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L E SENS POLITIQUE D ’ UNE ÉLABORATION CONCERTÉE DES VALEURS TUTÉLAIRES : LE RÔLE PARTICULIER JOUÉ

De l’expérience à la prospective Luc Baumstark

2. L E SENS POLITIQUE D ’ UNE ÉLABORATION CONCERTÉE DES VALEURS TUTÉLAIRES : LE RÔLE PARTICULIER JOUÉ

PAR LECOMMISSARIATGÉNÉRAL DUPLAN

Il n’est pas inutile de préciser à ce stade que l’outil du calcul écono- mique a profondément évolué avec les préoccupations de la collecti- vité, ce qui démontre qu’il n’est pas une technique figée et qu’il peut être en phase avec la prise de conscience collective de certains enjeux. Dans les années 70, les effets externes pris de fait en compte dans les calculs sont essentiellement ceux relatifs au développement massif de la mobilité (gains de temps et de sécurité). Dans les années 80, les préoccupations environnementales apparaissent plus nettement, et les méthodes d’évaluation intègrent alors certains de ces éléments (bruit, pollution atmosphérique). Les débats des années 90 se focalisent plus particulièrement sur l’effet de serre et les impacts sur le climat, on voit alors apparaître les premières tentatives de valorisation de la tonne de carbonne. Il n’en demeure pas moins que d’autres préoccupations, notamment celles liées à l’aménagement du cadre de vie urbain restent mal appréhendées dans les méthodes d’évaluation traditionnelles.

Dans cette partie, il convient de rendre compte du processus qui a permis de passer de ces préoccupations plus ou moins diffuses à la production de valeurs normées qui sont sensées intégrer les préoccu- pations de la collectivité dans la mesure de l’utilité sociale des investis- sements.

– Une réflexion dans un contexte juridique et réglementaire de plus en plus exigeant

La réflexion du Plan a été menée dans un contexte juridique et réglementaire de plus en plus exigeant en matière d’évaluation. Le calcul économique occupe sinon dans les faits, du moins dans les textes et les discours, une place qui semble devoir être encore renforcée si l’on en juge par les nombreuses recherches soutenues par le ministère de l’Équipement pour améliorer ce type d’expertise.

La LOTI a institué plusieurs notions originales (droit au transport, efficacité économique et sociale, plan de déplacements urbains…) et a imposé dans son article 14 la réalisation d’évaluations socio- économiques et de bilans des grands projets d’infrastructure.

Le décret d’application de l’article 14 de la LOTI13 précise le

contenu de l’évaluation et du bilan et impose que l’évaluation a priori comme le bilan a posteriori soit soumis à des obligations de publicité.

En 1996, la loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie14est

venue préciser notamment que les études d’impact des infrastructures de transport, qui font partie de l’évaluation a priori, comprennent une analyse des coûts collectifs des pollutions et nuisances et des avantages induits pour la collectivité.

La circulaire de la Direction des routes no98-99 du 20 octobre 1998

(concernant les méthodes d’évaluation économique des investisse- ments routiers en rase campagne 1998) fixa de nouvelles règles pour l’évaluation socio-économique des investissements routiers, en cohé- rence avec le rapport Boiteux de 1994 et l’instruction cadre IDRAC de 199515, actualisé en mars 2004, puis par l’instruction du 27 mai 2005

pour intégrer les conclusions du rapport Boiteux [2001] sur les valeurs environnementales ainsi que le changement du taux d’actualisation du Plan décidé en janvier 2005.

Toutefois, malgré cet arsenal réglementaire, les pratiques d’évalua- tion socio-économique restent encore très hétérogènes. C’est le cons- tat que fait par exemple le CERTU16après avoir analysé les dossiers

de demande de subvention réalisés par les autorités organisatrices de transport pour les projets de transports collectifs en site propre (TCSP), dossiers qui sont instruits par les services de la direction des transports terrestres17. En milieu urbain où les interactions entre des

projets de transport et le développement urbain sont très complexes, les évaluations socio-économiques des projets de transports collectifs en site propre n’ont pas de méthodologie éprouvée et n’ont pas fait l’objet à ce jour de guides de recommandations.

– Une réflexion sur le calcul économique qui prend naissance dans une dynamique de prospective

Les travaux qui vont être évoqués par la suite trouvent leur origine dans une vaste prospective dans le secteur des transports menée au Commissariat Général du Plan dans le début des années 1990 à la

13. Loi no82-1153 du 30 décembre 1982.

14. Loi no96-1236 du 30 décembre 1996.

15. Instruction cadre du 3 Octobre 1995 du Secrétaire d’État aux transports relative aux méthodes d’évaluation économique des grands projets d’infrastructure de transport.

16. Recommandations pour l’évaluation socio-économique des TCSP, CERTU, Centre d’étu- des sur les réseaux, les transports l’urbanisme et les constructions publiques, ministère de l’Équipe- ment, des Transport et du Logement, avril 2002.

17. Suivant les agglomérations concernées, il s’agit des demandes de prise en considération (DPC), des dossiers d’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique (DUP).

demande de plusieurs ministres. Le groupe de travail « Transport 201018», s’était alors heurté à plusieurs questions vives portant notam-

ment sur les méthodes d’évaluation des projets d’infrastructures de transport : il existait sur ce point au sein de l’administration française et chez les opérateurs de transport public, non seulement des pratiques différentes en matière d’évaluation, mais aussi des points de vue de doctrine assez contrastés. Ce rapport dressait le constat de la néces- saire obligation d’un travail interministériel approfondi sur ce point alors que la composante intermodale des projets de transports était de plus en plus prégnante dans les politiques, que les contraintes financiè- res posaient le problème difficile des critères à retenir pour faire les arbitrages les plus pertinents pour la collectivité et surtout parce que le calcul économique (méthode coûts avantages) était fortement contesté au profit de méthodes dites multicritères.

Il convenait donc de faire le tri dans les éléments avancés par les uns ou les autres pour défendre ou contester l’intérêt de certains projets et justifier ou non les dépenses publiques : effet des infrastruc- tures sur l’aménagement du territoire, impacts sur l’environnement et sur d’autres facteurs externes (sécurité, gain de temps pour les usagers, développement et compétitivité économique).

Affirmer l’importance d’une rationalisation des dépenses publiques en matière d’investissements supposait déjà de trouver un consensus sur les méthodes d’évaluation et de calcul de rentabilité des grands projets avec tous les intéressés (ministère de l’Équipement et des Transports, ministère de l’Économie et des Finances, ministère de l’Environnement, entreprises, etc.). C’est à la suite de ces réflexions qu’il a donc été demandé au Plan de poursuivre ses travaux dans ce sens.

– Un groupe de travail pour produire un consensus

Pour traiter ces questions très controversées il paraissait incontour- nable de trouver une personnalité maîtrisant à la fois les difficultés théoriques et pratiques du calcul économique et n’étant pas impliquée dans le secteur des transports. Aucun consensus ne semblait en effet

18. Transports 2010, Rapport du groupe présidé par le Commissaire au Plan, La Documenta- tion Française, 1992. Voir aussi : « Transports : pour une cohérence stratégique », Atelier sur les orientations stratégiques de la politique des transport et leurs implications à moyen terme, présidé par Alain Bonnafous, Commissariat Général du Plan, septembre 1993. Les réflexions ont principa- lement porté sur les choix d’infrastructures de transport, avec l’objectif de renforcer au niveau national la cohérence de l’ensemble des investissements des opérateurs publics et de ceux prévus aux contrats de Plan État-régions. Plusieurs points ont fait l’objet d’examens critiques et de préconisations : les circuits de financement, la tarification d’usage des infrastructures, et enfin la question des méthodes d’évaluation des projets sur lesquelles les administrations avaient des points de vue divergents.

atteignable sans l’intervention d’une personnalité disposant sur ce sujet d’une autorité scientifique incontestable et qu’on ne pouvait soupçonner de défendre tel ou tel lobby du secteur. Marcel Boiteux19

disposait non seulement d’une autorité académique reconnue sur ces sujets mais aussi d’une expérience de la pratique du calcul économique hors du champ transport dans le secteur électrique20.

En 1994, le Commissariat Général du Plan publiait les conclusions de ce groupe de travail dans un rapport sur la prise en compte de l’environnement et de la sécurité dans les choix d’investissements de transports, intitulé Transports : pour un meilleur choix des investisse-

ments21: le « rapport Boiteux », qui devait rapidement devenir une

référence dans ce domaine. Ce dernier prend le contre pied d’une tendance critique à l’égard du calcul économique standard qu’on dis- cernait dans bien des pays et des institutions ainsi que dans les milieux universitaires et revient à une orthodoxie plus stricte du calcul écono- mique. On y trouvera pour la première fois, des recommandations précisant la meilleure manière de prendre en compte les effets envi- ronnementaux. Des valeurs sont proposées pour les intégrer dans le calcul économique, elles seront très vite reprises dans de nombreuses enceintes administratives et universitaires. Ce rapport eut un retentis- sement assez considérable puisque, quelques mois après sa publication

19. Normalien, agrégé de mathématique et diplômé de l’Institut d’études politiques, Marcel Boiteux a été attaché au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) (1946), avant d’accomplir, à partir de 1949, l’essentiel de sa carrière au sein d’Électricité de France (EDF.), dans laquelle il prendra les fonctions de directeur des études économiques à la direction générale (1958). En 1967, il est nommé directeur général de l’entreprise avant d’en devenir le président du conseil d’administration (1978-1987) puis le président d’honneur. Il mène parallèlement une activité d’enseignement en économie et des travaux de recherche fondamentaux et appliqués sur les questions relatives à la tarification et au calcul économique public. Depuis, il est membre de très nombreux conseils, comités et instituts. Il est élu membre de l’Académie des Sciences morales et politiques en 1992.

20. Il n’est toutefois pas inconnu du secteur des transports puisqu’il préside l’Instance d’Éva- luation de la politique des transports de la Région Parisienne (1995- 1999)

21. Commissariat Général du Plan, Transport pour un meilleur chois des investissements, Groupe de travail présidé par Marcel Boiteux, La Documentation Française, Paris, 1994. On retient de ce rapport le tableau qui propose pour chaque externalités des valeurs monétaires (valeurs du temps, vie humaine épargnée, bruit, effet de serre, pollution de l’air). Mais ce rapport ne se limite pas à ces quelques chiffres. Il rappelle notamment, ce qui n’allait pas de soi à l’époque, que le calcul économique reste, malgré ses insuffisances, ce qu’il y a de mieux pour évaluer les projets d’investissements, que les externalités négatives et positives doivent être incorporées aux calculs lorsque c’est possible et, dans le cas contraire, que les implications non monétarisables doivent être présentées sous la forme d’argumentaires. Déjà, le rapport évoque sans donner de précisions que l’évaluation doit prendre en compte les risques et les incertitudes et que les modèles de trafic, qui sont au cœur de l’évaluation, doivent être audités (cellule d’évaluation indépendante). Des précisions sont apportées sur des aspects plus techniques du calcul comme la difficile question la situation de référence à prendre en compte dans les évaluations, et des recommandations plus politiques sur la transparence des études. Le rapport recommande sur ce point qu’on procède à une normalisation des études.

officielle, le gouvernement émettait une instruction-cadre qui rendait effectives ses principales recommandations.

Quelques années plus tard, de nouvelles interrogations se posent sur ces méthodes notamment en raison des difficultés que rencontrent les évaluateurs pour mener l’analyse des projets de transport en milieu urbain. Le calcul économique se heurte effectivement dans la pratique au fait que les taux de rentabilité socio-économique des investisse- ments des transports collectifs ne sont pas excellents au regard de certains investissements routiers. Cet écart est généralement expliqué par le fait que la valeur du temps écrase toutes les autres valeurs environnementales et que de ce fait pour prendre en compte les avan- tages environnementaux relatifs des modes de transport alternatif à la voiture particulière il devenait impératif de relever les valeurs environ- nementales utilisées dans les calculs sous peine de disqualifier l’outil du calcul économique lui-même.

C’est ainsi qu’en 1999, le Plan reçoit une demande conjointe des ministères des Transports et de l’Environnement pour réévaluer les valeurs notamment en milieu urbain. Ces valeurs devaient permettre d’incorporer aux calculs économiques de rentabilité des investisse- ments publics du secteur des transports, notamment en milieu urbain où les méthodes traditionnelles semblaient peu adaptées, les avantages et les coûts non marchands que ces investissements impliquent : l’épui- sement des ressources non renouvelables, la congestion et les nuisan- ces sonores liées au trafic, les effets de la pollution atmosphérique sur la santé, mais aussi les gains de temps et les vies épargnées.

Un groupe de travail est constitué à nouveau sous la présidence de Marcel Boiteux qui accepte de reconduire les travaux de 199422. Ce

groupe de concertation a été constitué de manière à préserver certains équilibres entre les modes de transport d’une part et les différentes administrations d’autre part. Il réunissait pour ce faire fonctionnaires en charge des dossiers de transport, universitaires, représentants des grandes entreprises publiques (RATP, SNCF, etc.) et d’autres organis- mes comme ceux représentant les constructeurs automobiles par exemple.

Ce groupe qui a travaillé pendant près de 2 ans, n’avait pas pour objectif de faire ou même de commander des études particulières. Il s’agissait plus modestement, mais l’exercice était extrêmement diffi- cile, de préciser et de décider les valeurs à retenir au regard des

22. Commissariat Général du Plan, Transport : choix des investissements et coûts des nuisances, Groupe présidé par Marcel Boiteux, La Documentation Française, Paris, 2001.

pratiques étrangères et compte tenu des principaux résultats obtenus par les études les plus récentes.

Pour avancer concrètement dans les travaux, le président a donc désigné un expert pour chacune des externalités environnementales en lui demandant de préparer une première réunion au cours de laquelle il devait faire le point sur l’ensemble des études menées depuis 5 ans sur ces sujets, et de proposer une série de recommandations concer- nant les valeurs et leur utilisation, propositions sur lesquelles le groupe de travail serait ensuite appelé à se prononcer. Ces travaux préparatoi- res ont été menés dans la plus totale liberté, le Commissariat Général du Plan offrant ses services (logistiques, rapporteurs), pour aider les présidents de séance à dégager les principales recommandations.

Ces réunions n’ont pas pu, pour la plupart, déboucher sur un consensus clair. Et pour les sujets les plus conflictuels, il a même fallu enclencher de nouvelles discussions regroupant les principaux prota- gonistes. Ces discussions bilatérales devaient permettre au rapporteur général et au président du groupe d’apprécier les points de vue, de mesurer la robustesse des argumentations développées en confron- tant, si nécessaire, ces argumentaires à la critique d’autres experts.

Suite à ces différentes réunions, le Plan proposa au groupe pour chacun des chapitres une première proposition de rédaction. Celle-là faisait état des différends entre les membres du groupe en mettant en évidence les principaux enjeux du débat et les éléments d’incertitude. Il proposait ensuite une série de valeurs en prenant bien soin de définir les hypothèses qui avaient été retenues pour les fixer et de préciser les recommandations quant à leur utilisation.

L’ensemble de ces chapitres a fait ensuite l’objet d’une adoption collective, qui sur certains points a pu se terminer par un vote lorsque les différends étaient irréductibles. Pour les valeurs les plus controver- sées (la tonne de carbone, ou la valeur des impacts de la pollution atmosphérique sur la santé par exemple qui furent les points les plus discutés), le président disposait du pouvoir pour trancher les débats après avoir épuisé toutes les solutions de compromis possibles. La rédaction garde volontairement la trace de ces négociations. Les arbi- trages ont été faits, c’était un impératif, ils ont été faits dans la plus totale transparence.

– Des valeurs produites pour les débats futurs

Le rapport transmis au gouvernement a fait l’objet de discussions et d’une expertise au Conseil Général des Ponts et Chaussées qui a proposé de retenir l’ensemble des recommandations. Ces valeurs ont ensuite été traduites dans une circulaire qui s’impose aux différentes

directions en charge de mener les évaluations des grands projets d’infrastructures. Ces valeurs, devenus des valeurs de référence, se trouvent dès aujourd’hui utilisées de fait dans des travaux académi- ques et administratifs ; elles correspondent à un besoin très manifeste. Le risque toutefois, c’est que les conditions de leur production et les recommandations qui les accompagnent soient oubliées. Le rapport précise leur caractère éphémère. Elles n’ont de sens du point de vue économique que si on se donne dans le même temps les moyens pour les contester et les affiner en permanence.

On notera notamment, que les accords obtenus au sein du groupe l’ont été bien souvent sous réserve d’engager des études complémen- taires. Les débats ont montré à de nombreuses reprises que les études étaient généralement insuffisantes pour assurer certains arbitrages. Ces valeurs sont des valeurs tutélaires, mais qui, dans la mesure du possible, restent proches de ce qu’on pense savoir au regard des com- portements des agents économiques ou des modèles de simulation lorsqu’elles ne sont pas directement accessibles. Le rapport propose pour ce faire toute une série d’études jugées prioritaires et un grand nombre d’entre elles font l’objet aujourd’hui de travaux dans le cadre d’un vaste programme de recherche qui mobilisent un grand nombre de chercheurs dans le secteur des transports.

Produire ces valeurs, c’est aussi engager un débat dans la société pour révéler le prix que collectivement nous sommes prêts à payer pour intégrer les considérations environnementales dans les investisse- ments qui engagent l’avenir. On trouvera ci-dessous un exemple des valeurs produites par ce groupe de travail.

Tableau 1

Valeur de la pollution atmosphérique

(euros par unités de trafic m/100.veh.km ; m/100.trains.km23)

Valeur 2000 en véh-km Valeur moyenne Urbain dense Urbain diffus Rase campagne VP 0,9 m 2,9 m 1,0 m 0,1 m PL 6,2 m 28,2 m 9,9 m 0,6 m Bus - 24,9 m 8,7 m 0,6 m Valeur 2000 en train-km

Train diesel (fret) - 458 m 160 m 11 m

Train diesel (voyageurs) - 164 m 57 m 4 m

Plus récemment, en juin 2004, le Commissariat Général du Plan, à la demande du Premier ministre et dans le prolongement des décisions du Comité interministériel d’aménagement et de développement du terri- toire (CIADT, réunion du 18 décembre 2003), a engagé la révision du taux d’actualisation qui est depuis 1985 la référence utilisée dans l’éva- luation socio-économique des projets d’investissement publics. Le taux d’actualisation public – on le qualifie dans la littérature de taux d’impa- tience – est un élément clef du calcul économique public qui permet de rendre comparable dans les calculs les avantages et les coûts d’un projet qui s’échelonnent dans le temps. Ce taux, le prix accordé au temps, dont la dernière valeur avait été fixée en 1986, faisait en effet, et ce depuis plusieurs années, l’objet de contestations assez fortes notamment parce que son usage conduit mécaniquement à minorer considérablement ce qui se passe dans le futur éloigné. La décision de sa révision a été prise suite au rapport d’audit sur les grandes infrastructures de transport effectué par l’Inspection générale des Finances et le Conseil général des Ponts et Chaussées début 2003, qui conduisait à rejeter bon nombre de projets d’investissements dont la rentabilité était jugée insuffisante. Les élus ont eu alors le sentiment que ces conclusions, dont on expliquait qu’elles étaient liées en partie à l’utilisation d’un taux d’actualisation très élevé, remettaient en cause leur propre légitimité à décider des grandes orientations en matière d’investissement, alors que celles-là pouvaient se justifier au regard d’autres critères. Le taux d’actualisation s’est ainsi trouvé au centre d’une polémique qui imposait dès lors d’engager une révision maintes fois repoussée. Ne pas réviser le taux risquait en effet de fragiliser le calcul économique.