• Aucun résultat trouvé

2. ÉCOSYSTÉMIE

2.3 Écosystème et système

2.3.4 Représentation de l’écosystémie

2.3.4.2 Les objets

115 L’italique est de nous.

116 Nous suggérons au lecteur de consulter Lewin (1936) sur la question des distances que nous n’abordons pas

s’inscrivent dans des systèmes, c’est qu’ils sont regroupés selon des classes ou catégories117. Valsiner (1988) met en évidence le type de classement (catégorisation) auquel conduit le langage qui s’exprime pour lui (Valsiner, 1985, 1986) à travers le sens commun:

Another constraint that language use sets for our thinking is the reduction of

heterogeneous classes of objects into homogeneous ones (Nisbett, Krantz, Jepson,

& Kunda, 1983; Valsiner, 1984b). Here the heterogeneity of a class of objects is cognitively and linguistically overlooked by replacing the variety of objects by the prototype of the class. (p. 16).

Dans une classe (catégorie) homogène, chaque membre de ladite classe est une réplique des autres individus, alors que, dans une classe hétérogène, les personnes diffèrent tout en possédant des caractéristiques communes (Valsiner, 1989). L’homogénéisation conduit à évacuer la variabilité intraclasse et à concevoir les unités comme étant figées et stables. Chez les chercheurs (comme chez Moscovici, 1961), le passage, sur une base transitive et décontextualisée, de l’individu au groupe (et vice versa) s’exerce lorsque les classes d’objets sont appréhendées en termes homogènes (Valsiner, 1986). Gardons en tête que la transition d’un niveau à l’autre (ce qui s’applique aussi à l’écosystème) exige la prise en compte de la variabilité intra et interclasse, du contexte et plus largement du caractère systémique du rapport individu/environnement.

L’homogénéisation des unités représentée est associée, dans le sens commun, à leur

substantialisation (Valsiner, 1988). Pour Kenney (1979), une telle tendance, qu’il associe aux

chercheurs et aux intervenants, s’oppose à la prise en compte des processus interactionnels :

The use of nouns describing the therapeutic system (e.g., "therapist," "family," and "symptom") implies a linear epistemology based on metaphors of substance. […] Watts (48, p. 17) suggested that we come to see "substantive nouns" and "things" instead of "processual verbs" and "patterns of relationship" because of the limitations of our senses or our instruments to discriminate highly complex patterns. Hence, when we encounter sufficient complexity (e.g., networks of human relationship), our sensory limitations lead us to committing what Whitehead (54) called "the fallacy of misplaced concreteness." Bateson (10) is correct in noticing that when we use a linear epistemology "we abstract from relationship and from the experiences of interaction to create 'objects' and to endow them with characteristics" (pp. XV-XVI). Ecosystemic epistemology requires that we undo these substantive abstractions and begin seeing patterns of relationship. (p. 2-3).

117 En parlant de classes homogène et hétérogène, nous référerons à des classes d’objets. Nous renverrons surtout

La substantialisation est liée à l’entification (Valsiner et Cairns, 1992) :

The preponderance of common sense it to reflect upon ongoing dynamic processes in terms of entified concepts (see Bloom, 1981, pp. 36-60). The real psychological life-world of any person is uninterruptably dynamic, and every use of a word in this process provides a means of organizing that dynamic flow. The use of any entified everyday term (e.g., ‘‘I am happy’’), however, introduces a static moment into that irreversible flow (i.e., from my ongoing flow of feeling I create a temporarily stable state of affairs -‘‘being happy’’- by way of having said, ‘‘I am happy’’). Furthermore, my use of statement like ‘‘I feel profound happiness’’ or ‘‘I have a happy personality.’’. (p. 31).

L’entification correspond à une contrainte du langage (Valsiner, 1988), et elle ne cadre pas avec une lecture dynamique du rapport individu/environnement (Valsiner et Cairns, 1992).

Présentons maintenant la tendance à investir les objets de caractéristiques humaines, soit l’animisme (Dewey et Bentley, 1949), l’inverse de l’objectivation correspondant à l’animisme renversé (Moscovici, 1961). C’est ce à quoi renvoie implicitement Fergus (2002): « Not only had the system become a real object, but it also became invested with human qualities (Dell, 1982; Erickson, 1988; Guttman, 1991). And as the system became real, the real person was lost or marginalized.» (p. 47).

De manière globale, et peu importe que l’objet soit humanisé (animisme) ou non, sa désignation passe intrinsèquement par son association à d’autres objets, particulièrement lorsqu’ils sont situés en regard de classes ou de catégories (Valsiner, 1989). Ils peuvent être liés entre eux selon une logique linéaire ou systémique, dans lequel cas leur organisation d’ensemble est prise en compte de même que leur lien réciproque (Ibid). La lecture de la causalité supposant un lien entre des objets, qui implique et traduit des opérations de découpage (catégorisation) de la réalité, reflète, sous cet angle, des présupposés épistémologiques sous-jacents de même que des fondements culturels, tels que des discours (Valsiner, 1987) :

The scientific meanings of causality are also depending on the semantics of the ordinary language terms that are used in discourse (von Glasersfeld, 1974). Brown and Fish (1983) have demonstrated that causality is implied by verbs that point towards either the subject or object in ordinary-language sentences. The implicit

causality embedded in the semantic structure of language serves as the basis for building more explicit cognitive models of casuality118 attributions. (p. 33).

Valsiner (1987) distingue entre la causalité élémentariste et systémique :

In the first case, a certain causal factor A is considered to cause an outcome B, under all circumstances. In the second case, the outcome (B) is considered to be a result of interaction of the causal system A (that includes parts a1, a2, a3, etc.). When the assumption of elementaristic causality guides the investigator’s thinking, explanation of an outcome is considered sufficient when the particular causal agent is specified. (Ibid).

Dans une perspective élémentariste, la cause est considérée porter en elle-même, par essence, ses effets, l’antécédent de l’action renseignant sur celle-ci (Lewin, 1935). L’élémentarisme se traduit par un déterminisme interne ou externe que distinguent Gärlin et Valsiner (1985) :

In psychology, that perspective [internal determinism] is represented by the great number of believers in the existence and stability of psychological characteristics (intelligence, temperament, and personality traits) which are thought of as ‘‘standing behind’’ and ‘‘causing’’ a person’s actions. […] The second perspective […] has been quite widely present in environmental psychology, where direct causal effects often are attributed to one or another modification of the environment. (p. 239-240).

Dans le champ de la prévention (ces auteurs réfèrent à la prévention des accidents chez l’enfant), la première logique se traduit par l’identification de traits individuels associés à ce que l’intervenant cherche à prévenir. Dans la deuxième logique, l’intervenant introduit une action préventive statique dans l’environnement considéré comme homogène, en considérant que cette cause externe engendrera directement des effets sur un individu passif.

Gärlin et Valsiner (1985) privilégient une perspective interactionnelle reconnaissant le rapport individu/environnement et la construction de sens par le sujet :

It emphasizes the mutual dependence relationship between the child and his or her environment. That relationship itself has causal relevance. In the case of accidents with children, it is the children’s own exploration in their structured and often child-adapted environments that causes accidents when they happen. (p. 240).

118 Si l’auteur a écrit casualié qui est un non-mot, nous avons aucun doute qu’il est voulu en fait employer le mot

Dans cette logique, le rapport cause/effet ne peut être avec certitude déterminé d’avance, comme une cause peut engendrer plusieurs effets (principe de l’équifinalité) et comme un effet peut être alimenté par plusieurs causes dont les trajectoires d’action sont multiples (multiplinéarité) (Valsiner, 1989). Appliquées au développement de l’individu, l’équifinalité et la multilinéarité signifient que des trajectoires développementales plurielles s’élaborent contextuellement et constructivement sur la base du sens attribué au monde par le sujet au cœur du rapport individu/environnement. Pourtant, l’action est le plus souvent circonscrite dans une logique élémentariste, et ce, même si les auteurs disent la rattacher à une perspective développementale qui, par essence, s’établit au cœur d’un rapport individu/environnement (Valsiner, 1987). Le développement est alors circonscrit dans un espace homogène, autour de catégories fixes:

However, many aspects of children’s actual development may be based on exactly those particular (behavioural or cognitive) aspects of the children that are easily overlooked by virtue of the homogenizing habit of our cognitive operations with classes119. For example, the majority of efforts in developmental psychology to describe children’s ‘trajectories’ of development have presupposed that there must be only one single, the best, or the most typical ‘trajectory’, rather than a multitude of individually specific ones. If the latter idea were based on such research efforts, it would at least be a typology of developmental courses (instead of a single course, normative for all children) that psychologists would look for in their empirical studies. Note that even when typologies are sought in psychology, the homogenizing of the class of individual cases within a particular type is taking place. (Valsiner, 1989, p. 16).120

Dans une telle logique, l’analyse de l’engagement parental renvoyant à un acte (nous parlons plutôt maintenant d’action en fonction des critères établis plus haut) est restreinte, d’autant plus qu’elle passe par l’usage de typologies dont avons évoqué dans la problématique la nature statique (Boulanger, 2016sp). Penchons-nous sur le concept d’engagement parental, après avoir procédé à une brève synthèse de la section sur l’écosystémie.

2.4 Brève synthèse

Tout comme la section sur la TRS, celle, qui s’achève, sur l’écosystémie, se résume en quelques grands points. Dans le cas présent, la section est longue et comporte plusieurs

119 Pas au sens de classe d’école, mais de catégorie. 120 L’talique provient de l’auteur, le gras de nous.

éléments de définition, parce qu’il nous a semblé utile de présenter de manière le plus explicite et nuancé possible le champ de l’écosystémie qui apparaît souvent éclaté et truffé d’incohérences ainsi que de glissements logiques et qui tend à s’inscrire dans une perspective réductionniste. Ceci a nécessité d’en présenter les fondements, en particulier parce que nous avons choisi d’employer le terme d’écosystémie, plutôt que d’autres, en vogue, comme celui d’écologie. Pour la même raison, nous avons aussi dû faire des élaborations conceptuelles, en particulier autour des définitions de l’écosystème, de façon à éviter de prendre pied dans les pièges conceptuels et épistémologiques courants. Nous avons alors privilégié la perspective de Tateo et Marsico (2013) qui exploitent le concept de tenségrité.

Ces différentes bases établies, nous avons pu ensuite identifier les principaux aspects qui nous intéressent autour des dimensions sociale et culturelle, mais aussi psychologique. Nous nous sommes efforcé de situer, sur un plan socioculturel, les différents concepts utilisés, de façon à définir l’écosystème autour de structures et de zones d’action balisées culturellement. Ceci fait intervenir des opérations de catégorisation associées aux

représentations que se fait l’individu de l’écosystémie, c’est-à-dire de l’écosystème, des

objets qui y circulent, des interactions sociales ainsi que du rapport individu/environnement.

C’est foncièrement sous cet angle que nous avons circonscrit la dimension d’action, et c’est sur cette base que nous définirons, dans la prochaine section, l’engagement parental. Par ailleurs, comme plusieurs des éléments de conceptualisation de l’écosystémie – densité des régions, catégorisations, représentations- s’apparentent à la TRS, nous pourrons, dans la section subséquente, établir des ponts entre les trois concepts du cadre conceptuel. Ceci sera facilité par le fait qu’au côté des éléments de définition générique que nous rapporterons brièvement dans un premier temps, l’engagement parental sera pour l’essentiel circonscrit autour de typologies impliquant, par définition, une forme de catégorisation à la fois centrale dans la TRS et sur le plan de l’écosystémie. Notons que nous identifierons les typologies de l’engagement parental dans une perspective critique, en soulevant leurs fondements réductionnistes. Nous proposerons plutôt de recourir à la TRS sur le plan des modalités de catégorisation.