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LES ÉDUCATIONS À LA SANTÉ FACE AU RISQUE RADIOLOGIQUE

MOTS-CLÉS : RISQUE RADIOLOGIQUE RISQUES NUCLÉAIRES ÉCOLE

2. PRÉSENTATION DES TERRAINS

2.1 Précisions et généralités

Le rapprochement des terrains mobilisés pour illustrer notre propos, d’une part celui des régions contaminées par la catastrophe de Tchernobyl, et d’autre part celui de La Hague, peut être l’objet de polémiques comme celles livrées par des spécialistes internationaux de disciplines telles que la physique(2), la médecine(3) ou encore, les partisans et les opposants à l’utilisation de l’énergie nucléaire dans le procès industriel. Mais il s’agit de mener, dans le cadre d’une démarche heuristique, une discussion sur la nécessité d’admettre, par la mobilisation de disciplines telles la sociologie et

l’anthropologie, la multitude des caractéristiques de l’humanité généralement rejetées par les promoteurs d’une lecture exclusivement rationnelle et rationalisante de l’organisation du monde. La question peut être encore celle de la légitimité d’un discours univoque prononcé au nom de la santé publique, et en quoi celui-ci peut-il supplanter, gommer ou ignorer des connaissances et des pratiques traditionnelles dans la gestion individuelle et/ou collective de la santé. Les espaces territoriaux qui nous occupent ne bénéficient pas de statuts et de reconnaissances comparables dans leur rapport à la contamination radioactive. Il s’agit des zones contaminées de l’oblast de Moguilov, région administrative de la république du Bélarus et de la région fortement nucléarisée de la Basse- Normandie. Dans chacune de ces régions, les habitants sont confrontés à des informations, officielles ou non, sur l’exposition ou la survenue éventuelle de la contamination radioactive.

2.2 L’oblast de Moguilov

L’oblast de Moguilov se situe à l’extrême sud-est du Bélarus, à la frontière avec la Russie et l’Ukraine. Comme l’ensemble du Bélarus, mais à des degrés supérieurs, cette région est affectée par la contamination radioactive de la centrale de Tchernobyl. Des milliers de personnes en ont été évacués, parfois six années après la catastrophe. De très nombreux villages sont enterrés et l’accès en est officiellement réglementé, voire interdit. Rappelons que la zone interdite, dite des « trente kilomètres », autour de la centrale s’étend hors de l’Ukraine, sur le Bélarus. Les habitants y vivent a

priori dans un rapport objectif à la contamination radioactive, au sens où, pour beaucoup, ils ont été

et sont toujours confrontés au déménagement forcé, à la modification des rapports sociaux (séparation de conjoint, éclatement des familles selon les catégories d’âge, destruction des services sociaux locaux, perte d’emploi, …). Une part importante du budget national, à hauteur de 25%, est officiellement consacrée à la gestion post-catastrophique de Tchernobyl et fait défaut à d’autres postes budgétaires. Des pans entiers de kolkhozes, couvrant de larges territoires très fertiles sont inexploités car la radioactivité des sols dépasse les normes localement admises, les rendant impropres à la pratique de l’agriculture. Dans le même temps, le pays vit dans une crise économique dramatique qui impose aux populations le recourt à l’autoproduction sur leur lopin privé pour pouvoir s’alimenter et ce dernier est souvent très fortement contaminé.

2.3 La région de Basse-Normadie

Appréhender une région française dans son rapport à la radioactivité impose dans un premier temps d’éliminer l’occurrence de la radioactivité naturelle des sols et de dresser l'inventaire des principaux sites ou installations nucléarisés. Le recensement effectué sur le territoire de Basse-Normandie fait apparaître une forte concentration d’industrie de ce type dans le département de La Manche, plus particulièrement dans le nord la presqu’île du Cotentin.

On y trouve :

a) Un complexe d’usines vouées, principalement, au retraitement de déchets des centrales nucléaires. Ces usines sont présentées comme le fleuron et la vitrine du groupe Cogéma qui revendique une hégémonie mondiale sur le segment du retraitement nucléaire. L’industrie française n’est pas la seule sous contrat avec ces usines et les clients se recrutent dans le monde entier : à leurs portes, en Europe mais aussi à ses antipodes, avec l’Australie ou le Japon. Groupe économique de droit privé, la Cogéma est née de la volonté politique des divers gouvernements français en quête d’autonomie tant militaire, qu’économique et du retour durable à une place indiscutée dans le concert des Nations de l’après Seconde Guerre Mondiale. La Cogéma retraite principalement les déchets de fission de centrales nucléaires qui sont ensuite conditionnés sous diverses formes, en attente de stockage ou de retour dans les pays d’origine.

b) Voisin mitoyen des usines de retraitement, un site de stockage géré par l’Agence Nationale pour la Gestion des Déchets Radioactifs (A.N.D.R.A.) où sont entreposés, en surface terrestre, des matériaux radioactifs.

c) Au large de cette zone, à quelques kilomètres, se situe une fosse maritime dite des Casquets où les autorités britanniques ont, dans les années cinquante, déversées des tonnes de fûts contenant des matériaux et déchets radioactifs (4).

d) Au sud, sur le littoral ouest, se trouve la centrale nucléaire de Flamanville, exploitée par l’E.D.F. e) À l’extrême nord de la pointe du Cotentin, Cherbourg, la principale agglomération du

département, abrite un arsenal militaire qui a pour vocation principale la construction de sous- marins à propulsion nucléaire et exige, de fait, la présence de matériaux combustibles radioactifs. Officiellement, l’exposition radioactive est sous contrôle et reste en deçà des normes françaises, les populations locales sont donc seulement exposées au risque radiologique. Pourtant, les sources potentielles d’émission de radiations ou de poussières radioactives n’ont, nous allons le voir, pas les mêmes statuts et cela tant du point de vue physique que sociologique.