coli. Cette détermination est la première jamais effectuée à notre connaissance sur une souche MPEC.
D’une part, les études rapportant la caractérisation de souches E. coli à l’origine de mammites bovines
portent, la plupart du temps, sur une recherche de facteurs de virulence ou sur une analyse de
génotype et ne déterminent jamais le groupe phylogénétique de ces souches. D’autre part, les études
évaluant la distribution phylogénétique de souches de différents pathotypes de l’espèce E. coli, ne
prennent jamais en considération le pathotype MPEC.
La connaissance du groupe phylogénétique d’une seule souche mammopathogène, celui d’E.
coli P4, permet de réfléchir à la question suivante : est-ce que toutes les souches MPEC appartiennent
uniquement au groupe A, ou, au contraire, sont-elles réparties dans deux, trois, ou dans les quatre
groupes phylogénétiques de l’espèce E. coli ? En regardant la répartition des autres pathotypes de
l’espèce E. coli, aucun d’entre eux n’est exclusivement associé à un seul groupe phylogénétique
(tableau 14). Les souches ExPEC et les souches ETEC, EHEC et EIEC sont retrouvées au minimum
dans deux groupes (B2/D et A/B1, respectivement) ; les souches commensales non pathogènes,
EAEC, DAEC et EPEC sont retrouvées, quant à elles, dans les quatre groupes. Ainsi, il est fort
probable que des souches MPEC autres qu’E. coli P4 appartiennent à un autre groupe que le groupe
A. Etant donné que les résultats obtenus lors de l’analyse MLST d’E. coli P4 l’ont rapproché d’une
souche commensale non pathogène et que les génotypes des souches MPEC semblent aussi variés que
ceux des souches E. coli environnementales isolées de fourrage ou de fécès de bovins en bonne santé
(Yang et al., 2004), une distribution des souches MPEC dans les quatre groupes phylogénétiques, tout
comme les souches commensales, peut être attendue. Il serait intéressant de vérifier cette hypothèse en
déterminant le groupe phylogénétique d’un plus grand nombre de souches MPEC. Par la suite, il serait
également intéressant de regarder si des souches MPEC n’appartenant pas au même groupe
phylogénétique présentent des propriétés de virulence différentes. Il a été déjà dit en effet dans ce
manuscrit que le bagage génétique de virulence d’une souche E. coli pouvait être lié à la nature de son
génome core.
Le groupe phylogénétique A de l’espèce E. coli, auquel appartient E. coli P4, est le groupe où
se concentrent majoritairement les souches commensales non pathogènes de cette espèce et où le plus
faible taux de gènes codant des facteurs de virulence est recensé (Picard et al., 1999). Par conséquent,
la présence de souches pathogènes au sein de ce groupe n’est pas expliquée par l’existence d’un
ancêtre pathogène dont les descendants auraient, pour la plupart, perdu le caractère virulent, mais par
l’existence d’un ancêtre non pathogène dont quelques descendants seulement auraient acquis un
caractère virulent, ceci à la suite d’évènements de transferts génétiques horizontaux. D’une manière
générale d’ailleurs, l’ancêtre commun aux quatre principaux groupes phylogénétiques de l’espèce E.
coli est considéré comme non pathogène (Lecointre et al., 1998). Le groupe phylogénétique B2 serait
le premier à avoir été créé, puis le groupe D et enfin les groupes A et B1 (figure 38).
Figure 38 : Arbre représentant
l’apparition des quatre groupes
phylogénétiques de l’espèce E. coli,
d’après Lecointreet al., 1998.
A
B2
B1
D
Figure 38 : Arbre représentant
l’apparition des quatre groupes
phylogénétiques de l’espèce E. coli,
d’après Lecointreet al., 1998.
A
B2
B1
D
A
B2
B1
D
La plus ou moins grande virulence de chaque groupe proviendrait uniquement de l’acquisition de
facteurs de virulence par transfert génétique horizontal et de l’expression de ces derniers, actions
toutes deux étroitement liées au génome core de chaque groupe phylogénétique. L’apparition de la
souche mammopathogène E. coli P4 au sein du groupe phylogénétique A est donc probablement due,
également, à des transferts génétiques horizontaux. Le groupe A, tout comme le groupe B1, est,
d’ailleurs, caractérisé par le génome core capable d’accueillir la plus large gamme de gènes codant des
facteurs de virulence. Des gènes spécifiques de virulences intestinale et extra-intestinale sont
identifiés dans le génome de souches de ce groupe (tableau 14). Ceci n’est pas le cas des génomes
cores des groupes B2 et D, dans lesquels aucun gène spécifique de la virulence intestinale des souches
ETEC, EHEC et EIEC, souches intestinales considérées comme les plus sévères (les souches EAEC,
DAEC et EPEC sont considérées quant à elles de sévérité moyenne), n’a pu être détecté jusqu’à
présent (tableau 14). E. coli P4 pourrait avoir acquis certains gènes de virulence de souches
pathogènes appartenant également au groupe phylogénétique A, ou à l’un des trois autres principaux
groupes phylogénétiques de l’espèce E. coli (figure 39). Cette hypothèse peut notamment être
confortée par le fait que, tout comme les souches des autres pathotypes de l’espèce E. coli, intestinaux
ou extra-intestinaux, E. coli P4 présente des propriétés d’adhérence et d’invasion cellulaires (Gonen et
al., 2007). Des transferts génétiques pourraient donc être à l’origine de ce partage de propriétés. Les
résultats d’analyse des loci d’ARNt d’E. coli P4 présentant des structures altérées ont d’ailleurs
montré la présence de séquences nucléotidiques qui pouvaient être retrouvées dans le génome de
souches E. coli pathogènes aussi bien intestinales qu’extra-intestinales.
Figure 39 : Situation et hypothèses
sur l’apparition d’E. coliP4 au sein
de l’espèce E. coli. Les points
correspondent à un ou des gènes de
virulence et les flèches indiquent
des évènements de transfert
génétique horizontal.
A
B2
B1
D
commensales
E. coliP4
pathogènes intestinales
Figure 39 : Situation et hypothèses
sur l’apparition d’E. coliP4 au sein
de l’espèce E. coli. Les points
correspondent à un ou des gènes de
virulence et les flèches indiquent
des évènements de transfert
génétique horizontal.
A
B2
B1
D
commensales
E. coliP4
pathogènes intestinales
Ce transfert de gènes entre souches E. coli de différents groupes phylogénétiques a notamment été
proposé par Lecointre et al. pour les gènes de virulence kps et pap, responsables de la synthèse d’une
capsule de type II et d’adhésines fimbriaires de type P, respectivement et communs aux souches
uropathogènes des groupes B2 et D (Lecointre et al., 1998). Ces auteurs suggèrent que ces deux types
de gènes auraient été acquis par transfert génétique horizontal, dans un premier temps, par les souches
du groupe phylogénétique B2, puis, que celles-ci les auraient transmis aux souches du groupe
phylogénétique D, toujours par transfert génétique horizontal. Ces mêmes auteurs n’envisagent pas la
présence de ces deux types de gènes chez un ancêtre commun aux deux groupes phylogénétiques, car
cet ancêtre commun est partagé par les groupes phylogénétiques A et B1 (figure 38). Or, les gènes kps
et pap sont très rarement identifiés dans le génome de souches appartenant aux groupes A et B1 ; leur
présence chez un ancêtre commun signifierait donc que la majorité des souches de ces deux groupes
les auraient perdus au cours du temps, ce qui est peu probable. Par ailleurs, l’origine horizontale des
gènes kps et pap est soutenue par leur présence sur des éléments génétiques mobiles et par leur
contenu en paires de bases guanine et cytosine différent de celui du génome core des souches E. coli.
E. coli P4 pourrait également avoir acquis certains gènes de virulence de souches pathogènes
appartenant à des espèces autres qu’E. coli et partageant la même niche écologique qu’elle (figure 39).
La notion de niche écologique est, en effet, importante. Par exemple, les gènes kps et pap, présentés
précédemment, semblent typiques des souches uropathogènes et n’ont pas été identifiés dans le
génome de souches pathogènes intestinales (Boyd et Hartl, 1998). Ceci montre donc bien que les
souches uropathogènes du groupe B2 ont acquis pour la première fois ces deux types de gènes à la
suite d’un transfert génétique horizontal réalisé avec des souches bactériennes qui partagent leur niche
écologique et pas celle des souches intestinales.
2. Implication d’E. coli P4 dans la caséinolyse observée lors d’une
Dans le document
Recherche de déterminants génétiques permettant l'adaptation d'une souche Escherichia coli à la mamelle bovine
(Page 187-190)