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4. LES PROGRAMMES D'INTERVENTION

4.2 Brève contextualisation des démarches de planification à la base des programmes

Comme nous référons principalement à la documentation anglosaxonne pour problématiser notre objet qui s’insère au cœur du programme FECRE, nous devons rapporter minimalement quelques éléments de contexte. Référer, pour le cas des Etats-Unis et de l’Angleterre, aux dispositifs institutionnels que sont les plans d’action, les plans de performance (improvement plan ou school development plan) et les contrats parent-enseignant (contract, compact)42 nous situe à la frontière d’au moins deux domaines, celui de la gestion scolaire et celui de la planification de services. D’un coté, ces dispositifs, qui s’insèrent dans la planification stratégique des écoles et des instances locales (Local Education Authority, par exemple), sont des outils au service d’une gestion scolaire conçue selon une perspective managériale (Gewirtz et Ball, 2000). D’un autre côté, les plans d’action et les contrats parent- enseignant sont au fondement des programmes d’intervention ciblant l’engagement parental et dont le pilotage s’exerce le plus souvent dans l’institution scolaire (Anderson-Butcher et al., 2008, 2010). Les contrats parent-enseignant (parent-teacher contract, compact, school-family

agreement) sont une dimension centrale des programmes d’intervention (Epstein et Hollifield,

1996).

Les plans d’action et les contrats parent-enseignant doivent s’intégrer aux plans de performance des écoles et donc, plus largement, aux démarches de planification stratégique de celles-ci (Epstein et Hollifield, 1996; Rowe et Stewart, 2009). Pour distinguer entre les termes, référons aux plans de performance (Reynolds et Teddlie, 2000) qui s’insèrent dans cette planification, aux plans d’action (ou les plans partenariaux) dont la démarche de conception se réalise sur une base institutionnelle dans le cadre de la planification de services (Anderson-Butcher et al., 2008) –lorsqu’un programme d’intervention s’implante à l’école- et aux contrats parent-enseignants qui en constituent une facette et qui se conçoivent sur une base plus proximale entre des personnels scolaires, en général le personnel enseignant et le parent (Nakagawa, 2000). Les plans de performance sont plus proches des plans de réussite québécois alors que les contrats s’apparentent aux plans d’intervention adaptés destinés, au Québec, aux élèves dits à risque, catégorie générique rassemblant ceux vivant avec un handicap physique ou intellectuel et ceux manifestant des difficultés scolaires (Gouvernement du Québec, 2003b).

Mentionnons que le National Networks of Partnership School (NNPS), réseau de recherche fondé et dirigé par Epstein, fournit un cadre théorique et méthodologique, adopté par le Département d’éducation des Etats-Unis, pour soutenir la planification stratégique et la planification de services et que ce réseau offre de l’accompagnement aux acteurs scolaires par le biais de formations (Epstein, 2010; Sanders et Epstein, 2000). À cet égard, ces auteurs confirment que la typologie de l’engagement parental d’Epstein (1995) sert de base à la conception des dispositifs et des programmes d’intervention. Cette typologie s’inscrit au coeur du courant du SE/SI et, par le biais d’une alliance élective avec le politique, elle répond aux prédicats du managérialisme ou de la NGP (Vincent et Tomlinson, 1997). Par son extension et par son ancrage dans le SE/SI, ce type de typologie est associé à une conception linéaire des processus socioculturels à l’œuvre à la charnière de l’école (Angus, 1993). De manière éloquente, Epstein (2001) inscrit les plans de performance ainsi que les plans d’action au cœur du SE/SI, s’engageant dans la tendance fréquente des chercheurs qui en incarnent et reproduisent les discours:

Award applications must include descriptions and artifacts showing how NNPS’s “essential elements” […] are being applied to improve program quality. [...] To earn an award, school ATPs submitted evidence of successful activities that meet the challenge of involving more diverse families and that increase

student success in school. […] Here are a few examples of schools’ innovative involvement practices that help students improve attendance, attitudes, and skills in reading, writing, math, science, social studies, media skills, and health. (Epstein, 2010a, p. 21-22).43

Notons la référence aux pratiques efficaces (best practice)- au cœur du SE/SI (Angus, 1993; Morley, 1999)- qui expriment les usages exemplaires des typologies chez Epstein (2000, 2010).

Référons maintenant à la réalité québécoise. La Loi sur l’instruction publique, telle que reformulée en 2002 autour du projet de loi 124 (Gouvernement du Québec, 2003c), consacre la gestion scolaire par résultats (l’obligation de résultats inscrite au cœur de la NGP) en obligeant les écoles à se doter d’un projet éducatif cette fois fondé sur une analyse préalable de situation par le conseil d’établissement et incarné dans un plan de réussite que les écoles ont l’obligation de concevoir, mettre en place, évaluer et transmettre au public dans une perspective de transparence (Conseil Supérieur de l’Éducation, 2002; Gouvernement du Québec, 2003c; Royer, 2003). L’action du conseil d’établissement doit s’inscrire en cohérence avec le plan stratégique de la commission scolaire. Adoptant une approche « partenariale », il doit aussi assurer la mobilisation en son sein et à sa périphérie de divers acteurs, dont les parents, et mettre en place des mécanismes de reddition de compte qui implique de tenir informés ces acteurs.

FECRE a ceci d’original qu’il inscrit les plans de réussite dans une démarche de planification de services en amont de sa mise en œuvre. Nous nous situons alors à la jonction des deux types de planification auxquels nous référions. Les plans de réussite de FECRE, qui doivent s’inscrire au cœur de la planification stratégique des écoles par l’action exercée par l’agent de développement dans l’équipe école dont la fonction est de les valider, sont près des plans d’action anglosaxons devant s’articuler aux plans de performance des écoles. Aux États- Unis et en Angleterre -dans le premier pays en particulier-, la mise en œuvre de programmes d’intervention en contexte scolaire exige l’arrimage de la planification de services avec la planification stratégique. Cet arrimage passe notamment par l’intégration –quoi que faible-, aux équipes scolaires chargées de la conception de l’intervention, de membres de la communauté, qu’ils soient intervenants ou parents, mais raremement dans les faits dans le second cas. C’est la dimension de travail en équipe qui est reflétée dans les travaux du NNPS,

soit ceux d’Epstein et ses collègues (Epstein, 2010b; Epstein et Hollifield, 1996). Pour simplifier considérablement et pour donner une image grossière au lecteur, disons que ces équipes de travail correspondent aux conseils d’établissement déjà en place dans l’école, sauf que ceux-ci ont charge de la planification stratégique (scolaire) et non pas de la planification de services, comme dans le cas de ces équipes. Les équipes locales de FECRE exercent donc ces deux mandats.

Notons que, tout comme au Québec (conseil d’établissement), le rôle de ces équipes dans la planification stratégique est très limité (Conseil Supérieur de l’Éducation, 2002; Nelson, Amio, Prilleltensky et Nickels, 2000). Ces équipes sont souvent critiquées (Anderson-Butcher et al., 2008) pour demeurer très centrées sur l’école et pour s’inscrire dans une perspective relationnelle peu partenariale. Du côté des États-Unis, Lawson et ses collègues (Lawson, Peterson et Briar-Lawson, 2001) privilégient la mise en place d’équipes interdisciplinaires intégrant davantage la contribution des acteurs du milieu et, dans une logique partenariale (ou interdisciplinaire, qualifiée par son dynamisme), chargées de la conception des programmes d’intervention implantés en contexte scolaire, en particulier des plans d’action. Référant au modèle logique, comme base de lecture et d’orientation de la planification de services (Chen et Rossi, 1983), ils considèrent que les partenaires doivent concevoir l’intervention selon une perspective écosystémique (Hopson et Lawson, 2011). Ils ne montrent toutefois pas comment le modèle écosystémique qui sert de référent pour la conception de l’action des acteurs est construit par ceux-ci, plutôt que d’être pré-établi, phénomène que l’intégration, qu’ils proposent, de ce même modèle, est pourtant censée résoudre.

Ces auteurs, et probablement aussi les programmes auxquels ils réfèrent, s’inscrivent clairement au cœur du SI, leur préoccupation étant de soutenir l’efficacité du système d’éducation, en particulier la réussite scolaire, préoccupation justifiée par leur référence aux politiques éducatives états-uniennes que plusieurs (Elliott, 1996; Normand, 2001; Thrupp et Lupton, 2006) associent clairement au SE/SI. Il suffit de prendre acte du titre d’un de leur article –Deriving Theories of Change from Successful Community Development Partnerships

for Youths: Implications for School Improvement (Lawson, Clairborn, Hardiman, Austin et

Le programme FECRE, avec son équipe locale et son plan de réussite écosystémique, s’inscrivait clairement dans la logique des travaux de ces auteurs. Rappelons aussi que le modèle écosystémique a été initialement « conçu » par les représentants ministériels de FECRE, et que c’est à partir de ce cadre de référence que les acteurs des équipes locales concevaient à leur tour les plans de réussite, ceci avec le soutien des agents de développement qui, sur une base régulière, participaient à des rencontres ministérielles visant à assurer l’adéquation de FECRE aux prérogatives ministérielles.

En fonction des éléments contextuels qui viennent d’être rapportés, nous sommes en mesure de traiter des conditions de production de discours, de représentations et, en particulier (dans un premier temps), de modèles que nous désignons de culturels (Morley, 2001).

4.3 Rapports entre les acteurs au sein et à la charnière de l’école: des modèles