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Les sources sur ce que l’on appelle « japonais ancien » (j¯odaigo 語, en japonais) (8e siècle) (voir Figure4.1 sur les états de langue en japonais) sont constituées princi-

palement de chants populaires et de poèmes, presque les seuls à être notés, quoique de façon non-systématique, en utilisant des phonogrammes (appelés ongana en japonais). Les textes relevant d’autres genres que la poésie étaient systématiquement notés en (hentai) kanbun. Aussi, nous présenterons tout d’abord les textes poétiques qui sont à la base de notre corpus.

Premièrement, on dispose de 240 « Chants de l’antiquité » (j¯odai kay¯o 歌謡), notés exclusivement en phonogrammes et consignés dans deux chroniques à la frontière de l’histoire et du mythe, la Chronique des choses anciennes (Kojiki 事記) (712) et les Annales du Japon (Nihon shoki 日曓書紀) (720). La première en comporte 112, la deuxième 128. Ce sont les premiers témoignages non-équivoques sur la langue japonaise ancienne, et également les plus précieux dans tout travail sur ce stade du japonais en raison de leur ancienneté. Le reste du texte est en hentai kanbun dans le cas du Kojiki, en kanbun dans le cas du Nihon shoki. Nous avons utilisé les éditions commentées de

Tsuchihashi [1957], Tsuchihashi [1972], Ogihara & K¯onosu [1973] et Tsuchi- hashi [1978]. Pour la traduction en français, dans le cas du Kojiki nous avons repris — après avoir consulté Chamberlain [1981]–celle de Shibata & Shibata [1997]. Dans le cas du Nihon shoki, nous avons traduit nous-même les chants en nous référant

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L’indice (V1ou V2) que l’on peut remarquer dans le cas des syllabes se terminant par l’une des

voyelles /i, e, o/ indique la série à laquelle appartenait la syllabe en japonais ancien, respectivement A (k¯o ) ou B (otsu乙). Cette indication est importante pour la reconstruction interne. Là où nous

avons l’indice 2, d’autres chercheurs utilisent un tréma, ou encore un digraphe censé se rapprocher de la prononciation hypothétique de ces syllabes (pour une présentation détaillée de la phonologie du japonais ancien voirMiyake[2003]). Lorsque l’indice est entre parenthèses nous ne disposons pas

d’attestations claires sur la série d’appartenance de la voyelle.

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Ainsi, le système utilisé en japonais ancien ressemble beaucoup à celui utilisé en akkadien (voir

4.3 Présentation des sources sur le japonais ancien à Aston[1972].

Ensuite, nous disposons de quatre poèmes contenus dans la biographie du prince Sh¯otoku J¯og¯u Sh¯otoku h¯o¯o teisetsu 宮聖徳法王帝説. Son auteur est inconnu, et sa compilation daterait du début de l’époque de Heian (794-1189), or les quatre poèmes semblent préserver une distinction phonologique qui disparaît au début du 8e siècle,

et sont ainsi à dater de la deuxième moitié du 7e siècle (Vovin [2005]). Le reste du

texte est en kanbun. Or, ces quatre poèmes ne contenant aucune trace des suffixes qui nous intéressent, ils ont été enlevés du sous-corpus d’occurrences de /+rV/.

En troisième lieu, nous avons vingt poèmes contenus dans les Fudoki 風土記, des- criptions géographiques des provinces japonaises au 8e

siècle, compilées entre 713 et 737. Le dialecte reflété est le japonais ancien de l’Ouest, à l’exception de deux poèmes qui semblent refléter le dialecte de l’Est. A part les poèmes, notés en phonogrammes, le reste du texte est en kanbun. L’édition utilisée est celle de Tsuchihashi [1957]. Pour la traduction en français, nous l’avons effectuée nous-même en nous référant à

Aoki [1997].

En quatrième lieu, nous avons le premier grand recueil de chants et poèmes, le Man’y¯osh¯u 万葉集. Achevé après 759 (date du dernier poème), mais dont les premiers chants sont datés de la fin du 5e siècle, il se compose de 20 volumes et contient 4516

chants de divers genres et époques. Malgré son caractère très hétérogène sur le plan linguistique, c’est notre deuxième source importante sur le japonais ancien après les Chants de l’antiquité. Or, seul un tiers de ces chants est noté exclusivement en pho- nogrammes. Il s’agit des chants des volumes 5, 14, 15, 17, 18 et 20. C’est uniquement les chants de ces volumes qui ont été intégrés dans notre corpus. Il faut noter en outre que tout le volume 14 et une partie du volume 20 renferment des chants des provinces de l’Est, et reflètent donc les dialectes de l’Est. Ces chants sont connus sous les noms respectifs de d’Azuma uta 東歌 ou « chants des provinces de l’Est » et Sakimori no uta 防人歌. Nous avons utilisé les éditions de Kojima et al. [1994-96] et Satake

et al.[1999-2004]. Pour la traduction en français nous avons repris celle deSieffert

[1997-2002].

En cinquième lieu, nous disposons de vingt-et-un poèmes gravés sur une pierre dans le temple Yakushiji 薬師寺 à Nara, et appelés Chants sur la pierre [portant] le(s) pas de Bouddha (Bussokuseki no uta 仏足石歌). On suppose qu’ils ont été gravés en 753, comme l’indique la pierre voisine portant la trace des pas de Bouddha. Ils reflètent une variante tardive de japonais ancien. Nous avons utilisé l’édition de Tsuchiha- shi [1957]. Pour la traduction en français, nous l’avons effectuée nous-même en nous référant à Miller [1975].

Et pour finir avec le genre poétique, nous avons les huit poèmes du Shoku Nihongi 続日曓紀, la suite du Nihon shoki, compilée en 797. Ces poèmes reflètent également le japonais ancien tardif. Nous avons utilisé l’édition de Tsuchihashi [1957] et nous avons effectué la traduction en français nous-même.

Pour ce qui est de la prose, nous ne disposons malheureusement pas de textes qui soient notés entièrement à l’aide de phonogrammes, la prose étant restée longtemps l’apanage du chinois classique9

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Or, il existe deux textes qui, quoique rédigés dans une sorte de hentai kanbun10

, notent en phonogrammes, de taille plus petite que le reste des caractères chinois, les particules du japonais, ainsi que la plupart des terminaisons verbales. Ces textes ne peuvent pas à notre avis être considérés comme étant de la prose, car il s’agit respectivement des « Rescrits impériaux » Senmy¯o 宣命 et des « liturgies shint¯o » Norito 祝詞.

Les Senmy¯o, inclus dans le Shoku Nihongi, contiennent 62 rescrits impériaux, allant de 697 à 789, la majorité datant du milieu du 8e siècle. L’édition utilisée est celle de

Aoki & al. [1989-98]. Pour la traduction, nous l’avons effectuée nous-même en nous référant à Zachert [1950].

Les Norito représentent un ensemble plus hétérogène, dont seules les quinze pre- mières liturgies contenues dans le volume 8 des « Cérémonies de l’ère Engi » Engishiki 延喜式(927) reflètent le japonais ancien d’avant le milieu du 8

e

siècle. L’édition utili- sée est celle de Takeda[1958]. Pour la traduction, nous l’avons effectuée nous-même en nous référant àBock [1972]11.