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Prévision des vitesses de corrosion des aciers en présence de CO

II.2. Corrosion uniforme des aciers en milieu aqueux contenant du CO

II.2.4. Prévision des vitesses de corrosion des aciers en présence de CO

dissous

La majorité des études concernant la corrosion en présence de CO2 ont été menées à l’initiative de l’industrie pétrolière [Kerm1, EFC1]. Afin de dimensionner au plus juste les installations, ces études se sont particulièrement attachées à quantifier les risques de corrosion généralisée en présence de CO2. Dans cette optique, de nombreux modèles destinés à prévoir les vitesses de corrosion des aciers en présence de CO2 ont été développés. Ces modèles sont brièvement examinés dans la présente partie.

La première modélisation des phénomènes de corrosion des aciers en présence de CO2 semble avoir été proposée par De Waard et coll. en 1975 [DeWa1]. Ce modèle empirique, permettant de prévoir le pire des cas selon ses auteurs, a eu un large retentissement dans le milieu pétrolier. Plus récemment, De Waard et coll. [DeWa2] ont complété leur modèle afin de tenir compte de facteurs initialement ignorés tels que la non-idéalité des mélanges gazeux, la présence d’un film de corrosion protecteur, ou encore la nature des conditions hydrodynamiques au voisinage de l'acier. Ce travail s’est traduit par l’introduction de nombreux facteurs correctifs dans leur équation initiale. La plupart de ces facteurs sont, tout comme l’équation de départ [DeWa1], d’origine empirique. Assez récemment (1997), Mishra et coll. [Mish1] ont développé un modèle théorique très simple qui les a conduits à valider la formule empirique de De Waard [DeWa1]. Tout comme le premier modèle de De Waard [DeWa1], ce modèle s'appuie néanmoins sur l'hypothèse d'un contrôle purement cinétique des réactions et ne prend pas en compte l'influence possible des dépôts de corrosion.

Par la suite, divers autres modèles empiriques ont été proposés afin de prévoir les vitesses de corrosion des aciers en présence de CO2 [Nors1, Nesi4]. Nesic et coll. [Nesi9] ont également suggéré l’utilisation combinée d’une approche probabiliste et de réseaux de neurones afin d’obtenir des prévisions en bon accord avec l’expérience.

La plupart des modèles récents sont cependant basés sur une description plus mécanistique des phénomènes de corrosion. Ces modèles s'attachent ainsi à prendre en compte les différents processus physico-chimiques intervenant durant les phénomènes de corrosion. A ce titre, c'est le mécanisme de dissolution anodique proposé par Bockris [Bock1] (cf. II.2.2) qui est majoritairement retenu dans ces modèles [Gray1, Song2-3]. Le groupe de Nesic utilise cependant un mécanisme de dissolution du fer spécifique au milieu CO2 [Nesi4] dans la

plupart de ses modèles [Nesi5-11]. La réduction du proton est également incluse dans la totalité de ces modèles tout comme la réduction directe de l’acide carbonique [Gray1, Song2- 3, Nesi5-11]. La réduction de l’eau est quant à elle prise en compte dans certains modèles [Song2] mais pas systématiquement [Song3, Nesi5-8].

Dans un milieu non agité sous 1 bar de CO2, on retiendra que les vitesses de corrosion attendues en plein bain sur une surface d'acier totalement active sont de l'ordre d'un millimètre par an. Ces vitesses augmentent et peuvent atteindre plusieurs millimètres par an lorsque la pression partielle de CO2 ou la vitesse d'écoulement de l'électrolyte au voisinage de l'acier augmentent ou encore lorsque le pH diminue. Comme l'ont montré Nesic et coll., ces vitesses peuvent cependant décroître largement lorsqu'un film de sidérite protecteur est présent à la surface de l'acier. En effet, parmi les nombreux modèles qu'elle a développés [Nesi2-3,5-8], l'équipe de Nesic a proposé très récemment un modèle mécanistique assez complet ayant pour ambition de prendre également en considération l'influence des dépôts de sidérite présents à la surface des aciers (cf. II.2.3.c) [Nes5-8]. Vraisemblablement inspiré par les travaux de Dayalan et coll. [Daya1], ce modèle met particulièrement en évidence l’effet protecteur de ces dépôts vis-à-vis de la corrosion. Nesic et coll. [Nes5-8] insistent également sur le fait que, selon eux, la protectivité des films de sidérite est préférentiellement déterminée par la porosité de ces derniers plutôt que par leur épaisseur. Ils montrent ainsi que des vitesses de corrosion inférieures à la dizaine de micromètre par an peuvent être obtenues dans le cas d'aciers recouverts de films peu poreux. Selon ces auteurs, la faiblesse principale de leur modèle est qu’il ne tient pas compte de la présence de cémentite dans les films de corrosion (cf. II.2.3.d). En se replaçant plus spécifiquement dans le contexte de notre étude (prévision du pH et des vitesses de corrosion dans l'annulaire des conduites pétrolières flexibles), il convient de noter que relativement peu de modèles ont traité du cas de la corrosion des aciers en milieu confiné contenant du CO2 dissous. L'équipe de Song [Song1-7] est à l'origine de la plupart de ces modèles. Song et coll. ont en effet traité théoriquement le cas d'un acier se corrodant dans un film mince d’électrolyte en présence de CO2 [Song3] et de CO2 et d'oxygène [Song2,4-7] en l'absence [Song2] ou en présence de protection cathodique [Song4-7]. Ces auteurs ont également utilisé une approche thermodynamique afin de prévoir la précipitation éventuelle des produits de corrosion en milieu confiné [Song1-2]. Cependant, il est bien établi que les pH atteints dans les milieux confinés modélisés par Song et coll. peuvent parfois excéder largement ceux prévus par la thermodynamique. Par exemple, pour des rapports V/S inférieurs à 1,4 mL.cm-2, à 20°C sous 1 bar de CO2, Ropital et coll. [Ropi1] ont mesuré des pH supérieurs à 6 tandis que le pH prévu par la thermodynamique dans les mêmes conditions

est de 5,3. Ainsi, bien qu'extrêmement intéressante, l'approche de Song, du fait de son utilisation de calculs thermodynamiques (abusive selon nous cf. parties II.3.3 et VI.2), ne permet absolument pas de prévoir ces phénomènes de sursaturation couramment observés en milieu confiné [Ropi1, Tara1-2, Desa1, Rubi1].

Par ailleurs, en considérant le cas particulier de la "top of the line Corrosion", le groupe de Nesic a également proposé quelques modèles pour décrire la corrosion des aciers recouverts de films minces de liquide contenant du CO2 [Nesi10-11,15]. Dans ce cas, ces auteurs montrent que des vitesses de corrosions très faibles, de l'ordre de la dizaine de micromètres par an, peuvent être attendues lorsqu'un film de sidérite protecteur est présent à la surface de l'acier. Dans le contexte de cette thèse, l'approche proposée par Nesic et coll. semble particulièrement intéressante car susceptible d'être adaptée au cas rencontré dans l'annulaire des conduites pétrolières flexibles où des vitesses de corrosion de l'ordre de la dizaine de micromètre par an sont également constatées. En se focalisant cependant sur la prévision des vitesses de corrosion, ces auteurs n'ont pas clairement mis en évidence les mécanismes généraux qui relient pH, vitesse de corrosion et sursaturation en Fe(II) en milieu confiné. En particulier, les liens existant entre la valeur du pH et l'épaisseur des films de liquide confinés n'apparaît pas dans leurs travaux [Nesi10-11, 15]. La nature précise de ces liens demeure donc mal comprise à l'heure actuelle (cf. II.3.3). Plus généralement, en milieu confiné contenant du CO2 dissous, les faibles vitesses de corrosion, les pH élevés, la sursaturations en Fe(II) et la dépendance de ces trois paramètres au rapport V/S restent des phénomènes mal expliqués. Or dans le cas des annulaires de flexibles, le pH et la vitesse de corrosion sont des paramètres dimensionnant et il n’existe malheureusement pas de modèle réellement adapté à leur prévision à l'heure actuelle. En s'inspirant de l'approche de Nesic et coll. [Nesi10-11,15], un tel modèle a donc été développé dans le cadre de cette thèse. Ce modèle est présenté dans la partie VI.2.