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Présentation des principaux instruments conventionnels applicables à l’aménagement des ressources en eau partagées

Dans le document L'ouvrage public et le droit international (Page 149-153)

CHAPITRE III. L’AMENAGEMENT DES RESSOURCES EN EAU PARTAGEES

Section 1. Les obligations substantielles de l’Etat maître de l’ouvrage public

A. Sources des obligations

1. Présentation des principaux instruments conventionnels applicables à l’aménagement des ressources en eau partagées

On dénombre aujourd’hui plus de deux cent soixante cours d'eau internationaux, une centaine de lacs et un grand nombre d'eaux souterraines partagées par deux ou plusieurs États. Il est devenu commun d’écrire que l’eau est une ressource en tension. Rare, non renouvelable, dont la répartition

n'est pas naturellement équilibrée et dont l’utilisation est soumise à une demande sans cesse croissante. Nous ne dérogerons pas ici à ce qui fait consensus partout ailleurs : la protection des ressources en eau est une nécessité absolue, non seulement en vue de l'approvisionnement en eau douce, mais aussi afin de préserver la richesse biologique dont le développement est directement lié à la disponibilité et la qualité de l’eau. A bien des égards, les manifestations les plus visibles de la question des ouvrages publics en droit international proviennent de conflits d’utilisation entre Etats riverains d’un même fleuve international : construction de barrages ou, plus largement, d’ouvrages dérivant le cours des eaux, diminuant le débit disponible pour les Etats situés en aval de la ressource, destruction de la biodiversité, atteintes portées à des sites culturels de première importance, déplacements massifs de population non assortis, a minima, de procédures d’expropriation fondées sur une déclaration d’utilité publique préalable, etc. Les principaux instruments conventionnels actuellement disponibles visent l’utilisation des fleuves internationaux à des fins autres que la navigation (a). Les principes tracés par ces instruments et les obligations coutumières sont également susceptibles de s’appliquer aux aquifères transfrontières (b).

a. Sources des obligations applicables à l’aménagement d’un fleuve international

Au plan universel, la Convention sur le droit relatif aux utilisations des cours d'eau internationaux à des fins autres que la navigation (ci-après la Convention des Nations unies du 21 mai 1997) constitue aujourd’hui la matrice du régime juridique relatif à la gestion des cours d'eau internationaux. Bien que peu d’Etats ne l’aient ratifiée, elle peut être regardé comme codifiant le droit international en la matière. La Convention est organisée autour de la notion de « cours d’eau international » comme « un système d'eaux de surface et d'eaux souterraines constituant, du fait de leurs relations physiques, un ensemble unitaire et aboutissant à un point d'arrivée commun »299. La notion de fleuve international désigne des « eaux de surface mouvantes localisées dans le territoire de plus d’un Etat et pouvant comprendre les affluents situés sur le territoire de plus d’un Etat, voire des canaux latéraux. Avec les lacs internationaux, les fleuves internationaux forment la catégorie des cours d’eau internationaux de surface »300. Le critère retenu par le texte est inclusif et sont ainsi assimilés aux cours d'eau leurs affluents et les eaux souterraines liées à un cours d'eau international pourvu que ces dernières aboutissent à un terminus commun. Pour être qualifié d’international, un cours d'eau doit traverser plusieurs Etats. D’autres textes retiennent quant à eux la notion de « bassin de drainage », définie comme une « zone géographique s'étendant sur deux ou plusieurs États et

299

Convention des Nations unies du 21 mai 1997, art. 2. 300

SALMON J. (dir.), Dictionnaire de droit international public, V° « Fleuve international », Bruylant, Bruxelles, 2001, p. 506.

déterminée par les limites de l'aire d'alimentation du réseau hydrographique, y compris les eaux de surface et souterraines aboutissant en un point commun »301. La directive 2000/60/CE du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau impose ainsi aux Etats membres de recenser les bassins hydrographiques situés dans leur territoire national302 et de les rattacher à des districts hydrographiques303.

Comme l’indique son préambule, la Convention de 1997 a été élaborée dans l’objectif de constituer une « convention-cadre » ce qui influe mécaniquement sur la rédaction et la portée de ses dispositions. Pensés à la fois pour l’universel et le régional, les principes et les règles énoncés par la Convention sont rédigés dans l’optique du plus petit dénominateur commun. L’influence des travaux de la CDI ayant conduit à l’adoption du texte de 1997 peut ainsi aisément être constatée au plan régional. C’est le cas, en Europe, de la Convention sur la protection et l'utilisation des cours d'eau transfrontières et des lacs internationaux dite « Convention d’Helsinki » de 1992, préparée puis adoptée sous l’égide de la Commission économique pour l'Europe des Nations unies. Ce dernier texte a lui-aussi servi de relai d’influence aux travaux de la CDI puisqu’il a servi de cadre de référence à l'adoption d'accords tels la Convention sur la coopération pour la protection et l'utilisation durable du Danube du 29 juin 1994, la Convention pour la protection du Rhin du 12 avril 1999 et les accords relatifs à la protection de l'Escaut et de la Meuse conclus le 26 avril 1994 et modifiés le 3 décembre 2002. L’empreinte des travaux de codification se retrouve également dans plusieurs instruments conclus en Afrique et en Asie : protocole sur les cours d'eau partagés de la Communauté de développement de l'Afrique australe ; accord sur le Mékong de 1995, protocole relatif au développement durable du bassin du lac Victoria du 29 novembre 2003 entre le Kenya, la Tanzanie et l’Ouganda ; etc.

Toutefois, le droit international conventionnel positif relatif à la protection de l’eau douce n’est pas pleinement satisfaisant. C’est ainsi qu’un grand nombre de cours d'eau internationaux n'ont pas encore fait l'objet d'un accord réglementant leur gestion et leur protection. Les accords, lorsqu’ils existent, sont souvent limités à certaines questions (leur approche est partielle) et excluent bien souvent certains des Etats riverains (leur approche n’est pas toujours inclusive). De même et s’agissant du partage et de la protection des eaux souterraines, plusieurs aquifères partagés sont encore mal connus du fait de l'absence d'informations et de données techniques. Nous ne traiterons pas ici de l’utilisation des fleuves internationaux à des fins de navigation et nous nous limiterons essentiellement à l’aménagement et aux travaux publics effectués sur les fleuves internationaux.

301 Règles d'Helsinki 1966, art. II.

302 Dir. 2000/60/CE, 23 oct. 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau, art. 3. 303

Ces derniers sont définis comme des « zones terrestres et maritimes, composées d'un ou plusieurs bassins hydrographiques ainsi que des eaux souterraines et eaux côtières associées » : Dir. 2000/60/CE, 23 oct. 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau, art. 2.15.

Le droit international conventionnel applicable aux aquifères transfrontières n’est pas, non plus satisfaisant, malgré l’importance de ces ouvrages, indispensables au traitement de l’eau douce.

b. Sources des obligations applicables à l’aménagement d’un aquifère transfrontière

L’extrême importance des aquifères dans l’approvisionnement en eau potable s’accompagne paradoxalement d’une pauvreté des règles relatives aux eaux souterraines. Tandis qu’environ 90% des eaux douces sont contenus dans les aquifères, la définition du terme « cours d’eau » donnée par la Convention des Nations Unies de 1997 n’inclut pas les eaux souterraines, malgré l’insistance des rapporteurs spéciaux MM. Mc Caffrey et Rosenstock sur la nécessité d’inclure une définition des eaux souterraines dans la convention. La Commission du droit international a néanmoins adopté une résolution sur les eaux souterraines transfrontières, qui recommande aux Etats de « s’inspirer » des principes de la convention onusienne aux fins d’élaborer des règles applicables aux eaux souterraines non liées aux eaux de surface. Pour compléter ce travail, la CDI décide en 2000 de codifier et de développer des règles en la matière. Le Projet d’articles sur le droit des aquifères transfrontières (2008), élaboré sous la direction du rapporteur spécial Yamada, est annexé à la résolution 63/124 (2008) de l’Assemblée générale des Nations Unies. En 2011, l’Assemblée générale enjoint les Etats à « prendre les mesures bilatérales ou régionales nécessaires à la bonne gestion de leurs aquifères transfrontières en accordant la considération voulue aux dispositions du Projet d’articles ».

Aux termes du Projet, l’aquifère est « une formation géologique perméable contenant de l'eau superposée à une couche moins perméable et l'eau contenue dans la zone saturée de cette formation » située dans plusieurs États. L’eau sert aux activités industrielles mais aussi à la consommation. L’article 4 du Projet d’articles vise à la conservation à long terme de l’aquifère, au moyen d’une utilisation « équitable et raisonnable ». Aux fins de détermination de la notion, le projet d’article 5.2. précise qu’« il faut que tous les facteurs pertinents soient considérés ensemble et qu'une conclusion soit tirée sur la base de tous ces facteurs. Toutefois, pour évaluer les différents types d'utilisation d'un aquifère ou système aquifère transfrontière, il faut particulièrement tenir compte des besoins humains vitaux ». L’utilisation équitable et raisonnable se réalise de la manière suivante : b) [les Etats] poursuivent le but de maximiser les avantages à tirer à long terme de l'utilisation de l'eau qui y est contenue ; c) Ils établissent individuellement ou conjointement un plan global d'utilisation, en tenant compte des besoins présents et futurs en eau des États de l'aquifère et des autres ressources possibles en eau pour ces États ». L’utilisation durable des eaux a pour but de « maximiser les avantages à long terme ». Elle passe par l’élaboration d'un « plan global d’utilisation ». Les États de l'aquifère bénéficient d’une possibilité de dérogation à ces règles lorsqu'il est crucial d'approvisionner la

population en eau en cas d'urgence (art. 17.3). Le Projet d’articles s’intéresse en outre à la protection des aquifères. L'article 10 est consacré à la protection de l'écosystème tandis que l’article 11 traite de la protection et de la préservation des zones de réalimentation et de déversement. Les Etats tiers sont de surcroît tenus de protéger ces zones aux fins de la préservation de l’écosystème. L'article 12 traite de la pollution, étant tourné vers l’application du principe de précaution ; que l’on retrouve également à la lecture de l’article 14 : « Les Etats de l’aquifère adoptent une approche de précaution en cas d’incertitude quant à la nature et à l’étendue d’un aquifère ou d’un système aquifère transfrontière, et quant à sa vulnérabilité à la pollution ».

Les obligations pesant sur l’Etat maître de l’ouvrage sont complétées par les règles applicables aux projets financés par les banques multilatérales de développement. La Banque mondiale a joué dans ce cadre un rôle de précurseur.

2. Le rôle pionnier de la BIRD dans l’élaboration de règles applicables aux projets

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