• Aucun résultat trouvé

Chapitre II : LES OBJECTIFS ET LES METHODES MISSIONNAIRES DANS LE VICARIAT

Section 3 Présentation de l’archidiocèse de Bukavu

L’archidiocèse de Bukavu, dont l’élément humain principal est constitué de la ville de Bukavu, sur la rive sud du lac Kivu, chef-lieu de la province du Sud-Kivu et ancienne capitale provinciale du grand Kivu72, occupe la partie orientale du pays, au sein d’une région magnifiquement jalonnée de montagnes

et de vallées qui s’étendent depuis les forêts de l’Urega au Sud, en limite avec le diocèse d’Uvira, jusqu’aux premières savanes post-forestières de Kalehe. Toute la partie ouest du diocèse est forestière et le limite avec le diocèse de Kasongo par le parc national de Hahuzi-Biega, tandis que la partie centrale et septentrionale savanière et montagneuse le limite avec le diocèse Goma.

A l’Est, il est limité avec le Rwanda par le lac Kivu et la rivière Ruzizi, qui fait jonction entre le lac Kivu et le lac Tanganyika, limite le diocèse de Bukavu avec le Burundi.

72 Dans le cadre d’un plan national de découpage terrirorial et de décentralisation, en 1988, le gouvernement zaïrois à l’époque avait choisi le Kivu comme région- test, qui donna ainsi naissance à trois nouvelles provinces, à savoir le Maniema (avec Kindu comme chef-lieu), le Nord-Kivu (avec Goma comme chef-lieu) et le Sud-Kivu (avec Bukavu comme chef-lieu).

143

A. Situation géographique, socioculturelle et économique

Il me semble capital de décrire la situation géographique, socioculturelle et économique de mon milieu d’étude pour bien cerner l’origine de l’encrage de l’assistance financière de l’Eglise du Congo, en particulier l’archidiocèse de Bukavu.

1. Aspects géographiques

L’archidiocèse de Bukavu fait partie intégrante du Kivu montagneux, dans la province du Sud-Kivu, à l’Est de la RDC. Il s’appuie sur le Graben des Grands lacs, aux bords sud-ouest du lac Kivu, à une altitude de 1 500 mètres, entre les 2è et 3è parallèles Sud, et à l’ouest du 22è méridien. Le relief se présente comme une suite de montagnes et collines vallonnées qui s’inclinent en une pente douce depuis les hauteurs du pays Bushi-Buhavu jusqu’au lac Kivu.

Le climat de type tropical tempéré ne dépassant pas 22°, se caractérise par l’alternance régulière d’une saison sèche et d’une saison de pluie. Le trait dominant de la végétation de ce territoire : seule la partie ouest de la région à partir de 40 km de la ville de Bukavu est encore couverte de forêt, le reste étant très peuplé et donc dépourvu de végétation, si ce n’est le maigre tapis herbeux clairsemé entre les habitations mais surtout la bananeraie, élément socioculturel caractéristique de tout l’Est de la RDC, Rwanda, Burundi, Ouganda.

Quant au sol, il est argileux et généralement très pauvre au sud (Kabare, Walungu, Burhale, Nyangezi, Luhwinja, Kaziba), ce qui, bien sûr, rend le terrain peu fertile à l’agriculture, sauf les parties nord et ouest du diocèse (Murhesa, Mudaka, Katana, Idjwi, Kalehe, Kalonge, Bunyakiri), greniers de la ville de Bukavu. Sa population est estimée à environ 1 500 000 habitants pour une superficie de 8 815 km², d’où une densité moyenne de 170 habitants au km², une des plus élevées du Congo et de l’Afrique centrale. Ainsi se présente très succinctement la géographie physique de ce diocèse dont le territoire est un milieu naturel aux aspects physiques peu variés, archaïques, ne laissant pas voir de contraste entre les paysages de la ville et ceux de la campagne. Quant à sa géographie humaine, elle présente trois formes sociales : politique, économique et culturelle.

2. Aspects socioéconomiques

La situation socioéconomique dans la région du diocèse de Bukavu est étroitement liée à celle que connaît l’ensemble des autres régions du pays : un niveau économique très faible consécutivement au sous-développement qui caractérise la RDC. Ceci est encore plus aggravé, d’une part, par l’instabilité politique et la mauvaise gouvernance que connaît le pays depuis son accession à l’indépendance en 1960 ; d’autre part, par l’arrivée massive des réfugiés rwandais sur le territoire congolais en 1994, suivie des guerres récurrentes imposées à la RDC dont les conséquences socioéconomiques sont inestimables, surtout dans les régions du Kivu, et plus particulièrement dans le diocèse de Bukavu.

144

Par ailleurs, la crise mondiale récente a affecté encore douloureusement une économie qui était déjà moribonde, comme on en trouve dans des régions affectées par des rébellions et des guerres dans bon nombre de pays africains au sud du Sahara. Plus de 80% de la population du diocèse de Bukavu est rurale et vit principalement de l’agriculture et de l’élevage. La partie riveraine du diocèse pratique la pêche traditionnelle des poissons et petits-poissons sur le lac Kivu. D’autres espèces de crustacés pêchées sur le lac Tanganyika sont largement consommées dans la ville de Bukavu. La population vit sous un régime économique d’autosuffisance dans lequel fonctionne un fragile système d’économie de marché auquel les gens sont intégrés de manière désarticulée.

La situation politique et économique générale de la RDC sur laquelle s’est greffé l’épineux et dramatique problème des réfugiés rwandais ne fait qu’aggraver le sort déjà sombre de Bukavu. Certes, il existe une classe d’hommes suffisamment nantis, parmi lesquels les hommes politiques, les officiers supérieurs de l’armée ou de la police, les commerçants, mais la pauvreté dans la région est générale et les problèmes qu’elle engendre sont énormes : le manque d’emplois affecte tragiquement les jeunes diplômés des grandes écoles et universités du pays ; la délinquance juvénile est en forte croissance avec une présence accrue et inquiétante des enfants de la rue (les mayibobo).

L’incertitude générale et angoissante a déjà gagné la population composée majoritairement de jeunes dont l’âge moyen varie entre 15 et 25 ans, qui n’arrivent pas à trouver leur place dans la société ou à s’en faire préparer une. Dans les espaces où la production agricole est suffisante, l’inexistence d’infrastructures pour la desserte vers les marchés urbains de consommation entraîne des pertes énormes des produits agricoles et un prix de revient insignifiant. Ce qui fait que producteurs et chômeurs ne sont vraiment pas économiquement différents.

3. Aspects socioculturels

Bukavu, ville administrative et fortement universitaire73, est peuplée de fonctionnaires, d’étudiants, d’un nombre moins important de commerçants par rapport à celle voisine de Goma, d’ouvriers et d’une grande majorité de chômeurs parmi lesquels un très grand nombre de femmes au foyer et de jeunes diplômés. 60% de cette population est composée de jeunes de moins de vingt ans et d’enfants.

73 Actuellement on compte dans la ville de Bukavu trois grandes universités (l’Université Catholique de Bukavu, UCB, l’Université Evangélique d’Afrique, UEA, l’Université Officielle de Bukavu, UOB) et une dizaine d’Instituts Supérieurs (dont les principaux sont l’Institut Supérieur Pédagogique, ISP, l’Institut Supérieur de Développement Rural, ISDR, l’Institut Supérieur des Techniques Médicales, ISTM).

145

Capitale politique et administrative du Sud-Kivu, elle n’a cependant pas la plus grande importante ressource humaine de l’archidiocèse de Bukavu, puisqu’elle ne compte que 920 200 habitants74. Ville

cosmopolite bâtie sur le territoire de la tribu shi, trois grands groupes dominent la population congolaise: les Bashi, les Barega et les Bahavu. En dehors de ces dominantes, il faut compter quelques minorités, notamment les Baluba, les Bacongo, les Banande, les Bavira, les Bafulero, dont beaucoup sont employés dans les services publics ou privés, d’autres sont des commerçants.

Depuis près de deux décennies, beaucoup d’étrangers venant d’Afrique et des autres continents y vivent et y travaillent aussi dans les organismes internationaux et les organisations non gouvernementales (ONG), tant nationales qu’internationales venues pour divers motifs. C’est le cas de Casques Bleus et/ou hommes d’affaires Pakistanais, Indiens, Libanais, des coopérants et des acteurs de la vie religieuse, membres de différentes congrégations venus de l’Europe (Italie, Espagne, France, Belgique, Croatie), ainsi que des jeunes Rwandais et Burundais en quête d’instruction scolaire dans les écoles secondaires et institutions d’enseignement supérieur et universitaire.

L’évangélisation de l’archidiocèse de Bukavu se fait en Mashi et en Kihavu, deux langues bantu très voisines ne présentant comme différence que des variantes locales concernant l’intonation et certaines locutions. C’est le Swahili qui est parlé dans les paroisses de la ville de Bukavu, car elles regroupent des gens provenant d’autres régions et ethnies du Congo.

Cela dit, le diocèse de Bukavu présente, dans son ensemble, une homogénéité culturelle favorable à l’inculturation du message évangélique (Kulimushi, R., 1998 :157). On se trouve ainsi confronté à une situation culturelle dualiste et ambiguë. D’un côté, les intellectuels et les citadins souffrent d’une crise morale et socioculturelle qui se traduit par une perte d’identité75.

74 Statistiques de l’archidiocèse de Bukavu : Janvier 2014. Les données de recensement démographiques de 2005

préparatoires aux élections générales de 2006-2007 faisaient état de 600 000 habitants, soit une augmentation de 53,33% en moins d’une décennie.

75 Ce constat est patent pour les membres de l’ethnie shi habitant la ville de Bukavu. Un très grand nombre de leurs enfants et jeunes nés à Bukavu ne connaissent pas la langue maternelle de leurs parents ou grands-parents, le mashi, ne parlant que français et swahili, sentant même la honte de la parler ou estimant que c’est arriéré de l’apprendre. Les parents refusent d’envoyer leurs enfants au village par peur de la sorcellerie et d’autres dangers dont ils peuvent être victimes de la part des jaloux. Ce mépris de sa langue maternelle et de son village du Mushi n’est pourtant pas observable dans les autres ethnies vivant dans la ville de Bukavu (lega, nande, luba…).

146

De l’autre, les masses de paysans encore profondément enracinées dans la culture traditionnelle se sentent désemparées devant l’agression de la modernité76. Ce constat permet de comprendre en partie les

phénomènes sociaux tels que l’exode rural, le syncrétisme religieux, la prolifération des sectes dans la ville de Bukavu, la délinquance juvénile, le banditisme, les rébellions dans la région, etc. La culture traditionnelle locale influence encore profondément les personnes, tant et si bien qu’à côté du droit conventionnel de l’État, il existe un droit traditionnel ou coutumier. La légitimité de ce dernier dans la législation congolaise n’est pas totale.

En effet, tantôt l’État le reconnaît et l’officialise, tantôt il le rejette ou s’y oppose. Le statut politique des chefs de localités, les chefs de groupements de villages, et les chefs de collectivités, les Bami, reste flou dans plusieurs pays africains. Le même constat est fait, dans le contexte camerounais, par Mgr Christophe Zoa, évêque de Sangmélima, qui remarque que les chefs coutumiers se sentent lésés, déchus de leur pouvoir et se lamentent que soient altérés, les principes immuables de la tradition des ancêtres ou des pères fondateurs de la Nation (Zoa, C., 2006 :57).

Un autre écueil qui mérite d’être relevé s’exprime par des préjugés d’infériorité de la femme par rapport à l’homme, inculqués, par l’éducation traditionnelle, depuis l’enfance. A la femme sont appliqués des interdits alimentaires, notamment ceux de tous les grands mets délicieux77. Enfin, nous pouvons ajouter

la question de la dot qui reste, au Bushi comme dans toute l’Afrique centrale, un véritable cauchemar pour les jeunes garçons et dégénère vite en une sorte de commerce transformant la femme en un objet de vente ou d’achat. Ici, la dot est versée par le futur époux (Vincent, J.F., 1976; Binet, J., 1956; Baumann, H. et Westermann, D., 1970). Dans le cadre de la scolarisation, devant la modicité des revenus des parents, le choix est vite fait et sans état d’âme : on « sacrifie », on délaisse plus facilement une fille qu’un garçon à l’idée que la fille a moins de valeur qu’un garçon, ou qu’elle ne sera pas rentable à la famille, puisqu’elle ira enrichir la famille de son mari.

Mais peu à peu les femmes jadis exclues des assemblées de dialogue, de réflexion et de consultation en système traditionnel, commencent à émerger socialement, même si dans des partis politiques leur poid numérique reste infime.

76 L’abondante littérature sur le mouvement de la négritude permet de saisir la problématique suscitée par le choc des cultures en Afrique. Le roman de Cheik Hamidou Kane, L’aventure ambiguë (Paris, Julliard, 1961), en est une des illustrations. Voir aussi Lilian Kesteloot, Anthologie négro-africaine. Panorama critique des prosateurs, poètes et

dramaturges noirs du XXè siècle, Verviers, Gérard et Co., coll. « Marabout Université », 1967 ; Négritude et situation coloniale, Yaoundé, Clé, coll., « Point de vue », 1970.

77 Dans les milieux traditionnels shi, la coutume interdit à la femme de manger du poulet « engoko », de l’œuf « iji » et même du lait de vache « amarha », sous prétexte de les préserver d’une éventuelle inclinaison au vol !

147

C’est ainsi que se présentent les formes sociales politiques du territoire du diocèse de Bukavu. Il paraît non seulement assez peuplé et cosmopolite dans la relative diversité de ses habitants, au moins en ville, mais encore il a une double organisation sociale qui fonctionne plus ou moins en harmonie : l’ordre traditionnel des tribus qui la composent et l’ordre conventionnel de l’État. L’espace socioculturel et économique que je viens de décrire a eu une histoire complexe et dans lequel s’est exercée l’évangélisation depuis plus d’un siècle.

B. L’action pastorale actuelle de l’archidiocèse de Bukavu

La géographie pastorale de l’archidiocèse de Bukavu fournit quatre figures observables permettant de qualifier cette Église particulière : ses membres, son organisation, sa foi ou la manière dont cette foi est vécue, et l’engagement dans la cité temporelle à travers ses services et ses activités.

1. La hiérarchie

Rappelons avec Richard Kulimushi (1998 :158) que l’archidiocèse de Bukavu est l’héritier juridique du vicariat apostolique du Kivu. Celui-ci fut érigé le 26 décembre 1929, de la division du vicariat apostolique du Haut-Congo. Devenu vicariat apostolique de Costermansville, il sera à son tour divisé successivement le 10 janvier 1952 (érection du diocèse de Kasongo), le 30 juin 1959 (érection du diocèse de Goma) et le 16 avril 1962 (érection du diocèse d’Uvira). Il prend le nom de Bukavu le 6 janvier 1954 et est érigé en diocèse le 10 novembre 1959.

L’archidiocèse de Bukavu appartient à la province ecclésiastique du Kivu et en est l’Église métropolitaine, les Églises suffragants étant : Butembo-Beni78, Kasongo, Kindu79, Goma et Uvira. Sur

une population totale de la province du Sud-Kivu évaluée à 4.614.768 habitants80, le nombre de fidèles catholiques de l’archidiocèse de Bukavu est estimé actuellement environ 920 200 âmes, soit 51% de la population du diocèse et 19, 82% de toute la population du Sud-Kivu81. Cela représente une proportion très sensible par rapport aux années 1993-1994 où les chrétiens de cette Église locale étaient de 700 000 de fidèles, soit une augmentation du nombre des baptisés de 31,5% en deux décennies.

78 Beni, d’abord mission indépendante le 9 avril 1934 par division du vicariat apostolique de Stanley-Falls, puis vicariat apostolique le 9 février 1938, devint diocèse de Beni le 10 novembre 1959, puis Butembo-Beni à la suite du transfert du siège à Butembo le 7 février 1967.

79 Vicariat apostolique le 23 avril 1956 par division des Vicariats Apostoliques de Kongolo et de Stanleyville, il fut érigé en diocèse le 10 novembre 1959.

80 Cf. Estimations de la population du Sud-Kivu en 2015. Cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/Sud-Kivu [Consulté le 10/10/15]. 81 Au vu de ce pourcentage, l’on serait tenté de dire que les chrétiens ne représentent pas grand-monde à l’est de la RDC. Les chiffres que je donne ici ne concernent que l’archidiocèse de Bukavu, par rapport à la population du Sud-Kivu qui comprend aussi tout le diocèse d’Uvira, une partie du diocèse de Kasongo et une partie du diocèse de Goma.

148

Les raisons de cette augmentation sont: l’essor démographique entraînant davantage de naissances, la baisse de la mortalité infantile, le progrès de l’action sanitaire et sociale, grâce aux prestations médicales fournies par les 11 hôpitaux et autres formations médicales (centres de santé, maternités et dispensaires, au nombre de 124) sous gestion du Bureau Diocésain des Ouvres Médicales (BDOM), l’amélioration de l’espérance de vie.

Enfin, malgré les chiffres annuels d’ordinations sacerdotales82 et des consécrations religieuses locales,

par rapport aux besoins pastoraux qui restent énormes, l’on ne saurait entériner l’assertion de certains acteurs, notamment les quelques missionnaires occidentaux encore présents dans le milieu qui estiment que l’Église locale de Bukavu a déjà suffisamment des prêtres pour continuer à en ordonner d’autres. Le problème n’est pas tant dans la quantité (les effectifs de prêtres diocésains) que dans la qualité (leur formation et leur encadrement spirituel et matériel). L’on observe aussi un engagement réel des laïcs dans l’Église locale de Bukavu parmi lesquels les animateurs de services centraux, les catéchistes, les responsables des mouvements d’apostolat des laïcs et d’associations des fidèles, les conseillers pédagogiques des écoles catholiques.

Les données de statistiques de 2014 signalent 222 prêtres missionnaires et religieux répartis dans 10 congrégations et 192 prêtres autochtones83, 503 religieuses réparties dans 24 congrégations et 3650 communautés ecclésiales de base (CEV).

En ce qui concerne la répartition des prêtres autochtones, les campagnes se taillent la part du lion, alors qu’elles sont totalement lésées concernant la présence des congrégations missionnaires et religieuses qui sont concentrées dans les paroisses urbaines, en particulier les deux paroisses de la commune d’Ibanda (la paroisse cathédrale et la paroisse de Nguba).

Les prêtres diocésains sont aidés dans leur apostolat par les Filles de Marie et les Filles de la Résurrection, deux congrégations religieuses autochtones qui sont majoritairement présentes dans les paroisses rurales. Leur présence auprès des populations meurtries par des attaques des rebelles et autres groupes armés est un témoignage rès édifiant et une grande consolation. Leurs vies sont chaque jour exposées autant que leurs frères prêtres autochtones84.

82 Depuis plus de deux décennies, il y a en moyenne cinq prêtres ordonnés chaque année dans l’archidiocèse de Bukavu. 83 Cf. La mise en place du clergé diocésain, année pastorale 2015-2016, du 25 août 2015 par l’archevêque Maroy.

84 On se souvient des massacres de Kasika de 1998 opérés par l’Armée Patriotique Rwandaise lors de la deuxième invasion du Congo par ses deux voisins rwandais et ougandais. Trois religieuses Sœurs de la Résurrection furent tuées, un prêtre autochtone et le chef coutumier de cette collectivité et une centaine de chrétiens, tous refugiés dans une église.

149

La concentration quasi totale en ville des congrégations missionnaires religieuses s’est accentuée à partir de 1994 avec l’arrivée massive des réfugiés rwandais sur le sol congolais qui a marqué le début du calvaire des populations congolaises des milieux ruraux qui sont plus qu’en ville exposés aux attaques incessantes desdits groupes armés d’origine rwandaise et congolaise.

Du point de vue économico-financier, il y a une véritable distorsion entre les paroisses de la ville entre elles-mêmes et par rapport à celles des campagnes. Alors qu’en ville on peut facilement récolter en termes d’offrandes des chrétiens le dimanche jusqu’à 500 dollars américains, par exemple à la paroisse de Kadutu ou d’Ibanda, on arrive à peine à 100 dollars dans la paroisse de Bagira.

L’écart est encore très considérable quand il s’agit des paroisses rurales comme Burhale, Kabare, Bumpeta ou Ihusi-Kalehe où on atteint à peine 20 dollars par offrandes dominicales données par les fidèles. Cela pose de sérieux problèmes de gestion du personnel sacerdotal et son placement par l’autorité diocésaine, comme nous aurons le temps de l’analyser dans la troisième partie de cette étude, au huitième chapitre. L’encadrement matériel insuffisant pour ne pas dire nul du clergé autochtone par à la hiérarchie du diocèse risque de mettre en péril le travail pastoral de ce clergé pourtant très engagé.

2. Organisation ecclésiastique

Cette figure révèle quelques structures et groupes organisés dont les plus remarquables sont : les doyennés, les paroisses, les postes centraux, les conseils, les associations de fidèles et des mouvements