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5.1 La CaMP

Pour coder les entretiens réalisés, il existe différentes méthodes de codage. La plupart exigent une formation certifiante et payante qui a été impossible à effectuer dans le cadre de la présente

étude. L’une des méthodes de codage disponible gratuitement sur la base d’une brève formation préalable est la « CaMP », les « Cartes pour l’évaluation de la qualité de l’Attachement et de la Mentalisation chez le Parent », créée par Borghini (Borghini, 2020) et choisie pour cette étude.

Cet outil a bénéficié de l’expertise de plusieurs spécialistes de l’attachement et fait l’objet actuellement d’une étude de validation comprenant notamment une analyse factorielle permettant de valider la structure de l’instrument en termes de construction des prototypes d’attachement et des échelles sous-jacentes.

La CaMP est un instrument qui peut être utilisé avec tous les entretiens d’attachement parental, comme le Parental Development Interview ou le Working Model of the Child Interview . C’est un système de codage sous forme Q-sort16 qui étudie les représentations parentales et permet d’avoir accès autant à la qualité de l’attachement qu’aux capacités de mentalisation du parent interviewé.

La CaMP comporte 65 items, présentés sur des cartes, qui permettent d’évaluer la qualité de l’évocation des états mentaux du parent pour en faire ressortir les représentations sur le lien d’attachement avec son enfant et sur ses capacités de mentalisation. En ce qui concerne le lien d’attachement, qui est plus particulièrement visé dans cette recherche, les items présentés permettront d’inférer si le parent a du plaisir dans sa relation avec son enfant, s’il supporte et assume les parts plus difficiles de son rôle de parent, s’il se représente la parentalité comme un fardeau ou encore s’il se considère comme une source de réconfort pour son enfant.

L’évaluateur doit alors trier les 65 cartes en comparant les éléments issus de la retranscription de l’entretien avec les propositions des cartes. En fonction de ce tri (explicité ci-dessous), il est possible de calculer la proximité entre l’entretien évalué et des prototypes d’attachement construits spécifiquement pour la CaMP. Ces prototypes sont appelés de la façon suivante :

16 La méthode du Q-sort a été élaborée par Stephenson (1935). Cette méthode est constituée de plusieurs techniques de recueil de données récoltées et analysées lors d’un entretien, qu’elles soient quantitatives ou qualitatives. Cela a pour but de pouvoir mettre en parallèle des données similaires entre des individus, et ainsi prendre en compte l’intersubjectivité de chacun. Des données qualitatives peuvent ainsi être transformées en données quantitatives. Pour cela, un système de tri des items correspondant ou non à un sujet est réalisé, suivie d’une analyse factorielle des résultats. Cela permet de mettre en évidence la réponse d’un sujet face à un ensemble d’idées et pas seulement selon une question précise. La méthode du Q-sort utilise une courbe de Gauss (présentant une distribution normale) pour que le système de tri des items en fonction des sujets de la recherche se rapproche d’une distribution réelle (Khune, Abernot & Camus, 2008). Les représentations sont ainsi forcées pour que les sujets étant très en désaccord avec un item ou pas du tout en désaccord soient moins représentés que ceux étant dans la classe centrale.

sécurité, désactivation (stratégie de mise à distance des émotions et désactivation des comportements d’attachement), hyperactivation (stratégie d’exacerbation des émotions et hyperactivation des comportements d’attachement) et désorganisation (absence ou désorganisation des stratégies de régulation des émotions et des comportements de recherche de soutien et de réconfort) . Un cinquième prototype décrivant la mentalisation vient compléter le tableau. On retrouve donc ici les mêmes types d’attachement que les catégories établies par Main, Kaplan et Cassidy (1985), mais avec une dénomination différente : un adulte autonome devient un parent sécure, un adulte détaché devient un parent désactivé, un adulte préoccupé devient un parent hyperactivé, et un adulte désorganisé reste un parent désorganisé. Le prototype mentalisé permet d’affiner ce qu’il en est des compétences de mentalisation (ou fonction réflexive) de la part du parent, car comme expliqué précédemment, un attachement sécure est hautement corrélé avec des capacités de mentalisation élevées chez un sujet (Borghini, 2020). La CaMP est donc un outil qui permet de mettre en lumière les représentations d’attachement et les capacités de mentalisation d’un parent dans sa relation avec un enfant.

5.2 Procédure de codage

Le tri des cartes d’évaluation doit se faire en deux fois. Lors du premier tri, l’évaluateur doit placer les cartes dans sept colonnes, allant de « très vrai » à « très faux », de manière instinctive et sans calculer le nombre de cartes qu’il met dans chaque colonne. Une fois son tri effectué avec ces tas de cartes, l’évaluateur doit noter dans la feuille de codage excel prévu par la CaMP17 les scores obtenus pour chaque carte. À chaque colonne correspond un nombre de points définis par méthode q-sort: de 7 points pour la catégorie « Très vrai » à 1 point pour la catégorie « très faux ».

Lors du second tri, appelé « tri forcé », l’évaluateur doit compter les cartes présentes par catégories lors du premier tri et les déplacer d’une catégorie à l’autre pour obtenir un nombre de cartes défini par la CaMP : 5 cartes dans le « très vrai », 8 cartes dans le « vrai », 12 cartes pour le « un peu vrai », 15 cartes pour le « ni vrai ni faux », 12 cartes pour le « un peu faux », 8 cartes pour le « faux » et enfin 5 cartes pour le « très faux », pour un total de 65 cartes. Pour donner un exemple, si 7 cartes ont été retenues dans la catégorie « très vrai » au premier tri, l’évaluateur devra en déplacer 2 pour n’en garder que 5 au second tri. Généralement les cartes en trop sont redirigées dans la catégorie la plus proche (donc dans la catégorie « vrai » pour cet exemple).

17Voir tableau en annexe

Une fois ce second tri réalisé, l’évaluateur doit ensuite à nouveau noter, dans une deuxième colonne, les scores obtenus pour chaque carte dans la feuille de codage de la CaMP.

Borghini (2020) explique qu’avec cette méthode, les scores sont organisés selon une courbe de distribution des données dite normale, c’est-à-dire avec la plupart des items se trouvant au centre de la courbe et certains items à ses extrémités. Lorsqu’on distribue les items sur la base d’une courbe normale, cela a pour effet de renforcer le traitement statistique de la CaMP en obtenant des calculs de corrélations les plus propres possible entre la distribution du sujet évalué et les distributions des cinq prototypes déterminés par les experts. Cela permet de comparer au mieux la proximité ou la différence entre le sujet évalué et les prototypes proposés et de déterminer dans quelle mesure le sujet évalué est proche ou non d’un prototype en particulier.

5.3 Scores et interprétation

Une fois les deux tris reportés dans la feuille de codage Excel de la CaMP, un score d’attachement et de mentalisation est généré, issu du calcul du coefficient de corrélation entre les cinq prototypes et les scores obtenus du participant par le tri des cartes. Si nécessaire, ces scores qui permettent d’avoir accès à une analyse dimensionnelle de la qualité de l’attachement peuvent être traduits en catégories d’attachement, comme cela est le cas dans la présente étude.

Pour réaliser cette transformation en catégories sur la base des coefficients de corrélation calculés, il faut procéder selon des seuils. Cette façon de procéder a été déterminée en fonction des écarts-types propres aux scores Q-sort et est explicitée par Pierrehumbert (2008). Selon cette procédure, chaque indice Q aura un seuil déterminé, que l’on va hiérarchiser ainsi : la désorganisation sera évaluée en premier, avec un seuil de 65. Cela signifique qu’un parent obtenant un score plus élevé que 65 points dans la désorganisation sera classé avec un attachement désorganisé, même si son score de sécurité, de désactivation et/ou d’hyperactivation est également supérieur à 65.

Dans le deuxième temps, on privilégiera la sécurité. Le seuil établi pour la sécurité est de 45, ce qui fait qu’un parent obtenant plus de 45 points dans la sécurité aura un attachement sécure,

Très vrai Vrai Un peu vrai Ni vrai ni

faux Un peu faux Faux Très faux

5 cartes 8 cartes 12 cartes 15 cartes 12 cartes 8 cartes 5 cartes

A B C D E F G

7 points 6 points 5 points 4 points 3 points 2 points 1 point

même si sa désorganisation, sa désactivation et/ou son hyperactivation obtient un score supérieur à 45. Cependant, la désorganisation restant la 1ère privilégiée, un parent obtenant plus de 45 en sécurité, mais plus de 65 en désorganisation sera considéré comme désorganisé. Enfin, les deux catégories d’insécurité restantes, la désactivation et l’hyperactivation, seront considérées comme la catégorie d’attachement retenue si elles obtiennent le score le plus haut, pour autant que la sécurité soit en dessous de 45 et que la désorganisation soit en dessous du score de 65.

Résultats