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Les pouvoirs du tiers à qui est confié l’enfant en vertu d’une mesure d’assistance éducative

α) La perte de l’administration légale par le délégant

B. Les pouvoirs du tiers à qui est confié l’enfant en vertu d’une mesure d’assistance éducative

192. A la différence du cas où l’enfant est remis à un tiers sur le fondement de l’article 373-3, la mise en place d’une mesure d’assistance éducative implique un danger pour l’enfant, auquel il doit être soustrait175. Conformément au principe de subsidiarité de la protection judiciaire, elle ne peut être mise en place qu’en cas d’échec de l’action administrative et sociale ou en cas de refus des titulaires de l’autorité parentale176. Aboutissant souvent à une séparation des parents et de l’enfant susceptible de porter atteinte au droit au respect de la vie familiale de l’enfant comme des parents177, les mesures d’assistance éducative sont strictement encadrées, l’intérêt supérieur de l’enfant demeurant le critère primordial (1), mais elles peuvent pourtant dessaisir les parents de leurs prérogatives (2).

175 C. Delaporte-Carré, L’articulation des institutions de protection de la personne de l’enfant contre ses parents, préf. D. Gutmann, Dalloz, 2008, n° 100 ; Cl. Neirinck, La protection de la personne de l’enfant contre ses parents, préf. B. Teyssié, LGDJ, 1984, n° 385.

176 Article L. 226-4 du Code de l’action sociale et des familles.

177 CEDH Havelka et a. c/ République tchèque 21 juin 2007, CEDH Walla et Wallova c/ République tchèque 26 octobre 2006, Dr. famille 2008, étude 14, n° 26, obs. A. Gouttenoire. Par ces décisions, la Cour européenne a condamné l’État pour avoir ordonné le placement des enfants au vu des seules conditions matérielles dans lesquelles ils vivaient. Elle vérifie par ailleurs que les mesures étaient nécessaires et proportionnées et considère qu’il en est ainsi lorsque l’enfant a été placée à la suite de son embrigadement dans une secte à laquelle appartenaient ses parents et que l’État a veillé au maintien du lien familial en dépit du placement de l’enfant. V. également CEDH Schmidt c/ France 26 juillet 2007,

RTD Civ. 2007. 765, obs. J. Hauser ; Dr. famille 2008, étude 14, n° 26, obs. A. Gouttenoire ; CEDH 19 septembre 2000, Gnahoré c/ France, RD Publ. 2001.682, obs. A. Gouttenoire ; CEDH

Vautier c/ France 26 novembre 2006, JCP G 2010, I, 34, n° 11, obs. A. Gouttenoire ; D. 2010. 1904, obs. A. Gouttenoire.

1) La mise en œuvre de la mesure d’assistance éducative

193. Selon l’article 375 du Code civil, « si la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d'assistance éducative peuvent être ordonnées par justice à la requête des père et mère conjointement, ou de l'un d'eux, de la personne ou du service à qui l'enfant a été confié ou du tuteur, du mineur lui-même ou du ministère public ». Le président du Conseil général peut saisir le procureur de la République lorsqu’il estime qu’un enfant est en danger au sens de l’article 375 du Code civil. Le juge peut également se saisir d'office à titre exceptionnel.

La durée de la mesure ne peut excéder deux ans lorsque la mesure éducative est exercée par un service ou une institution. Elle peut être renouvelée sur décision motivée. Cependant, si les parents ne sont pas aptes à prendre en charge leur enfant et d’exercer leur autorité parentale, celui-ci peut être accueilli pour une durée supérieure par un service ou une institution. Le mineur est maintenu dans son milieu familial chaque fois que possible178. Dans ce cas, un tiers - personne qualifiée ou service d’observation, d’éducation ou de rééducation en milieu ouvert - est chargé d’apporter aide et conseil à la famille et de veiller au développement de l’enfant. Il peut, sur autorisation du juge des enfants, héberger l’enfant exceptionnellement ou périodiquement179.

Cependant, selon l’article 375-3 du Code civil, si la protection de l’enfant l’exige, il peut être confié par le juge des enfants à l’autre parent, à un autre membre de la famille ou un tiers digne de confiance, à un service départemental de l’aide sociale à l’enfance (ASE), à un service ou un établissement habilité pour l’accueil des mineurs à la journée ou suivant toute autre modalité de prise en charge, à un service ou établissement sanitaire ou d’éducation, ordinaire ou spécialisé180. Pendant l’instance, l’enfant peut, à

178 Selon l’article 375-2 alinéa 3, ce maintien peut être soumis à certaines conditions fixées par le juge, telles que la fréquentation d’un établissement sanitaire ou d’éducation, ordinaire ou spécialisé, le cas échéant sous régime d’internat ou l’exercice d’une activité professionnelle.

179 S. Bernigaud, « Dispositif judiciaire de l’enfance en danger : l’assistance éducative », in Droit de la famille (sous la dir. de P. Murat), op cit., n° 242-181 et s. ; M. Huyette, P. Desloges, Guide de la protection judiciaire de l’enfant, Dunod, 4e éd., 2009, p. 198.

180 En cas de séparation des parents, ces mesures ne peuvent être prises, après la décision statuant sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale ou confiant l’enfant à un tiers, que si un fait nouveau de nature à entraîner un danger pour l’enfant est apparu. Elles ne peuvent empêcher le juge aux affaires familiales de décider à qui l’enfant sera confié en application de l’article 373-3 du Code civil. Lorsque l’enfant n’est pas placé dans un service de l’ASE, le juge des enfants peut décider qu’une personne

titre provisoire, faire l’objet d’une telle mesure de placement ou être confié à un centre d’accueil et d’observation181. Le procureur de la République dispose, en cas d’urgence, du même pouvoir, à charge de saisir dans les huit jours le juge compétent qui maintiendra, modifiera ou rapportera la mesure. A tout moment, les décisions d’assistance éducatives peuvent être modifiées ou rapportées, soit d’office par le juge, soit à la demande du ou des parents, du tiers, du mineur, du tuteur ou du ministère public182.

Dans tous les cas, le juge des enfants doit s'efforcer de recueillir l'adhésion de la famille à la mesure envisagée et se prononcer en stricte considération de l'intérêt de l'enfant183.

2) Le transfert du seul pouvoir de représentation extrapatrimoniale au tiers

194. L’assistance éducative, à la différence de la privation d’exercice de l’autorité parentale, de la délégation-transfert ou du retrait de l’autorité parentale a pour but de contrôler l’usage que font les parents de leurs prérogatives parentales et de les aider à mieux les exercer184, non d’y porter atteinte. La limitation éventuelle n’est que partielle et temporaire. C’est ainsi qu’en vertu de l’article 375-7 alinéa 1er, les parents de l'enfant bénéficiant d'une mesure d'assistance éducative « continuent à exercer tous les attributs de l'autorité parentale qui ne sont pas inconciliables avec cette mesure. » Le minimum de prérogatives juridiques est transmis au tiers185. Pourtant, si cette affirmation se vérifie lorsque l’enfant bénéficie d’une mesure d’assistance éducative en milieu ouvert186, il n’en est pas de même lorsqu’il ne réside plus chez ses parents, dans la mesure où le tiers se voit alors transférer l’exercice de l’autorité parentale relativement aux actes usuels (a). En cas de besoin, il peut même être autorisé à accomplir un acte non usuel (b).

qualifiée ou un service d’observation, d’éducation ou de rééducation en milieu ouvert apportera aide et conseil au tiers et à la famille et suivra le développement de l’enfant.

181 Article 375-5 du Code civil. 182 Article 375-6 du Code civil.

183 Article 375-1 alinéa 2 du Code civil.

184 Cl. Neirinck, op. cit., n° 382 ; C. Delaporte-Carré, op. cit., n° 53. 185 M. Huyette, P. Desloges, op. cit., p. 310.

a. Le transfert de l’exercice de l’autorité parentale relativement aux actes usuels

195. Les parents ne peuvent en aucun cas émanciper l'enfant sans autorisation du juge des enfants. Lorsque l’enfant fait l’objet d’une mesure en milieu ouvert, l’atteinte aux prérogatives parentales est faible puisque les parents règlent toujours la vie quotidienne de leur enfant. Le tiers a pour seule mission d’apporter aide et conseil aux parents, qui ne se retrouvent pas dépossédés de leurs prérogatives. En revanche, lorsque l’enfant est placé chez un tiers, leurs prérogatives sont, malgré le principe, de facto réduites. Leur est retiré le droit de choisir le domicile de leur enfant187. Les parents bénéficient d’un droit de correspondance avec l’enfant ainsi que d’un droit de visite et d’hébergement dont le juge fixe les modalités d’exercice et qu’il peut suspendre. Seul le juge des enfants a la possibilité de fixer des rencontres entre l’enfant et ses parents, ces derniers n’ayant pas le pouvoir d’en décider. Ainsi, en dépit de l’énoncé de l’alinéa 1er de l’article 375-7, les parents perdent une part importante des attributs d’autorité parentale : la résidence et la surveillance de l’enfant, tous les actes liés à la vie quotidienne de l’enfant, et nécessairement une grande partie du pouvoir d’éduquer leur enfant188. Les père et mère conservent cependant une partie du pouvoir de direction et de contrôle dans la mesure où ils peuvent s’opposer à ce que l’enfant entretienne des relations avec des tiers, notamment avec le reste de la famille. Le droit de visite accordé aux tiers est soumis à leur accord. A défaut, le juge des enfants statue sur l’octroi de ce droit de visite et il est seul compétent pour en décider, à l’exclusion du juge aux affaires familiales, dès lors que l’enfant fait l’objet d’un placement189.

196. Les attributs d’autorité parentale liés à la vie courante de l’enfant sont donc nécessairement transférés, quoiqu’implicitement, au tiers chez qui l’enfant est placé190.

187 M. Huyette, P. Desloges, op. cit., p. 311. 188 L. Gareil, op. cit., n° 549.

189 Civ. 1ère 9 juin 2010, pourvoi n° 09-13390, Bull. civ. I, n° 130 ; Petites affiches 31 mai 2011, p. 6, note D. Autem ; RTD Civ. 2009. 546, obs. J. Hauser ; AJ fam. 2010. 325, obs. E. Durand ; D. 2010. 2343, note M. Huyette ; JCP G 2010, I, 911, n° 10, obs. A. Gouttenoire ; RLDC 2010/74, n° 3940, obs. E. Pouliquen. Cette solution n’a pas toujours évidente car il fut longtemps admis que s’agissant d’un droit de l’enfant à entretenir des relations avec ses ascendants et de manière générale avec un tiers parent ou non, fondé sur l’article 371-4 du Code civil, il devait être rattaché aux prérogatives parentales, que conservent en principe les père et mère en cas d’assistance éducative. La compétence relative au droit de visite revenait en conséquence au juge aux affaires familiales. En ce sens, M. Huyette, P. Desloges, op. cit., p. 312. 190 L’accueil modulable ou à la journée de l’enfant soulève des difficultés. En effet, il s’agit d’une mesure de placement mais en pratique, elle se rapproche d’une mesure d’aide en milieu ouvert dans la mesure où l’enfant peut rentrer chez ses parents le soir ou le week-end. Cependant, il s’agit bien juridiquement de placer un enfant, transférant ainsi la « garde juridique » au tiers (V. S. Bernigaud, op. cit., n° 242-201). Dès lors, les actes usuels relatifs à l’éducation de l’enfant et à sa surveillance paraissent devoir être