• Aucun résultat trouvé

23 1.1 L’espace public : définitions et enjeu

1.2 Pragmatisme et (contre)publics

Né aux États-Unis à la fin du XIXPP

e

PP

siècle, le courant de la philosophie pragmatiste est caractérisé par la primauté de l’observation et de la résolution de problèmes sur l’unique usage de la raison (Strübing 2007). Initiées par Charles Sanders Peirce et William James, cette perspective

7 Pour Gramsci, philosophe italien d’allégeance marxiste, l’hégémonie réfère aux relations de pouvoir qui se dessinent

dans toute société. Elle relève globalement de la domination d’un groupe ou d’une classe, qui exerce son contrôle idéologique au moyen de mécanismes divers, allant des politiques publiques aux valeurs morales en passant par les pratiques culturelles (Greham 2002 : 99). C’est d’ailleurs précisément en ces termes que sont décrites les culture wars étasuniennes par Hans-Georg Betz (2008 : 42).

27

conceptuelle et cette méthode de recherche (car il s’agit davantage d’une position que qu’une doctrine à proprement parler) ont ensuite été perpétuées notamment par John Dewey, philosophe dont les écrits feront ici l’objet d’un examen approfondi. Dans cette mouvance intellectuelle fondée sur une approche objective des phénomènes naturels et sociaux, une importance cruciale est conférée à l’expérimentation et à la recherche empirique. Suivant ce principe, aucun fait ou réalité ne serait immuable. De manière concrète, il s’agit d’aborder une question en faisant fi des préconceptions qui lui sont associées et de composer avec les contingences matérielles qui l’affectent.

Interdisciplinaire et antidéterministe, la posture pragmatiste se distingue donc par une nette volonté de rompre avec la théorie aristotélicienne de la causalité. Dans la perspective pragmatiste, l’intérêt du chercheur est au contraire déplacé vers les conséquences d’actions ou de faits. Ce sont leurs effets qui guident la pensée et non leurs qualités intrinsèques. Par exemple, pour Dewey (2010 : 88), nul besoin de s’évertuer à dégager les sources de l’association humaine car c’est un fait avéré. L’attention doit plutôt être portée sur les retombées observables de phénomènes qui sont en perpétuel redéploiement. Cette approche se fonde sur l’inachèvement des choses : « [l]oin de désigner l’adaptation des moyens à des fins déjà-là, [le pragmatiste] établit au contraire que les fins doivent toujours être retravaillées en fonction des moyens réellement existants qui permettent de les éprouver » (Zask 2003 : 16).

C’est aux États-Unis que se dessine le début d’une réflexion autour du concept de public dans le premier tiers du XXPP

e

PP

siècle, plus précisément avec Walter Lippmann et John Dewey. Trois ans après avoir consacré un ouvrage à la question de l’opinion publique (1922), Lippmann, alors journaliste expérimenté, commentateur de l’actualité et conseiller politique, formule, avec Le public fantôme (1925), un diagnostic peu élogieux du projet démocratique. En réponse à cet essai provocateur, John Dewey fait paraître en 1927 Le Public et ses problèmes, dans lequel le philosophe concède plusieurs arguments à Lippmann. Sa position diverge néanmoins en ce qui a trait au potentiel du public, qui serait selon lui non pas « un fantôme » ou « une pure abstraction » (Lippmann 2008 : 93), mais une entité pluraliste assoupie, éclipsée momentanément et qui, de ce fait, ne parvient pas à prendre pleinement conscience de ses capacités. Ceci expliquerait la « faillite du jugement public » (Zask 2003 : 11) et le désintéressement envers l’engagement civique dont les deux auteurs sont alors témoins. Ces problèmes n’ont depuis cessé d’affliger la société américaine, aux dires de spécialistes tels que Richard Sennett (1976) et Robert Putnam (2000). D’après Dewey, le public ne doit pas

28

demeurer une notion abstraite, il constitue plutôt une force bien réelle qui mérite d’être exploitée au moyen de dispositions appropriées qu’il s’emploie à décrire dans son ouvrage. Dans un constat très concis et sévère à l’endroit de la démocratie (telle qu’elle prend forme dans les années 1920) et de ses véritables possibilités, Lippmann allègue que les devoirs impartis au public ne seraient pas en accord avec ses aptitudes. Cet argument repose sur le postulat que les théoriciens de la démocratie auraient toujours entretenu des attentes démesurées envers les citoyens, qui ne disposent guère du temps, de l’intérêt et des moyens intellectuels requis pour accomplir la tâche qu’on leur confie. Il réfute de manière catégorique l’« omnicompétence » innée des individus, soit le principe voulant que tous des membres d’une société aient les habiletés nécessaires à la conduite des affaires de l’État, qu’il s’agisse de prendre des décisions de leur propre chef ou de mener des interventions concrètes (Lippmann 2008 : 86).

Une révision majeure s’imposerait alors en ce qui concerne l’idéal perpétué par les mouvances démocratiques, le socialisme entre autres, selon lequel le « Peuple », donc le « Public », guiderait directement l’action d’un gouvernement prétendument représentatif. En appeler à l’universalité de la notion d’un public qualifié et informé est illusoire car ce sont les conjonctures singulières qui appellent la concertation des individus et des collectifs, constitués au cas par cas. Lippmann prétend qu’il n’existe pas un Public homogène invariablement apte à répondre aux problèmes survenant à tout moment, mais bien des publics toujours différents pour chaque situation. Le travail étant sans cesse à reprendre, l’intervention d’un seul public unifié n’est non seulement pas réalisable, mais elle n’est pas souhaitable : une mobilisation constante consumerait les forces des citoyens, rendant leurs actions inefficaces. Parce que, comme le souligne Latour (2008 : 18), « [l]e fluide politique se manifeste par des ruptures du cours d’action », les crises en tous genres, les transgressions de règlesP31FP31F

8

PP

et les controverses insufflent sporadiquement vie aux publics. Ces collectifs ad hoc se forment systématiquement après l’éclosion de conflits, ils ne peuvent donc connaître la totalité des enjeux en cause. Leur rôle doit alors être adapté à leurs compétences.

Lippmann confie au public une mission qui lui apparaît plus appropriée : il n’appartient pas aux citoyens ordinaires de déterminer les tenants et aboutissants d’un problème, encore moins d’en dégager des pistes de solution. Il leur incombe plutôt de « s’aligner » en faveur ou en défaveur de propositions élaborées préalablement par des experts (Lippmann 2008 : 81). Le public ne

8 Le terme règle possède une signification particulière dans la pensée de Lippmann : « [c]’est l’habitude, imposée à

29

doit s’interposer entre des parties que lorsque son ingérence est impérative. Il intervient uniquement quand les autres acteurs se trouvent dans l’impasse : après qu’aient échoué à la tâche les individus concernés directement par une affaire, les instances gouvernementales ainsi que les divers activistes et militants mobilisés par le conflit.

Pour en arriver à accomplir cette tâche, encore faut-il que le public dispose d’une méthode adéquate. L’auteur suggère donc diverses avenues pour permettre aux individus de distinguer les protagonistes qui sont le plus susceptibles d’apporter une solution juste et équitable de ceux qui n’agissent que par pure partisanerie. Car il serait inutile de prétendre que tous ces intervenants agissent pour le « bien public », ils posent avant tout des actions à dessein, suivant des visées qui leur sont propres (Latour 2008 : 18). Lippmann est cependant bien conscient des facteurs qui empêchent le public de se prononcer de la sorte, notamment le risque que les individus adhèrent de trop près aux positions de l’un des intervenants, devenant eux-mêmes partisans.

En définitive, si Lippmann s’en prend à des failles de la démocratie, c’est pour mieux accorder cette idéologie aux spécificités de son temps. Ce processus de révision ne s’effectue cependant pas sans heurt. Son approche, fondée sur l’économie de l’attention du public (Lippmann 2008 : 169), a souvent été perçue comme foncièrement élitiste et pessimiste. Elle tend au contraire vers des idéaux progressistes : l’auteur propose simplement des rectifications quant au processus de résolution des crises affectant le domaine public qui sont à la mesure des capacités des citoyens. Ces derniers, constamment affairés à éteindre des feux, ne peuvent offrir de réponses durables à tous les conflits qui se posent à eux. Il ne s’agit donc pas de faire porter le poids des problèmes sociaux sur les publics, mais de les consulter lorsque nécessaire. L’objectif commun des membres d’une société devrait être l’atteinte d’un modus vivendi, soit une solution qui satisfasse chacune des parties impliquées en attendant que n’éclose la prochaine controverse.

Dans son ouvrage répondant à Lippmann, Dewey présente quant à lui une vision plus optimiste de l’état du public, bien qu’il admette sans détour que la démocratie soit lacunaire à plusieurs

égards et que de profondes transformations s’imposent pour que puisse se concrétiser une « Grande Communauté ». Préoccupation chère à Dewey, qui accorde un chapitre entier à la

question dans Le public et ses problèmes, la formation d’une telle entité est la condition même de l’émergence du public. Autorisée par une communication efficace, un resserrement du tissu social et des interactions à échelle locale, elle est l’idéal démocratique auquel le philosophe aspire pour son pays (Dewey 2010 : 235-236). Le philosophe fonde espoir en l’éducation afin de

30

mener à bien le projet d’une démocratie participative opératoire qui saurait régler les maux d’un pays en proie à l’apathie, en l’occurrence les États-Unis au lendemain de la Première Guerre mondiale. Le discours qu’il tient à l’endroit de la société américaine n’est certes pas apologique : individus désunis, public qui ne réussit pas à se découvrir et encore moins à s’organiser de façon à exercer une quelconque influence sur ceux qui le gouvernent.

Signalons d’abord que l’auteur trace la distinction entre le fait public et l’affaire privée dans les répercussions des transactions sociales qui sont opérées par des acteurs, peu importe leurs fonctions ou leurs allégeances. La séparation entre ces deux types d’interaction n’est pas immuable, elle se doit d’être constamment réévaluée selon les conditions précises dans lesquelles elle s’inscrit. Lorsque les conséquences d’une action se bornent à ceux qui sont impliqués de manière directe, cet acte est privé. Quand les conséquences de cette transaction ont une incidence sur des gens qui ne sont pas immédiatement concernés, l’affaire relève alors de la sphère publique (Dewey 2010 : 91). Or, pour qu’il puisse jauger les impacts de ces échanges, les commenter et intervenir s’il l’estime nécessaire, le public doit d’abord être en mesure de se reconnaître et de s’assembler, ce qui n’est pas une mince tâche. Plusieurs facteurs entravent la possibilité d’un engagement civique véritable, laissant les citoyens à l’écart des décisions qui ont pourtant des retombées bien tangibles sur leur existence. Dewey (2010 : 217) note à cet égard la complexification des rapports instaurés entre les différentes constituantes d’une société :

Les conséquences indirectes, étendues, persistantes et sérieuses d’un comportement collectif et interactif engendrent un public dont l’intérêt commun est le contrôle de ces conséquences. Mais l’âge de la machine a si considérablement déployé, multiplié, intensifié et compliqué la portée des conséquences indirectes, il a provoqué des liens dans l’action si longs et si rigides (et ce sur une base impersonnelle et non communautaire), que le public qui en résulte ne parvient pas à s’identifier et à se discerner […].

Cette « éclipse » (Dewey 2010 : 199) dans laquelle est plongé le public n’est pourtant pas irrémédiable. Mais pour se ranimer, il ne peut toutefois compter que sur lui-même, les acteurs impliqués dans un conflit n’ayant de toute évidence pas intérêt à ce qu’une tierce partie vienne interférer dans leurs affaires. Il est généralement plus avantageux pour les protagonistes (politiciens et autres individus prenant part au débat ou au différend) de tenir le public à l’écart que de le mettre au fait de la nature de leurs activités.

Spécifions de surcroît que pour Dewey il n’existe pas un seul public unifié, prévisible et malléable, comme les individus en position d’autorité le prétendent en règle générale. Il y a au

31

contraire une multiplicité de publics, collectifs dont l’agrégation précaire est ponctuée de phases de latence. Par définition instables, ce sont des entités mouvantes et plurielles qui, suivant Dewey, émergent de la création de communautés. Remarquons d’emblée que toute action collective en elle-même ne constitue pas forcément une communauté (Dewey 2010 : 246); il importe de tenir compte des objectifs poursuivis par les participants pour déterminer la nature des transactions qui les unissent. D’abord, des communautés se créent autour d’intérêts et de valeurs partagées : des individus échangent des connaissances et des ressources, évaluent leurs priorités. Puis, des publics peuvent se mettre en place lorsqu’une situation vient mettre en péril leurs activités ou leur capacité d’action.

Une ambition récurrente est à l’origine de telles formations sociales : celle de vouloir se saisir des moyens visant à réguler la portée des actions qui gênent le fonctionnement habituel des membres d’une société. Les humains ne s’associent pas lorsqu’ils sont satisfaits de l’ordre des choses, ils s’assemblent dans l’adversité, quand leurs droits et leurs libertés sont lésés par des actions qui sont hors de leur maîtrise.P32FP32F

9

PP

Or, ce préjudice ne suffit pas à lui seul pour instituer un public. Certaines conditions doivent être remplies pour qu’une telle mobilisation collective puisse se mettre en œuvre, comme le rappelle Joëlle Zask (2008 : 177) :

Un public est l’ensemble des gens ayant un plein accès aux données concernant les affaires qui les concernent, formant des jugements communs quant à la conduite à tenir sur la base de ces données et jouissant de la possibilité de manifester ouvertement ses jugements.

Ce sont donc des individus informés et qui disposent d’une liberté de parole qui se lient d’un commun accord afin d’infléchir un cours d’action selon leurs propres visées.

Contrairement à Lippmann, qui soutient que les publics sont formés d’individus qui n’ont aucun intérêt personnel ou politique dans les conflits (qui peuvent ainsi « s’aligner » de manière libre et désintéressée avec l’une ou l’autre des propositions émises par des experts), Dewey laisse entendre que les publics ne sont pas forcément composés d’individus en position d’extériorité face aux débats en jeu. De cette façon, des activistes peuvent très bien constituer le noyau d’un public. Ce fut le cas par exemple lors de la controverse autour de l’annulation de l’exposition The

9 « [L]es troubles, qui gênent la fluidité de l’expérience ou l’arrêtent et qui impliquent des évaluations ordonnées à

une gamme de biens […] sont variés et méritent un traitement circonstancié. Par ailleurs, la « situation

problématique » ne se laisse pas décrire sans passer par ce moment négatif où l’infélicité de l’expérience est ressentie avant d’être exprimée, tandis que sa thématisation suppose toujours un jugement et une évaluation. En sorte que le public se constitue dès lors que les conséquences sont saisies comme génératrices de maux à affronter et qu’il est en mesure de déterminer des biens menacés, activement articulés, dont il réclame la protection ou fait la promotion. » (Stavo-Debauge et Trom 2004 : 208)

32

Perfect Moment de Robert Mapplethorpe. Des militants pour les droits des gais et lesbiennes se sont alliés à des groupes défendant la liberté d’expression, puis des artistes et des citoyens ordinaires se sont joints à eux, venus d’eux-mêmes ou recrutés par l’une ou l’autre des associations impliquées. Une fois réunies, ces entités a priori disparates ont formé temporairement un public que les autorités politiques n’ont pu ignorer ou, à tout le moins, n’ont pu faire taire complètement.

S’ils agissent de concert pour atteindre un objectif partagé, les individus qui s’engagent dans des relations de ce type ne forment pas pour autant une masse indifférenciée. Il ne faudrait pas croire que le consensus règne au sein des publics, leur constitution reposant avant tout sur la volonté d’individus d’exercer un contrôle sur des situations qui les affectent et non pas sur des facteurs identitaires ou partisans. Sans compter qu’aucun a priori ou aucune prédisposition ne peut déterminer la nature des publics. Les associations qui les tissent sont parfois fortuites et s’avèrent la plupart du temps transitoires, se déliant au fil de la résolution des conflits ayant initialement mobilisé les réseaux d’acteurs. La reconstruction est perpétuelle, l’intervention des individus étant de courte durée. Des alliances durables peuvent bien sûr s’établir dans ces assemblages hétérogènes. Cela dit, c’est dans le caractère éphémère des publics que réside leur potentiel de transformation; leur action est brève, mais ciblée.

Le processus décrit par Dewey est double : comme nous l’avons vu, les contentieux installent des publics, galvanisant des acteurs à l’origine passifs, et en retour ces publics exacerbent, cristallisent et mettent en forme les débats. C’est d’abord la prise de connaissance d’un problème ayant des conséquences indirectes sur des individus, puis la concertation de ces mêmes individus sur les moyens à entreprendre pour y remédier qui fait en sorte qu’un conflit qui aurait autrement pu rester du domaine du litige privé devienne une controverse publique. On ne peut donc dissocier la problématisation d’une situation de l’institution de ses publics :

La définition d’une situation problématique (i.e. la manière dont elle est identifiée, caractérisée, analysée, élucidée, résolue) et la composition des communautés concernées (i.e. l’apparition d’un concernement à l'égard de la situation, le travail pour déterminer en quoi consiste son caractère problématique, le développement et la mise en œuvre d’actions pour y faire face, et ainsi de suite) sont deux aspects d’un seul et même processus (Cefaï et Terzi 2012 : 10).

Ce faisant, l’approche pragmatiste est souvent mise à profit dans le cadre d’études en sociologie des mouvements sociaux et des problèmes publics, conçus par les chercheurs comme des actions

33

collectives qu’il convient d’analyser selon les transactions qu’elles génèrent et les publics qu’elles convoquent.

Les essais de Lippmann et de Dewey se révèlent fort intéressants pour l’analyse de polémiques. L’insistance des auteurs sur la nécessité de réévaluer les structures politiques de manière continuelle par l’entremise de l’enquête et de l’expérience atteste l’importance de tenir compte des choses telles qu’elles sont, c’est-à-dire en perpétuel mouvement. En récusant les prétentions téléologiques assignées à l’État ou aux structures sociales, les auteurs souhaitent affranchir le public du rôle arbitraire qu’on lui assigne dans la pensée dominante, où il est paradoxalement considéré à la fois comme omnicompétent et incapable de s’exprimer en dehors des bureaux de vote. Il devrait plutôt être entendu comme une réserve de force (Lippmann 2008 : 86) dont la qualité première est la potentialité.

Le caractère transitoire et fugace des communautés formées autour de débats publics sur lequel insiste Dewey apparaît particulièrement déterminant pour nos recherches puisque nous retraçons la constitution de collectifs formés à l’occasion de controverses qui sont justement des « formes d’association mobiles et fluctuantes » (Dewey 2010 : 232). La posture antidéterministe revendiquée par le philosophe se conjugue en cela aisément à la sociologie de la médiation : un accent particulier est placé sur la manière dont les associations se dessinent et se résorbent. C’est là qu’intervient le travail de l’enquête sociale, élément au centre du projet pragmatiste relevant à la fois de l’expérience et de la pratique concrète, qui saisit ces assemblages en processus : « Ce qui est requis pour diriger et pour mener une enquête sociale fructueuse, c’est une méthode qui se développe sur la base des relations réciproques entre des faits observables et leurs résultats » (Dewey 2010 : 118).

Les choses sont toujours à refaire, elles sont en redéploiement perpétuel, (« still in the making »), comme insiste William James (1979 : 123). Ainsi, les structures sociales ne sont pas

faites, elles se font et se défont : elles doivent être conçues comme des tissus d’associations (Hennion 2013 : 4) ne cessant de s’instaurer. C’est le cas notamment de l’État, mais il en va de même pour les organisations militantes ou pour les mouvements artistiques. De cette manière,