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3. Scores individuels

3.4 Père 04

Le quatrième père est dans la quarantaine et travaille à un taux de 80%. Avec son épouse, il est le père de A., un garçon de 4 ans et demi qui est l’aîné, et le couple a également une petite fille qui est la cadette. A. est atteint de la Sclérose Tubéreuse de Bourneville, tout comme le père.

Cette maladie génétique provoque des crises d’épilepsie. Elle comporte des manifestations qui sont cutanées, cardiaques, cérébrales et rénales, de diverses importances selon les cas, et des tumeurs bénignes se développent sur les organes. Elle a été découverte dans les premiers mois de vie d’A., à la suite de taches blanches sur son corps. Un électroencéphalogramme a révélé qu’il faisait des crises d’épilepsie à peine perceptibles : les parents le trouvaient juste apathique par moment. Il a tout de suite été sous médication pour contrôler les crises d’épilepsie. Le père explique qu’elles sont maintenant rares (il n’en a plus eu depuis presque une année), mais qu’en cas de forte fièvre elles reviennent. Si c’est le cas, il doit alors être transporté en ambulance à l’hôpital et y séjourner quelques jours sous surveillance. Au quotidien, A. gagne en autonomie petit à petit avec les soutiens qu’il a chaque semaine : suivi au SEI, logopédie et psychomotricité. Il n’est pas encore autonome pour l’habillage par exemple, mais il a

récemment fait l’apprentissage de la propreté, même s’il faut encore lui rappeler d’aller aux toilettes. Au niveau du langage, il peut assembler des mots, mais les phrases et la prononciation sont encore à travailler. Au niveau cognitif, le père explique qu’A. a besoin d’un contexte et de gestes, voire de guidance physique pour comprendre ce qu’on attend de lui.

Son père le décrit comme « jovial », « sensible », mais aussi « passif », car selon lui, il apprécie quand on s’occupe de lui sans vouloir forcément essayer de faire les choses par lui-même. Il explique qu’il a une connexion particulière qui se fait quand il regarde son interlocuteur : « Il vous regarde, et puis il s’interroge vraiment quand vous lui dites des choses un peu plus euh…

Sur son attitude, le comportement, sur la vie. Il vous regarde, il est quand même euh… Ouais il capte. J’ai l’impression qu’il est euh… C’est pas un garçon qui fait le zouave, ou qui court partout et puis qui euh… Comment dire… Il est très respectueux, il est très doux ».

Il explique qu’il a trouvé la paternité pas évidente à aborder avec la maladie de son fils, comme il le mentionne : « C’est quand même pas évident euh… De faire un pas dans cette direction puis… Bah dans la direction de la paternité, mais… Après quand je vois A., comment dire… Je suis aux anges parce que je vois qu’il est là, puis qu’il est souriant, puis je me dis que c’est quand même euh… Incroyable quoi ». Bien que la vie avec son fils lui procure beaucoup de bonheur lorsqu’il le voit rire et sourire comme il le raconte : « Je crois qu’ils sont dans un cadre familial qui est quand même bien euh… Ils sont… Je les vois heureux. Voilà. Et quand je les vois heureux, moi ça me fait plaisir », il reste néanmoins inquiet pour son fils en expliquant :

« Déjà la vie elle est pas simple, après il devra l’affronter avec cet handicap euh… Pffff… Je me dis ce sera… Ouais, ce sera quand même pas évident. Puis bon peut-être que lui il va le prendre ça différemment, moi je sais pas hein ».

Résultat – Père 04

Sécure Désactivé Hyperactivé Désorganisé Mentalisation

42,15 55,88 54,63 55,22 42,58

Le père 04 obtient un attachement insécure évitant, à la frontière avec l’hyperactivation. La désorganisation se situe elle en dessous du seuil de 65, donc elle ne peut pas être dominante, mais elle est aussi relativement élevée en comparaison aux autres scores. On peut également noter que la mentalisation du sujet est très fortement corrélée avec son taux de sécurité. Pour illustrer le codage de l’entretien, quelques items du CaMP relevant d’un attachement sécure et insécure ont été mis en commun avec des extraits de l’entretien.

Indices de sécurité - Père 04 qu’il a compris ? Pffff… C’est difficile. Je sais qu’après il répète, je lui fais répéter

« Pourquoi papa il est fâché ? ». Il essaie de trouver les mots, il me dit, mais j’ai l’impression qu’il est pas non plus convaincu (rires). Il est pas convaincu par euh…

Donc là je sens que y’a encore un petit peu… Qu’il est encore dans son monde... »

Le parent monde des fois pffff... On est dans un cocon, donc on est bien dedans, et puis je pense que c’est un peu délicat aussi de le forcer, ben de lui faire des brimades pour ça, je trouve que c’est un peu exagéré. Je dirais quand même un peu passif, voilà.

Il est un peu passif ».

« Mais mon fils je l’aime, c’est mon… Enfin… Voilà, après pfff… Y’a des jours où il m’énerve, et puis y’a des jours où je euh… Où je suis aussi fier de lui ». l’hôpital, sans être à la maison du coup ? Euh pfffff… Je saurais pas trop vous dire, mais je sais pas s’il était tout à fait conscient. Euh… Après quand il s’est réveillé, il était euh… Il était un peu comateux, il était… Il savait pas où il était, mais… C’est vrai que les hôpitaux je sais pas s’il en gardé un souvenir. Euh… (…) Donc sur le moment, de passer la nuit sans vous, vous vous l’avez senti… ? Ouais bon il était bon voilà... C’est plus nous qui nous nous sommes inquiétés finalement que lui hein. Franchement, je crois pas que… Je crois qu’il a même oublié, mais euh… Par contre ce qui m’inquiète un peu c’est les examens qu’il devra faire prochainement. »

Le discours est confus.

« Parce que pour vous un lien fusionnel ce serait comment vu que c’est pas ça ? Non, mais pour moi c’est vraiment que… Euh… Je sais qu’il sera toujours euh...

Ben voilà, comme n’importe quel parent hein je dis, il est vraiment là-dedans, il est gravé à jamais. Il est comment dire euh… Enfin, je peux pas le… Ouais je sais pas… Y’a aussi la maladie donc je sens qu’il est vraiment, pour moi il est euh… Je vois pas comment… Je sais pas comment définir ça, mais il est à l’intérieur ben de moi quoi. Je sens qu’il est euh... Euh… »

« Trois adjectifs décrivant la relation que vous avez avec A. ? Mais vraiment, vous et lui. Entre moi et lui. Donc moi c’est euh… Comment dire (rires)… Bah c’est mon fils, mais je… Moi c’est fou parce que… En ayant aussi cette maladie, je lui ai transmise à lui. Puis je me vois en fait. Euh… Je me vois, mais c’est un autre enfin, c’est une autre personne, ça c’est clair, c’est mon fils, puis je… Il… C’est incroyable je dirais parce que… Après j’ai… Je… Enfin je le vois et puis je me dis

« Mais comment ? Mais comment il ira dans la vie ? Comment il pourra faire ? » Euh… Mais c’est vrai que je suis hyper… Comment dire aussi… Un peu soucieux par rapport à ça aussi. Je m’inquiète. Voilà. Je m’inquiète, mais… Pour moi mon fils c’est voilà, c’est la chose, enfin… C’est euh… C’est la plus belle chose qui puisse m’arriver mon fils franchement. Je pensais jamais avoir un enfant et puis euh… Puis mon fils je crois qu’il me… Enfin, il me me ressemble sur certaines…

Sur certains côtés. »

L'enfant semble représenter un fardeau.

« Chaque année vous avez des rendez-vous soit pour ça, soit pour ça, soit pour ça.

Donc euh… Ouais c’est un peu euh… C’est un peu lourd aussi. Puis après on doit l’amener, lui il comprend pas et puis euh… Ben voilà, on doit quand même faire des examens. Ben c’est mieux qu’il ait des examens hein, je dis pas, mais euh…

Mais toute cette gestion… Ouais toute cette gestion à faire, par exemple moi j’ai des vacances, mais… On doit aller là, on doit faire le réseau, on doit faire euh, on doit aller euh… On a beaucoup de choses aussi à faire, le bilan avec la psychomotricienne, voyez y’a toutes ces choses qui se greffent autour. »

Le parent responsable de tout ça enfin voilà… Voilà, il a votre maladie, en plus il a hérité de ça au cerveau, vous vous dites… Il m’en voudra. Peut-être quand il sera plus grand il va comprendre, c’est papa qui a transmis ça et puis euh, voilà. Moi j’y pense des fois aussi hein. »

« On pensait qu’il dormait tranquille, puis en fait on a été le voir, mais il était déjà dans cet état-là parce qu’il avait fait une crise. Il était dans son lit, puis ça faisait peut-être depuis deux ou trois heures. Là on a vite appelé les ambulances, ben l’ambulance, ils sont venus euh… Voilà, ils ont fait ce qu’ils devaient faire, mais nous on savait pas si… Là on s’en est voulu hein, de pas l’avoir vu, de pas l’avoir contrôlé... »

« Ben d’ailleurs, quand il a eu la dernière crise, on avait commencé un peu à diminuer son médicament nous-même. Quitte à pas le donner une fois sur deux, et tout ça, parce qu’on s’est dit il va bien, il commençait à aller bien et tout ça (…).

Puis il a fait une monstre crise, olala, on s’en est voulu à mort, « Qu’est-ce qu’on a fait comme connerie ? ». Ouais, on s’en est voulu à mort. »

« La chose que vous trouvez la plus difficile voire douloureuse en tant que parent ? Et à l’inverse, la chose qui vous rend le plus heureux en tant que parent ? Plus difficile ? La chose qui me… Ouais, dans votre rôle de parent ? Ou votre rôle de papa. Ouais. Ouais euh… Hum, hum. (Ndlr :silence de sept secondes). Ben je me rends compte que transmettre euh… Transmettre un bagage euh… Culturel, quelque chose à un enfant, c’est pas forcément évident je trouve euh… Par exemple moi, je… Je suis italien hein. Je parle italien au travail, c’est mon travail. Je dois parler aussi italien. À la maison j’essaie de parler italien.

Enfin, des fois avec eux je parle italien, ils comprennent l’italien, mais ils ne le parlent pas. Ils comprennent un peu. Puis des fois je… Je… Je désespère en me disant, mais… Mais ils vont jamais, enfin… J’ai pas l’impression que je… Je pourrais jamais transmettre ça. J’arriverai jamais. De transmettre l’italien par exemple à mes enfants, ils vont le perdre par exemple. Je trouve que ça c’est la…

Ca m’est difficile parce que je me dis, mais pfffff… C’est tellement… Enfin c’est tellement important, oui une langue c’est quand même important, c’est une porte ouverte sur un autre… Sur un autre monde. Et puis je… Euh… Ca je trouve difficile ouais. Comme parent, ça me… Enfin c’est cette responsabilité-là, de pas lui avoir donné par exemple je sais pas y’a plein de parents qui vont faire la pêche, après ils vont là-bas, ils vont faire le ski. Moi le ski je sais pas skier, voilà. De pas lui donner tout ça en fait. Des fois on… Ouais on culpabilise un peu. »

En résumé, il s’agit d’un père dont le discours est souvent confus et faisant ressortir une grande culpabilité face à la maladie de son fils. Cet état peut être renforcé par le fait que le père ait la même maladie et se sente ainsi « responsable » des affections transmises à son fils. Il peut alors aisément faire des liens avec son vécu lorsqu’il avait l’âge de son fils, ce qui est un indice de sécurité dans la CaMP. Des aspects négatifs de sa vie peuvent être abordées, mais les émotions négatives en elles-mêmes ne peuvent pas être explicités et commentées.