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3. Scores individuels

3.5 Père 05

Le cinquième père est le plus jeune du panel, il a dans la trentaine et travaille à 100%. Il est père de deux enfants, R. un petit garçon de 3 ans et sa petite soeur. Il y a quelques mois, suite aux préoccupations de la mère, des investigations ont pu être menées et un syndrome génétique, le syndrome de Williams, a pu être mis en évidence. Cette maladie est associée à un retard global de développement, que ce soit au niveau cognitif, troubles langagiers ou retard de motricité globale. R. est actuellement suivi, en plus des séances SEI, par une logopédiste et une physiothérapeute, avec lequel le suivi va bientôt s’arrêter. Il va prochainement commencer l’ergothérapie et la psychomotricité.

Le père décrit R. comme un petit garçon « heureux », « curieux » et « émotif ». Durant l’entretien, devoir ainsi donner des attributs pour se décrire R. submerge le père d’émotions. Il verse quelques larmes en expliquant qu’il pense que R. est heureux et qu’il est un touche-à-tout. Il ajoute que R. peut être très perturbé par des bruits du quotidien comme le mixer ou l’aspirateur, et le manifestera immédiatement par des pleurs et des cris. L’objet ayant fait le bruit doit alors être caché de R. pour que celui-ci puisse reprendre ses esprits, et il en parlera encore plusieurs heures après, le regard toujours très inquiet. Tout au long de l’entretien, le père pleure à plusieurs reprises, semblant encore sous le choc de l’annonce. On peut noter que, parmi tout le panel, c’est le seul père qui a appris la maladie de son fils il y a moins d’une année.

Il se décrit comme un papa avec une « éducation à l’ancienne » qui, sans être « autoritaire », peut « menacer pour que ça mène au bout ». Il explique cela ainsi : « Si on lui dit il faut aller faire ci, il faut aller faire ci quoi. On dit maintenant c’est le petit déjeuner on boit le lait, on boit le lait. C’est maintenant, c’est pas plus tard. Tu veux jouer, c’est malheureux, mais c’est l’heure d’y aller quoi ». Il décrit également son envie de partager ses passions avec son fils, que ce soit dans le quotidien ou dans des excursions diverses : « Je fais beaucoup de montagne donc c’est des choses que je voulais partager avec lui. On a fait du ski ensemble, enfin on fait des choses ensemble. On continue à avoir une relation sereine et j’espère complice. On est tous les deux, on profite, on s’amuse, on va aller au parc ».

Pour ce père, l’autonomie est très importante et il l’aborde régulièrement durant l’entretien. Il dit qu’il valorise R. lorsqu’il fait des progrès dans ce sens, pour l’encourager à se dépasser. Le père explique néanmoins qu’il trouve difficile de ne pas savoir le degré d’autonomie qu’aura R. à l’âge adulte, mais qu’il lui est encore plus dur d’imaginer que R. pourrait mal le vivre. En effet, le père explique que les personnes atteintes par le syndrome de Williams peuvent avoir conscience de leur différence face à la population, et qu’ils sont ainsi à risque de dépression, ce qui inquiète le père : « De se dire qu’un jour on puisse avoir des enfants malheureux, je pense que c’est ça le plus dur ».

Résultat – Père 05

Sécure Désactivé Hyperactivé Désorganisé Mentalisation

38,53 61,21 52,25 57,55 36,87

Le père 05 obtient un attachement insécure évitant. La différence entre la désactivation et l’hyperactivation est plus présente qu’avec le père 04 qui avait aussi un attachement insécure :

c’est ici bel et bien un attachement évitant qui se dégage des scores. C’est le score d’insécurité au quotidien. Ah clairement, c’est ce qui nous fait le plus de bien je pense. De le voir, de le voir euh… De rigoler avec lui, d’être avec lui, c’est ce qui nous fait le plus de bien ». pourquoi il était énervé. Il sent que nous on est énervé, donc il va aussi être triste. Donc il ressent ça aussi. Et il va essayer de vous amadouer ? De reconstruire la relation, de vous rechercher ? Oui il va essayer de refaire un câlin. Il va pas essayer de… Si on le gronde, il va pas dire « oh fais-moi un câlin » quoi. Il va vite comprendre qu’on le gronde, et il va tout de suite se mettre à pleurer. On va vraiment quand même lui dire qu’on est pas content, on lui met une tape sur les fesses. Directement il va identifier qu’on est pas content. Et là-dessus lui il va le ressentir, il va mal le vivre ou il va pleurer ».

Indices d’insécurité – Père 05 Discours

généralisant avec peu de souvenirs épisodiques.

« Des exemples récents où ça s’est vraiment pas bien passé ? Pfff… C’est un peu dur comme ça à imaginer. Je suis désolée, je suis pas euh… »

« Est-ce que vous arrivez à ma raconter une fois où vous avez été très en colère en tant que parent ? (Ndlr : silence de cinq secondes) Euh… Pfff… Là aussi hein, ça peut être pour une chose complètement bégnine d’une chaussure lancée… Mais vraiment une fois où là vous étiez vraiment en colère. Non c’est souvent plus sur la sieste où il va faire le zouave alors qu’il est éclaté et ça m’embête un peu. »

Les émotions négatives sont activement réprimées.

(Ndlr : expliquant la découverte du diagnostic de son fils à l’âge de 2 ans et demi)

« Ça reste mon fils. En fait, là encore une fois, il était… Il a toujours été le même en fait. Il s’est rien passé encore une fois. Notre relation elle était identique. C’est juste je pense un aspect euh… C’est ça, c’est vraiment nous-même qui nous projetons plein de choses pour nos enfants, qui imaginons tout un futur. Et aujourd’hui je pense qu’on prend la vie comme elle vient et puis on verra bien. »

L'enfant semble représenter un fardeau.

« Je pense qu’aujourd’hui, je vais un peu chercher de temps en temps, un peu un exutoire à enlever tout ce qu’on peut avoir au quotidien sur les épaules et puis vraiment à plus penser à rien, avoir le cerveau qui est arrêté. Et pour vous c’est peut-être transitoire ? Ou c’est, comme vous dites, « on verra » ? On verra. Non, mais globalement je saurais pas dire si c’est transitoire.

J’espère… Je sais pas. Je sais pas. Après j’ai pas de remords hein, j’ai aucun remord à aller me retourner la tête. Donc euh… Après voilà, aujourd’hui ça peut être plus sur des pratiques de la drogue ou quelque chose comme ça. Ça peut être des choses un peu plus extrêmes que de juste aller boire deux verres d’alcool. Les pratiques que j’avais un peu avant, mais aujourd’hui j’ai peut-être basculé vers plus d’excès quoi. »

Le parent est envahi

émotionnellement.

« Trois adjectifs décrivant votre relation avec R. ? Mais vraiment, Papa et R. Difficile. Là aussi vous arrivez à me dire un exemple ? (Ndrl : Le père pleure et sort un mouchoir). C’est euh… C’est un deuil. C’est... Pas ce qu’on avait rêvé pour ses enfants. Qui… Et c’est un combat, tous les jours. C’est…

Chaque jour c’est… (Ndlr : silence de cinq secondes). Un combat pour…

Tenir le coup ? Ouais. Ou pour lui ? Pour accepter, non pour accepter. »

Les descriptions épisodiques sont factuelles, superficielles.

« Parce que des fois on a des projets, on se dit « Ah ben aujourd’hui on va aller à la piscine, ça va être chouette » et puis l’enfant il pleure tout le long, il est fâché. Et on se dit « zut quoi ! ». Ah oui ben ça c’est la vie. Oui c’est sûr, mais si vous avez un exemple ? Qu’est-ce qu’on a fait où des fois c’est un peu dur… Euh pfffff… On a fait pas mal de vélos, on a fait un peu de voyage à vélos avec eux. Et euh ouais des fois dans la remorque ils sont un peu euh…

On sent qu’ils sont pas forcément super raccords pour être assis dans la remorque derrière nous. Donc là c’est un peu des moments où ça se passe moins bien. Des projets qu’on a annulé complètement ? Euh… Non, je pense qu’il n’y en a pas eu. Des choses où, ouais ça s’est un peu pas passé comme on l’aurait rêvé, je pense que c’est la vie. Je pense que là-dessus voilà... Je sais pas, quand on est parti faire des voyages ou des choses comme ça, des fois ils sont fatigués, des fois ça se passe pas bien. »

« Et quel serait la chose que vous trouvez le plus difficile, voire douloureuse en tant que parent ? C’est ce que je disais tout à l’heure, c’est un peu le fait de devoir faire le deuil de l’enfant parfait qu’on avait. De tout ce qu’on s’était projeté ou qu’on se projette au quotidien… Et se projeter le pire. Je pense que c’est ça en fait. On passe de « espérer le meilleur » à « envisager le pire », en permanence. Et c’est là-dessus où je pense que le secret pour réussir à continuer à pas se jeter du cinquième, c’est de vivre comme ça vient et puis on verra bien. »

Les problèmes sont résolus de façon rationnelle, opératoire.

« Enfin notre but c’est d’essayer d’avoir une vie normale… Enfin normale, y’a pas de normale en tant que telle en fait. C’est de vivre comme on souhaite vivre en fait. Et en fait le jour où on nous a annoncé le diagnostic, de se dire

de pas changer du jour au lendemain. Il y a eu des complications logistiques de prise en charge, mais concrètement on a continué à faire des projets, on a continué en fait à vivre notre vie comme avant. Il s’est rien passé en fait. »

« On vit, et puis ben ce qui va ça va, et ce qui ne va pas on s’adapte et puis on vit avec. »

En résumé, c’est un père pour qui l’indépendance de son fils est primordial et il le pousse toujours dans ce sens, quitte à en oublier parfois les besoins de celui-ci. Ce thème est récurrent durant l’entretien. Ce père paraît encore sous le choc de l’annonce du diagnostic, à peine quelques mois après celui-ci, et l’accès aux émotions qui y sont liées sont encore factuelles et/ou idéalisées. Il serait intéressant de pouvoir observer si, une fois le choc de l’annonce passée, ce père renouera des liens plus sécure avec son enfant.