3.4 Modules homotopiques (avec transferts)
4.1.1 Pr´e-modules et modules de cycles
On rappelle les d´efinitions suivantes introduites dans 2.1.3.4 :
D´efinition 4.1.1 On note ES la cat´egorie des morphismes essentiellement de type fini
Spec (E) → S o`u E est un corps, avec pour morphismes les triangles commutatifs ´evidents.
On appelle de tels morphismes simplement des points de S.
Par ailleurs, si E/S est un tel point, et v une valuation sur E, on dit que v est une valuation g´eom´etrique de E/S si et seulement si le morphisme canonique Spec (E) → S se factorise en un k-morphisme Spec (Ov) → S essentiellement de type fini.
Enfin on appellera simplement traits de S les morphismes Spec (Ov) → S, et on les
notera de fa¸con abr´eg´ee Ov/S.
Remarque 4.1.2.– Compte tenu des conventions de ce chapitre, un point de S est donc un sch´ema int`egre dont l’ensemble sous-jacent est un singleton ; un trait de S (ou sur S) est un sch´ema r´egulier dont l’espace topologique sous-jacent est form´e de deux points, l’un ferm´e et l’autre ouvert.
Ainsi, dans ce chapitre, on ne se restreint plus aux points qui sont essentiellement lisses sur S (cf 2.1.3.4). Pour cette raison, l’hypoth`ese que k est parfait est inutile, et l’on peut mˆeme effectuer la plupart des constructions dans le cas o`u la base est S.
Remarque 4.1.3.– Si v est une valuation g´eom´etrique sur un point E/S, Spec (Ov) est
essentiellement de type fini sur S, donc sur k. D`es lors, cette valuation est n´ecessairement discr`ete, puisque Ov est alors noeth´erien.
Dans cette section, on rappelle pour la commodit´e du lecteur la th´eorie des modules de cycles dues `a M. Rost, telle qu’elle est expos´ee dans [Ros96]. On a reproduit ci-dessous exactement les d´efinitions des paragraphes 1 et 2 :
D´efinition 4.1.4 Un pr´e-module de cycles M sur S est la donn´ee :
D1: Pour tout morphisme ϕ : E → L de ES, d’un morphisme ϕ∗ : M (E) → M (L) de
degr´e 0, parfois not´e rL/E et appel´e restriction.
D2: Pour tout morphisme fini ϕ : E → L dans ES, d’un morphisme ϕ∗: M (L) → M (E)
de degr´e 0, parfois not´e cL/E et appel´e corestriction.
D3: Pour tout point E/S, d’une action gradu´ee de K∗M(E) sur le groupe gradu´e M (E). D4: Pour tout point E/S et pour toute valuation g´eom´etrique v de E/S, d’un morphisme
∂v : M (E) → M (κ(v)) de degr´e −1, appel´e r´esidu.
Cette donn´ee doit satisfaire de plus les conditions suivantes, dans lesquelles toutes les fl`eches qui apparaissent sont des morphismes de ES :
R1a: Pour ψ : K → E et ϕ : E → L, (ϕ ◦ ψ)∗= ϕ∗◦ ψ∗.
R1b: Pour ϕ : K → E, ψ : E → L, (ψ ◦ ϕ)∗ = ϕ∗◦ ψ∗.
R1c: Pour ϕ : E → K fini et ψ : L → K, notant E ⊗KL(0) les id´eaux maximaux de la k-
alg`ebre artinienne E ⊗KL, et pour z un tel id´eal, ϕz : L → E ⊗KL/z (respectivement
ψz) le morphisme induit, on a ψ∗ϕ∗ = X z∈E⊗KL(0) lg¡E ⊗KLz ¢ .(ϕz)∗(ψz)∗
R2: Pour ϕ : E → K, x ∈ K∗M(E), y ∈ K∗M(K), ρ ∈ M (E) et µ ∈ M (K), on a R2a: ϕ∗(x.ρ) = ϕ∗(x).ϕ∗(ρ),
R2b: si ϕ est fini, ϕ∗(ϕ
∗(x).µ) = x.ϕ∗(µ),
R2c: si ϕ est fini, ϕ∗(y.ϕ
∗(ρ)) = ϕ∗(y).ρ.
R3a: Soient ϕ : E → K, et v une valuation g´eom´etrique de K/S. Si v induit une valuation
w non triviale sur E d’indice de ramification e, notant ¯ϕ : κ(w) → κ(v) le morphisme induit, alors
∂v◦ ϕ∗ = e. ¯ϕ∗◦ ∂w.
R3b: Soient ϕ : E → K un morphisme fini et v une valuation g´eom´etrique de E/S. Pour
toute extension w de v `a E (´eventuellement ramifi´ee), on note ϕw : κ(v) → κ(w) le
morphisme induit. Alors,
∂v◦ ϕ∗=
X
w|v
R3c: Soit ϕ : E → K un morphisme, et v une valuation g´eom´etrique de K/S qui soit
triviale sur E. Alors
∂v◦ ϕ∗ = 0.
R3d: Soient ϕ et v comme dans R3c, et ϕ : E → κ(v) le morphisme induit. Alors, pour
toute uniformisante π de v, et tout ρ ∈ M (E), on a ∂v
¡
{−π}.ϕ∗(ρ)
¢
= ¯ϕ∗(ρ).
R3e: Pour toute valuation g´eom´etrique v de F/S, pour toute unit´e u de v et tout ρ ∈
M (F ), on a
∂v
¡
{u}.ρ¢= −{¯u}.ρ .
Enfin, un morphisme M → N de pr´e-modules de cycles sur S est la donn´ee pour tout point E/S d’un morphisme M (E) → N (E) qui soit compatible aux donn´ees D1 `a D4.
Remarque 4.1.5.– Si M est un pr´e-module de cycles sur S, on posera encore
sπv(ρ) = ∂v({−π}.ρ)
pour F/S un point, v une valuation g´eom´etrique de F/S, π une uniformisante de v et
ρ ∈ M (F ). Rappelons que R3e entraˆıne alors la r`egle suppl´ementaire
R3f: : Pour toute valuation g´eom´etrique v sur F , pour tout x dans KM
n (F ), pour
toute uniformisante π de v et pour tout ρ ∈ M (F ), on a
∂v¡x.ρ¢= ∂v(x).sπv(ρ) + (−1)nsπv(x).∂v(ρ) + {−1}.∂v(x).∂v(ρ),
sπv(x.ρ) = sπv(x).sπv(ρ).
On se ref`ere `a loc.cit., paragraphe 1, pour d’autres compl´ements sur les axiomes des pr´e-modules de cycles.
La d´efinition suivante introduit les notations de loc.cit., paragraphe 2 : D´efinition 4.1.6 Soient M un pr´e-module de cycles sur S, et X un sch´ema.
1. Pour tout point x de X, on pose M (x) = M (κ(x)).
2. Supposons X normal. Soit η son point g´en´erique et z un point de codimension 1. Alors z correspond `a une valuation discr`ete vz sur le corps des fonctions de X, ´egal
`a κ(η). D’apr`es l’axiome D4, on d´efinit donc
∂zX = ∂vz : M (η) → M (z).
3. Soient x et y des points de X. On note Z l’adh´erence r´eduite de x dans X. On note
˜
Z le normalis´e de Z; le morphisme canonique f : ˜Z → Z est fini.
Supposons que y ∈ Z(1), et notons ˜Zy la fibre de f au-dessus de y. Alors, tout point
z ∈ ˜Zy est de codimension 1 dans ˜Z. Pour un tel point z, on note ϕz : κ(y) → κ(z)
On pose alors : ∂yx= P z∈ ˜Zy ϕ∗z◦ ∂zZ˜ si y ∈ Z(1) 0 sinon : M (x) → M (y).
Finalement, on arrive `a la d´efinition (2.1) de loc.cit. :
D´efinition 4.1.7 Soit M un pr´e-module de cycles sur S. On dit que M est un module
de cycles si et seulement si les conditions suivantes sont v´erifi´ees :
(FD) Pour tout sch´ema normal X de point g´en´erique η, et pour tout ρ ∈ M (η), l’ensemble
{x ∈ X(1) | ∂η
x(ρ) 6= 0} est fini.
(C) Pour tout sch´ema X int`egre, local et de dimension 2, dont on note η le point
g´en´erique et x0 le point ferm´e, on a
X
x∈X(1)
∂xx0 ◦ ∂xη = 0.
On note M CyclS la cat´egorie des modules de cycles sur S, munie des morphismes de
pr´e-modules de cycles.
Les axiomes ci-dessus permettent de d´efinir le complexe de (co)cycles `a coefficients dans M :
D´efinition 4.1.8 Soient M un module de cycles sur S, et X un sch´ema.
Pour tout entier naturel p, on pose :
Cp(X; M ) = M
x∈X(p)
M (x). Pour tout entier naturel p, on d´efinit un morphisme
dpX,M = X
(x,y)∈X(p)×X(p+1)
∂yx.
D’apr`es les axiomes des modules de cycles, C∗(X; M ), muni de ces morphismes, est
un complexe. On d´efinit le p-i`eme groupe de Chow `a coefficients dans M , not´e Ap(X; M ),
comme le p-i`eme groupe de cohomologie du complexe de cocycles `a coefficients dans M .
4.1.9.– Num´erotations : Les groupes de Chow `a coefficients ainsi obtenus sont de plus bigradu´es, comme le yoga des poids l’impose. On rappelle les num´erotations suivantes choisies par M. Rost et qui interviendront dans diverses situations :
Cp(X; M ) = M x∈X(p) M (x) Cp(X; M, m) = M x∈X(p) Mm−p(x) Cp(X; M, m) = M x∈X(p) Mm+p(x).
On obtient donc un complexe homologique C∗(X; M ), dont on note l’homologie
A∗(X; M ). Les deux autres notations sont particuli`erement utiles lorsqu’on veut faire
intervenir des questions de poids. On fera attention que la convention adopt´ee ne cor- respond pas la convention de la cohomologie motivique, ni mˆeme `a la num´erotation des groupes de Chow sup´erieurs de Bloch ! En effet, pour un sch´ema alg´ebrique lisse X (sur un corps parfait k), on dispose d’isomorphismes canoniques
Ap(X; K∗M, p) ' CHp(X, 0) ' Hp(X; Z(2p)).
(le premier isomorphisme est ´evident, et l’on se r´ef`ere `a la partie suivante pour le deux- i`eme).
On aura besoin dans la suite de la caract´erisation suivante, due `a M. Rost (cf loc. cit. , 2.3), des modules de cycles sur un corps parfait :
Th´eor`eme 4.1.10 Supposons que k est parfait.
Soit M un pr´e-module de cycles sur k. Alors, M est un module de cycles si et seulement si les conditions suivantes sont v´erifi´ees pour toute extension de type fini E/k :
(FDL) Pour tout ρ ∈ F (t), l’ensemble
{v valuation g´eom´etrique sur F (t)/F | ∂v(ρ) 6= 0}
est fini.
(WR) Soit ∂∞ le r´esidu associ´e `a la valuation `a l’infini de F (t), alors ∂∞
¡
A0(A1F; M )¢= 0.
Remarque 4.1.11.– Il n’y a pas besoin du fait que C∗(X; M ) soit un complexe pour
d´efinir le groupe A0(X; M ), puisqu’en effet,
A0(X; M ) = Ker(d0X,M).
La r´ef´erence pour ce th´eor`eme est [Ros96] theorem 2.3.