4. Objectif du travail : caractérisation d’une souche Escherichia coli inductrice de mammites bovines
4.1. Présentation des mammites bovines
Une mammite bovine se définit comme l’inflammation d’un ou de plusieurs quartiers de la
mamelle, suite à une infection par un microorganisme. Cette pathologie se caractérise par des signes
cliniques et une sévérité qui varient grandement selon le microorganisme inducteur. Cependant, elle
entraîne systématiquement une augmentation du nombre de cellules somatiques présentes dans le lait
(Harmon, 1994 ; Schepers et al., 1997). Ces cellules somatiques comprennent des cellules épithéliales
et des globules blancs. Pour un lait normal, la concentration en cellules somatiques est généralement
inférieure à 105 cellules par millilitre (Burvenich et al., 2004)et contient majoritairement (80 %) des
macrophages (Boutet et al., 2006). Pour un lait issu de mammite au contraire, cette concentration peut
aller de 5.105 à plusieurs millions de cellules par millilitre (Paape et al., 1981) et renferme
principalement (90 à 95 %) des neutrophiles (Boutet et al., 2006). Le décompte des cellules
somatiques présentes dans son lait peut donc indiquer si une vache lutte contre une infection par un
microorganisme.
4.1.2. Agents inducteurs
Un grand nombre de microorganismes peuvent être retrouvés sur et dans la mamelle d’une
vache. En 1988, Watts a ainsi identifié 137 espèces et sous-espèces de microorganismes pouvant être
associés à la glande mammaire bovine (Watts, 1988). Ces derniers sont très divers et peuvent être des
bactéries, des levures, des champignons ou des algues. La majorité d’entre eux font partie de la flore
microbienne normale du pis, n’y causant aucune maladie et pouvant même le protéger d’infections
d’organismes pathogènes. Seul un petit nombre peut, par contre, provoquer l’infection de la glande
mammaire. Les microbes les plus fréquemment inducteurs de mammites (causant environ 90 % des
cas) sont ainsi d’origine bactérienne et appartiennent plus particulièrement aux cinq espèces
bactériennes suivantes : Staphylococcus aureus, Streptococcus agalactiae, Streptococcus
dysgalactiae, Streptococcus uberis et Escherichia coli.
En 1995, ces cinq principaux agents bactériens inducteurs de mammites bovines ont été
répartis entre deux classes de pathogènes, l’une dite à “réservoir mammaire” et l’autre dite à
“réservoir environnemental” (Blowey et Edmondson, 1995). Les microorganismes à “réservoir
mammaire”, qui prolifèrent sur la peau et à l’intérieur des mamelles, ont comme source principale des
animaux infectés et sont transmis d’une vache à une autre lors de la traite. Leurs représentants
principaux sont St. aureus, S. agalactiae et S. dysgalactiae. Les microorganismes à “réservoir
environnemental” sont retrouvés quant à eux sur le sol, la litière, le fumier ou dans l’eau et atteignent
donc le trayon uniquement lors de traites réalisées dans de mauvaises conditions d’hygiène. Leurs
représentants principaux sont S. uberis et E. coli. La fréquence relative de ces cinq différents germes
responsables de mammites présente de grandes variations géographiques. Ainsi vers la fin des années
1990, par exemple, les germes St. aureus et E. coli étaient responsables de mammites pour 5 % et
35 %, respectivement, des cas en Grande-Bretagne (Bradley et Green, 2001a), 46,5 % et 1,5 %,
respectivement, des cas au Québec et 27 % et 31 %, respectivement, des cas en France (Seegers et al.,
1997). A l’heure actuelle toutefois, l’ensemble des pays producteurs de lait s’accorde à dire que les
mammites touchant les vaches laitières sont majoritairement causées par des germes de l’espèce E.
coli (Wenz et al., 2001).
4.1.3. Conséquences
Les mammites peuvent ou non s’accompagner de signes physiologiques visibles chez le bovin
et sont alors qualifiées de mammites cliniques ou de mammites sub-cliniques, respectivement.
Autrefois, les mammites cliniques étaient souvent imputées aux germes à “réservoir environnemental”
et celles sub-cliniques aux germes à “réservoir mammaire” (Blowey and Edmondson, 1995).
Cependant, cette attribution n’est désormais plus valide car des cas de mammites sub-cliniques dues à
des germes à “réservoir environnemental” sont de plus en plus rapportés (Bradley, 2002). Les signes
physiologiques visibles des mammites cliniques sont une mamelle souvent enflée, rouge, chaude,
douloureuse et un lait de constitution anormale. En fonction de la sévérité de la mammite, le lait peut
être en partie coagulé, décoloré et contenir du sang, tandis que la vache peut présenter une
déshydratation, une perte d’appétit, un rythme cardiaque élevé et être victime de fièvre et de diarrhées.
Qu’elles soient cliniques ou sub-cliniques, les mammites entraînent à la fois une baisse de
production laitière et une modification importante de la composition du lait. La baisse de production
laitière est liée à la diminution de l’activité sécrétrice des lactocytes, lieux de synthèse des principaux
constituants du lait (Hamann and Krömker, 1997). Elle peut également être expliquée par l’altération
voire la destruction des cellules sécrétrices par les globules blancs (Sordillo et al., 1997) et par
l’invasion de ces dernières par les agents pathogènes (Bayles et al., 1998). La modification de la
composition du lait est en grande partie due à l’altération physique de la barrière épithéliale
mammaire séparant les compartiments “lait” et “sang” (Nickerson and Pankey, 1984), mais aussi,
vraisemblablement, à la présence de facteurs issus des germes contaminants. Divers flux de
molécules, ions, cellules, protéines et enzymes peuvent ainsi s’établir d’un compartiment à l’autre. De
par la diminution de l’activité sécrétrice des lactocytes, le lait devient ainsi plus pauvre en lactose
(Shuster et al., 1991). De par l’altération physique de la barrière épithéliale mammaire, il s’appauvrit
également en calcium, phosphore, potassium (Munro et al., 1984) et s’enrichit en sodium et chlore
(Munro et al., 1984 ; Le Roux et al., 1995). Une augmentation du passage de sérum albumine bovine,
d’immunoglobulines et des composés du système plasminogène / plasmine est observée du sang vers
le lait (Munro et al., 1984 ; Kaartinen et al., 1988). Enfin, une protéolyse importante est détectée : les
teneurs en caséines αs, β et κ diminuent fortement au profit des teneurs en caséines γ et en protéoses
peptones, tous deux étant en partie des composés issus de l’hydrolyse des caséines (Michelutti et al.,
1999). Cette protéolyse est due à des dégradations enzymatiques endogènes (plasmine et protéases des
cellules somatiques) (Michelutti et al., 1999) et probablement exogènes (protéases bactériennes).
4.2. Connaissances actuelles des souches E. coli inductrices de mammites
Dans le document
Recherche de déterminants génétiques permettant l'adaptation d'une souche Escherichia coli à la mamelle bovine
(Page 96-99)