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3. LES AXES CONTINUITÉ/DISCONTINUITÉ

3.1 Présentation de notre démarche en lien avec les notions de continuité et de

Il convient à ce moment-ci de fournir une définition générique de la discontinuité culturelle ancrée en anthropologie (Bajaj, 2009; Cairney, 1994; Cholewa et West-Olatunji, 2008; Delgado-Gaitan, 1992):

The theory of cultural discontinuity, or cultural difference, suggests that cultural mismatches between teachers and students may result in difficulties in communication and interaction in the classroom (Jacob & Jordan, 1993). These differences, or mismatches, work against the literacy of students whose home culture does not reflect that of the school. (Cairney, 2002, p. 168).

Taylor et ses collègues (2008) l’inscrivent en regard des travaux de Sue et Sue sur le monoculturalisme ethnocentrique, concept qui exprime : « the individual, institutional, and cultural expression of the superiority of one group’s cultural heritage (e.g., its values, language, customs and practices) over another combined with the possession of power to impose those standards» (p. 281). Sous cet aspect, Tyler et ses collègues (2008) intègrent la dimension structurelle souvent éludée dans l’analyse de la discontinuité culturelle (Cairney, 2001). Ils décrivent le processus de discontinuité culturelle en référence à des activités sociocognitives et socioculturelles qui le caractérisent comme un « phénomène unique et dialectique.»26 (Ibid, p. 282). Ces activités se déroulent sur quatre plans constituant aussi des phases non linéaires:

1. La socialisation de l’enfant dans l’environnement familial.

2. Sa socialisation subséquente dans d’autres institutions, en particulier l’école, socialisation qui fait intervenir des activités scolaires, de nature socioculturelle, circonscrites autour de systèmes de valeurs « dominantes ».

3. La dévalorisation des activités familiales par les intervenants scolaires.

4. Le choix, conscient ou inconscient, de l’enfant d’adhérer à la culture « dominante » et de délaisser la sienne.

L’usage de la notion de plan s’appuie sur l’idée que les découpages effectués sont inclusifs, les unités d’un tout étant différenciées pour des fins scientifiques, mais considérées, en dernière analyse et sur un plan fonctionnel, dans leur rapport à l’ensemble, et elles sont contextualisées (Valsiner, 1987). Mentionnons que la culture, qui ne sera pas abordée sous l’angle de l’ethnicité à laquelle renvoient toutefois certains auteurs auxquels nous référons27, sera considérée, du point de vue de la psychologie culturelle et dans une logique écosystémique (Valsiner, 2003a), comme un univers symbolique négocié qui traduit un rapport de l’individu à son environnement. Valsiner (2009) présente en ces termes ce rapport:

26 Traduction libre.

27 Lorsqu’ils le font, ils intègrent aussi la dimension de pauvreté. Lorsque les auteurs traitent uniquement

« culture belongs to the relating of the person and the environment. Here culture becomes exemplified through different processes by which persons relate with their worlds. » (p. 21).

Présentons maintenant notre démarche intellectuelle qui part du constat suivant: autant chez les chercheurs que chez les intervenants, la reconnaissance de la discontinuité culturelle varie de même que, lorsqu’elle est prise en compte, la lecture qui en est faite ainsi que son traitement social (Cairney, 1997; Cairney et Brown, 2008; Cholewa et West-Olatunij, 2008). Cairney et ses collègues (1995) expriment cette idée sous la forme d’un questionnement:

But how does one respond to the cultural mistmatches of home and school? Should one focus on developing initiatives that provide parents with the cultural practices that enable them to cope with the limited practices of the school (Lareau, 1991), or find ways to help schools recognise the cultural practices of the home and community and build effective communication between these parties? (p. 2).

Admettre les tensions inhérentes au champ scolaire, ainsi que nous proposons de le faire, suppose non pas d’isoler la continuité et la discontinuité culturelles, mais de réfléchir à la nature de leur rapport en les mettant en tension (Gutiérrez, Moralez et Martinez, 2009). Penser le phénomène de discontintuité culturelle dans une perspective épistémologique et conceptuelle implique de situer à la fois la continuité et la discontinuité culturelle- concepts fournissant une prise conceptuelle sur les rapports école-famille- dans une logique (épistémologique) de continuité et de discontinuité. Il s’agit de circonscrire les lectures statique (continue) et non-linéaire (discontinue) de chacun de ces deux processus culturels. Il convient aussi d’identifier la nature continue ou discontinue de leur interaction28. À travers ce qui vient d’être dit, se dessinent trois plans logiques qui balisent notre argumentaire:

1) Accent sur la continuité culturelle dans une perspective épistémologique de continuité ou de discontinuité.

2) Emphase sur la discontinuité culturelle dans une perspective épistémologique de continuité ou de discontinuité.

3) Mise en évidence de la continuité et de la discontinuité (niveau épistémologique) du rapport entre la continuité et la discontinuité culturelle.

28 Il existe plusieurs conceptions métathéoriques et épistémologiques de l’interaction (Magnusson et Stattin,

Soulignons l’usage du « ou » dans les points 1 et 2. En décrivant le rapport entre les processus de continuité et de discontinuité culturelles (point 3), nous évitons d’inscrire notre propre analyse dans une perspective statique (continue) qui impliquerait de faire de ces processus des univers fermés ou de concevoir leur interaction de manière additive.

Nous pourrions déceler, dans les trois points qui viennent d’être présentés, des catégories ou des profils d’interaction particuliers. Or, il ne s’agit pas pour nous d’insérer les phénomènes culturels étudiés dans une typologie qui en fixerait, par une opération de réduction du social29, les paramètres autour de catégories pré-établies (Valsiner, 1984). Il ne s’agit pas non plus de référer aux différentes variantes des classements sociaux dont l’une des formes est celle de l’idéal-typicité. En prenant l’angle métathéorique, nous dégageons non pas des profils d’interaction entre acteurs mais des plans de lecture du réel (des phénomènes socioculturels) établis sur une base de séparation inclusive (Valsiner, 1987, 1998).

Finalement, précisons que nous insérons les processus de continuité et de discontinuité culturelle dans le champ du partenariat école-famille-communauté et non pas dans leurs univers théoriques originels, bien que nous convoquerons certains fondements. Ceci se traduit notamment par le fait que les lectures différenciées du concept de culture30 (González, 1999) qui seront véhiculées sont essentiellement celles qui sont propres à notre champ. Nous chercherons alors moins à faire une présentation systématique et synthétique du concept de discontinuité culturelle à travers ses fondements théoriques qu’à dégager ses applications dans notre champ, ceci en termes épistémologiques. Nous prendrons largement appui sur Gutiérrez et ses collègues (2009) qui présentent une synthèse de ce concept (et de celui de continuité culturelle) et qui l’articulent aux rapports école-famille.

3.2 L’axe épistémologique continuité/discontinuité

Le champ du partenariat école-famille-communauté s’est, de manière significative, établi autour de l’axe continuité/discontinuité (Lawrence-Lighfoot, 1978; Swap, 1990;

29 Nous pouvons référer à Valsiner (2014): « Psychology has historically tried to reduce the complexity of the

psyche into homogeneous classes—categories that are viewed as mutually exclusive. This fits the needs of common sense—but does not capture the nature of the psychological phenomena that flourish at the border of the person and the world» (p. 20).

30 Le lecteur peut consulter Valsiner (2014) en se référant particulièrement à la page 39 et à ce qui la précède