Père 03

Le troisième père est dans la quarantaine et travaille à un taux de 90%. Lui et son épouse sont parents de E., âgé de 3 ans et fils unique du couple. Il souffre d’une maladie génétique : la dysostose mandibulo faciale avec une microcéphalie qui a été diagnostiquée quand E. était âgé de quelques mois. C’est une maladie orpheline très rare, et le père explique qu’il y a une centaine de cas répertoriés dans le monde. Ce sont des enfants de petite taille, avec une très petite tête attestant de leur microcéphalie. Les impacts de cette maladie sur le développement des enfants sont variés et plus ou moins différents selon les individus. Dans le cas d’E., il présente diverses malformations liées à la maladie, mais en comparaison avec les autres cas répertoriés, le père explique qu’il fait partie des cas « qui s’en sortent bien ». Au niveau du développement cognitif, il est difficile de savoir avec précision l’incidence de la microcéphalie sur le long terme. Actuellement, E. présente un retard cognitif d’une année : il a donc un développement d’un enfant de deux ans. Le père explique qu’E. a un « développement faible, mais pas très faible donc c’est très positif parce que ça laisse beaucoup de champ ouvert de développement ». À côté de cela, E. est né avec une atrésie de l’œsophage, car celui-ci n’était pas connecté à son estomac. Il a été opéré dans ses premiers jours de vie pour corriger cela. Par la suite, il a dû être nourri par sonde. N’ayant jamais pu avaler du liquide dans sa vie intra-utérine, E. avait une zone orale que le père qualifie « d’éteinte » et un long apprentissage pour savoir mâcher et avaler a dû se faire. Il souffre également d’une malformation du menton, le

rétrognatisme, ce qui peut accentuer les difficultés liées à la mobilisation de sa zone orale. Il a donc commencé par une sonde naso-gastrique, puis a subi une gastrostomie (la pose « d’un bouton » sur l’estomac que l’on peut relier à une sonde), et a ensuite pu apprendre à se passer des sondes et manger de manière autonome à l’âge de deux ans et demi. Il est également malentendant d’une oreille et a pu être appareillé. Il doit porter des formes dans les chaussures, car il a les pieds plats. Enfin, une hypersensibilité des mains a été constatée, mais le père explique que E. a beaucoup progressé sur ce point.

Le père décrit son fils comme un petit garçon « curieux », « charmeur » et « coquin ». Il explique que son fils a une capacité à attirer l’attention des gens qui l’entourent : « Il cherche vraiment tout le temps la connexion avec les gens, il insiste des fois jusqu’à ce qu’on le regarde, qu’on interagisse avec lui, et puis ça depuis toujours, mais d’autant plus maintenant. Et puis ouais il a une capacité comme ça à s’attirer un peu de la plupart des gens un intérêt positif quoi, malgré son handicap. Et aussi des autres enfants d’ailleurs, c’est des fois assez étonnant ». Il ajoute néanmoins être parfois confronté au refus de certains enfants et qu’il pense qu’il faudra qu’il s’endurcisse : « Pour l’instant il a pas tellement de carapace quoi. Il est très ouvert, mais… Je pense qu’il faudra qu’on lui… Pas qu’on lui construise un mur non plus, mais faudra qu’il se renforce un peu je pense, personnellement ». Il parle de l’arrivée de E. dans sa vie comme d’un changement profond dans sa manière d’oser vivre ses émotions : « Je suis quand même assez cérébral, et puis peut-être ce côté émotionnel je voulais peut-être pas tellement le voir quoi. Et puis avec E. je… Voilà, il s’est installé quoi. Et puis je suis vite maintenant dans les émotions, alors beaucoup plus qu’avant quoi. Et puis… C’est ni bien ni mal quoi, mais c’est différent. Et puis je trouve ça intéressant ».

Résultat - Père 03

Sécure Désactivé Hyperactivé Désorganisé Mentalisation

59,54 40,34 46,38 41,89 59,03

Le père 03 obtient un attachement sécure. On peut noter que sa mentalisation est également très haute et proche du score de sécurité. C’est le score de sécurité le plus haut du panel. Pour illustrer le codage de l’entretien, quelques items du CaMP relevant d’un attachement sécure et certains relevant de l’insécurité ont été mis en commun avec des extraits de l’entretien.

Indices de sécurité – Père 03 Les émotions

négatives peuvent être exprimées.

« C’est arrivé peut-être deux fois où au parc, on a un parc assez chouette pas loin de la maison, où tout d’un coup j’entends un enfant euh… Je sais pas, qui peut-être dix ans, dire « Ouais il a quoi lui, il est bizarre, il a une drôle de tête ». Et puis ça, moi ça me blesse quoi. Je le prends assez émotionnellement. Mais… En même temps c’est inévitable quoi. On va dire…

Ben soit il a pas entendu, soit je sais pas ce qu’il a entendu je… Voyez je sais pas. Alors moi je savais que je le reçois de manière un peu forte, mais en même temps je comprends parce que c’est des réactions d’enfant et puis voilà. »

(Ndlr :expliquant quand il doit faire un lavage de nez à son fils)

« Et puis alors lui il va se débattre, donc il faut le contenir pour faire ce truc et puis… Et puis après il arrache le machin donc ça gicle partout, et puis au bout de la cinquième fois ouais… Des fois j’ai vraiment hurlé quoi, parce que j’en peux plus quoi. Et puis là du coup il est… Il est tout surpris. Mais après…

Après c’est rattrapable quoi. Bon c’est vrai que ouais, ça c’est embêtant.

J’arrive à me contenir, mais… Mais bon… Mais bon on est humain comme vous dites. »

« Alors si je suis qu’avec lui, je pense qu’on a une jolie complicité et puis euh… Bon de temps en temps je vais le chercher à la crèche alors que c’est ma femme, alors il est là « Ah Papa ! » enfin il est content de me voir et il maintenant c’est presque euh… (rires) Il est passé du « Je reste un peu dans mon coin j’observe » à « Je vais vers les autres et puis je les embête ou je les tape un peu. ».

« Dès qu’il est un peu pas bien ben… Il se referme un peu dans sa coquille quoi. Et puis des fois ben ça peut être un peu pénible ouais. Et puis frustrant, parce que finalement on… Voilà. On se réjouit d’aller faire un cours de musique et puis euh… Finalement il veut rien faire ou il est… Mais je sais qu’il en bénéficie quand même et c’est moins… Ça se passe moins bien et puis moi ça me frustre un peu. Donc ça c’est arrivé quelque fois mais bon voilà, ça fait partie du truc quoi. »

« Mais, ouais, ça fait quelque temps où il… Il est un peu dans le… Où il nous frappe. Enfin ça veut beaucoup dire, mais…. Le soir dès qu’il est un peu…

Dès qu’il est un peu fatigué, voilà, il nous fait… Il nous met facilement des

petites claques ou il nous… Bon là ces temps il nous mord, mais je pense ça c’est un peu derrière moi. Ou il nous donne un peu des coups ou ben… Ouais, ou il tire les cheveux à sa maman puis bon maintenant… Puis maintenant on essaie vraiment de… Ben de lui faire comprendre qu’il faut pas faire ça, que si il le fait c’est que avec nous, mais pas avec les autres personnes. Et puis on essaie vraiment de lui faire comprendre qu’il faut… Que c’est pas bien quoi ».

(Ndlr : expliquant qu’il a insisté pour que son fils aille regarder le spectacle d’une amie à lui alors que sa femme voulait qu’il n’y aille pas, car il était malade).

« Ouais, parce que moi je savais que ça allait lui faire du bien puis euh ouais, je trouve qu’il… Enfin… C’était rigolo cette relation qu’il a avec cette fille et puis euh… C’est super chou à observer, puis je savais que ça allait lui faire du bien et puis… Déjà il est pas bien parce qu’il est enrhumé et puis il a de la fièvre, alors pfffff... On va pas le mettre au lit frustré. »

« Mais il veut faire comme les autres, ça c’est… Et puis on voit, et puis quand il arrive, ouais on voit, on voit qu’il est… Fier, je sais pas si pour un enfant de trois ans peut être fier de lui, j’en sais rien, mais en tout cas on voit que y’a un contentement important quoi. Ouais... Ouais ouais, y’a une sorte de fierté qui est manifestée quoi. Ouais… Il est content de lui quoi. »

Le parent se

« Ouais généralement quand je rentre il est super content de me voir, souvent quand je rentre pas ben il demande ou il m’attend ou… Ouais. Donc euh…

Je vois que je compte pour lui (rires). (…) Je trouve qu’on a une chouette relation. » vraiment dans un état très émotionnel qui est pas habituel pour moi. Peut-être quelque chose que je refoulais avant. J’étais quelqu’un de très dans ma tête, le yoga m’a aidé un peu à prendre possession de mon corps quelque part, mais je suis quand même assez cérébral, et puis peut-être ce côté émotionnel je voulais peut-être pas tellement le voir quoi ».

Indices d’insécurité – Père 03

« Donc voilà, il cherche les limites, c’est normal. Mais après vous le sentez pas forcément touché ? Non alors… Non, ça va. Au niveau de son ressenti à lui ? Moi je suis quelqu’un d’assez nerveux euh… En principe je… Je me contiens dans la sphère professionnelle, un peu moins dans la sphère privée ».

« Ben y’a que le vendredi où je suis vraiment seul avec lui quoi. Le matin c’est mon moment avec lui quoi. Et du coup il arrive à se réjouir ou à savoir que le lendemain c’est avec vous ? Ça je sais pas, mais… Ça je sais pas ».

« Et là E., vous pensez qu’il le ressent que vous êtes frustré ou un peu fâché ? J’essaie de pas lui montrer, mais… Non je sais pas ».

L'enfant est décrit comme facile, sage, conciliant.

« Non, mais on se fâche assez peu. Bon déjà parce qu’il est assez adorable et puis euh… Ou mettre un cadre ? C’est un enfant assez facile, mais en général il est assez facile ».

« A pars ces moments-là, un peu énervant, dans l’ensemble c’est un enfant vraiment facile et puis il est… On n’a jamais eu trop de mauvaises expériences quoi, enfin… Ouais. On est plutôt régulièrement surpris en bien ou épatés, par ce qu’il arrive à faire, plutôt que l’inverse quoi. Ouais ».

En résumé, il s’agit d’un père qui s’est confié de manière aisée sur des sujets autant pratiques, factuelles comme la description de l’affection de E., ses traitements, les étapes, etc. que sur son ressenti, ses émotions, sa vision de la vie et ses croyances avant et suite à l’arrivée de son fils.

Il a parfois du mal à parler en détail du ressenti d’E., mais il peut tout à fait explorer cette réflexion à d’autres moments. Il décrit E. de manière très positive en insistant plusieurs fois sur le fait qu’il est très sage, ce qui peut faire penser à un indice d’insécurité, mais il peut également se confier sur les difficultés que peut poser son comportement à d’autres moments. De tout le panel, c’est ce père qui a obtenu le plus haut taux de sécurité.