2.2 Transferts
3.1.1 Invariance par homotopie
D´efinition 3.1.1 Soit F un pr´efaisceau sur LS. On dit que F est invariant par homotopie si et seulement si pour tout S-sch´ema X alg´ebrique lisse, le morphisme
F (X) → F (A1× X) induit par la projection sur X est un isomorphisme.
Munis de cette d´efinition, on peut d´efinir les faisceaux introduits par V. Voevodsky dans [FSV00b] dont il se sert pour d´efinir les complexes motiviques.
D´efinition 3.1.2 On note HNStr (respectivement HPStr) la sous-cat´egorie de NStr (re- spectivement Ptr
S) form´ee des faisceaux (resp. pr´efaisceaux) invariants par homotopie
avec transferts sur S.
Convention 3.1.3.– Dans la suite de cette th`ese, on appellera simplement
faisceaux homotopiques les faisceaux invariants par homotopie avec transferts
(idem pour les pr´efaisceaux).
Le lemme suivant utilise quelques trucs ´el´ementaires familiers en topologie alg´ebrique :
Lemme 3.1.4 Soit F un pr´efaisceau avec transferts. Les conditions suivantes sont ´equiv-
alentes :
1. F est invariant par homotopie.
2. Pour tout S-sch´ema X alg´ebrique lisse, si l’on note s0 : X → A1X (resp. s1 : X →
A1
X) la section nulle (resp. unit´e) de A1X, s∗0 = s∗1.
3. Le foncteur F se factorise par le foncteur canonique Lcor,S → πLcor,S.
Preuve : 1 ⇒ 3 : Puisque pour i = 0 ou 1,si est une section de la projection p : A1
X → X,
on en d´eduit que s∗i est un isomorphisme de r´eciproque p∗.
Soit donc α, β : X → Y deux correspondances finies, et H : X ×A1 → Y une homotopie
de α vers β. On en d´eduit alors le diagramme commutatif
F (X) s∗ 0 ttiiiiiii F (X × A1) F (Y ) α∗ uukkkkkk β∗ iiSSSSSSS H∗ oo F (X). s∗ 1 jjVVVVVV On peut alors conclure que α∗ = β∗ puisque s∗
0◦ p∗ = s∗0◦ (s∗1)−1= 1.
3 ⇒ 2 : L’application s0 est canoniquement homotope dans Lcor,S (et mˆeme dans
LS) `a s1. En effet, si µ : A1× A1 → A1 d´esigne la multiplication du sch´ema en anneau
A1, le morphisme H = µ × 1
X r´ealise une homotopie entre s0 et s1.
2 ⇒ 1 : Soit X un S-sch´ema alg´ebrique lisse, et p : A1
X → X la projection canonique.
Soit s0 : X → A1X la section nulle de A1X. Pour montrer que p∗ est un isomorphisme, il
nous suffit de montrer que p∗s∗
0= 1.
Consid´erons `a nouveau la multiplication µ : A1 × A1 → A1. Consid´erons de plus
σ0 : A1
X → A1× A1X (resp. σ1 : A1X → A1× A1X) la section nulle (resp. unit´e) du fibr´e en
anneau A1× A1
X sur A1X. Pour conclure, il suffit de remarquer que
(µ × 1X) ◦ σ0 = s0◦ p
(µ × 1X) ◦ σ1 = 1.
¤ Remarque 3.1.5.– Ainsi, la cat´egorie des pr´efaisceaux homotopiques n’est rien d’autre que la cat´egorie des pr´efaisceaux sur πLcor,S.
De mˆeme, la cat´egorie des faisceaux homotopiques est ´equivalente `a la cat´egorie des pr´efaisceaux sur πLcor,S dont la compos´ee avec le foncteur LS → πLcor,S est un faisceau pour la topologie de Nisnevich. Cette remarque nous permettra de faire le lien entre les faisceaux homotopiques et les r´esultats de la fin du premier chapitre.
3.1.6.– Soit F un pr´efaisceau avec transferts. On lui associe un pr´efaisceau avec transferts not´e ˆh0(F ) tel que pour tout sch´ema X dans LS, ˆh0(F ) est le conoyau de
Il r´esulte de la premi`ere ´equivalence du lemme pr´ec´edent que ˆh0(F ) est invariant
par homotopie. Par ailleurs, si F est invariant par homotopie, le morphisme canonique
F → ˆh0(F ) est un isomorphisme. Ainsi, le foncteur
ˆh0 : PStr→ HPStr
est adjoint `a gauche du foncteur d’oubli ´evident.
Dans le cas des faisceaux avec transferts, la situation est plus compliqu´ee. Supposons que F est un faisceau avec transferts. On note h(1)0 F le faisceau avec transferts associ´e `a
ˆh0(F ). Pour tout entier naturel n, on note h(n)0 F l’application du foncteur h (1)
0 `a F it´er´ee
n fois.
On en d´eduit donc une suite de morphismes
F → h(1)0 F → ... → h(n)0 F → ...
On pose alors
h0(F ) = lim−→
n∈N
h(n)0 F.
calcul´ee dans la cat´egorie des faisceau avec transferts (ou ce qui revient au mˆeme des pr´efaisceaux avec transferts).
Proposition 3.1.7 Pour tout faisceau avec transferts F , le faisceau avec transferts h0(F )
d´efini ci-dessus est invariant par homotopie.
Le foncteur h0 : NStr → HNStr ainsi d´efinit est adjoint `a gauche du foncteur d’oubli
´evident.
Preuve : Soit X un S-sch´ema alg´ebrique lisse, s0 et s1 les sections nulles et unit´es de A1
X sur X. D’apr`es le lemme pr´ec´edent, montrer que h0(F ) est invariant par homotopie
revient `a v´erifier que s∗
0= s∗1.
Or tout d’abord, remarquons que
h0(F )(A1X) = lim−→ n∈N
h(n)0 F (A1X).
Soit x un ´el´ement dans h0(F )(A1X). Il est donc repr´esent´e par un ´el´ement y de
h(n)0 F (A1
X) pour un entier naturel n donn´e.
Or, le morphisme de transition de la limite inductive qui d´efinit h0 se factorise comme
suit h(n)0 F a //ˆh0 ³ h(n)0 F ´ b // h(n+1)0 F.
D’apr`es le paragraphe qui pr´ec`ede la proposition, ˆh0
³
h(n)0 F
´
est invariant par homo- topie. Donc, d’apr`es le lemme pr´ec´edent, s∗
0(ay) = s∗1(ay). D`es lors, s∗0(bay) = s∗1(bay),
ce qui ´equivaut donc, puisque a et b sont naturelles, `a ba(s∗
0y) = ba(s∗1y), i.e. s∗0x = s∗1x. ¤
Remarque 3.1.8.– Nous verrons que si S = Spec (k), pour tout faisceau avec transferts
F , le faisceau avec transferts h(1)0 F est d´ej`a invariant par homotopie ; le passage `a la limite
ci-dessus est donc inutile dans ce cas.
3.1.2 Structure mono¨ıdale
Proposition 3.1.9 Le bifoncteur (HN tr
S )2 → HNStr
F, G 7→ h0(F ⊗trG)
d´efinit un produit tensoriel associatif et commutatif.
Preuve : Ce produit est commutatif d’apr`es les propri´et´es de ⊗tr. Pour montrer l’associativit´e, on utilise le calcul suivant :
Lemme 3.1.10 Soient F et G des faisceaux avec transferts, alors
h0(F ) ⊗Htrh0(G) ' h0(F ⊗trG)
Preuve : On a des fl`eches F → h0(F ) et G → h0(G), d’o`u une fl`eche
h0(F ⊗tr G) → h0(h0(F ) ⊗tr h0(G))
et on montre que cette fl`eche est un isomorphisme.
Or, puisque le foncteur ⊗tr commute aux limites inductives, d’apr`es la construction de
la proposition 3.1.7, il suffit de montrer cette assertion lorsqu’on remplace h0 par h(1)0 . De plus, puisque h(1)0 commute aussi aux limites inductives, on peut supposer que
F = LS[X] et G = LS[Y ]. On peut aussi faire la d´emonstration en deux ´etapes et
commencer par d´emontrer que
h(1)0 (LS[X] ⊗trLS[Y ])−−→ h(1) (1)0 (LS[X] ⊗trh(1)0 (LS[Y ]))
est un isomorphisme.
Or h(1)0 (LS[Y ]) est le conoyau de i∗0− i∗1 : HomNtr
k ¡ LS £ A1¤, L S[Y ] ¢ → LS[Y ], o`u i0
(respectivement i1) d´esigne la section nulle (respectivement unit´e) de A1.
Soit T un point Nisnevich dans pro−LS, alors
h(1)0 (LS[X] ⊗trLS[Y ])(T ) = cS(T, X × Y ) /cS
¡
A1× T, X × Y¢
o`u le quotient d´esigne le conoyau de (i∗0− i∗1)T.
Comme LS[X] ⊗tr est exact `a droite, LS[X] ⊗trh(1)0 (LS[Y ]) est le conoyau de 1X⊗tr
i∗0− 1X⊗tri∗1. On peut donc calculer
h(1)0 (LS[X] ⊗trh(1)0 (LS[Y ]))(T )
= (LS[X] ⊗trh(1)0 (LS[Y ]))(T )/(LS[X] ⊗trh(1)0 (LS[Y ]))(A1× T )
= cS(T, X × Y ) /N
o`u N est le groupe ab´elien LS[X] ⊗trHomNtr k ¡ LS £ A1¤, LS[Y ] ¢ (T ) ⊕ cS ¡ A1× T, X × Y¢
et la fl`eche N → cS(T, X × Y ) est
(1X⊗tri∗0− 1X ⊗tri∗1)T ⊕ (i∗0− i∗1)T.
Le morphisme (1) ´etant alors la projection canonique, il suffit de montrer que l’image de (1X ⊗tri∗0− 1X ⊗tri∗1)T est incluse dans l’image de (i∗0− i∗1)T.
Or, d’apr`es la remarque 2.2.17 on a une surjection L U,V ∈Lk cS(U, X) ⊗Z cS ¡ V × A1, Y¢⊗ ZcS(T, U × V ) −→ LS[X] ⊗trHomNtr k ¡ LS £ A1¤, LS[Y ] ¢ (T ) α ⊗Zβ ⊗Zγ 7→ (α ⊗trβ) ◦ γ.
Soient donc U et V alg´ebrique lisse, et l’´el´ement
α ⊗Zβ ⊗Zγ ∈ cS(U, X) ⊗ZcS
¡
V × A1, Y¢⊗ZcS(T, U × V ) .
Son image dans cS(T, X × Y ) par la compos´ee de (1X⊗tri∗0−1X⊗tri∗1)T et de la surjection
pr´ec´edente est £ α ⊗tr¡β ◦ (1V ⊗tr(i0− i1)) ¢¤ ◦ γ. Or, [α⊗tr¡β ◦ (1V ⊗tr(i0− i1)) ¢ ] ◦ γ = (α ⊗trβ) ◦ (1U ⊗tr1V ⊗tr(i0− i1)) ◦ γ = (α ⊗trβ) ◦ (γ ⊗tr1A1) ◦ (1T ⊗tr (i0− i1)).
Par d´efinition, ce dernier ´el´ement est l’image de (α ⊗trβ) ◦ (γ ⊗tr1
A1) ∈ c(T × A1, X × Y )
par le morphisme (i∗
0− i∗1)T, ce qui ach`eve la d´emonstration. ¤
D´efinition 3.1.11 On note ⊗Htr le produit tensoriel sur HNtr
S d´efinit dans la proposition
pr´ec´edente.
Il munit la cat´egorie HN tr
S d’une structure mono¨ıdale sym´etrique.