• Aucun résultat trouvé

Quand, à l’aube de la « deuxième évangélisation » du Congo, les premiers missionnaires s’établirent dans le Bas-Congo, ils se rendirent assez vite compte qu’ils n’y étaient pas entièrement des nouveaux venus et qu’ils pouvaient appuyer leur prédication sur les vestiges et souvenirs laissés par plus de trois siècles d’une évangélisation antérieure. L’histoire de cette première évangélisation, qui remonte à la « découverte » de l’embouchure du fleuve Congo en 1483 par le navigateur portugais Diogo Câo, est moins connue que sa légende, mais elle n’est, tout compte fait, pas moins belle. Elle est en outre, comme toute page d’histoire de l’humanité, « magistra vitae », riche en enseignements valables pour l’Église en Afrique centrale aujourd’hui et demain (Beeckmans, R., 1980 :389).

53

La première évangélisation catholique du Congo s’est déployée en deux temps : d’abord entre 1483 et 1835, ensuite à partir de 1880. La première activité missionnaire s’est limitée à la zone côtière occidentale, soit le pays allant de l’océan Atlantique à la rivière Inkisi. Pendant plus de deux siècles environ, 400 missionnaires se succédèrent au Congo, depuis les Franciscains (1491) jusqu’aux

Récollets (1674) en passant par les Jésuites (1544), les Dominicains (1570), les Carmes (1584), les Tertiaires de Saint-François (1604), tous Portugais, puis les Capucins (1645) italiens et espagnols

envoyés par la Propagande (Ndaywell, I., 1998 :345).

En m’inspirant largement des travaux de François Bontinck et du Père René Beeckmans (1980 : 389- 411) consacrés justement à la première évangélisation du Congo(1483-1835), je me limite à donner en trois étapes les grandes lignes qui l’ont caractérisée, à savoir la christianisation du Royaume du Kongo (1483-1543), la chrétienté congolaise à la recherche de son second souffle (1543-1645), et la « Missio antiqua » des Capucins au Kongo (1645-1835).

A. La christianisation du Royaume du Kongo (1483-1543)

On croit savoir aujourd’hui que le navigateur portugais Diogo Câo est arrivé début août 1483 à l’embouchure du fleuve Congo, qu’il nomme Rio Poderoso (Fleuve puissant)16. Sur la rive gauche, il

plante, au nom du roi Joâo II du Portugal (1481-1495), une stèle commémorative appelée padrâo, destinée à attester la priorité de la découverte portugaise. Ce padrâo porte la date de 1482, qui est celle du mandat royal donné à Diogo Câo et non pas, comme on l’a pensé pendant longtemps, la date de l’arrivée de l’explorateur17. Il semble que son aumônier de bord ait eu l’occasion d’éveiller l’intérêt de

la population locale pour la religion chrétienne. Des jeunes notables kongo furent amenés à Lisbonne, y apprirent le portugais et reçurent en même temps une première instruction chrétienne et le baptême. Il y eu d’échange des cadeaux entre les deux rois. Le roi Kongo avait par son ambassadeur Kasuta exprimé à Joâo II du Portugal le désir de voir arriver dans son royaume des missionnaires.

16 C’était la pratique courante des explorateurs portugais et à leur suite, les espagnols, hollandais, anglais, etc., de débaptiser les lieux qu’ils découvraient. Beaucoup de pays, d’endroits, … portent encore aujourd’hui ces dénominations. Ainsi le nom de Cameroun vient du portugais Río dos Camarões signifiant «rivière aux crévettes» en raison de l’abondance de ces crustacées dans l'estuaire du Wouri, qui a valu à ce fleuve cette appellation. Le mot Camaroes aurait ensuite évolué en Camarones en portugais, puis Kamerun sous la colonisation allemande, enfin en Cameroon (en anglais) et Cameroun (en français). Les côtes camerounaises furent explorées en 1472 par le Portugais Fernando Pó. C'est lui qui baptisa l'estuaire du Wouri le Rio dos Camarões.

17 D’après Beeckmans à la suite de Bontinck, la première découverte de l’embouchure du Congo serait antérieure à 1483, puisque le roi du Portugal en avait déjà connaissance en 1482. Cette première découverte, disent les deux auteurs, aurait été tenue secrète à Lisbonne, en attendant que le roi puisse l’exploiter. Cf. Bontinck, F., « Le Zaïre « découvert » avant Diogo Câo ? », dans Africa, Rome, XXXi (1976 : 347-365).

54

Or en vertu du « droit de patronage » (padroado. Cf. Annexe 2)18 qui lui avait été octroyé par plusieurs

bulles pontificales, le roi du Portugal était considéré par le Pape comme le premier responsable de l’évangélisation des « terres nouvelles ».

Joâo considérait ce privilège comme un atout majeur pour se concilier, à la faveur du rapprochement religieux, de solides alliances politiques, militaires et commerciales. Il mit donc sur pied une grande expédition missionnaire qui prendra le large le 19 décembre 1490, à bord de trois caravelles. L’expédition comprenait évidemment des prêtres, séculiers et réguliers, dont on ne connaît pas précisément le nombre, mais aussi des gens de métier tels que maçons, charpentiers, agriculteurs … avec leur équipement, « un modèle réduit de la société européenne, nous dit Georges Balandier, qui se voulait ainsi exporté, afin de pouvoir façonner la société et la civilisation du Congo à son image » (1965 :72). Il y avait aussi des militaires à bord, ainsi qu’un ambassadeur du Roi du Portugal, qu’accompagnait Kasuta, l’ambassadeur Kongo (Beckmans, R., 1980 : 391). Ainsi commençait la christianisation du Royaume du Kongo, dont la famille royale se trouve être les pionniers.

1. Le baptême de la famille royale

Le 3 mai 1491, en la fête de l’Invention de la Sainte Croix, le roi du Kongo, Nzinga Nkuwu fut baptisé à Mbanza Kongo sous le nom de Joaô (Jean), prénom du Roi du Portugal. On l’appellera désormais Dom Joâo (Ndonzwau). La Reine Nzinga a Nlenza fut baptisée un mois plus tard, le 5 juin, sous le nom de Dona Eleonor, la reine du Portugal. On ignore la date exacte du baptême du prince héritier Mvemba a Nzinga, Dom Afonso (Ndofunsu) qui était gouverneur du Nsundi et résidait dans la capitale de cette région, Mbanza Nsundi, sur la rivière Inkisi, en aval de l’actuelle Kisantu.

A la suite de la famille royale, plusieurs nobles de la Cour royale se firent baptiser. La population suivit ses chefs et le royaume du Kongo devint officiellement un royaume chrétien à l’instar de ce qui était arrivé quelque mille années auparavant au royaume des Francs, suite au baptême de Clovis en 496, événement qui mérite à la France le titre de « Fille aînée de l’Église ».

18 L’origine du padroado est, selon Jean Comby (1992 : 87-99) à situer dans les motivations culturelles et religieuses du grand départ missionnaire des temps modernes (XVe-XVIIIe siècle). Dans le passé et tout au long du XVe siècle, la papauté avait concédé aux souverains portugais des bulles de croisade qui leur accordaient la possession des terres conquises sur les infidèles avec le droit et le devoir de mettre en place des établissements chrétiens (églises, monastères…) dans ces mêmes lieux. Croisade, colonisation et évangélisation sont clairement associées. Pour couper court aux éventuelles contestations des Portugais, les souverains espagnols, Isabelle et Ferdinand, obtiennent du pape Alexandre VI Borgia, d’origine espagnol, plusieurs bulles qui reconnaissent à l’Espagne la souveraineté sur les terres découvertes par Christophe Colomb et leur confient la charge d’évangéliser les habitants.

55

Faisant le rapprochement entre le baptême du roi des Francs et celui du Kongo avec ce qui s’ensuivit, le pape Paul VI a un jour déclaré que « le Zaïre est le fils aîné de l’Église en Afrique noire. » (Beckmans, R., 1980 :392). Comme cela avait été voulu par le roi du Portugal, le baptême de la famille royale Kongo, avec l’adoption des prénoms de la famille royale portugaise, scella en même temps entre les deux royaumes une alliance politique, commerciale et militaire qui allait aussitôt se montrer fructueuse.

En octobre 1491, après le départ de la flotte portugaise, profitant d’une première christianisation du royaume Kongo menée très superficiellement par les missionnaires, le parti « traditionaliste » revint à la charge, appuyé par un fils du roi, Mpanzu Nzinga, qui avait refusé le baptême. Le roi se laissa convaincre et revint à ses croyances ancestrales, polygamie, fétichisme.

Ce retour aux traditions ancestrales illustrait le fragile équilibre à peine instauré par une nouvelle religion insuffisamment établie dans une contrée dont les traditions séculaires étaient encore vivement dynamiques, homogènes et fortement ancrées dans la vie des populations africaines pour céder facilement aux éléments apportés par une culture d’Outre-Mer. Par contre, la conversion du prince héritier Dom Afonso avait été sincère et profonde.

A cause de l’aversion du roi contre lui, Dom Afonso dut se réfugier dans sa capitale de Mbanza Nsundi, et avec lui les missionnaires et quelques vrais fidèles. C’est à Mbanza Nsundi aussi que naquit, vers 1495, Dom Henrique (Kinu a Mubemba), le fils de Dom Afonso, qui deviendra, en 1521, le premier évêque noir des temps modernes19.

2. Le règne de Dom Afonso, « Apôtre du Kongo » (1506-1543)

A la mort de Dom Joâo, vers 1506, les « traditionalistes » se liguèrent pour désigner comme son successeur Mpanzu Nzinga resté païen, demi-frère de Dom Afonso. Mais celui-ci refusa de se laisser faire. Il décida de marcher sur Mbanza Kongo pour y conquérir de force le trône auquel il avait droit. Mais il n’avait pour armée que trente-sept « gentilhommes » chrétiens accompagnés de leurs serviteurs. Dom Afonso la racontera lui-même dans une lettre adressée en 1512 aux seigneurs de son royaume (Jadin Louis ; Dicorato Mireille, 1974 :55-56. Cf. Annexe 3)

19 Il y eut, en Nubie médiévale, pendant plusieurs siècles, des évêques noirs. Voir P. de Meester, « Une église florissante retrouvée au Soudan », dans Telema, Kinshasa, n° 21, janvier-mars 1980 : 19-24. Voir aussi P. de Meester, l’Église

56

Légende ou réalité vécue ? Une version moins épique de son accession au trône royal nous est fournie par Joseph-Gorges De Benoist qui évoque plutôt la manœuvre intrigante de la Reine Eleonor : « Mais en 1493, Joâo n’accepta pas de rester monogame, il retourna au paganisme et, avec son fils Mpanzu Akitimo Nzinga, qui avait refusé le baptême, il prépara l’expulsion des chrétiens, de plus en plus nombreux au Soyo et au Nsundi, dont les rois étaient restés fidèles à leur baptême. En 1506, le Mani Kongo mourut, sa veuve Léonor, restée chrétienne, cacha le décès jusqu’à ce qu’Afonso, le Mani du Nsundi soit entré secrètement dans la capitale et ait rallié ses partisans au nom de Jésus et de Santiago pour battre la grande armée que son frère Mpanzu Akitimo Nzinga avait rassemblée autour de la ville. Il remporta la victoire et devint roi. Ainsi commençait l’histoire du royaume chrétien du Kongo. » (1991 : 41).

La victoire remportée de façon surprenante par le prince héritier chrétien sur son demi-frère païen fut attribuée, tant par les Portugais que par les Kongo, à une intervention miraculeuse de saint Jacques de Compostelle, patron des armées ibériques (Bontinck, F., 1980 : 28). Aussi a-t-on parfois attribué au vainqueur, de son vivant, le titre de novus Constantinus, le nouveau Constantin, parce que Dom Afonso,

« par sa victoire sur Mpanzu, garda au royaume Kongo son caractère chrétien et lui assura sans doute aussi son indépendance jusqu’au XIXe siècle » (Idem, 1979 : 16).

C’est un fait aussi que d’après plusieurs auteurs, Ndofunsu est connu dans la tradition orale Kongo comme le plus grand roi d’autrefois. Le royaume Kongo s’étendait approximativement de l’Océan atlantique à la rivière Kwango, et était limité au nord par le fleuve Congo et au sud par le Bengo (ou par le Dande). La population, qui n’avait pas encore été décimée par la traite des Noirs, était estimée à l’époque à 4 000 000, chiffre évidemment sujet à caution (Ibid. : 12).

Tout au long de son long règne, le roi allait se consacrer presque exclusivement à l’évangélisation de son peuple et à son éducation chrétienne en profondeur. Il avait opté délibérément pour la religion nouvelle et le modernisme, voulant calquer son État sur le Portugal. Il crée des écoles, envoie étudier au Portugal des nobles, dont son fils Henri. Ce dernier deviendra-j’en parlerai longuement- le premier évêque noir des temps modernes (1521). Mais, comme le fait remarquer Jean Comby, le Portugal, comme toutes les autres nations occidentales, n’accorde pas gratuitement ses bienfaits; il exige le monopole du commerce et veut être payé en cuivre, ivoire et surtout en esclaves.

3. Recherche de l’autonomie d’une jeune Église compromise par la traite des esclaves

Le roi voudrait l’autonomie de son Église, mais le Congo dépend de l’évêché de l’île de Sao Tomé (1534), pivot du trafic négrier. Le roi se rend compte que le commerce - et particulièrement la traite des esclaves - fausse complètement l’évangélisation. Les missionnaires eux-mêmes participent à la traite : comme ils sont payés en coquillages, monnaie sans valeur à l’extérieur du royaume, ils les convertissent en esclaves qu’ils vendent à Sao Tomé (1992 : 119). La correspondance du Mani Kongo avec le roi du Portugal, une trentaine de longues lettres, en témoigne.

57

Il se rend progressivement compte qu’à part l’envoi « de prêtres et de quelques personnes pour enseigner dans les écoles », il n’a rien à espérer de bon des relations commerciales avec le Portugal. Ces citations sont empruntées à une lettre de Dom Afonso au roi du Portugal, Dom Joâo III, datée du 6 juillet 1526, dont le passage suivant résume fort bien le caractère tragique de la situation, et la volonté d’y porter remède :

« Nous ne mesurons même pas toute l’importance de ce dommage, car les marchands enlèvent chaque jour nos sujets, enfants de ce pays, fils de nos nobles et vassaux, même des gens de notre parenté. Les voleurs et hommes sans conscience les enlèvent dans le but de faire trafic de cette marchandise du pays, qui est un objet de convoitise. Ils les enlèvent et ils les vendent. Cette corruption et cette dépravation sont si répandues que notre terre en est entièrement dépeuplée. V. Altesse ne doit pas juger que cela soit bon ni en soi, ni pour son service. Pour éviter cet abus, nous n’avons besoin en ce royaume que de prêtres, et de quelques personnes pour enseigner dans les écoles et non de marchandises, si ce n’est du vin et de la farine pour le saint sacrifice. C’est pourquoi nous demandons à V. Altesse de bien vouloir nous aider et nous favoriser en ordonnant à vos chefs de factorerie de ne plus envoyer ici ni marchands, ni marchandises. C’est en effet notre volonté que ce royaume ne soit un lieu de traite ni de transit d’esclaves, pour les motifs énoncés ci-dessus » (Jadin, L. ; Dicorato, M., 1974 :156 Cité par Bontinck, F., 1980: 394).

Dans ses plaintes au roi du Portugal devenues récurrentes, le roi de Kongo Afonso Ier constate amèrement que le commerce et la traite des esclaves dénaturent l’annonce de l’Évangile. Ecoutons Georges Balandier nous les reproduire : « Nous demandons grâce à Votre Altesse de ne pas croire le mal que disent de nous ceux qui n’ont d’autres soucis que leur commerce, de vendre ce qu’ils ont acquis injustement, qui ruinent par leur traite notre royaume et la chrétienté qui s’y trouve établie depuis tant d’années et qui coûta tant de sacrifices à vos prédécesseurs. Ce grand bien de la foi, les rois et les princes catholiques comme Votre Altesse travaillent à le procurer à de nouveaux peuples. Nous sommes tenus de le conserver à ceux qui l’ont acquis. Mais cela se peut difficilement ici où les marchandises européennes exercent une fascination telle sur les simples et sur les ignorants, qu’ils laissent Dieu pour les accaparer. Le remède est la suppression de ces marchandises qui sont un piège du démon sur les vendeurs et sur les acheteurs. L’appât du gain et la cupidité amènent les gens du pays à voler leurs compatriotes, sans considération qu’ils soient chrétiens ou non. Ils les capturent, les vendent, les troquent. Cet abus est si grand que nous ne pouvons y remédier sans frapper fort et très fort. » (Cité par Balandier, G., 1965 : 72)

En lisant cette correspondance cinq siècles après, on est plein d’admiration devant la perspicacité de l’analyse de la situation que traverse son royaume, le sens de responsabilité et la force de caractère de ce roi africain qui n’avait que seul souci le bien-être de son peuple et la défense de ses intérêts.

Cette lettre on ne peut plus claire du roi Dom Afonso enlève tout prétexte aux négationnistes de la traite des Noirs par les Européens, qui allèguent que ce sont les chefs traditionnels eux-mêmes qui ont vendu leurs propres frères aux Européens, comme si les Africains étaient venus en Europe avec des esclaves à vendre ou pour y chercher des acheteurs.

58

Dans sa lettre, le roi parle des marchandises que les Portugais amènent dans son royaume, pourtant interdites par lui, et qui attirent la convoitise des voleurs et hommes sans conscience, donc des gens officieux opérant avec ou au compte des marchands portugais pour enlever et vendre chaque jour les sujets du roi, les enfants de son peuple, les fils de ses nobles et vassaux et même des gens de sa parenté. C’est pourquoi il demande avec insistance à son homologue portugais de ne lui envoyer que des prêtres et des enseignants et, d’un ton autoritaire et solennel, il interdit que son royaume ne soit ni un lieu de traite ni de transit d’esclaves. Et dire que nous ne sommes qu’au début de ce commerce qui a fait la honte de la race humaine, car il durera pendant des siècles !

A-t-il été entendu par son homologue portugais ? Pas si sûr. L’on sait seulement que beaucoup d’autres rois comme lui à travers le continent ont dû se battre sans succès durant des années à travers quatre siècles contre la traite de leurs peuples, mais l’histoire du vainqueur a écrit autre chose. Evidemment, comme l’atteste René Beeckmans, toute cette correspondance a été rédigée par Dom Afonso lui-même. Ses professions de foi et ses préoccupations d’évangélisation étaient-elles en réalité aussi sincères qu’il le déclarait dans ses lettres ? On pourrait en douter si on n’avait pas conservé à ce sujet un témoignage particulièrement qualifié et éloquent.

Il s’agit d’une lettre écrite le 25 mai 1516 à Dom Manuel du Portugal par le vicaire Rui de Aguiar, qui venait d’arriver à Mbanza Kongo comme supérieur ecclésiastique du royaume. A le lire, on voit que le témoin a été, dès son arrivée, absolument pris d’admiration pour le zèle apostolique vraiment exceptionnel de ce Roi qui semble avoir amplement mérité le titre d’« Apôtre du Kongo » que ses contemporains lui avaient attribué (Beeckmans, R., 1980 : 394). Le vicaire Rui de Aguiar parle abondamment du zèle apostolique du roi Dom Afonso (Jadin, L., Dicorato, M., 1974 : 116-118 cité Bontinck, F., 1980 : 395. Cf. Annexe 4).

4. La foi d’une jeune Église éprouvée par un personnel missionnaire insuffisant et moins vertueux

Pourtant, on ne peut pas dire que Dom Afonso avait eu la foi facile, en quelque sorte gâtée par les circonstances et la jouissance de son autorité royale. Au contraire, dès le lendemain de sa conversion et de son baptême, il avait dû souffrir persécution de la part de son propre père, le roi Nzinga Nkuwu, qui l’avait pris en aversion. Sa foi avait failli lui coûter son trône et même sa vie. Il eut aussi à subir des humiliations répétées de la part des commerçants à son égard. Tout cela, Dom Afonso le supporta afin de ne pas mécontenter son « frère » le roi du Portugal et d’en obtenir plus d’aide en hommes et en matériel pour l’évangélisation et l’instruction de son peuple.

A la fin de sa vie surtout, ses lettres témoignent de sa déception devant le prix qu’il avait eu à payer aux rois, aux fonctionnaires et aux commerçants du Portugal pour l’œuvre missionnaire. C’est finalement de

59

ce côté que sa foi a encore été le plus rudement mise à l’épreuve. Ces prêtres qu’il ne cessait d’appeler à tout prix en renfort, ajoute-t-il, étaient dans la plupart des cas franchement décevants, souvent