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Audition de Mme Marie de Hennezel

psychologue, auteur du rapport « La France palliative »

(Procès-verbal de la séance du 28 mai 2008)

Présidence de M. Jean Leonetti, rapporteur

M. Jean Leonetti : Nous avons le plaisir d’accueillir Mme Marie de Hennezel, psychologue clinicienne, spécialiste de la fin de vie. Mme de Hennezel, vous avez été chargée par le ministère de la santé de deux études, l’une en 2003 intitulée « Fin de vie : le devoir d’accompagnement », la seconde en 2007 appelée « La France palliative ». Vous avez par ailleurs publié de nombreux ouvrages, parmi lesquels La Mort intime en 1995, L’Art de mourir en 1997 et Mourir les yeux ouverts en 2005, et Nous ne nous sommes pas dit au revoir, dont je ne me rappelle pas la date, et qui mérite d’être lu.

Dans un article publié dans Le Monde du 22 mars 2008, vous avez dénoncé « les contrevérités dites à propos de la loi Leonetti » et vous vous êtes également interrogée sur la volonté politique de faire de « la pédagogie de la loi une priorité, dénonçant ainsi la méconnaissance du dispositif législatif actuel par le corps médical ».

Notre mission d’information a été chargée de procéder à une évaluation de la loi, de mesurer concrètement son application et d’en déceler les insuffisances éventuelles. Nous sommes donc dans une démarche d’écoute et, même si nous ne partons pas de rien, nous cherchons sans a priori à améliorer le dispositif, en en favorisant l’application ou en le modifiant.

Pourquoi cette loi est-elle aujourd'hui mal comprise et mal appliquée ? Faut-il la changer ?

Mme Marie de Hennezel : Je vous remercie de m’avoir conviée à cette audition à laquelle je participe avec une double casquette : en tant que chargée de mission auprès de différents ministres de la santé depuis 2002, et en tant que psychologue clinicienne ayant une expérience de dix ans de soins palliatifs.

Lors de ma dernière mission, qui m’a été confiée dans le sillage du vote de la loi relative aux droits des malades et à la fin de vie, j’ai fait le tour de France des régions, pour évaluer l’avancée de la culture palliative et la connaissance de la loi. Dans ce cadre, j’ai animé des forums, fait le point avec les tutelles, notamment les agences régionales de l’hospitalisation, et fait passer des messages. Philippe Douste-Blazy m’avait chargée de la pédagogie de la loi Leonetti.

Mon premier constat est celui de l’inégalité d’accès aux soins palliatifs, non seulement d’une région à l’autre, mais surtout d’un service à l’autre.

J’ai aussi été frappée par le fait que l’effort financier en faveur des lits identifiés, prévu au titre de la loi de 2005 afin de valoriser l’activité palliative, a été réservé aux services de médecine, chirurgie, obstétrique de court séjour, dans le cadre du Plan cancer. Il n’y a eu

pratiquement aucune aide financière dirigée vers les services de gériatrie, les services de soins de suite et de réadaptation : seulement 147 lits en 2007. Il n’y a évidemment rien eu pour les établissements d’hébergement des personnes âgées dépendantes et les maisons de retraite, malgré l’article 13 de la loi.

Bien que les moyens aient été dirigés vers les CHU, la culture palliative n’y est pas diffusée. Certains services ont reçu des moyens sans mettre en place la démarche palliative.

Là où des forums avaient été organisés, il a été très difficile, voire impossible, de mobiliser l’ensemble des services. Plus l’établissement était pointu sur le plan technique, moins le personnel était sensible à l’accompagnement de la fin de vie. En revanche, dans les hôpitaux locaux, les établissements de proximité, l’affluence était à son comble. Les personnels des EHPAD voisins faisaient parfois plusieurs centaines de kilomètres pour assister à ces forums.

Ils exprimaient une véritable soif d’en savoir plus, d’être reconnus et encouragés dans les efforts faits pour diffuser la culture palliative. Il existe donc un décalage : là où les moyens ont été distribués, la culture n’est pas toujours au rendez-vous ; et là où elle existe, on est réticent à l’encourager par une reconnaissance financière. Rares sont les hôpitaux locaux qui disposent de lits identifiés de soins palliatifs, alors que la plupart ont une activité palliative.

Quant aux EHPAD et aux maisons de retraite, encore une fois, l’article 13 n’est tout simplement pas appliqué.

Deuxième constat : la loi est mal connue, donc mal interprétée et mal appliquée. Je l’ai observé dans le cadre des soixante-dix forums intra-hospitaliers, au sein des CHU, des centres hospitaliers généraux, des hôpitaux locaux, en particulier au cours des tables rondes organisées sur la mort en réanimation et aux urgences. À cette occasion, j’ai diffusé le film de Bernard Martino La Mort n’est pas exclue, qui montre que la démarche palliative peut être adaptée à un service de réanimation. Je me suis aperçue que la compréhension de la loi était floue et qu’une véritable pédagogie était nécessaire. Ainsi, l’article concernant le double effet est généralement mal compris. La frontière entre le faire-mourir et le laisser-mourir est floue, et parfois jugée hypocrite. J’ai constaté que les procédures collégiales permettant, entre autres, de s’assurer que toutes les approches avaient été explorées, notamment le soutien psychologique du patient et de sa famille, n’existaient pas dans les faits, non plus que les discussions éthiques pluridisciplinaires au sein des équipes. L’article concernant le refus de tout traitement est mal accepté par la plupart des soignants, surtout en gériatrie, dont il heurte les consciences et les pratiques. Il faudrait toute une pédagogie pour faire évoluer les équipes réticentes et les cultures. Le dispositif de la personne de confiance et des directives anticipées n’est pas entré dans les mœurs hospitalières. Souvent, les représentants des usagers ne le connaissent pas et les services d’accueil chargés de recueillir le nom de la personne de confiance la confondent avec la personne à prévenir. Bref, la mise en œuvre de la loi doit être accompagnée.

Troisième constat : la diffusion de la culture palliative rencontre de solides résistances. Plus les établissements sont voués à une culture technocentrée, plus ils sont hermétiques à la démarche palliative, ce qui peut se comprendre puisqu’ils sont dans le déni de la mort et de l’échec. Les équipes mobiles de soins palliatifs dans les CHU ont souvent d’immenses difficultés à assumer leur mission. Le défaut de connaissance s’adosse à un appauvrissement de la culture de l’accompagnement dans son ensemble.

Mal informée, la société est très sensible à la manipulation médiatique. Je suis atterrée par les confusions et les contrevérités qui se sont exprimées au cours des émissions auxquelles j’ai participé. Les médias jouent sur l’image, l’impact émotionnel ; ils invitent

rarement à penser. L’agonie n’est plus acceptée de nos jours, elle est perçue comme un temps pénible et inutile. La bonne mort, c’est la mort rapide, discrète, ou, à la rigueur, la mort anticipée, quand on l’a décidée. Il n’y a guère que ceux qui ont une expérience positive et enrichissante de l’accompagnement d’un proche qui soient convaincus que ce temps a une valeur : les professionnels formés aux soins palliatifs, les bénévoles des associations d’accompagnement, les aides-soignants que la proximité avec les mourants a initiées à leurs besoins profonds, pour défendre le respect de ce temps. Les autres, démunis devant cette expérience trop anxiogène pour eux de l’impuissance et de l’échec, ont perdu les gestes, les mots qui apaisent. Pourquoi en effet attendre la mort, quand elle est certaine, et quand on est convaincu qu’il n’y a plus rien à vivre et à échanger ? À quoi bon une sédation qui maintient entre la vie et la mort lorsque l’on ne sait pas que ce sommeil agonique n’empêche pas la perception de ce qui est dit ? Lorsqu’aucune personne initiée n’est là pour valoriser ce temps et encourager les proches à maintenir un contact, aussi limité soit-il, à donner à haute voix la permission de mourir, l’agonie n’a aucun sens.

Mon expérience au lit des mourants m’a convaincue qu’il n’y a pas que le médicament qui délivre, la parole aussi. Les mourants en coma agonique meurent souvent après une visite ou une parole attendue, comme si – j’insiste sur ce « comme si » parce que mon observation n’est pas scientifique – ce qui était dit était entendu et perçu. Je me souviens ainsi d’un patient atteint d’un cancer ORL qui est resté vivant plusieurs semaines sans être alimenté. Personne ne comprenait pourquoi il ne mourait pas. On a découvert qu’il avait eu une fille d’un premier mariage qui n’était jamais venue le voir, la mère, passant outre la volonté de sa fille, préférant que sa fille ne voie pas son père dans cet état. En tant que psychanalyste, je crois que les inconscients communiquent et que le père attendait probablement que sa fille vienne lui dire au revoir. Finalement, j’ai convaincu la mère de laisser venir sa fille au chevet de son père. L’équipe a bien sûr été soucieuse de présenter cet homme de la façon la moins impressionnante possible. Cette jeune fille est venue et a été encouragée à parler à son père, à lui dire au revoir. On lui a montré comment lui masser les pieds pour lui procurer une sensation de bien-être. Le père est mort la nuit suivante. Les exemples de ce type abondent. Ce savoir psychologique existe partout où la culture palliative a pénétré. Ailleurs, l’indigence règne et les personnes sont favorables à une modification de la loi qui permette que l’agonie soit abrégée.

J’avais fait des propositions en 2003 et j’en reprendrai trois.

Un document d’information sur la loi Leonetti de quatre pages va être distribué dans les établissements hospitaliers. C’est bien, mais les papiers terminent souvent dans les tiroirs, surtout si les résistances inconscientes sont à l’œuvre. Pour moi, le seul levier efficace est de contraindre les professionnels de santé à se mettre autour d’une table. On l’a bien fait pour les maladies nosocomiales. On le ferait, s’il le fallait, en cas d’épidémie de grippe aviaire. Je ne vois pas pourquoi on ne le ferait pas pour appliquer la loi sur la fin de vie. Je prends souvent pour exemple la table ronde organisée par le directeur de l’ARH d’Alsace et le directeur du CHU de Strasbourg, lors de ma venue en 2005. Le directeur des soins avait exigé de chaque chef de service qu’il envoie une délégation de médecins et de soignants, avec l’obligation de prendre la parole cinq minutes pour expliquer comment la loi était appliquée dans leur service. C’était la première fois que l’équipe mobile de l’établissement avait l’occasion de présenter devant tout le monde ce qu’elle pouvait faire. Se réunir, se parler, se poser des questions ensemble, c’est cela qui crée une culture. Une des propositions que j’avais déjà faite en 2003 et que j’ai réactualisée dans La France palliative était d’adresser un message fort par l’intermédiaire du Président de la République ou du ministre de la santé en direction des

établissements, pour leur demander d’organiser une table ronde sur le sujet dans un délai très bref. Ce serait une mesure efficace. En tout cas, elle ne coûterait pas cher. La première table ronde d’information devrait être suivie d’une seconde, six mois plus tard, pour évaluer les progrès qui auraient été faits dans l’intervalle ou recenser les obstacles rencontrés dans l’application de la loi.

La deuxième proposition concerne le défaut d’écoute du patient en fin de vie. Que demande-t-il lorsqu’il demande la mort ? Est-il vraiment libre dans sa demande ? Cette demande ne masque-t-elle pas une autre demande ? Les médecins devraient être formés à l’entretien de fin de vie, comme ils l’ont été à l’entretien d’annonce dans le cadre du Plan cancer. Je cite mon rapport de 2003 : « Tout médecin devrait aborder avec une personne en fin de vie, et suffisamment tôt, la manière dont cette personne désire que sa fin de vie se déroule. Cette conversation devrait être obligatoire dès lors que le patient pose une question sur son pronostic ou sur le temps qui lui reste à vivre, ou dès lors qu’il exprime quelque chose qui révèle son angoisse face à sa mort prochaine. Plus les conditions de la fin de vie sont incertaines, faute d’un vrai dialogue avec le médecin, plus l’anxiété grandit. Le désir de maîtriser sa mort semble proportionnel au manque de confiance dans la capacité des équipes médicales à soulager et à accompagner. » Cette mesure de formation à l’entretien de fin de vie, que j’avais essayé de « vendre » il y a trois ans à l’Institut National du Cancer, a fait long feu.

Le troisième levier concerne l’information et la sensibilisation du grand public qui ne connaît pas bien la loi Leonetti, et dont la culture de l’accompagnement s’appauvrit. Le grand public a une image faussée des soins palliatifs. Surtout, les gens se sentent extrêmement démunis face aux fins de vie difficiles. Je regrette que le numéro Azur – 0811 020 300 – ouvert sur ma proposition par Philippe Douste-Blazy en 2005 n’ait pas bénéficié d’une campagne d’information d’envergure. Depuis trois ans, c’est une véritable gabegie de fonds publics : les écoutants sont formés à informer sur la loi, à orienter vers les structures de soins palliatifs, à écouter les détresses. Ils attendent des appels qui ne viennent pas. Et pour cause : le public ignore l’existence de ce numéro. Je l’ai vérifié au cours de mon tour de France.

Lorsque j’étais invitée en région par France 3 et que je rappelais le numéro, les appels se multipliaient, ce qui prouve bien que, si communication il y avait eu, le numéro aurait servi, car la demande, les besoins existent. Pendant une conférence, j’ai demandé au public qui connaissait ce numéro. Sur 600 personnes, une dizaine de mains se sont levées. Pourquoi le ministère de la santé n’a-t-il pas donné à ce numéro national les moyens de son efficacité ?

Je m’appuie maintenant sur mes dix ans d’expérience à l’écoute des patients et de leurs familles pour vous proposer quelques réflexions.

Une des raisons à la difficulté d’appliquer la loi et à diffuser la démarche palliative réside dans le mécanisme inconscient du déni de la mort. Avant même le vote de la loi, la mission parlementaire avait pris la mesure de la complexité du sujet. Rien n’est simple quand la vie et la mort sont en jeu. Or la tendance actuelle à simplifier, présente dans le débat actuel, m’inquiète. Il y a quelques années, Jacques Pohier, un ancien dominicain qui avait adhéré à l’Association pour le droit de mourir dans la dignité, avait déclaré : « L’euthanasie est une solution simple à un problème simple. » On voudrait nous faire croire que, dès lors qu’une personne consciente demande la mort, il suffit de respecter sa volonté. On voudrait nous faire croire que l’acte d’euthanasie est un geste simple, banal, sans aucune conséquence psychologique. Et pour mieux l’habiller, on revêtira l’acte de cette fameuse compassion.

En effet, rien n’est plus simple que de donner la mort. Une injection suffit. Mais je m’insurge contre l’idée que cet acte serait sans conséquence pour ceux qui l’accomplissent. Il y a là une forme de déni très grave. Les psychanalystes, les psychologues et les psychiatres savent que cela ne laisse pas indemne. La culpabilité inconsciente fait des ravages : les gens font des cauchemars, ils traînent des dépressions. Dépénaliser cet acte ne changera rien à son poids psychologique et ontologique. D’ailleurs, la plupart des médecins - voyez le texte commun signé par les sept sociétés savantes - refusent que donner délibérément la mort relève, même à titre exceptionnel, de leur mission. Si on institue, même à titre exceptionnel, un droit à mourir, si l’aide active à mourir devient une prescription comme une autre, alors, qu’est-ce qui protégera les médecins de la pression exercée par les familles ? Et de leur propre pulsion de mort ? Ils ne sont pas plus à l’abri que quiconque de ces désirs de mort sur autrui, surtout lorsqu’ils sont aux prises d’un sentiment d’échec, d’impuissance, et qu’ils sont fatigués, lassés par des situations sans issue. Le rôle d’une loi est de protéger. Elle donne un cadre à l’intérieur duquel chaque médecin peut évidemment être confronté à un dilemme éthique, au doute, à la solitude de sa conscience. La plupart des médecins sont opposés à une dépénalisation de l’euthanasie. Quelques-uns reconnaissent avec humilité qu’ils ont pu, ou qu’ils pourraient être confrontés un jour, à une situation telle qu’il peut être plus humain de transgresser l’interdit de tuer. Mais ces médecins sont bien conscients que cette transgression doit être assumée comme telle.

La deuxième réflexion est que, si elles étaient entendues dans leur complexité – ce qui suppose très certainement une écoute multidisciplinaire –, la quasi-totalité des demandes de recevoir une aide active à mourir trouveraient une réponse dans le cadre de la loi, soit par l’ajustement des antalgiques et des sédatifs, soit par le soutien psychologique des proches, soit par le respect du refus de prolonger les traitements, soit par la sédation terminale. Cette écoute demande du temps et de la compétence. Toutes les équipes de soins palliatifs vous diront qu’elles finissent toujours par trouver une solution. Ce sont cette compétence et cette créativité qui font défaut. Je crois pouvoir affirmer aujourd'hui que le problème réside dans ce défaut d’écoute et d’anticipation. J’aimerais vraiment attirer votre attention sur ce point.

Si la loi institue, d’une façon ou d’une autre, un droit à mourir, même exceptionnel, qui se donnera la peine de décoder les demandes quand il sera devenu si facile d’y répondre, sans chercher plus loin ? La demande de mourir masque, dans la grande majorité des cas, une autre demande. De nombreuses études ont été faites, par exemple celle du professeur Chochinov, aux États-Unis, qui montrent que 80 % des demandes de mort sont motivées par le fait que les douleurs sont mal soulagées et que 60 % des personnes qui réclament la mort sont gravement déprimées. L’étude d’Édouard Ferrand sur les conditions du décès à l’hôpital, publiée récemment, montre qu’aujourd'hui encore 32 % des patients sont perçus comme douloureux. La perte d’estime de soi, le sentiment d’être une charge pour son entourage, la honte de devoir offrir aux autres une image dégradée donnent le sentiment que la vie ne vaut plus la peine d’être vécue. Ce sentiment peut être renforcé par l’entourage qui, confronté à sa propre angoisse, ne sait pas toujours le combattre. Les malades perçoivent tout, les visites qui s’espacent, les regards qui se détournent. Ils sont extrêmement sensibles. Et je crois que beaucoup préfèrent anticiper leur mort, plutôt que de peser sur leur entourage. À l’inverse, et je le sais d’expérience, les patients qui arrivent dans les unités de soins palliatifs dans cet état d’esprit changent d’avis au bout de quelques jours ou de quelques semaines, lorsque leurs proches osent leur dire que leurs derniers instants, malgré le fait qu’ils soient dégradés, comptent pour eux. Pour en arriver là, il faut évidemment tout un climat d’accompagnement.

Si la loi institue, d’une façon ou d’une autre, un droit à mourir, même exceptionnel, qui se donnera la peine de décoder les demandes quand il sera devenu si facile d’y répondre, sans chercher plus loin ? La demande de mourir masque, dans la grande majorité des cas, une autre demande. De nombreuses études ont été faites, par exemple celle du professeur Chochinov, aux États-Unis, qui montrent que 80 % des demandes de mort sont motivées par le fait que les douleurs sont mal soulagées et que 60 % des personnes qui réclament la mort sont gravement déprimées. L’étude d’Édouard Ferrand sur les conditions du décès à l’hôpital, publiée récemment, montre qu’aujourd'hui encore 32 % des patients sont perçus comme douloureux. La perte d’estime de soi, le sentiment d’être une charge pour son entourage, la honte de devoir offrir aux autres une image dégradée donnent le sentiment que la vie ne vaut plus la peine d’être vécue. Ce sentiment peut être renforcé par l’entourage qui, confronté à sa propre angoisse, ne sait pas toujours le combattre. Les malades perçoivent tout, les visites qui s’espacent, les regards qui se détournent. Ils sont extrêmement sensibles. Et je crois que beaucoup préfèrent anticiper leur mort, plutôt que de peser sur leur entourage. À l’inverse, et je le sais d’expérience, les patients qui arrivent dans les unités de soins palliatifs dans cet état d’esprit changent d’avis au bout de quelques jours ou de quelques semaines, lorsque leurs proches osent leur dire que leurs derniers instants, malgré le fait qu’ils soient dégradés, comptent pour eux. Pour en arriver là, il faut évidemment tout un climat d’accompagnement.

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