droit de suspendre les dirigeants qui ne remplissent  plus ces conditions si l’urgence, selon l’article L612­33, du même code «  justifie cette  mesure en vue d’assurer une gestion saine et prudente ».  

L’Art du banquier étant de savoir mesurer le risque supportable par son établissement.  

Allemange – Dans le régime commun, selon Aktiengesetz (le droit des sociétés 

anonymes allemand), l’organe de gestion (Vorstand)  doit  adopter  les  mesures  nécessaires, surtout des mesures de surveillance, pour assurer que les menaces sur la  continuité d’exploitation soient révélées à un stade précoce.890 De plus, l’organe de

gestion a le devoir de convoquer l’assemblée générale et de proposer des solutions s’il  apparaît  une  grosse  perte  au  bilan  lors  de  la  phase  de  préparation  du  rapport  annuel ou semestriel des comptes, ou au cours de l’exercice.891 Si la société devient 

insolvable ou est surendettée, l’organe de gestion ne peut procéder à aucun paiement, y compris au paiement des actionnaires si ledit paiement alourdit la difficulté de la  société.892 En  dehors  des  exigences  en  droit  des  sociétés,  le  Deutscher  Corporate 

Governance Kodex (le code général de la gouvernance d’entreprise allemand) propose

que l’entité sous forme de société anonyme établisse un comité au sein de l’organe de supervision  (Aufsichtsrat),  afin  de  surveiller  le  processus  comptable,  le  contrôle  interne,  la  gestion  du risque, l’audit annuel des comptes, de gérer la coordination avec l’auditeur extérieur, etc. 893Dans ce cas, le comité d’audit au sein de l’organe de

supervision  a  la  mission  de  surveiller  le  niveau  de  risque  et  de  contrôler  le  déroulement des activités quotidiennes894.  

Outre  le  régime  de  droit  commun,  les  établissements  bancaires  sont  aussi  soumis aux exigences spéciales de la gouvernance d’entreprise. Le KWG prévoit que

        890 V. Section 91(2), AktG.   891 Section 92(1),AktG. 892 Section 92(2), AktG.   893 Regierungskommission Deutscher Corporate Governance Kodex, Deutscher Corporate Governance Kodex, [en  ligne] Juin 2014, [réf. du 1er février 2015], p. 1­19. Disponible sur :  http://www.dcgk.de//files/dcgk/usercontent/en/download/code/E­CorpGov_2014.pdf, paragraphe 5.3, p. 10  894 Ibid.  

l’organe de gestion de l’établissement visé doit veiller à ce que ce dernier ait une organisation appropriée pour la gestion des risques895, ainsi que contrôler la fiabilité 

des  rapports  de  comptes  et  de  finance  de  ce  dernier.896 Par ailleurs, l’organe de

surveillance doit contrôler le fonctionnement de l’organe de gestion, selon la section 25d(7) du KWG, l’organe de surveillance, pour exercer ses propres missions, peut établir des comités spéciaux, tels que le comité d’audit, le comité de risque, ou le comité mixe sur l’audit et la gestion de risque897,  etc.898 Le  comité  de  risque  doit 

assister l’organe de surveillance dans la détermination de la stratégie et de la prise de  risque de l’établissement visé, et l’assister dans la surveillance de leur mise en œuvre.

899 De même, le comité d’audit doit assister l’organe de surveillance dans la

surveillance de la procédure d’audit, et du fonctionnement des systèmes de contrôle interne et d’audit interne, etc. 900 

Royaume-Uni  – A l’inverse de l’Allemagne et de la France, au Royaume­Uni, 

les exigences à l’égard de l’organe de direction relevant du droit commun  sont  encadrées  par  un  code  de  bonne  conduite.  Selon  le  code  général  de  gouvernance  d’entreprise anglais901, l’organe de direction doit établir un comité d’audit composé au

moins  de  trois  membres  non­exécutifs indépendants de l’organe de direction.902 

L’organe de direction doit garantir qu'au moins un des membres du comité d’audit a des  compétences  en  manière  financière.903 Le comité d’audit se charge de la

surveillance de l’état financier exposé à travers les documents financiers et les annonces, de la révision du système de contrôle interne, de la surveillance et de la  révision de l’efficacité du déroulement de l’audit interne, et de toutes autres missions

       

895 V. Section 25a, et section 25c(3)et(4a), KWG.   896 V. Section 25c(3), KWG.  

897 V. Section 25d(8) et suivant, KWG.  

898 Autre que les comités prévus, l’organe de surveillance peut établir aussi le comité de nomination et le comité de rémunération.   899 V. Section 25d(8), KWG.   900 V. Section 25d(9), KWG.   901 V. FRC, the UK corporate governance code, [en ligne] septembre 2014, [ref. du 1 fevrier 2015], disponible sur :  https://www.frc.org.uk/Our­Work/Publications/Corporate­Governance/UK­Corporate­Governance­Code­2014.pdf   902 V. Ibid. paragraphe C.3.1., p. 17.   903 V. Ibid.  

associées à l’auditeur extérieur. 904Outre le comité d’audit, l’organe de direction a

lʹobligation  générale  de  surveiller  et  dʹévaluer  la  gestion  des  risques  et  le  contrôle  interne du système.905 L’organe de direction est chargé d’indiquer, dans les rapports

annuels ou semestriels, son avis sur la perspective des activités, d’identifier les incertitudes  sur  la continuité de l’exploitation pour les 12 mois suivants, et de proposer des mesures propres à atténuer les risques.906 Le comité d’audit peut donner

son avis sur le rapport préparé avant la diffusion à l’assemblée générale annuelle.907  

En  dehors  du  code  général de la gouvernance d’entreprise, l’établissement bancaire  peut  prendre  en  compte  des  exigences  spéciales  encadrées  dans  la  PRA 

rulebook. Avant d’avoir transposé la directive européenne du 26 juin 2013, les conseils

proposés  dans  le  rapport  Walker  du  26  novembre 2009 relatif à l’évaluation de la gouvernance d’entreprise des établissements bancaires du Royaume­Uni 908font  une 

référence au fonctionnement de l’organe de direction des établissements bancaires. Actuellement, les établissements bancaires soumis au règlement européen du 26 juin  2013  doivent  respecter  les  règles  intégrées  dans  la  PRA  Rulebook  relatives  à  leur  gouvernance d’entreprise. Généralement, l’organe de direction doit établir et surveiller la gestion efficiente et prudentielle de l’établissement visé, notamment, il  doit approuver et surveiller la mise en œuvre des stratégies de risque et du contrôle interne, et assurer le bon fonctionnement du système d’audit et de communication, etc. 909 Par ailleurs, l’organe de direction doit s’engager sous sa  responsabilité  sur 

l’exposition au risque et la gestion du risque. 910 De plus, la PRA rulebook, risk control, 

paragraphe 3 prévoit l’établissement du comité de risque.  

Etats-Unis – A cause de la complexité des systèmes juridiques et bancaires des          904 V. Ibid. paragraphe C.3.2., p. 18.   905 V. Ibid. paragraphe C.2, p.17.   906 V. Ibid., paragraphe C.1.3., p. 16.   907  V. Ibid., paragraphe C.3.8., p. 19   908 V. WALKER D., A review of corporate governance in UK banks and other financial industry entities (final  recommendations) [en ligne] novembre 2009, [réf. du 1er février 2015], p. 1­184. Disponible sur:  http://webarchive.nationalarchives.gov.uk/+/http:/www.hm­treasury.gov.uk/d/walker_review_261109.pdf     909 V. PRA rulebook, general organizational requirements, paragraphe 5.1.   910 V. PRA rulebook, risk control, paragraphe 2.3 et 2.7.