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Université de Cergy-Pontoise et INED

2. L’ ANALYSE DES COÛTS ET DES BÉNÉFICES

2.2. Les pratiques

2.2.1. L’analyse socio-économique

L’analyse socio-économique évalue la contribution du projet au bien-être économique de la région ou du pays. Elle est réalisée au nom de l’ensemble de la société (et pas au nom du gestionnaire de l’infras- tructure, comme dans l’analyse financière). Dans le domaine des trans- ports, les objectifs socio-économiques sont généralement liés à l’amé- lioration des conditions de voyage pour les marchandises et les passagers, ainsi qu’à l’amélioration de la qualité de l’environnement et du bien-être de la population bénéficiaire.

Le secteur des transports étant souvent caractérisé par l’existence de « tarifs administratifs » (lorsque les modes de transports collectifs sont subventionnés par exemple) et de coûts « externes » (les coûts environnementaux tels que la pollution, le bruit ou les accidents), l’analyse économique permet donc d’éclairer certains aspects spécifi- ques. Elle comporte trois phases :

1. la correction des taxes/subventions et autres transferts : on déduit des flux de l’analyse financière les paiements qui n’ont pas de contre- partie réelle en ressources, comme les subventions et taxes indirectes sur les intrants et les extrants,

2. la correction des externalités : on inclut dans les sorties et les entrées les coûts et avantages externes pour lesquels il n’existe pas de cash-flow (comme le temps épargné par l’investissement dans les trans- ports par exemple),

3. la conversion des prix du marché en prix fictifs : on inclut les coûts et avantages sociaux.

Les résultats de cette analyse peuvent être exprimés de différentes manières, notamment par le taux de rentabilité économique (TRE qui est un indicateur de la profitabilité socio-économique d’un projet défini comme le rapport entre l’excédent brut d’exploitation et le capital).

Pour une présentation plus détaillée de l’analyse socio- économique, notamment dans le secteur des transports, on pourra consulter [29] ou [30].

2.2.2. L’analyse financière

L’objet de l’analyse financière est d’utiliser les prévisions du cash- flow (flux de trésorerie) du projet afin de calculer des taux de rende- ment appropriés : la valeur actuelle nette (VAN) et le taux de rentabilité

ralement conduite du point de vue du gestionnaire public ou privé de l’infrastructure.

Le critère fondamental de l’analyse financière est la VAN, qui mesure la création de valeur engendrée par l’investissement. Elle est donnée, pour l’horizon n (durée de l’amortissement ou durée de la concession), par la formule suivante :

(1)

où St est le flux financier3net pour l’année t, S = (S0,...,Sn), r est le taux

d’actualisation choisi dont la valeur est fixée par le Commissariat Général du Plan ([39]) et Rnest la valeur résiduelle de l’investissement

en période n. Si la VAN de l’investissement est positive, cela signifie que la recette totale actualisée est supérieure aux dépenses actuali- sées : l’investissement est rentable au taux d’actualisation choisi. Le critère d’acceptation est donc que la VAN soit positive en prenant comme taux d’actualisation le taux du marché.

Il existe dans l’analyse financière un critère auxiliaire, le TRI. Le TRI d’un projet est le taux qui annule la VAN. L’investissement est rentable si le TRI obtenu est supérieur ou égal à un taux d’actualisa- tion fixé. Bien que très utilisé, ce critère peut dans certains cas être un faux ami. En effet, lorsqu’il y a plusieurs changements de signe dans le flux de trésorerie d’un projet, ce projet peut présenter plusieurs taux de rentabilité interne. Dans ce type de situation, le critère à retenir est alors celui de la VAN, mais une étude de sensibilité de la VAN au taux d’intérêt r est conseillée. Plaçons-nous par exemple en temps continu (T désigne l’horizon de temps considéré), on a alors :

et donc

3. Le flux financier net Stdépend de l’excédent brut d’exploitation ainsi que des investissements

En règle générale, < 0, mais on peut avoir > 0 dans certains cas où Stest négatif pendant certaines périodes. Cette situa-

tion est représentée sur la Figure 1.

Sur ce schéma, A, B et C sont les différents TRI du projet. On note

r* le taux du marché. On observe alors que le critère de la VAN va être

très sensible au paramètre r : en sous-estimant le taux d’intérêt on aura une VAN positive, alors qu’en le surestimant légèrement (si r* > A mais r* < B), on aura une VAN négative.

Le critère de la VAN suppose que les revenus dégagés sont réinves- tis au taux d’actualisation alors que le critère du TRI suppose un réinvestissement au taux trouvé : le critère du TRI peut ainsi être très optimiste. Il semble donc souhaitable de privilégier le critère de la VAN. Pour plus de détails sur l’analyse financière, on pourra se repor- ter à [21].

Dans l’ACB, l’appréciation d’un projet d’investissement se fait tou- jours par rapport à un projet d’investissement alternatif (statut quo ou solutions alternatives). On peut pour cela utiliser l’un des critères de décision usuels en avenir incertain non probabilisable, à savoir le critère de Savage (ou critère « Min-Max » de regret). Ce critère consiste à identifier pour chacun des scénarios le projet le plus favorable, puis à évaluer le manque à gagner que représenterait par rapport à ce projet l’adoption de chacun des autres projets, et enfin à retenir le projet conduisant au plus petit des regrets maximums. Ce critère de décision traduit clairement une attitude de prudence de la part de l’investisseur.

Figure 1

Supposons par exemple qu’un décideur ait à choisir un projet d’infrastructures parmi trois projets A (solution de référence), B et C ayant comme VAN respectives (en millions d’euros) dans les scénarios

n1et n2:

Table 1

VAN associées au projet

n1 n2

A 19.8 19

B 18.2 20

C 21.3 18.4

On commence tout d’abord par déterminer pour chacun des scéna- rios le projet ayant la plus grande VAN : il s’agit pour n1du projet C, et

pour n2du projet B. On en déduit la matrice des regrets suivante :

Table 2

Matrice des regrets associée au projet

n1 n2 regret maximum

A 1.5 1 1.5

B 3.1 0 3.1

C 0 1.6 1.6

On recherche alors le minimum des regrets maximaux, qui corres- pond ici au projet A. Ce critère conduit donc à retenir le seul projet dont la VAN n’est maximale dans aucun scénario.

Concernant les investissements en infrastructures par exemple, il est souhaitable d’inclure des comparaisons avec la situation antérieure (A dans l’exemple précédent), avec les itinéraires alternatifs, et enfin avec les systèmes de transport alternatifs éventuels dans le cadre de projets routiers. La solution de référence correspond généralement à une décision de ne rien faire. Toutefois, dans certains cas, cela peut créer un problème dans le secteur des transports. En effet, si la solution de référence était « catastrophique », i.e si la décision de ne pas investir entraînait une paralysie du trafic et donc un coût social élevé, tout projet entraînerait des avantages importants, quel que soit son prix. Dans le cas d’un phénomène de congestion grave, pour éviter de déformer les résultats de l’analyse, il est donc nécessaire de configurer une solution de référence intégrant des interventions minimales.

Les idées générales de l’ACB ayant été rappelées, intéressons-nous maintenant à la façon dont le risque est intégré dans le choix de projets.