3.4 Modules homotopiques (avec transferts)
3.4.1 Graduation inf´erieure
D´efinition 3.4.1 Soit F un pr´efaisceau homotopique sur S, on d´efinit le pr´efaisceau ho-
motopique F−1 par la formule :
F−1(X) = coKer
¡
F (A1× X) → F (Gm× X)
¢
On justifie cette d´efinition puisque la cat´egorie des pr´efaisceaux avec transferts sur S est ab´elienne, et que d’apr`es le lemme des cinq, F−1 est de plus invariant par homotopie.
Par ailleurs, on obtient une r´etraction
F (A1× X) // ' ²² F (Gm× X) s∗ 1 vvllllll ll F (X).
Le morphisme s1 est obtenu par l’immersion ferm´ee {1} × X → Gm× X. On dispose donc
de la suite exacte courte scind´ee :
0 → F (A1× X) → F (Gm× X) → F−1(X) → 0.
3.4.2.– On consid´erera d´esormais que F−1(X) ⊂ F (Gm × X) au moyen de la section
associ´ee `a la r´etraction plus haut. Par ailleurs, cette inclusion est naturelle en X puisqu’il en est de mˆeme de la r´etraction.
Lemme 3.4.3 Soit F un pr´efaisceau homotopique dans HPtr
S.
Il existe un isomorphisme canonique, naturel en F , F−1 −→ Hom∼ Ptr
S (LS[Gm/{1}] , F ) ,
pour lequel on a not´e LS[Gm/{1}] le conoyau, dans la cat´egorie des faisceaux avec trans-
ferts sur S, de l’immersion ferm´ee {1} → Gm.
Preuve : Consid´erant la r´etraction canonique de F (A1× X) → F (Gm× X), on obtient
une suite exacte
0 → F−1(X) → F (Gm× X) → F (X) → 0
dans laquelle le dernier morphisme correspond `a la section X → Gm × X, x 7→ (x, 1).
Or, F (Gm× X) = HomPtr
S (LS[Gm] , F ) (X). Il suffit maintenant d’appliquer le fait que
HomPtr
S (., F ) est exact `a gauche pour terminer la d´emonstration. ¤
On en d´eduit d`es lors le corollaire suivant :
Corollaire 3.4.4 Si F est un faisceau homotopique sur S, le pr´efaisceau F−1 est un
faisceau homotopique sur S.
Par ailleurs, le foncteur (.)−1 dispose d’une propri´et´e plus remarquable encore pour les
faisceaux homotopiques :
Proposition 3.4.5 (cas S = Spec (k)) Le foncteur HNktr→ HNktr, F 7→ F−1
Preuve : Soit donc
0 → F → G → H → 0
une suite exacte de faisceaux homotopiques ; montrons que la suite 0 → F−1 → G−1→ H−1→ 0
de faisceaux homotopiques est exacte. D’apr`es le lemme 3.4.3, on sait d´ej`a que ce foncteur est exact `a gauche.
Puis, d’apr`es la proposition 3.3.4, il suffit de montrer l’exactitude sur les fibres en un point E/k dans Es
k.
Par d´efinition, on a donc le diagramme suivant : 0 ²² 0 ²² 0 ²² 0 //F (A1E) // ²² G(A1E) // ²² H(A1E) ²² //0 0 //F (Gm× (E)) // ²² G(Gm× (E)) (∗)// ²² H(Gm× (E)) ²² 0 //F−1(E) // ²² G−1(E) // ²² H−1(E) ²² . 0 0 0
Toutes les lignes de ce diagramme sont exactes car F ,G et H sont invariants par homotopie. Il reste donc `a montrer que la fl`eche (∗) est surjective. Or, on connait son conoyau qui s’inscrit dans la suite exacte de cohomologie
0 → F (Gm× (E)) → G(Gm× (E)) → H(Gm× (E))
→ H1(Gm× (E); F ) → ...
Par changement de base, il suffit maintenant d’appliquer le th´eor`eme 3.3.18 pour conclure que H1(G
m× (E); F ) = 0, et achever la d´emonstration. ¤
D´efinition 3.4.6 Soit F un faisceau homotopique sur S.
On d´efinit par r´ecurrence le faisceau homotopique F−n, qui est l’application du foncteur
(.)−1 n fois `a F .
Exemple 3.4.7.– Le cas des k-Extensions ´etales : Proposition 3.4.8 Soit X un sch´ema alg´ebrique ´etale.
1. Le faisceau avec transferts L[X] est invariant par homotopie. 2. Pour tout entier n > 0, L[X]−n= 0.
Preuve : Comme X est somme directe de spectres de la forme Spec (E), o`u E/k est finie s´eparable, on peut se restreindre au cas X = Spec (E).
D`es lors, si Y est un sch´ema alg´ebrique lisse,
o`u l’on a pos´e YE = Y ×kSpec (E), et π0(.) est le foncteur des composantes connexes
(pour la topologie de Zariski).
D`es lors, si Y est g´eom´etriquement connexe, il s’ensuit que L[Spec (E)] (Y ) = Z. Comme A1
k est g´eom´etriquement connexe, le foncteur L[Spec (E)] est invariant par ho-
motopie.
Par ailleurs, comme Gm est aussi g´eom´etriquement connexe, il s’ensuit par d´efinition
que L[Spec (E)]−1 = 0. ¤
3.4.2 Sph`ere de Tate
Lemme 3.4.9 Soit F un faisceau homotopique sur S.
On a un isomorphisme canonique F−1' HomNtr
S (h0LS[Gm/1] , F ) .
Preuve : Compte tenu du lemme 3.4.3, on regarde le morphisme d’adjonction canonique LS[Gm/1] → h0LS[Gm/1] qui r´esulte du fait que h0 est adjoint `a gauche du foncteur
d’oubli.
Celui-ci induit un morphisme HomNtr
S (h0LS[Gm/1] , F ) → HomNStr(LS[Gm/1] , F ) .
Or, soit X un S-sch´ema alg´ebrique lisse, le morphisme induit sur les sections de X est alors HomNtr S ¡ LS[X] ⊗tr h0LS[Gm/1] , F¢→ HomNtr S ¡ LS[X] ⊗trLS[Gm/1] , F¢.
Comme ces deux derniers groupes sont isomorphes `a
HomNtr
k
¡
h0(LS[X] ⊗trLS[Gm/1]), F
¢
d’apr`es le lemme 3.1.10 (par des isomorphismes compatibles au morphisme consid´er´e), on peut conclure. ¤ D´efinition 3.4.10 On appelle sph`ere de Tate (sur S) le faisceau homotopique
h0LS[Gm/1], que l’on note S1
t.
Par ailleurs, si n ∈ N, on note Sn
t le faisceau homotopique (St1)⊗
Htr,n
.
D`es lors, le lemme pr´ec´edent se traduit par un isomorphisme canonique
F−1 ' HomHNtr
S
¡
St1, F¢
que l’on peut d’ailleurs g´en´eraliser pout tout entier n ≥ 0 en un isomorphisme canonique
F−n' HomHNtr
S (S
n t, F ) .
Remarque 3.4.11.– Dans le cas o`u S = Spec (k), on peut de plus consid´erer les faisceaux Sn
t comme des points pour les faisceaux homotopiques, puisque le groupe
ab´elien HomHNtr
k (S
n
t, F ) n’est autre que le groupe F−n(k), et constitue donc un fonc-
teur fibre (au sens de 3.3.8) pour la cat´egorie ab´elienne HNktr(d’apr`es la proposition 3.4.5). Par ailleurs, les puissances de la sph`ere de Tate admettent la pr´esentation suivante :
Proposition 3.4.12 Soient n ∈ N et 1 ≤ i ≤ n deux entiers, et notons ιi : Gn−1 m →
Gnm l’immersion ferm´ee donn´ee sur les points rationnels par l’application (x1, ..., xn−1) 7→
(x1, ..., 1, ..., xn), o`u la coordonn´ee 1 est en i-`eme position.
Il existe une suite exacte courte canonique dans HNtr
S n M i=1 h0LS £ Gn−1m ¤ P iιi∗ −−−→ h0LS[Gnm] −→ Stn→ 0.
Si n = 1, le morphisme de gauche admet une r´etraction, et on obtient donc une d´ecomposition canonique dans HN tr
S
h0LS[Gm] ' ZS⊕ St1.
Preuve : On peut en effet appliquer le lemme 3.1.10, pour obtenir le calcul :
Stn= h0LS[Gm/1] ⊗Htr... ⊗Htrh0LS[Gm/1] ' h0 ¡ LS[Gm/1] ⊗tr... ⊗trLS[Gm/1] ¢ .
Or, par exactitude `a droite du foncteur produit tensoriel, le faisceau avec transferts qui apparaˆıt est simplement le faisceau avec transfert obtenu comme conoyau du morphisme
n M i=1 LS£Gn−1m ¤ P iιi∗ −−−→ LS[Gnm] .
Comme h0est exact `a droite (puisqu’adjoint `a gauche), on en d´eduit la suite exacte courte
n M i=1 h0LS£Gn−1m ¤ P iιi∗ −−−→ h0LS[Gnm] −→ Stn→ 0.
Enfin, pour le cas n = 1, la r´etraction est donn´ee par le morphisme de projection
Gm→ Spec (k). ¤
La proposition suivante est un calcul dˆu `a V. Voevodsky (cf [FSV00b], 3.4.2) dont la g´en´eralisation au cas d’une base d’´egale caract´eristique ne pose pas de probl`eme :
Proposition 3.4.13 Soit X un S-sch´ema alg´ebrique lisse, alors le morphisme compos´e
suivant
O×X = Gm(X)−→ cΓ S(X, Gm) → πS(X, Gm) = h0LS[Gm] (X) → St1(X)
est un isomorphisme (Γ est l’application graphe, et les autres morphismes sont les ´epimor- phismes canoniques).
Preuve : Consid´erons, d’apr`es la proposition 3.4.12, la suite exacte courte de HN tr
k :
0 → h0LS[{1}]−→ hi∗ 0LS[Gm] → St1 → 0
Mais par ailleurs, on peut consid´erer le triangle commutatif suivant dans HN tr S h0LS[{1}] i∗//h0LS[Gm] j∗ vvmmmmmm h0LS £ A1 k ¤ p∗OO
o`u j : Gm → A1k est l’immersion ouverte canonique et p : A1k → Spec (k) la projection.
Comme le morphisme induit p∗ est un isomorphisme, on obtient encore une suite exacte
courte
0 → St1→ h0LS[Gm]−→ hj∗ 0LS
£
A1k¤→ 0
puisque s∗◦ j∗ est une r´etraction de i∗.
Or, soit X un S-sch´ema alg´ebrique lisse ; le th´eor`eme 1.3.18 donne le carr´e commutatif suivant : πS(X, Gm,S) j∗|X // ∼ ²² πS ¡ X, A1 S ¢ ∼ ²² Pic¡P1X, X1t X∞ ¢ r∞ //Pic¡P1 X, X∞ ¢ .
Pour calculer le morphisme j∗|X, on est donc ramen´e `a calculer le morphisme de restric- tion r∞ (qui `a une trivialisation sur X1t X∞ associe sa restriction `a X∞). Consid´erons
donc la suite exacte longue associ´ee au groupe de Picard relatif : Gm(P1X) // ²² Gm(X1t X∞) (1)// ²² Pic¡P1X, X1t X∞ ¢ // ²² Pic(P1 X) // ²² Pic(X1t X∞) ²² Gm(P1 X) //Gm(X∞) //Pic ¡ P1 X, X∞ ¢ //Pic(P1 X) //Pic(X∞).
Ce diagramme de suite exacte nous permet donc de conclure que le noyau de j∗|X
s’identifie avec le noyau du morphisme de projection Gm(X1) ⊕ Gm(X∞) → Gm(X∞).
Par ailleurs, puisque la fl`eche (1) est induite par le graphe, la forme pr´ecise de
l’isomorphisme en d´ecoule. ¤
Remarque 3.4.14.– Ainsi, on obtient un isomorphisme de faisceaux dans Nk Gm(.) → St1.
Ceci munit donc canoniquement le faisceau Gm(.) d’une structure de faisceau avec trans- ferts. Or cette structure est particuli`erement simple. En effet, si X et Y sont des sch´emas alg´ebriques lisses connexes, et Z ⊂ X ×kY un sous-sch´ema ferm´e int`egre dont la projec-
tion sur X est fini surjective, on peut consid´erer le morphisme Z∗ d´efini par le diagramme
suivant OY(Y )× // Z∗OOO ''O O O O OZ(Z)× // ²²Â  κ(Z)× Nκ(Z)/κ(X) ²² OX(X)× //κ(X)×,
o`u Nκ(Z)/κ(X) d´esigne la norme de l’extension finie correspondante. La fl`eche pointill´ee est d´efinie car Y est normal, ce qui implique que l’anneau OX(X) est int´egralement clos.
Ce proc´ed´e munit donc le faisceau Gm(.) de transferts. On peut v´erifier que
l’isomorphisme de la proposition pr´ec´edente Gm(.) → St1 est alors un morphisme de
faisceaux avec transferts, pour la structure que l’on vient de d´efinir sur Gm(.).
Remarque 3.4.15.– On obtient en particulier l’isomorphisme
k×= Gm(k) ' (c (k, Gm) /c (k, {1}))/∼h
o`u ∼h est la relation d’homotopie.
Soit Ω une clˆoture alg´ebrique de k. Alors, c (k, Gm) est en bijection avec les points
ferm´es de Gm, autrement dit, avec les ´el´ements alg´ebriques sur k dans Ω.
Le morphisme Gm(k) → c (k, Gm) consiste donc uniquement `a voir un ´el´ement de k×
comme un point ferm´e (rationnel) de Gm.
Par ailleurs, soient x un ´el´ement de Ω alg´ebrique sur k, et Qx son polynˆome minimal. Alors,
{x} ∼h {Qx(0)}.
Par ailleurs, si x et y sont dans k×\ {1}, on a encore
{x} + {y} ∼h {x.y}.
On a donc montr´e d’une deuxi`eme fa¸con que la fl`eche Gm(k) → c (k, Gm) induit un morphisme de groupes surjectif Gm(k) → h0(LS[Gm/{1}])(k).
On en d´eduit une d´etermination explicite des gradu´es inf´erieurs de la sph`ere de Tate :
Corollaire 3.4.16 Pour tout entier n > 0, (St1)−n=
½
ZS si n = 1
0 sinon
La notation ZS d´esigne le faisceau Zariski constant sur LS de valeur Z.
Preuve : Par d´efinition, et d’apr`es la proposition 3.4.13, on dispose de la suite exacte courte :
0 → Gm(A1× X)−→ Gj∗ m(Gm× X) → (St1)−1(X) → 0.
Or, si X est connexe, Gm(Gm × X) = Gm(X) ⊕ Z, et le morphisme j∗ correspond `a
l’inclusion de Gm(X) dans le groupe pr´ec´edent. Donc dans ce cas, (St1)−1(X) = Z. Le
r´esultat pour n = 1 en d´ecoule puisque S1
t est additif en tant que faisceau.
Par ailleurs, la mˆeme suite exacte montre que les gradu´es inf´erieurs du faisceau
constant ZS sont nuls, d’o`u les autres cas. ¤
3.4.3 S1
t-modules
On note Z − HN tr
S la cat´egorie des objets Z-gradu´es de la cat´egorie HNStr, munie de sa
structure mono¨ıdale sym´etrique canonique (cf C.5.3). Par ailleurs, pour des raisons qui apparaˆıtront plus tard (cf 9.1.7), si F∗ est un faisceau homotopique gradu´e, on note F∗{n}
le faisceau gradu´e obtenu par d´ecalage de F∗ de n rangs `a gauche.
D´efinition 3.4.17 Si F est un faisceau homotopique sur S, on note Σ∞F le faisceau gradu´e (Σ∞F )n= ½ 0 si n<0 Sn t ⊗HtrF sinon. Lorsque F = ZS, on pose S∗ t = Σ∞ZS.
Cela d´efinit un foncteur Σ∞: HNtr
S → Z − HNStr.
Ainsi, pour tout faisceau homotopique F , on a l’´egalit´e
St∗⊗F = Σˆ ∞(F ).
3.4.18.– Consid´erons le morphisme gradu´e µ : S∗
t⊗Sˆ t∗ → St∗ qui en degr´e n est ´egal `a
la somme des isomorphismes Stp ⊗Htr Sq
t → Stn pour n = p + q. Ce morphisme munit
l’objet St∗ d’une structure d’alg`ebre dans la cat´egorie additive mono¨ıdale Z − HNStr, o`u le morphisme unit´e est le morphisme canonique ZS → S∗
t.
Proposition 3.4.19 L’alg`ebre gradu´ee S∗
t de HNStr est anti-commutative (cf d´efinition
C.5.4).
Preuve : Soit ² l’endomorphisme «inverse» du sch´ema en groupe de Gm.
Alors, la permutation des facteurs sur G2
m est ´egale dans la cat´egorie πLcor,k au mor-
phisme 1 ×k² (appliquer la m´ethode du d´ebut de la d´emonstration 5.5.10 pour produire
une homotopie).
Or, ² induit un morphisme canonique sur S1
t que l’on note encore ². D`es lors, la
permutation des facteurs sur S2
t est aussi ´egale au morphisme 1 ⊗Htr². Or, `a travers
l’isomorphisme de 3.4.16
HomHNtr
S
¡
St1, St1¢' Z,
et le morphisme ² est envoy´e sur −1, ce qui permet de conclure. ¤ D´efinition 3.4.20 On appelle St1-module sur S tout St∗-module gradu´e `a gauche de HNStr (cf d´efinition C.4.7). On note S1
t − HNStr la cat´egorie des St1-modules.
L’alg`ebre S∗
t est l’alg`ebre gradu´ee engendr´ee par St1 en degr´e 1. Ainsi, la donn´ee d’un
St1-module est ´equivalente `a la donn´ee d’un faisceau homotopique gradu´e F∗ muni d’un
morphisme gradu´e de degr´e 1 :
τ : St1⊗HtrF∗→ F∗
Pour cette raison, lorsqu’on consid´erera un S1
t-module, on utilisera la notation abr´eg´ee
(F∗, τ ) o`u τ d´esigne le morphisme St1⊗HtrF∗→ F∗.
D’apr`es le lemme C.5.6, le faisceau homotopique gradu´e S∗
t⊗F = Σˆ ∞F est muni
d’une structure canonique de St1-module, et le foncteur Σ∞: HNStr→ St1− HNStr qui en r´esulte est adjoint `a gauche du foncteur d’oubli.
3.4.21.– Soit (F∗, τ ) un St1-module. On pose
Ω(F∗) = HomHNtr S ¡ St1, F∗ ¢ {1}.
Par adjonction, le morphisme τ correspond `a un morphisme gradu´e (de degr´e 0)
² : F∗ → Ω(F∗).
Puisque St∗ est une alg`ebre gradu´ee anti-commutative, F∗ est muni d’une structure de
S∗
t-module `a droite canonique, telle que F∗ est un (St∗, St∗)-bimodule (cf C.5.7). Ainsi, on
en d´eduit une structure de S∗
t-module `a droite sur ΩF∗ telle que l’application ci-dessus
soit un morphisme de module `a droite. A cette structure correspond une unique structure de S∗
t-module `a gauche ; donc Ω(F∗) est canoniquement un St1-module, et le morphisme
ci-dessus est un morphisme de S1
t-module.
La cat´egorie Z − HN tr
S admet des conoyaux (car le conoyau d’un faisceau est un fais-
ceau) ; elle est de plus ab´elienne lorsque S = Spec (k) d’apr`es 3.3.25. Ainsi les propositions C.5.8 et C.5.9 se reformulent dans notre cas en la proposition :
Proposition 3.4.22 La cat´egorie S1
t − HNStr est munie d’une structure mono¨ıdale
sym´etrique canonique. De plus, la cat´egorie S1
t − HNktr est ab´elienne et sa structure mono¨ıdale est ferm´ee.
Ajoutons que la cat´egorie St1− HNktr admet toutes les limites inductives et toutes les limites projectives.
3.4.4 D´efinition finale
D´efinition 3.4.23 Soit (F∗, τ ) un St1-module.
On dit que (F∗, τ ) est un module homotopique avec transferts sur S si et seulement si ∀n ∈ Z, le morphisme ²n: Fn→ HomNtr S ¡ S1 t, Fn+1 ¢
obtenu par adjonction `a partir de τn est un isomorphisme.
On notera de fa¸con abr´eg´e (F∗, ²) un tel module, ² d´esignant la famille d’isomorphismes
de d´efinition (²n)n∈Z.
On note enfin HMtr
S la sous-cat´egorie des St1-modules sur S form´ee des modules ho-
motopiques avec transferts.
Autrement dit, (F∗, ²) est un module homotopique si et seulement si le morphisme
² : F∗ → ΩF∗ est un isomorphisme.
Remarque 3.4.24.– Ces objets sont l’analogue des Ω-spectres de la topologie alg´ebrique, consid´erant que S1
t est la sph`ere dans notre situation.
Convention 3.4.25.– Conform´ements `a la convention 3.1.3, on abr´egera la ter- minologie «module homotopique avec transferts» en «module homotopique». Remarque 3.4.26.– On fera attention qu’il s’agit l`a d’un abus, les modules homo- topiques d´efinis dans [Mor], d´ef. 3.2.1 ´etant plus g´en´eraux. Dans le cas o`u S est le spectre d’un corps parfait, on conjecture suivant F.Morel que les modules homotopiques avec
transferts d´efinis ci-dessus sont ´equivalents aux modules homotopiques orient´es de loc.cit. 3.4.27.– Soit (F∗, ²) un module homotopique. On d´efinit par r´ecurrence sur l’entier p > 0
le morphisme ²n,p: Fn→ (Fn+p)−p en posant, ²n,1= ²n, et ²n,p´egal `a Fn ²n,p−1 −−−−→ (Fn+p−1)−(p−1) (²n+p−1,1)−(p−1) −−−−−−−−−−−→ ((Fn+p)−1)−(p−1)−∼→ (Fn+p)−p.
3.4.4.1 Le cas o`u la base est un corps
On a d´ej`a vu pr´ec´edemment que dans ce cas, la cat´egorie St1 − HNktr est ab´elienne, mono¨ıdale sym´etrique et ferm´ee. De plus, elle admet toutes les limites inductives et toutes les limites projectives. On en d´eduit tout d’abord, `a l’aide de l’exactitude du foncteur ?−1
(cf 3.4.5), la proposition suivante :
Proposition 3.4.28 La cat´egorie HMktr est ab´elienne, et admet des sommes et produits quelconques. De plus, les limites inductives filtrantes y sont exactes.
Remarque 3.4.29.– Autrement dit, la cat´egorie HMtr
k est non seulement ab´elienne,
mais v´erifie l’axiome AB5 de [Gro57]. Nous verrons plus tard qu’elle est mˆeme de Grothendieck (cf d´efinition C.1.4).
Par ailleurs, l’exactitude du foncteur ?−1permet encore de d´eduire facilement le lemme suivant :
Lemme 3.4.30 Le foncteur d´efini dans 3.4.21
Ω : St1− HNktr→ St1− HNktr est exact.
On en d´eduit imm´ediatement la construction : Proposition 3.4.31 Soit F∗ un St1-module.
Pour tout entier naturel n, on note ΩnF
∗ l’application it´er´ee n fois de Ω `a F∗. On
consid`ere alors la limite inductive filtrante dans S1
t − HNktr
Ω∞F∗= lim−→ n∈N
ΩnF∗.
Alors, Ω∞F
∗ est un module homotopique.
Preuve : En effet, cela r´esulte du fait que ΩΩ∞' Ω∞Ω, d’apr`es le lemme pr´ec´edent. ¤
On utilisera plus tard ce foncteur pour montrer que la cat´egorie des modules homotopiques est mono¨ıdale sym´etrique et ferm´ee. La raison pour remettre `a plus tard cette affirmation est que nous aurons besoin d’un th´eor`eme de Voevodsky ; or, l’esprit de ces premiers chapitres est d’exposer la th´eorie en minimisant les r´esultats admis.
Remarque 3.4.32.– Ces notations sont particuli`erement inspir´ees de la th´eorie homo- topique stable en topologie alg´ebrique. Comme on l’a d´ej`a remarqu´e les St1-modules cor- respondent aux spectres de la topologie alg´ebrique, et les modules homotopiques aux Ω-spectres. Le foncteur Ω∞ correspond au spectre des lacets infinis.
L’analogue de la cat´egorie homotopique des espaces topologiques est alors la cat´egorie des modules homotopiques. La diff´erence avec la topologie alg´ebrique tient au fait que l’on consid`ere des spectres directement dans la cat´egorie homotopique, alors qu’en topologie, on consid`ere des spectres dans la cat´egorie des espaces topologiques, que l’on localise ensuite `a «homotopie stable pr`es».
On remarque que la sph`ere S0 de la topologie alg´ebrique est, `a homotopie pr`es, anti-
commutative comme la sph`ere S∗t que l’on a consid´er´e ici. Le fait que le spectre des sph`eres
S0 ne soit pas commutatif sans passer `a la cat´egorie homotopique force les topologues `a
utiliser (par exemple) les spectres sym´etriques pour d´efinir un produit tensoriel sym´etrique sur les spectres.
On verra plus loin que nous n’avons pas besoin de ces consid´erations, car le produit tensoriel des S1
Modules de cycles
Dans tout ce chapitre, on adopte les conventions suivantes : 1. k d´esigne un corps quelconque.
2. S est un k-sch´ema essentiellement de type fini.
3. En l’absence de pr´ecisions, les sch´emas consid´er´es sont des S-sch´emas essentiellement de type fini.
En tout ´etat de cause, suivant la convention g´en´erale de cette th`ese, tous les sch´emas de ce chapitre sont munis d’une structure de k-sch´ema. Pour dire que le sch´ema X n’est pas n´ecessairement muni d’une structure de S-sch´ema, on pr´ecisera «soit X un k-sch´ema».