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L’entretien d’attachement parental : un atout pour mieux comprendre et soutenir la relation père-enfant lors d’une situation de handicap

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Academic year: 2022

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Master

Reference

L'entretien d'attachement parental : un atout pour mieux comprendre et soutenir la relation père-enfant lors d'une situation de handicap

SCHMALZ, Elise

Abstract

Cette recherche explore les liens d'attachement de cinq pères envers leur enfant en situation de handicap, au moyen du PDI - Parental Development Interview (Aber, Sladde, Berger, Bresgi & Kaplan, 1985). Les entretiens ont été codés avec la CaMP - Cartes pour l'évaluation de la qualité de l'Attachement et de la Mentalisation chez le Parent (Borghini, 2020). L'objectif est de montrer comment le PDI représente une occasion de déceler des indices de sécurité et d'insécurité du lien d'attachement d'un père avec son enfant. Ces indices nous donnent alors des éléments de compréhension des relations de pères avec leur enfant en situation de handicap, au niveau de leur sensibilité, implication et ressenti. Dans un dernier temps, ces données sont mises en lien avec des idées pratiques dans le travail avec les familles, dans le contexte particulier du Service Educatif Itinérant, un service d'accompagnement précoce destiné aux enfants en situation de handicap.

SCHMALZ, Elise. L'entretien d'attachement parental : un atout pour mieux

comprendre et soutenir la relation père-enfant lors d'une situation de handicap. Master : Univ. Genève, 2020

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:145104

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L’entretien d’attachement parental : un atout pour mieux comprendre et soutenir la relation père-

enfant lors d’une situation de handicap

MÉMOIRE RÉALISÉ EN VUE DE L’OBTENTION DE LA MAÎTRISE UNIVERSITAIRE EN PÉDAGOGIE SPÉCIALISÉE,

ORIENTATION ÉDUCATION PRÉCOCE SPÉCIALISÉE

PAR

Elise Schmalz

DIRECTRICE DU MÉMOIRE

Ayala Borghini, UNIGE

CO-DIRECTRICE DU MÉMOIRE

Myriam Gremion, UNIGE

MEMBRES DU JURY

Jean-Marie Cassagne, HEP Vaud

Nicole Eckmann Lévy, Astural – SEI Genève

LAUSANNE, AOÛT 2020

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Résumé

Cette recherche explore les liens d’attachement de cinq pères envers leur enfant en situation de handicap, au moyen du PDI - Parental Development Interview (Aber, Sladde, Berger, Bresgi &

Kaplan, 1985). Les entretiens ont été codés avec la CaMP - Cartes pour l’évaluation de la qualité de l’Attachement et de la Mentalisation chez le Parent (Borghini, 2020). L’objectif est de montrer comment le PDI représente une occasion de déceler des indices de sécurité et d’insécurité du lien d’attachement d’un père avec son enfant. Ces indices nous donnent alors des éléments de compréhension des relations de pères avec leur enfant en situation de handicap, au niveau de leur sensibilité, implication et ressenti. Dans un dernier temps, ces données sont mises en lien avec des idées pratiques dans le travail avec les familles, dans le contexte particulier du Service Educatif Itinérant, un service d’accompagnement précoce destiné aux enfants en situation de handicap.

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Table des matières

Résumé ... 2

Cadrage théorique ... 7

1. L’attachement ... 7

1.1 Principes et fonctions ... 7

1.2 Catégories d’attachement chez l’enfant ... 8

1.3 Influence de la catégorie d’attachement du petit enfant ... 9

1.4 Évaluer l’attachement chez l’enfant ... 10

1.5 Les modèles internes opérants chez l’adulte ... 11

1.6 Les modèles internes opérants chez le parent ... 12

1.7 Mesurer l’attachement par les narratifs chez l’adulte ... 12

1.8 Mesurer l’attachement par les narratifs chez le parent ... 13

1.9 La mentalisation ... 15

2. L’attachement parental et l’enfant en situation de handicap ... 16

2.1 Le choc de l’annonce ... 16

2.2 Entraves à la construction du lien et à la relation d’attachement ... 17

3. Interventions basées sur la théorie de l’attachement ... 20

3.1 Programmes d’aide spécifique ... 20

3.2 Le « Time Together » ... 20

3.3 Le « iBASIS-VIPP » ... 21

3.4 L’« Action Educative Petite Enfance » ... 22

4. L’attachement du côté du père ... 22

4.1 Le rôle du père ... 22

4.2 L’attachement paternel : un rôle stimulant ... 25

4.3 Importance de l’attachement paternel ... 27

4.4 Mesurer l’attachement de l’enfant envers son père ... 28

5. La paternité et l’enfant en situation de handicap ... 29

5.1 Processus de paternalisation ... 29

5.2 Impact conjugal ... 31

5.3 Exclusion du père ... 32

5.4 Conséquences de l’exclusion ... 36

Problématique ... 38

1. L’attachement paternel : un rôle secondaire ? ... 38

2. L’identité paternelle : une donnée fondamentale ... 39

3. De la théorie à la pratique ... 40

Méthodologie ... 41

1. Objectif de l’étude ... 41

2. Contexte de l’étude ... 41

2.1 Le Service Éducatif Itinérant - SEI ... 41

3. Population ... 42

3.1 Critères d’inclusion et d’exclusion ... 42

3.2 Recrutement ... 43

3.3 Consentement ... 45

3.4 Lieu des entretiens ... 45

3.5 Durée des entretiens ... 45

4. Parental Development Interview ... 46

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5. Codage des entretiens ... 47

5.1 La CaMP ... 47

5.2 Procédure de codage ... 49

5.3 Scores et interprétation ... 50

Résultats ... 52

1. Données démographiques ... 52

2. Scores interjuge ... 52

3. Scores individuels ... 53

3.1 Père 01 ... 54

3.2 Père 02 ... 57

3.3 Père 03 ... 60

3.4 Père 04 ... 64

3.5 Père 05 ... 68

4. Résultats du groupe ... 72

4.1 Scores attachement ... 72

4.2 Scores SES et attachement ... 73

5. Analyse des résultats : Être père d’un enfant en situation de handicap ... 74

5.1 L’autonomie ... 74

5.2 Le regard d’autrui ... 75

5.3 Le rapport à la vie ... 77

Discussion ... 80

1. Résumé des principaux résultats ... 80

2. Théorie de l’attachement dans le contexte du SEI ... 80

3. Pratique des entretiens dans le contexte du SEI ... 81

4. Interventions ciblées sur l’attachement dans le contexte du SEI ... 84

4.1 L’identité paternelle valorisée ... 84

4.2 L’intervention par le jeu ... 86

4.3 L’analyse de vidéo ... 87

En Conclusion ... 89

Critique du travail ... 91

1. Représentations des pères ... 91

2. Instruments de codage et formation ... 91

3. Données temporelles ... 92

Postface ... 93

Bibliographie ... 95

Annexes ... 102

1. Documents formels d’entretien ... 102

1.1 Demande d’autorisation de recherche à la Fondation De Vernand ... 102

1.2 Tract distribué aux pères ... 104

1.3 Formulaire de consentement ... 105

2. Questionnaires ... 108

2.1 Informations personnelles ... 108

2.2 Calcul du SES ... 109

2.3 Parental Development Interview ... 110

3. Codages et interjuges ... 111

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CaMP – Père 01 – Essai – E. Schmalz ... 112

CaMP – Père 01 – Final – E. Schmalz ... 113

CaMP – Père 02 – Final – E. Schmalz ... 114

CaMP – Père 03 – Final – E. Schmalz ... 115

CaMP – Père 04 – Essai – E. Schmalz ... 116

CaMP – Père 04 – Final – E. Schmalz ... 117

CaMP – Père 05 – Essai – E. Schmalz ... 118

CaMP – Père 05 – Final – E. Schmalz ... 119

CaMP – Père 01 – A. Borghini ... 120

CaMP – Père 02 – A. Borghini ... 121

CaMP – Père 03 – A. Borghini ... 122

CaMP – Père 04 – A. Borghini ... 123

CaMP – Père 05 – A. Borghini ... 124

Interjuge – Père 01 – Essai ... 125

Interjuge – Père 01 – Final ... 126

Interjuge – Père 02 – Final ... 127

Interjuge – Père 03 – Final ... 128

Interjuge – Père 04 – Essai ... 129

Interjuge – Père 04 – Final ... 130

Interjuge – Père 05 – Essai ... 131

Interjuge – Père 05 – Final ... 132

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Cadrage théorique

1. L’attachement

1.1 Principes et fonctions

La théorie de l’attachement a été décrite en 1969 par Bowlby, un psychiatre et psychanalyste britannique (Bowlby, 1969) suite à ses observations et ses travaux sur les liens des enfants avec leurs mères et les conséquences des séparations précoces. Selon cette théorie, l’enfant est un être éminemment social, et cela dès sa naissance. Il éprouve un besoin primaire et inné d’entrer en relation avec l’autre. Avec la mère, le bébé vit ses premières expériences relationnelles, et développe une relation dite « d’attachement » avec elle. C’est à travers cette relation que l’enfant va alors se construire, et développer petit à petit une compréhension de la façon dont sa mère le voit.

Bowlby s’est d’abord intéressé à la mère, mais une figure d’attachement peut être représentée également ou uniquement par le père, et/ou une autre personne s’occupant régulièrement des besoins primaires de l’enfant (Bowlby, 1969). La figure d’attachement a une fonction biologique d’assurer la survie du nourrisson, qui ne peut survivre sans l’autre pour subvenir à ses besoins physiologiques. À cet effet, le bébé est doté dès la naissance de la capacité d’attirer l’attention de sa ou ses figures d’attachement, en pleurant pour communiquer sa détresse, puis en souriant et en regardant l’autre pour maintenir l’engagement social une fois le contact établi (Bowlby, 1969). En plus d’assurer la survie du bébé en répondant à ses besoins primaires, la figure d’attachement remplit un rôle de réconfort pour l’enfant lorsqu’il est dans une situation stressante, lui permettant d’apprendre à maîtriser ses émotions grâce à elle (Bowlby, 1969).

Pierrehumbert (2003) donne ainsi la définition suivante de l’attachement : « La capacité à réguler les émotions sous stress grâce à des comportements volontaires et sélectifs d’engagement social ». En effet, lorsque le bébé se retrouve en détresse (comme lorsque surviennent la peur, la faim, la maladie, la souffrance), son système d’attachement s’active, et il revient alors vers sa figure d’attachement pour y trouver du réconfort. La manière dont l’enfant agit avec l’adulte est alors définie comme son « comportement d’attachement ». Il se peut que l’enfant ne vienne pas physiquement vers l’adulte, et son comportement d’attachement se manifeste alors par des pleurs, des cris, des appels à l’aide. Si le bébé se sent rassuré par la proximité avec sa figure d’attachement et sa manière de répondre à ses besoins, ses comportements d’attachement diminuent et il peut ensuite repartir à ses explorations, étant

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suffisamment serein pour s’éloigner à nouveau de sa figure d’attachement. Les possibilités d’apaisement des comportements d’attachement se construisent ainsi progressivement à travers les soins et gestes quotidiens qui permettent au parent comme à l’enfant de créer un contact aussi bien physique qu’affectif (Bowlby, 1969).

Bowlby considère ainsi le comportement d’attachement et la volonté d’explorer son environnement comme deux systèmes distincts qui ne peuvent pas être activés en même temps chez l’enfant, mais qui sont interdépendants (Bowlby, 1969). Les comportements d’attachement répondent au besoin de proximité, et remplissent une fonction de protection, alors que l’exploration représente l’ouverture au monde de l’enfant, avec une fonction de socialisation (Bowlby, 1969). Comme l’explique Borghini, la relation avec sa figure d’attachement permet alors au bébé d’apprendre à réguler ses émotions « dans le but d’atteindre un état d’apaisement propice aux défis de la vie quotidienne. Être apaisé permet ainsi la découverte et l’exploration du monde autant physique que social » (2020, p.7 ).

1.2 Catégories d’attachement chez l’enfant

Cet apprentissage de la régulation des émotions ne pourra alors se faire que lorsque le parent représentant la figure d’attachement se montre « sécurisant, c’est-à-dire disponible, accessible, fiable et suffisamment prévisible, et qu’il accepte les émotions de l’enfant dans leurs différentes facettes » (Borghini, 2020, p.7). Le parent doit alors se montrer sensible et réactif aux besoins de son enfant (Bowlby, 1969). S’il ne remplit pas ce rôle, l’enfant peut se trouver en difficulté pour réguler ses différentes émotions et ainsi ne pas parvenir facilement à s’apaiser et se sentir en sécurité et en confiance (Bowlby, 1969). Ces différentes façons de répondre aux besoins de l’enfant entraîneront un comportement d’attachement chez l’enfant que Mary Ainsworth (1978) a catégorisé en trois types distincts : l’attachement « sécure », l’attachement « insécure- évitant » et l’attachement « insécure-ambivalent/résistant ». Mary Ainsworth les explique ainsi (1978) :

L’attachement « sécure » peut être observé lorsque l’enfant exprime ses besoins en les signifiant à sa figure d’attachement, et s’apaise au contact de celle-ci, pour repartir une fois réconforté à ses explorations.

La relation insécure de type « évitant » peut être décrite comme une désactivation des comportements d’attachement alors que le système d’exploration reste toujours actif, même en cas de danger, de peur ou de détresse. Le système d’attachement semble alors comme désactivé,

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car l’enfant n’exprime pas ou peu de signaux de détresse, et il ne semble pas ou peu manifester le besoin de proximité avec son parent. On peut comprendre cette difficulté comme pouvant être liée à la qualité des échanges entre l’enfant et son parent. En effet, si la figure d’attachement ne répond pas ou peu aux appels de détresse de l’enfant, ce dernier apprend progressivement à inhiber son comportement d’attachement car celui-ci n’est pas pris en compte par l’adulte. Bien que les enfants avec un attachement de type évitant ne paraissent ainsi pas affectés par les situations stressantes, il en ressort que leur état physiologique traduit un stress intense, avec une accélération du rythme cardiaque plus élevée que les enfants avec un attachement sécure dans une même situation. Ils semblent donc moins stressés par leur absence de réactions au niveau comportemental, mais peuvent présenter d’autres indicateurs physiologiques comme marqueurs de stress (Spangler & Grossmann, 1993).

La relation de type « insécure-ambivalent/résistant » se manifeste par une hyperactivation des comportements d’attachement. L’enfant active son système d’attachement lorsqu’il est en détresse, mais ne parvient pas à s’apaiser suffisamment en présence de sa figure d’attachement.

Celle-ci ne répond en général pas tout à fait adéquatement à ses besoins, créant ainsi un climat d’insécurité où l’imprévisibilité entrave l’apaisement. La figure d’attachement ne remplit donc pas suffisamment son rôle de port d’attache sécurisant pour l’enfant, qui ne peut alors pas correctement explorer son environnement, toujours aux prises avec une détresse qu’il ne parvient pas à réguler.

Une dernière et quatrième catégorie, l’attachement « insécure-désorganisé », a été rajoutée par Main, Kaplan et Cassidy (1985) pour décrire des comportements contradictoires, des gestes désorganisés, et une peur de l’enfant à l’égard de son parent. Ces enfants semblent confrontés à un danger et à un sentiment d’abandon sur lesquels ils n’ont pas de prise. Le système d’attachement reste alors activé en permanence, et ceci de manière parfois aiguë. La figure d’attachement, au lieu de remplir sa fonction d’apaisement, est la source même du stress de l’enfant. Ce type de relation d’attachement survient la plupart du temps dans des contextes de maltraitance, d’abus, de négligence et/ou d’abandon (Howe, 2006a).

1.3 Influence de la catégorie d’attachement du petit enfant

Howe explique que les deux types de comportements d’attachement insécure décrit par Aisnworth, « insécure-évitant » ou « insécure-ambivalent/résistant » consistent en des stratégies d’attachement secondaires, que l’enfant met en place de manière inconsciente, dans un esprit adaptatif par rapport aux réponses que lui donne sa figure d’attachement (2006a). Mais

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ces adaptations ont un coût pour l’enfant, qui ne peut donc pas montrer son réel état psychologique à sa figure d’attachement, au risque d’empirer une relation déjà instable. En développant de telles stratégies adaptatives, l’enfant peut alors se trouver en difficulté lorsqu’il s’agit de décoder les émotions des autres (dans le cas d’un attachement « évitant ») ou avoir de la peine à comprendre la façon dont ses pensées et ses comportements affectent les autres (dans le cas d’un attachement « ambivalent/résistant ») (Bowlby, 1973).

La qualité de la relation d’attachement peut donc avoir une influence sur les comportements actuels et futurs de l’enfant. Elle peut également affecter son développement cognitif, ses relations sociales, sa résolution de problème, ses capacités attentionnelles (Bacro & Florin, 2009 ; Provoost, 2015). Une qualité d’attachement optimale représente au contraire un facteur de protection pour le développement de l’enfant tant au niveau cognitif qu’émotionnel et social (Bacro & Florin, 2009). Il convient ainsi d’être particulièrement attentif à cette sphère du développement afin de soutenir au mieux le devenir de l’enfant (Bacro & Florin, 2009).

1.4 Évaluer l’attachement chez l’enfant

La première personne à avoir créé un protocole pour évaluer les types d’attachement chez l’enfant a été Mary Ainsworth. Ce paradigme expérimental très connu s’appelle la « Strange Situation Procedure » (Ainsworth, Blehar, Waters & Wall, 1978). L’enfant se trouve dans une pièce avec son parent, et on observe sa façon de se comporter avec lui alors que le parent va plusieurs fois sortir et entrer dans la pièce et que l’enfant se trouve en présence d’une personne inconnue. Les comportements de l’enfant sont enregistrés en vidéo afin d’être analysés en détail. L’analyse porte en particulier sur la recherche de proximité corporelle ainsi que les comportements d’évitement et de résistance présentés par l’enfant lors du retour du parent dans la pièce après quelques minutes de séparation. Un enfant avec un attachement sécure manifestera du mécontentement au départ de son parent, mais pourra s’apaiser rapidement lors des retrouvailles. Avec l’inconnu, l’enfant reste méfiant et n’ose en général aller à son contact qu’en présence de sa mère.

Un enfant ayant une catégorie d’attachement de type insécure « évitant » montrera peu ou pas d’intérêt pour sa mère, que ce soit à la séparation, aux retrouvailles, et avec l’inconnu. Il n’aura pas de problème à aller vers la personne inconnue et pourra même se montrer familier avec elle, ne signifiant ainsi pas de différence entre une personne de son entourage proche et une personne étrangère. À l’inverse, avec une catégorie d’attachement de type insécure

« ambivalent/résistant », l’enfant pourra être en détresse avant même le départ du parent, puis

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en présence de l’inconnu, et ne réussira pas à s’apaiser au retour de son parent (Ainsworth, Blehar, Waters & Wall, 1978).

Cette procédure a été utilisée pour de nombreuses recherches, et est encore utilisée de nos jours.

Elle a été validée avec les mères, mais a aussi été utilisée avec les pères. Selon les travaux dans le domaine, dans une population d’enfants tout-venant, on observe deux tiers d’enfant avec un attachement sécure, contre un tiers d’enfant avec un attachement insécure « évitant » ou

« ambivalent/résistant » (Van Ijzendoorn & Kroonenberg, 1988).

1.5 Les modèles internes opérants chez l’adulte

Dans son deuxième ouvrage sur la théorie de l’attachement, Bowlby (1973) a développé le concept des modèles internes opérants (« Internal Working Model »). À la fin de sa première année, l’enfant construit des représentations du monde physique et social qui l’entoure, appelées alors « modèles internes opérants ». Ces modèles lui permettent de guider son comportement, et affectent chacune de ses relations sociales. En fonction de ses expériences avec sa ou ses figures d’attachement dans sa première année de vie, l’enfant développe ses propres représentations qu’il va appliquer à son quotidien. Celles-ci seront présentes tout au long de sa vie pour lui permettre de comprendre l’autre, d’identifier son besoin et d’orienter son comportement. Dans le cas d’une catégorie d’attachement de type insécure, comme expliqué précédemment, l’enfant peut donc développer des difficultés dans sa compréhension des attentes de l’autre et des comportements sociaux à utiliser dans les situations de la vie courante (Bowlby, 1973). La relation d’attachement d’un enfant évolue ainsi avec lui jusqu’à l’âge adulte, et la qualité de ce type d’attachement se transforme en « modèles internes opérants » (Bowlby, 1969). Tout au long de la vie, l’adulte peut réactualiser ses modèles internes opérants en fonction des relations affectives qu’il entretiendra avec ses proches (Borghini, 2020). Un type d’attachement n’est en effet pas une fin en soi, et tout au long de la vie, la qualité de l’attachement peut se modifier au gré des événements et des rencontres (Bakermans-Kranenburg, Van IJzendoorn & Juffer, 2003). Malheureusement, l’inverse peut aussi se produire, et une personne avec un attachement sécure peut devenir insécure à la suite d’événements potentiellement traumatiques s’il ne trouve pas autour de lui ou en lui les ressources pour retrouver une sérénité et un apaisement (Waters, Hamilton & Weinfield, 2000).

Chez les adultes, les catégories sont les mêmes que chez l’enfant, mais changent de nom pour s’adapter au devenir de l’attachement à l’âge adulte. La catégorie d’attachement dite « sécure » chez l’enfant est appelée « autonome » chez l’adulte ; l’attachement « évitant » chez l’enfant

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est nommé comme « détaché » pour un adulte, et enfin un attachement « ambivalent/résistant » est décrit comme « préoccupé » pour les adultes. Comme pour les enfants, le quatrième style est l’attachement « désorganisé », appelé également « non résolu » (Main, Kaplan & Cassidy, 1985). Tout comme chez les enfants, la plupart des études chez l’adulte ont montré que deux tiers de la population présente un attachement de type « autonome » (Van Ijzendoorn &

Bakermans-Kranenburg, 1996).

1.6 Les modèles internes opérants chez le parent

Lorsque l’adulte devient parent, les modèles internes opérants peuvent être compris comme son expérience de parent et sa perception de la relation avec un de ses enfants. En effet, ces modèles peuvent s’actualiser différemment selon les relations que le parent a avec chacun de ses enfants.

Ce n’est donc pas de l’attachement de l’adulte dont il sera question, mais plus spécifiquement de sa catégorie d’attachement envers un de ses enfants en particulier. Dans ce lien d’attachement du parent envers son enfant, il y aura trois données qui vont se juxtaposer pour former sa catégorie d’attachement avec son enfant :

- Les modèles internes opérants que le parent a en tant qu’adulte

- Les modèles internes opérants de ses propres parents : de la façon dont il les a intégrés dans son enfance et de la façon à laquelle il va s’y identifier lors de son expérience de parent

- La relation qu’il entretient avec son enfant

Le résultat de ces trois éléments forme alors un lien d’attachement spécifique du parent envers l’un de ses enfants en particulier (Borghini, 2020).

1.7 Mesurer l’attachement par les narratifs chez l’adulte

Pour mesurer l’attachement d’un adulte ou d’un parent, le travail ne se centre plus sur le comportement comme dans la « Strange Situation Procedure », mais sur la qualité du discours autobiographique de la personne évaluée. « L’Adult Attachment Interview » (AAI) créé par Main, Kaplan et Cassidy (1985) pour mesurer l’attachement d’un adulte est le premier outil développé pour évaluer la qualité de l’attachement sur la base d’un discours narratif. Dans cet entretien, des questions spécifiques sur les souvenirs d’enfance génèrent un récit autobiographique de la personne interviewée (Main, Kaplan et Cassidy ,1985), qui est invitée à en parler dans sa perspective actuelle (Seskin, Feliciano, Tippy, Yedloutschnig, Sossin &

Yasik, 2010).

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Durant la passation de l’AAI, les adultes avec un attachement « autonome » présentent une liberté d’accès à toute la palette de leurs émotions et souvenirs, aussi bien positifs que négatifs.

Les mots utilisés dans le discours apparaissent en lien avec le sujet abordé (Borelli et al., 2013).

Ils reconnaissent leurs besoins de dépendance envers les autres autant que leurs capacités de réalisation. Ces adultes peuvent se comporter de manière flexible, ouverte et autonome dans leurs relations aux autres (Howe, 2006a). Au contraire, les adultes avec un attachement insécure

« détaché » discréditent en général leurs premières relations personnelles, idéalisent leurs propres ressentis émotionnels ou les désactivent, et peuvent avoir beaucoup de difficultés à évoquer des souvenirs d’enfance. Ils minimisent également tout ce qui a été douloureux dans leur enfance, idéalisent leur parent et présentent ainsi une distance émotionnelle par rapport à leurs expériences (Main, Kaplan & Cassidy, 1985). Ils ont aussi une tendance à éviter les relations intimes et amoureuses (Borelli, Burkhart, Rasmussen, Brody & Sbarra, 2017). Les adultes « précoccupés » sont eux accaparés par leurs relations passées et actuelles (Main, Kaplan & Cassidy, 1985) et utilisent plus de mots liés à la colère dans leur discours (Borelli et al., 2013). Leur discours est plus hésitant, difficile à suivre et pas réellement réfléchi (Main, Kaplan & Cassidy, 1985). Enfin, les adultes avec un attachement « désorganisé » ou « non résolu » évoquent des traumatismes et des non-résolutions des pertes qui ont pu se produire au cours de leur vie, présentant des difficultés spécifiques sur le plan de l’expression émotionnelle, corporelle et cognitive au cours du récit autobiographique (Main, Kaplan & Cassidy, 1985).

Les mots utilisés dans leur discours traitent plus souvent de la mort et de tout ce qui est lié à des pertes, et il arrive qu’ils parlent à la 2ème personne dans une forme de dépersonnalisation face aux expériences douloureuses. Ils peuvent sembler fâchés et se concentrent uniquement sur leurs expériences négatives (Borelli et al., 2013).

1.8 Mesurer l’attachement par les narratifs chez le parent

Pour mesurer l’attachement d’un parent envers un enfant en particulier, il existe le « Parent Development Interview » (PDI) (Aber, Sladde, Berger, Bresgi & Kaplan, 1985) ou le « Working Model of the Child Interview » (WMCI) (Zeanah, Benoit, Hirschberg, Barton, & Regan, 1994).

D’autres guides d’entretien ou questionnaires ont été créés, mais ceux-ci restent les plus connus.

Le PDI qui va être abordé dans cette recherche se différencie de l’AAI en mettant en avant la relation que le parent entretient avec un enfant spécifique (Main, Kaplan & Cassidy, 1985).

Dans le discours parental, il existe des indices qui permettent d’identifier dans quel style d’attachement le parent se positionne face à son enfant (Boström et Broberg, 2014). Comme expliqué précédemment, le lien d’attachement qu’un enfant crée avec sa figure d’attachement

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est représenté par un besoin de sécurité, de confiance et de réconfort que l’enfant exprime envers son parent. Les liens d’attachements de l’enfant et de son parent sont donc asymétriques, car c’est l’enfant qui vient rechercher cette aide pour faire face aux situations stressantes de sa vie et non l’inverse. Le parent lui, dans son lien d’attachement envers son enfant, n’est donc pas en recherche de réconfort, mais a le rôle de se mettre à disposition de son enfant pour le lui proposer (Borghini, 2020). Et c’est dans ce rôle-là que le parent est observé lors d’un entretien d’attachement parental, pour que l’on puisse définir sa catégorie d’attachement avec son enfant.

Pour l’administration d’un PDI, l’interviewer va donc rechercher comment le parent aborde l’asymétrie de la relation avec l’enfant (comme du plaisir ou comme un fardeau par exemple) et de comment le parent assimile ce rôle de protection et d’appui dans les découvertes de son enfant (Borghini, 2020). Les items du PDI proposent au parent de décrire le lien avec son enfant, de présenter son enfant, d’expliquer comment il le perçoit et le comprend. Le comportement de l’enfant selon le point de vue du parent est passé en revue, ainsi que les pensées et les sentiments que le parent y prête. La réaction du parent face au comportement et au quotidien de l’enfant est également décrite et analysée. Le parent est enfin amené à décrire son rôle de parent et de commenter les émotions que cela lui amène, de manière globale ou dans son quotidien. Cette expérience permet au parent de pouvoir parler de ses états mentaux et de ceux qu’il imagine chez son enfant. L’accès à ces états mentaux permet de déterminer la catégorie d’attachement du parent envers son enfant, qui peut être sécure même si dans son enfance le parent avait un lien d’attachement insécure avec son parent (Main, Kaplan & Cassidy, 1985). En effet, comme l’explique Berger : « Ce qui compte n’est pas tant la réalité des expériences précoces que la façon dont elles sont remémorées à l’âge adulte. Si le parent a connu un attachement de type insécure, mais que ses souvenirs sont rapportés de manière cohérente, l’enfant pourra être sécure : il n’y a pas de fatalité en la matière » (Berger, 2006 IN Provoost, 2015, p.102).

Lorsque le parent présente un lien d’attachement sécure avec son enfant, Borghini explique que son discours est cohérent, facile à comprendre, empli de descriptions détaillées et pertinentes de son enfant. Il semble être dans une découverte de son enfant et engagé dans sa relation avec lui. Il estime que la relation qu’il entretient avec son enfant a des effets sur le développement et les actions de ce dernier. Les émotions négatives peuvent être abordées, dans des situations qui s’y prêtent, et leur impact sur l’enfant semble intégré. Le parent se décrit comme disponible pour son enfant, et il sait différencier le besoin de dépendance comme celui d’indépendance de son enfant (2020).

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Lorsque le parent a un lien d’attachement évitant avec son enfant, Borghini souligne que le désengagement de la part du parent envers son enfant est prépondérant dans son discours, avec une indifférence à son égard qui peut être marquée. Une mise à distance émotionnelle est ressentie par l’évaluateur, et les descriptions du parent sont en général factuelles et limitées, avec un discours qui demande de la part de l’interviewer des relances, des questions de compléments. Le parent ne semble pas réellement considérer l’enfant comme à part entière, et l’implication émotionnelle du parent dans la relation avec son enfant semble manquante. De manière générale, le discours est comme dénué d’émotions positives ou négatives. Les émotions négatives sont souvent activement réprimées par le parent, et il ne semble pas disposé à les explorer et à les narrer lors de l’entretien (2020).

Lorsque le lien d’attachement dominant représente un parent préoccupé, Borghini met en garde contre l’illusion du discours parental : on pourrait croire que le parent a beaucoup d’éléments à communiquer, et est donc capable d’accéder à une palette émotionnelle large lorsqu’il parle de son enfant. Cependant, l’évaluateur peut aisément remarquer qu’il règne alors dans le discours une sorte d’inconsistance : il est confus, paradoxal et absurde. Le parent paraît préoccupé par d’autres problèmes, centré sur ses angoisses et peu sensible envers l’enfant. Contrairement à un attachement évitant, l’évaluateur ne ressent pas de froideur de la part du parent, mais une difficulté persistante à se concentrer sur l’enfant en lui-même est perçue. Le parent peut sembler perplexe par rapport à l’éducation de son enfant et de ses interactions avec lui, et des attentes irréalisables envers l’enfant peuvent être décrites (2020).

Enfin, lorsque le parent présente un attachement désorganisé ou non résolu, le discours est bizarre et insolite. Des images anxiogènes surgissent en permanence dans le discours du parent, et de longs silences peuvent alors apparaître. Le parent semble comme bloqué, envahi par ses pensées, sans avoir la possibilité d’y accéder et encore moins de les narrer (Borghini, 2020).

1.9 La mentalisation1

Les capacités de mentalisation d’une personne sont des aspects fondamentaux lorsque l’on veut mesurer sa qualité d’attachement, car elles sont hautement prédictives du type d’attachement.

En effet, un individu présentant des capacités de mentalisation élevées aura généralement une catégorie d’attachement définie comme sécure (Fonagy, 1998 IN Borghini, 2020). Repérer les

1L’ensemble de ce chapitre été réalisé grâce à : Borghini, A. (2020b). L’entretien de la figure d’attachement envers l’enfant.

Cartes pour l’évaluation de la qualité de l’attachement et de la mentalisation chez le parent (CaMP). In R. Milkovitch, A.

Borghini, & B. Pierrehumbert, Evaluer l’attachement. Du bébé à la personne âgée. Editions Philippe Duval, Paris.

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capacités de mentalisation d’un sujet lors d’un entretien d’attachement permet ainsi de voir comment il peut mobiliser cette compétence avec son enfant et l’utiliser pour comprendre son enfant et développer un lien d’attachement de qualité avec lui.

La mentalisation est décrite par Borghini comme « la reconnaissance de la vie psychique comme ancrée dans les éprouvés sensoriels et émotionnels, chez soi-même comme chez autrui » (2020, p. 9). Elle permet aux individus d’accéder à leurs états mentaux, et plus profondément à la base de ce qui constitue ses expériences émotionnelles. La mentalisation permet ainsi de comprendre ou de faire des hypothèses de ses réactions et celles des autres face aux événements de la vie. La mentalisation a donc une influence sur nos comportements, de manière plus ou moins consciente, et fonde notre empathie. Plus les capacités de mentalisation sont élevées, plus la personne « présente à la fois l’ouverture autant que les freins face à l’activation émotionnelle, lui permettant ainsi de réagir de façon optimale aux événements de la vie ».

2. L’attachement parental et l’enfant en situation de handicap

2.1 Le choc de l’annonce

Lorsqu’un enfant naît avec une déficience physique et/ou cognitive, le processus d’attachement parental peut rencontrer des difficultés, propres à chaque situation. Comme l’expliquent plusieurs auteurs (Howe, 2006a ; Waite-Jones & Madill, 2008) les parents doivent, à la découverte de la pathologie, revoir leur rêve et l’avenir qu’ils avaient imaginé pour cet enfant.

Pouillaude parle alors d’un possible traumatisme pour les parents : « L’annonce du diagnostic, principalement dans le cas des pathologies lourdes telles l’autisme, peut déclencher une interruption du fantasme entretenu par le parent sur son enfant. Le réel de l’annonce, avec sa massivité, ampute la charge imaginaire propre à la parentalité et peut dès lors constituer un véritable trauma psychique » (2018, p. 186). Pour dépasser cela, une sorte de deuil de ce qu’ils avaient projeté doit se faire. Ce processus est plus facile à réaliser s’ils ont la possibilité de prendre le temps de penser à leur douleur subie lors de l’annonce, et d’en parler (Aubert-Godard

& Scelles, 2004 ; Pouillaude, 2018). Cette différence entre l’enfant idéal et l’enfant qui vient de naître peut être accentuée par des différences physiques propres à une maladie congénitale, comme le syndrome de Down2. Le parent peut avoir du mal à voir la ressemblance avec lui- même, ce qui peut gêner le processus de construction du lien du parent envers l’enfant (Aubert- Godard & Scelles, 2004). L’enfant, avant même d’être juste un enfant, devient alors le

2Appelé aussi « Trisomie 21 ».

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symptôme d’une anormalité, car les professionnels chargés d’annoncer la nouvelle aux parents mettent généralement plutôt l’accent sur ce qui ne va pas d’un point de vue médical, et parlent moins souvent des capacités préservées (Merucci, 2006). Comme l’explique Marburg dans le récit de la naissance de sa fille : « Notre pédiatre a commencé : "Votre fille a le syndrome de Down." Encore une fois, j'ai connu la même paralysie intellectuelle qui s'est produite plus tôt.

C'était comme si un choc me traversait la tête, et tout ce que je savais a disparu de mon esprit.

Je ne pouvais pas penser ou me souvenir de quoi que ce soit, mais je savais que le syndrome de Down était quelque chose de mauvais »3 (1985, p.6-7). Le parent, dans le choc vécu par l’annonce, peut ne plus voir l’enfant comme un bébé qui vient de naître, mais comme une maladie qui arrive brutalement dans sa vie. On peut donc facilement imaginer qu’un tel bouleversement peut gêner le processus d’attachement du parent, qui peut se retrouver en difficulté de créer des liens avec un bébé dont les professionnels ne lui parlent qu’en termes de complications. Waite-Jones et Madill (2008) montrent que les parents sont dès lors amenés à utiliser le conditionnel pour évoquer le futur, et que la planification de leur avenir se trouve ainsi souvent compromise. Tout peut prendre en effet plus de temps quand chacune des actions d’une famille doit être pensée selon les capacités et les difficultés de l’enfant, comme l’explique Merucci (2006) : ces familles peuvent se retrouver enfermées dans un temps d’évolution à part, propre à la déficience de leur enfant, et qui ne leur permet plus d’évoluer au rythme désiré ou imaginé au préalable (Merucci, 2006).

2.2 Entraves à la construction du lien et à la relation d’attachement

Lorsque l’enfant naît avec une déficience, la construction du lien peut être entravée par plusieurs aspects. Une longue hospitalisation dans la petite enfance peut tout d’abord créer une absence et un manque de contact régulier qui peuvent empêcher la relation d’attachement de se construire de la façon la plus optimale possible (Borghini et al, 2006). Et lors des situations de handicap, il n’est pas rare que l’enfant soit hospitalisé plusieurs fois (Aubert-Godard & Scelles, 2004). Dans ces situations sensibles, il est d’autant plus important d’aider les parents à se sentir en lien avec l’enfant, à trouver leur place auprès de lui et ne pas laisser les professionnels devenir les seuls responsables des soins de l’enfant (Borghini & Muller-Nix, 2008). Titran propose que « si les professionnels doivent utiliser toutes leurs compétences pour soigner l’enfant, ils doivent aussi savoir s’effacer pour que les parents se sentent aptes à comprendre et à aider leur enfant » (Titran, 1983 IN Aubert-Godard & Scelles, 2004, p.179). En effet, il

3Traduction personnelle. Citation originale : “ Our pediatrician began, “Your daughter has Down’s Syndrome.” Once again, I experienced the same intellectual paralysis which occurred earlier. It was as though a shock went through my head, and everything which I knew vanished from my mind. I couldn’t think or remember anything, but I knew that Down’s Syndrome was something bad “.

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peut être compliqué pour un parent d’avoir confiance en ses compétences quand il voit le professionnel s’y prendre si bien à leurs yeux. Ils peuvent alors avoir le réflexe de se mettre en retrait, alors que leur enfant a au contraire besoin de ce contact et de l’apaisement qui en découle pour créer une relation sécurisante (Huang, Chen & Tsai, 2012).

Même lorsque l’enfant peut vivre au domicile sans devoir passer par des hospitalisations, les parents peuvent être en difficulté. Pour tout parent, les soins à donner se basent sur une capacité à être attentif aux signaux de l’enfant et à s’y ajuster pour assurer au mieux le confort de l’enfant. Cette capacité à décoder les besoins de l’enfant n’est pas toujours évidente, en particulier lorsque le langage n’est pas encore présent. Avec un enfant présentant une déficience, cette difficulté peut être accentuée, car avec des déficits fonctionnels et/ou sensoriels, les signaux du bébé peuvent être d’autant plus difficiles à percevoir et à comprendre (Howe, 2006b). Cela peut notamment être dû à son comportement postural, facial et/ou vocal (Howe, 2006a). C’est le cas par exemple des enfants avec un trouble du spectre autistique, qui, comme le soulignent Fardoulys et Coyne (2016), s’expriment généralement de façon atypique.

Pour les bébés avec une déficience visuelle, les parents doivent faire face au manque de réciprocité des mimiques faciales, sans que cela signifie que leur bébé ne leur porte pas d’intérêt (Howe, 2006a). Cela peut sembler évident, mais peut être très déstabilisant à vivre pour un parent au quotidien. Aubert et Scelles résument cela ainsi : « Le fait que cet enfant soit atteint d’un handicap génère des perturbations dans ce tissage où sentiments intimes et comportements peuvent se contredire » (2004, p.184).

À cause de ces mésententes, les parents peuvent rester perplexes face aux sollicitations de l’enfant qu’ils ne comprennent pas, tandis que les bébés peuvent avoir le sentiment que leurs besoins sont ignorés (Green, 2018 IN Steele & Steele, 2018). Vivant cette détresse, le comportement d’attachement de l’enfant peut s’activer de façon intense ou se désactiver, donnant lieu à des perturbations sur le plan de la régulation émotionnelle dans la relation avec la figure d’attachement. Cette réaction augmente alors des sentiments de frustration et de culpabilité du parent face à un bébé qui crie ou pleure de manière intense ou qui se met en retrait (Howe, 2006b). Cela est d’autant plus paradoxal que ce sont les enfants qui ont des besoins plus particuliers dus à leurs difficultés physiques, cognitives ou émotionnelles, qui se retrouvent ainsi face à des figures d’attachement en peine de leur fournir des soins adaptés (Howe, 2006b). Cette difficulté des parents face aux sollicitations de leur enfant qu’ils ne comprennent pas amène certains parents à se sentir invalidés dans leur rôle de parent, ne sachant pas comment décoder leur nouveau-né et ses besoins (Pouillaude, 2018). À l’inverse de

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sollicitations intenses et de pleurs répétés, un nouveau-né avec un trouble du développement ne communiquant pas ou peu avec ses parents peut amener ces derniers à se sentir rejetés, ce qui peut là aussi entraver la construction du lien avec eux (Pouillaude, 2018).

En analysant plusieurs recherches portant sur l’attachement d’enfants atteints de diverses affections, Barnett et son équipe ont démontré que la proportion d’enfants avec un attachement insécure était plus conséquente chez les enfants en situation de handicap (environ 50%), que chez les enfants typiques (environ 35%). De plus, en comparant le type d’attachement insécure, une surreprésentation d’attachement insécure « désorganisé » (33%) a été constatée chez les enfants atteints d’une déficience, contrairement aux autres enfants (15%) (Barnett et al., 1992 IN Howe, 2006a). Howe suggère que ces enfants, dont les parents ont du mal à décoder les besoins, augmentent le stress chez leur figure d’attachement. Les attitudes parentales pouvant mener à un attachement « désorganisé » telles que imprévisibilité, maltraitance ou négligence, augmentent aussi (2006b). Néanmoins, Howe explique que cet aspect ne peut être le seul facteur responsable d’un attachement insécure chez l’enfant, car même s’il y en a moins, la recherche démontre que la moitié des enfants en situation de handicap ont un attachement tout à fait sécure (2006a).

Il faut donc aller chercher du côté des modèles internes des parents, et de la qualité de l’attachement dont ils ont bénéficié durant leur propre enfance. Avec un attachement insécure, le risque de transmettre ce type d’attachement à son enfant est présent, même si ce n’est pas une fatalité comme l’expliquait Berger (2006 IN Provoost, 2015.) Mais accentué par le stress parental dû à la déficience, ce risque ne doit pas être négligé. Howe résume cela ainsi : « Les dynamiques qui affectent l’organisation des attachements sont le résultat d’une transaction entre caractéristiques parentales et infantiles. Ainsi, lorsque les deux parties apportent des facteurs de vulnérabilité à ce processus, on peut s’attendre à voir des taux d’insécurité plus élevés »4 (2006b, p.101).

A travers ces différents travaux, ces élaborations théoriques autant que ces études scientifiques, on peut voir à quel point la qualité de l’attachement représente un facteur de protection par rapport au développement de l’enfant. Nombre d’interventions ayant alors pour objectif de

4 Traduction personnelle. Citation originale : “ The dynamics that affect attachment organization are the result of a transaction between both parental and child characteristics. Thus, when both parties bring vulnerability factors to the transaction, then we might expect to see the highest rates of insecurity”.

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favoriser la sécurité dans l’attachement ont alors éclos dans le monde pour soutenir tout particulièrement les parents face aux différents défis liés à leur parentalité.

3. Interventions basées sur la théorie de l’attachement

3.1 Programmes d’aide spécifique

De nos jours, l’attachement est présent dans toutes sortes de programmes d’aides aux familles en particulier dans des situations psychosociales lourdes. Cette perspective amène des possibilités thérapeutiques enrichissantes, et une potentielle amélioration des comportements sociaux et des relations (Bay-Smadja & Rahioui, 2015).

Les programmes ont souvent pour but d’améliorer l’attachement des enfants, comme c’est le cas avec l’un des plus connus, le « Circle of Security » créé par Cooper, Hoffman et Powell en 1998 (Borghini, 2016). Il est important de rappeler que la qualité de l’attachement du parent envers son enfant influence réciproquement l’attachement que l’enfant développe à l’égard de son parent. Ainsi, travailler sur l’attachement de l’enfant ou du parent a généralement un impact sur la dyade parent-enfant (Berger, 2006 IN Provoost, 2015). Ici, trois programmes seront présentés brièvement pour démontrer des perspectives de travail, chacun étant axé plutôt sur le développement de l’attachement du parent envers son enfant dans un premier temps, avec la visée d’aider l’attachement de l’enfant par ce biais.

3.2 Le « Time Together »

Comme le décrivent Butcher et Gersch (2014), l’intervention « Time Together » a été mise en place en Angleterre pour les parents ayant des difficultés relationnelles avec leur enfant. Le programme a vu le jour en 2002, et a été créé au sein du Service de Psychologie Educative du comté de Somerset. Il est basé sur une intervention individualisée au domicile de la famille, à raison d’une heure par semaine, sur dix à quinze semaines. Le parent est libre d’arrêter la thérapie quand il le désire. Le but de « Time Together » est de redonner aux parents le goût de jouer librement avec leur enfant, et ainsi renforcer leurs liens. Certains parents ont en effet honte de jouer avec leur enfant, ne savent pas comment s’y prendre, ont peur de mal faire, ou ont tout simplement perdu l’envie d’essayer. La personne qui se rend au domicile de la famille pour mettre en place le programme invite les parents à jouer, mais aussi à donner leurs propres idées de jeux, de partage, d’envie. En jouant et en se comportant comme des enfants, le parent développera alors un lien privilégié avec lui et sera plus à même de comprendre ses besoins au quotidien (Butcher & Gersch, 2014).

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3.3 Le « iBASIS-VIPP »

Le iBASIS-VIPP a été créé par Green en 2018 et découle du programme original VIPP (Green, 2018 IN Steele & Steele, 2018). VIPP qui est est l’abréviation de Video-feedback Intervention to Promote Positive Parenting, qui veut dire promouvoir la parentalité positive à travers l’analyse de vidéo. Le VIPP a été créé en 2014 par Juffer, Bakermans-Kranenburg, et Van IJzendoorn. La différence entre le VIPP original et le iBASIS, est que l’original s’adresse à tous les parents, alors que le iBASIS créé par Green s’intéresse aux parents avec un enfant ayant un risque élevé de développer un trouble du spectre autistique (en ayant un frère ou une sœur avec un trouble du spectre autistique). Il est réalisé avec des enfants âgés de moins de deux ans, mais les interventions pourraient être adaptées et élargies à des enfants d’âge préscolaire. De plus, les programmes avec une analyse de vidéo des interactions avec parent-enfant comme le VIPP constituent une des façons les plus efficaces d’améliorer les compétences parentales et leur réaction envers leur enfant (Bakermans-Kranenburg, van IJzendoorn et Juffer, 2003 ; Palm, 2014)

Le iBASIS-VIPP comprend un total de 12 séances, soit 6 de plus que le VIPP. Elles sont réparties sur un total de cinq mois, hebdomadaires au départ puis de plus en plus espacées dans le temps. Les séances ont lieu au domicile des parents. Entre les séances, le parent doit réaliser trente minutes quotidiennes d’interactions structurées avec son enfant, comme le thérapeute le lui a explicité. Ce professionnel n’intervient jamais directement avec l’enfant, mais laisse le parent agir avec son enfant, puis ils commentent ensemble la vidéo de l’échange parent-enfant.

Cette participation active du parent renforce son ressenti de réussite lorsqu’il en éprouve les résultats, et la thérapeute renforce ceci en soutenant le parent dans sa connaissance de son enfant qui lui est propre. Des extraits vidéo issus d’exemples de parentalité positive sont présentés au parent, et l’échange avec le thérapeute est axé sur un changement de comportement volontaire du parent.

En résumé, le iBASIS-VIPP propose aux parents de se perfectionner avec : - Une amélioration de l’observation de l’enfant

- Une attribution de l’intention de communication aux comportements de leur enfant - Une facilitation dans les réponses données à leur enfant

- Une harmonisation affective

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L’étude de Green sur le iBASIS-VIPP explique même que les enfants ont vu leur développement précoce de communication amélioré, ce qui démontre les effets sur l’enfant d’un parent qui serait plus à même de l’observer, de le comprendre, de lui répondre, et donc de l’aider à réguler ses émotions et de devenir ainsi une base de sécurité pour lui.

3.4 L’« Action Educative Petite Enfance »

Comme l’explique Provoost (2015), l’« Action Educative Petite Enfance » a vu le jour en Seine-Maritime en 2013. C’est un programme pour parents qui est individualisé, et qui dépend du Service d’Aide Sociale à l’Enfance en France. Il est utilisé pour éviter une séparation de l’enfant vivant avec une famille ne répondant pas suffisamment à ses besoins, et essayer d’améliorer les relations parents-enfants par ce biais. Les interventions sont réalisées à un rythme plus soutenu que les autres programmes de Service Social d’aide à l’enfance : l’AEMO (Action Éducative en Milieu Ouvert), qui est une mesure de protection mise en place selon la décision du juge des enfants, et l’AED (Aide Éducative à Domicile), qui est mis en place sur accord, voire demande des parents. En effet, l’Action Educative Petite Enfance se fait à raison d’interventions hebdomadaires, et non mensuelles comme cela est généralement le cas pour l’AEMO et l’AED. Les interventions de l’« Action Educative Petite Enfance » durent entre six mois et une année. Les objectifs sont mis en place après quelques semaines d’observation des relations familiales, et sont donc propres à chaque famille. Cela va du guidage parental, des entretiens parentaux, à la mise en place d’outils structurés pour le quotidien. L’Action Educative Petite Enfance a déjà montré son efficacité sur l’amélioration de la qualité de l’attachement des enfants envers leur parent, et a pu ainsi éviter des retraits de garde de la justice française (Provoost, 2015).

4. L’attachement du côté du père

4.1 Le rôle du père

Dans nos sociétés occidentales, le rôle du père et de la mère envers leur enfant est officiellement le même, car ils partagent tous les deux les mêmes responsabilités légales (Merucci, 2006).

Mais de manière générale, les pères ne sont pas les personnes principales qui vont s’occuper des soins de l’enfant, contrairement aux mères ; et cela, bien qu’ils soient de manière générale plus impliqués avec leur enfant qu’auparavant (Paquette & Bigras, 2010). Leur place au travail est encore très valorisée dans notre société (Kazura, 2000). Au sein des foyers, certains pères sont impliqués et actifs avec leur enfant, alors que d’autres voient peu leur enfant (Cox, Owen, Henderson & Margand, 1992), sans que cela soit considéré comme un souci dans notre société

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actuelle. En étant absents parfois de longues heures du domicile pour leur travail, les pères peuvent ainsi avoir moins d’occasions de développer un lien d’attachement avec leur bébé que la mère (Wong, Magelsdorf, Brown, Neff et Shoppe-Sullivan, 2009).

En psychologie, le père est traditionnellement présenté comme ayant deux rôles fondamentaux durant la petite enfance : un tiers nourricier et protecteur envers son enfant, et un tiers séparateur (Golse, 2000, IN Aubert-Godard & Scelles, 2004). Le père commence par prendre soin et favoriser la mise en place du duo mère-enfant, puis amène petit à petit son enfant à s’ouvrir au monde extérieur (Aubert-Godard & Scelles, 2004). Grâce au père, l’enfant se détache ainsi petit à petit du duo avec sa mère, pour commencer à nouer des liens avec son entourage, moins prisonnier de sa relation duale avec sa mère(Aubert-Godard & Scelles, 2004).

Pour ce qui est du mode d’interaction des pères avec leur enfant, il a été démontré qu’ils avaient plutôt tendance à partager des moments de jeux que des moments de soin, contrairement à la mère : « Il semble que les pères, par rapport aux mères, entretiennent avec leurs enfants des interactions plus intenses, de nature plus physique et davantage axées sur le jeu que sur la prestation de soins »5 (Olsavsky, Berrigan, Schoppe-Sullivan, Brown & Kamp Dush, 2020, p.17). Paquette parle alors du père comme le compagnon de jeu principal de l’enfant, et de la mère comme la soignante principale (2004b). En effet, le jeu est non seulement plus présent pour le père, mais aussi plus physique, ce qui constitue un stimulant pour le développement social de l’enfant ; des jeux que l’on peut observer avec des bébés de cinq mois déjà (Pierrehumbert, 2003). Le père va, dans les jeux physiques, déstabiliser l’enfant, l’encourager à prendre un risque, l’entraîner à se surpasser dans des situations inconnues et à pouvoir s’y adapter (Paquette, 2004b). Ce rôle est essentiel pour l’enfant, car en l’ouvrant au monde qui l’entoure, le père va mettre l’enfant dans des défis et des situations nouvelles qui lui permettront de se développer et de se construire.

Après la révolution industrielle, les mères ont petit à petit commencé à réintégrer le marché du travail (Cabrera, Tamis-LeMonda, Bradley, Hofferth & Lamb, 2000). C’est dans ces années-là que les recherches se sont intéressées au rôle des pères concernant le développement de l’enfant (Kazura, 2000). Les mères étant plus fréquemment actives professionnellement, les pères contemporains se sont impliqués différemment dans la vie familiale (Huang, Chen & Tsai, 2012). Les pères sont ainsi passés de soutien financier à un soutien plus centré sur l’éducation

5 Traduction personnelle. Citation originale : « It seems that fathers, compared to mothers, engage in interactions with their infants that are of higher intensity, more physical in nature, and more focused on play than on caregiving ».

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des enfants (Shaven & Lashewicz, 2016). Ce changement de rôle n’a pas été évident pour tous les pères, dû au fait qu’on ne leur a souvent pas inculqué les valeurs d’un père investi avec ces enfants dans leur éducation (Kazura, 2000). Les hommes adultes ne peuvent ainsi pas prendre en exemple sur leur propre père qui n’a pas eu ce rôle, et ils sont en difficulté pour trouver des modèles auxquels s’identifier (Fägerskiöld, 2006). Mais ce n’est pas seulement à cause du retour des mères sur le marché du travail que certains pères se sont plus impliqués dans le quotidien avec leur enfant. Ils désirent également de plus en plus avoir ce droit, et revendiquent de partager les soins du bébé avec sa mère, comme ont pu le montrer Premberg, Hellstrom et Berg dans leur étude sur des pères suédois durant la 1ère année de vie de leur enfant (2008).

La figure paternelle a donc commencé à se modifier au milieu du 20e siècle, et l’image autoritaire du père a laissé la place à des pères plus sensibles et plus investis auprès des gestes de soins quotidiens avec leur enfant (Dumont & Paquette, 2013 ;Robertson, 2006 IN Darling, Senatore & Strachan, 2011). Dès les années 2000, on a commencé à voir plus d’images de pères portant des bébés, poussant un landau, jouant avec leur enfant (Carpenter, 2002) et capables de montrer physiquement et publiquement leur affection à leur enfant par des câlins (Francescato et al., 2001 IN Merucci, 2006). Certains auteurs parlent alors de « Paternité participante et attentionnée » (Premberg, Hellstrom & Berg, 2008, p.61)6.Mais ce désir d’être impliqué avec ses enfants peut devenir une tension entre l’envie et le besoin de voir grandir ses enfants et s’en occuper, et l’envie et le besoin de devoir travailler. Il est alors compliqué pour certains pères de trouver la bonne mesure dans ce dilemme (Shaven & Lashewicz, 2016).

Bien que ces exemples montrent un changement dans l’image et le rôle de la paternité ces dernières années, la société prend du temps pour prendre en compte cette évolution (Carpenter, 2002), notamment envers les politiques relatives au congé maternité ou à la garde des enfants lors d’un divorce, qui considèrent encore peu la présence du père comme essentielle au quotidien pour le développement des enfants (Palm, 2014). Pour certains auteurs, il faudrait par exemple revoir le dispositif d’accueil lors des consultations de couple avec un enfant en situation de handicap, car le père est plus régulièrement présent qu’au 20e siècle, et le protocole est encore adapté sur la mère seule bien souvent (Aubert-Godard & Scelles, 2004). De manière plus globale, pour d’autres auteurs, ce sont toutes les théories uniquement centrées sur les mères comme étant les seules influentes dans le développement de leur enfant qu’il faudrait réadapter (Cabrera, Tamis-LeMonda, Bradley, Hofferth & Lamb, 2000).

6 Traduction personnelle. Citation originale : “ participating, caring fatherhood ”.

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4.2 L’attachement paternel : un rôle stimulant

Malgré les faibles données dans les recherches, il a été montré que l’enfant développe une relation sécure avec son père d’une manière unique et souvent complémentaire à celle d’avec sa mère (Freeman, Newland & Coyle, 2010 ; Lamb, 1977 ; Paquette, 2004b). Cependant, les relations d’attachement à la mère et au père ne se construisent pas forcément de la même façon ni au même moment (Bacro & Florin, 2008 ; Grossmann & Grossmann, 2020 ; Olsavsky, Berrigan, Schoppe-Sullivan, Brown & Kamp Dush, 2020 ; Paquette, 2004a).

N’ayant pas les mêmes rôles envers l’enfant de manière générale, le lien à la mère se construirait en particulier lors des moments de soins, tandis que le lien au père se développerait surtout sur la base des moments de jeux (Paquette, 2004a). La mère remplit donc généralement la fonction de rassurer l’enfant lorsqu’il est en détresse et d’en prendre soin, et le père de stimuler l’enfant pour le pousser à explorer le monde environnant. On retrouve ainsi deux polarités de l’attachement, à savoir le besoin de proximité d’une part et le besoin d’explorer d’autre part.

Richard Bowlby, fils de John Bowlby, a été interviewé il y a quelques années, et a résumé cela ainsi : « Il semble y avoir deux rôles d’attachement séparés pour deux fonctions distinctes, mais tout aussi significatives – un rôle d’attachement est de fournir amour et sécurité, et l’autre rôle d’attachement est de s’engager dans des expériences passionnantes et stimulantes »7 (cité par Newland & Coyl, 2010, p.26). Vu que l’exploration est un comportement qui se produit avant et/ou après le comportement d’attachement, Paquette (2004a) pense que le terme de relation d’attachement n’est ainsi pas adapté pour parler de l’attachement paternel. Il propose donc une nouvelle adaptation de la théorie spécialement pour les pères, qui définirait la relation d’attachement de l’enfant envers son père comme une « relation d’activation ». Cette relation permettrait à l’enfant de se socialiser, en étant encouragé par le père à explorer le monde physique et social qui l’entoure. La relation d’activation permet donc à l’enfant d’être

« stimulé» pour oser s’éloigner de son parent, en ayant construit un sentiment de sécurité et de confiance en lui grâce au lien affectif qu’il entretient avec son père. Le père offre ainsi deux aspects fondamentaux de l’éducation d’un enfant : la stimulation et la discipline, qui permettent à l’enfant d’oser explorer le monde de manière sûre et sécuritaire. Ces deux points s’exercent notamment par le biais du jeu physique père-enfant, qui procure à l’enfant une excitation intense et une limitation dans les règles imposées par le père et qui, comme expliqué au chapitre

7 Traduction personnelle. Citation originale : “There seem to be two separate attachment roles for two separate but equally significant functions – one attachment role is to provide love and security, and the other attachment role is to engage in exciting and challenging experiences ”.

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précédent, amène l’enfant à apprendre à se défendre dans des situations à « risques » (Paquette, 2004a), et à développer un esprit compétitif pour survivre dans notre société actuelle (Paquette, 2004b). Paquette souligne que le terme « d’activation » peut être associé à un « déclenchement des mécanismes de régulation des émotions suscitées par la confrontation à la nouveauté, à l’étrangeté » (2004, p.214). Il s’agit d’un rôle complémentaire avec celui plus réconfortant qui peut être offert par une autre personne comme la mère, mais qui peut aussi être proposé dans les moments de soins, lorsque ceux-ci sont prodigués de manière ludique par exemple (Dumont

& Paquette, 2013). Ce terme de relation d’activation a été soutenu et repris par d’autres auteurs depuis, qui ont également démontré que l’attachement père-enfant avait un lien plus marqué avec l’exploration qu’avec le réconfort (Olsavsky, Berrigan, Schoppe-Sullivan, Brown &

Kamp Dush, 2020).

Le rôle du père dans l’attachement serait donc différent, mais serait tout aussi indispensable au bon développement de l’enfant que celui de la mère (Lamb, 1977). Ces deux rôles sont d’ailleurs complémentaires, car comme expliqué précédemment, l’enfant peut partir explorer uniquement s’il a pu obtenir le réconfort souhaité (Bowlby, 1969). L’enfant pourra donc jouir des stimulations de son père uniquement si la mère lui a apporté la sécurité dans les soins de base (Paquette, 2004a). S’il est d’humeur positive, l’enfant pourra aller rechercher la compagnie de son père pour jouer et explorer, alors que s’il est stressé, il ira plutôt vers sa mère pour se réconforter (Bowlby, 1969). Richard Bowlby parle donc de « base sûre » pour parler du rôle de la mère envers l’enfant, et de « compagnon de confiance » pour parler du père qui guide son enfant (cité par Newland & Coyl, 2010). La qualité de l’attachement paternel dépendra également du tempérament de l’enfant, qui influencera grandement la relation qu’il développe avec son père (Wong, Magelsdorf, Brown, Neff & Shoppe-Sullivan, 2009). Si l’enfant est réceptif aux jeux et interactions de son père, leur relation d’attachement aura tendance à être de bonne qualité (Palm, 2014).

Il est important de noter que ces deux rôles indispensables pour la construction d’un attachement sécure peuvent s’échanger entre la mère et le père. Il est vrai que les mères sont plus souvent là pour réconforter l’enfant et les pères pour les stimuler, mais cela peut tout à fait être l’inverse (Palm, 2014). Cela dépendra du couple, en fonction de leurs rôles respectifs au sein du foyer familial, mais aussi selon leur intérêt et leur emploi du temps. Même si cela est plus rare, une mère peut tout à fait soutenir la relation d’activation de son enfant, voire même remplir les deux rôles à la fois dans les familles monoparentales, et inversement pour le père (Paquette, 2004a). Les relations d’attachement mère-enfant et père-enfant peuvent donc être

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