3. Etude du rôle d’E. coli P4 dans la caséinolyse du lait observée lors d’une mammite
3.2. Evaluation de l’activité caséinolytique d’ E. coli P4 et des quatre protéases extracellulaires mises en évidence
Dans un premier temps, l’activité caséinolytique globale d’E. coli P4 a été étudiée en incubant
la bactérie à 37°C dans le milieu lait sain et en suivant au cours du temps les évolutions quantitatives
par FPLC et qualitatives par électrophorèse SDS-PAGE des teneurs de chaque caséine et des teneurs
en protéoses peptones, respectivement. Cinq temps d’incubation ont été retenus pour ces analyses : 2,
4, 7, 10 et 24 heures. Pour chacun de ces temps, la présence des quatre enzymes extracellulaires
bactériennes a été vérifiée par zymographie caséines. Un témoin correspondant au même lait non
inoculé a été analysé en parallèle. Aucune variation significative des teneurs en chaque caséine n’a pu
être observée entre les différents temps d’incubation testés et entre les laits inoculés et non inoculés
(figure 23).
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Temps d'incubation à 37°C sous agitation (heure)
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(%
) caséine αS
caséine β
caséineκ
caséineγ
Figure 23 : Suivi quantitatif des teneurs de chaque caséine après 2, 7 et 24 heures d’incubation à 37°C sous
agitation d’un lait inoculé avec E. coliP4 (histogrammes sur fond blanc) ou non (histogrammes sur fond gris).
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Temps d'incubation à 37°C sous agitation (heure)
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Temps d'incubation à 37°C sous agitation (heure)
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) caséine αS
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Figure 23 : Suivi quantitatif des teneurs de chaque caséine après 2, 7 et 24 heures d’incubation à 37°C sous
agitation d’un lait inoculé avec E. coliP4 (histogrammes sur fond blanc) ou non (histogrammes sur fond gris).
De même, aucune évolution des profils électrophorétiques des contenus en protéoses peptones n’a pu
être constatée entre les différents temps d’incubation testés et entre les laits inoculés et non inoculés
(figure 24). Aucune activité caséinolytique globale de la souche n’a donc pu être détectée lors de cette
incubation en milieu lait sain. Le milieu lait modèle mimant l’inflammation de type mammite n’a pas
été utilisé pour cette expérience étant donné son contenu en enzymes protéolytiques endogènes déjà
important et l’hydrolyse avancée des caséines qu’il renferme.
Figure 24 : Suivi qualitatif des teneurs en protéoses peptones après 2, 7 et 24 heures d’incubation à 37°C sous
agitation d’un lait inoculé avec E. coliP4 (P) ou non (C). Des quantités de 60 µg de protéoses peptones ont été
déposées par puits. M : marqueurs de masses moléculaires.
L’absence de détection d’activité caséinolytique lors de l’expérience précédente pouvait être
expliquée par l’utilisation du lait entier comme milieu d’incubation. Ce dernier est en effet riche en
urée et acides aminés libres, donc riche en sources d’azote et de carbone directement assimilables par
la bactérie, ce qui peut avoir un effet inhibiteur sur l’activité des protéases, si celles-ci interviennent
dans l’utilisation des caséines comme sources carbonée et azotée. L’activité caséinolytique globale
d’E. coli P4 a donc été étudiée plus directement en incubant la bactérie dans un milieu dont les seules
sources de carbone et d’azote sont des caséines. Ce milieu correspondait au milieu MS dépourvu de
glycérol et de sulfate d’ammonium, mais complété avec une solution de caséines à une concentration
similaire à celle retrouvée dans le lait. Dans ces conditions, pour se développer, la bactérie était
obligée d’hydrolyser les caséines du milieu pour produire des sources disponibles et assimilables de
carbone et d’azote. Après plus de 200 heures d’incubation dans ce milieu, aucune croissance
bactérienne n’a pu être observée (figure 25). Les contenus de chaque caséine évalués qualitativement
par électrophorèse SDS-PAGE sont restés inchangés (figure 25), malgré la détection dans le milieu de
culture, dès cinq heures d’incubation, des quatre protéases extracellulaires bactériennes mises en
évidence. Ce résultat suggérait donc que les enzymes détectées ne présentaient aucune activité
caséinolytique significative pour permettre la croissance de la bactérie.
Figure 25 : Courbe de croissance d’E. coliP4 en milieu MS dépourvu de glycérol et de sulfate d’ammonium,
mais complété avec une solution de caséinates à 0,15 % (m/v) ; et profils électrophorétiques SDS-PAGE du
contenu en caséines du milieu après 0 (1) et 200 (2) heures d’incubation à 37°C (une quantité de 20 µg de
protéines totales a été déposée pour les deux temps d’incubation).
Afin de confirmer l’absence d’activité caséinolytique des quatre protéases extracellulaires
sécrétées par E. coli P4, une dernière expérience a été menée. Les milieux extracellulaires de la
bactérie, récoltés après 10 et 13 heures d’incubation dans les milieux LB et MS, respectivement, ont
été incubés avec des solutions de caséines totales, de caséine αS1, de caséine αS2 et de caséines β+κ
préparées à une concentration de 1 mg.mL-1 en tampon phosphate de sodium 0,05 M pH 6,8. Des
mélanges de différents rapports « quantité de protéines extracellulaires bactériennes / quantité de
caséines » (1/1, 10/1, 20/1, 50/1 et 100/1) ont ainsi été incubés pendant 24 et 48 heures à 37°C et
analysés ensuite sur gel d’électrophorèse SDS-PAGE. Pour chaque solution de caséines (en mélange
ou purifiées), chaque milieu, chaque rapport « quantité de protéines extracellulaires bactériennes /
quantité de caséines » et chaque temps d’incubation testés, aucune hydrolyse des caséines par les
protéases extracellulaires d’E. coli P4 n’a pu être détectée. Aucune évolution des profils
électrophorétiques des différentes caséines n’a pu être en effet observée (figure 26). Cette expérience
n’a pas été réalisée avec les milieux extracellulaires de la bactérie cultivée dans le lait modèle
reproduisant l’inflammation de type mammite et le lait sain, étant donné le contenu déjà trop riche en
caséines de ces milieux. Le résultat obtenu confirmait donc l’absence d’activité caséinolytique
significative des quatre enzymes bactériennes extracellulaires mises en évidence.
Figure 26 : Profils électrophorétiques SDS-PAGE obtenus après l’incubation, pendant 0, 24 et 48 heures à 37°C,
de caséines totales (A), de caséines αs1(B), de caséines αs2(C) et de caséines β+κ(D), seules (Ctr) ou mélangées
dans un rapport 1/1 avec des milieux extracellulaires d’E. coliP4 cultivée 13 heures en milieu MS (ME-MS) et
10 heures en milieu LB (ME-LB).
La conclusion de cette étude est que, bien qu’une sécrétion effective d’au moins quatre
protéases extracellulaires capables d’hydrolyser les caséines ait été mise en évidence par
zymographie, les différents protocoles expérimentaux mis en œuvre n’ont pas permis de révéler une
activité caséinolytique significative d’E. coli P4. Ainsi, lors d’une mammite bovine, si le taux
d’expression de ces quatre protéases n’est pas augmenté ou si ces quatre protéases ne présentent pas
une activité protéolytique plus élevée sur les caséines (notamment les caséines oxydées) ou si d’autres
protéases ne sont pas exprimées en supplément in vivo, un rôle direct d’E. coli P4 dans la caséinolyse
du lait observée semble donc peu probable.
Dans le document
Recherche de déterminants génétiques permettant l'adaptation d'une souche Escherichia coli à la mamelle bovine
(Page 115-118)