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Dans le cadre du travail au SEI à la Fondation de Vernand, les discussions avec les parents sont comprises dans le temps d’intervention, et la pédagogue discute avec eux, au début, à la fin ou en même temps que la séance SEI les points à aborder selon les besoins des parents. Des entretiens à proprement parler peuvent également être proposées à un autre horaire, comme en soirée pour que les deux parents puissent être présents, ou sur un autre horaire pour que d’autres professionnels puissent se joindre à la rencontre. Les entretiens avec les parents sont donc fréquents et peuvent avoir différents objectifs comme de présenter le SEI et découvrir la famille, de poser des objectifs pédagogiques, de faire le point, de préparer la rentrée à l’école, etc. Il n’existe pas de règles sur le nombre d’entretiens à faire avec une famille, et cela se fait au gré des besoins de celle-ci. Il n’existe pas non plus de préparation spécifique au SEI de ceux-ci, et

chaque pédagogue prépare l’entretien (s’il est planifié à l’avance) selon sa propre méthodologie, sans canevas prédéterminé, hormis la 1ère séance où la liste des informations à communiquer est commune à toutes les pédagogues.

Dans ce cadre-là, les entretiens d’attachement auprès des parents tel que le PDI n’ont pas leur place. Les objectifs du SEI n’incluent pas une évaluation formelle de la qualité de l’attachement et, de manière générale, l’évaluation de la qualité de l’attachement tant chez l’enfant que chez l’adulte doit rester une question scientifique, mais pas une évaluation utilisée dans la pratique.

La sécurité dans l’attachement peut être comprise comme un facteur de protection face aux événements de la vie notamment en termes de capacités de réguler ses émotions face aux épisodes relationnels et affectifs difficiles. Mais l’insécurité dans l’attachement n’est pas considérée comme une psychopathologie qui devrait nécessiter une prise en charge spécifique.

Ainsi, les entretiens d’attachement sont en général proposés uniquement dans le cadre de recherches scientifiques sans avoir d’autre but que de mieux comprendre ce à quoi se heurtent certaines familles confrontées à des difficultés diverses. De nombreuses études ont ainsi été effectuées sur la base d’un entretien d’attachement parental afin de comprendre en quoi des événements potentiellement stressants comme la prématurité (Borghini, Pierrehumbert, Muller Nix, Forcada Guex & Ansermert, 2006), l’annonce d’un diagnostic prénatal, d’une malformation, d’une maladie grave (Habersaat et al., 2014), une situation de placement ou d’adoption (Molina, Casonato, Ongari & Decarli, 2015) ou encore l’exposition à de la violence conjugale (Rusconi-Serpa, Suardi, Moser & Schechter, 2015) peuvent avoir un impact sur ces capacités de régulation émotionnelle propres à la parentalité.

Ainsi, administrer un PDI ne rentre pas dans le cahier des charges des pédagogues en éducation précoce spécialisée. Cependant, la formation des pédagogues qui travaillent auprès des familles de façon aussi collaborative et proche du milieu de vie de l’enfant pourrait bénéficier d’apports plus approfondis dans le domaine de la théorie de l’attachement en particulier sur la base de ce que l’on apprend grâce à ce type d’entretiens. Savoir déceler les indices d’un attachement parental insécure peut permettre à la pédagogue ou à un autre professionnel de porter une attention particulière au lien entre le parent et son enfant, en pensant son action éducative et en prenant en compte plus attentivement cette dimension. Le discours du parent peut être entendu à la lumière de ce que la théorie de l’attachement nous apprend et ceci lors de simples moments de discussion informelle avec le parent, ou lors d’un entretien de bilan avec la pédagogue, comme cela peut se faire ponctuellement.

Il ne s’agit pas alors de récolter des indices dans un but d’une évaluation formelle et quantifiée de la qualité de l’attachement comme le propose la CaMP. Il s’agit plutôt de repérer les difficultés de régulation des émotions, en particulier en ce qui concerne les deux grandes stratégies défensives propres à l’attachement : l’hyperactivation et la désactivation des comportements d’attachement.

Dans le cas de l’hyperactivation des comportements d’attachement, il s’agit alors de repérer un parent très demandeur, centré sur ses propres difficultés, qui peine à s’intéresser à l’enfant et qui cherche à prendre à parti le professionnel pour que celui-ci entende et comprenne ses difficultés et qui peut le cas échéant occuper une partie de la place dévolue aux besoins de l’enfant. Dans ce cas-là, la pédagogue peut se trouver en difficulté et fermer la porte à un parent qui peut être perçu comme envahissant ou au contraire se laisser envahir, mais en perdant de vue ses objectifs. La théorie de l’attachement nous apprend que, face à ce type de parent, il s’agit avant tout de les rassurer, de poser un cadre sécurisant et de proposer des moments d’écoute tout en leur montrant le soin apporté au travail avec l’enfant. Face à un parent qui occupe cette place, leur besoin de parler peut être compris comme une tentative d’apaiser une certaine anxiété dans la rencontre avec le professionnel et que face à cette insécurité, le professionnel peut accueillir ces mots tout en reposant le cadre des séances. Pour le parent, l’accueil de ses émotions et le cadre posé sera rassurant et il pourra alors laisser plus de place à l’écoute de ce que le pédagogue pourra apporter.

Lorsque la stratégie parentale est plutôt de l’ordre de la désactivation des émotions, alors il n’est pas rare de rencontrer des parents qui évitent d’exprimer leurs émotions et qui cherchent à garder une distance avec le professionnel. Dans ce cas-là aussi, cette attitude peut être perçue par le pédagogue comme un manque de collaboration de la part des parents. Il est alors utile de comprendre cette mise à distance plutôt comme une façon pour le parent de réguler ses propres émotions et, en particulier, de diminuer l’anxiété liée à la situation de la prise en charge. Cette perspective permet alors à la pédagogue de travailler à sécuriser la situation, rassurer le parent sur les objectifs de la prise en charge et l’amener progressivement à s’ouvrir au travail d’accompagnement autour des besoins développementaux de son enfant.

Ainsi, la formation aux instruments qui permettent de prendre en compte de façon approfondie les besoins des parents en termes de régulation émotionnelle permet d’enrichir le travail de la pédagogue et de lui donner des outils pour renforcer la collaboration avec le parent. Cela peut

s’avérer d’une importance cruciale lorsqu’il s’agit de soutenir le rôle du père auprès de l’enfant et consolider ainsi les apports paternels intéressants pour l’enfant sur le plan développemental.

Dans les situations qui ont fait l’objet du présent travail, le codage a permis d’entrer dans les détails du discours qui sont à repérer en tant qu’indice de sécurité ou d’insécurité. Par exemple, le père 01 a été défini comme sécure, mais nul doute qu’un travail autour du lien avec sa fille pourrait lui permettre de renforcer sa sécurité et de diminuer sa désactivation. Il n’y a donc pas besoin d’avoir un certain score pour permettre à des parents de renforcer leur lien avec leur enfant, et ainsi accompagner le parent afin qu’il devienne un soutien à la régulation des émotions de son enfant.