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L’insuffisance du critère fondé sur la titularité du droit subjectif

À L’ÉGARD DE LA SUMMA DIVISIO

C ONCLUSION DU CHAPITRE 1

B. L’autorité parentale n’est pas un pouvoir de représentation

1) L’insuffisance du critère fondé sur la titularité du droit subjectif

83. Les études relatives aux notions de pouvoir et de représentation distinguent pouvoir de représentation et « pouvoir personnel »282. M. Storck estime que certains pouvoirs ne sont pas des pouvoirs de représentation mais des pouvoirs personnels, tels le pouvoir de l’exécuteur testamentaire, de l’époux sur les biens communs, ou le pouvoir d’agir pour le compte du ménage sur le fondement de l’article 220 du Code civil. Pour que l’attributaire d’un pouvoir ait la qualité de représentant, il est nécessaire d’établir qu’il met en œuvre « des prérogatives au nom d’un tiers qui en est titulaire283. » Dans le même ordre d’idées, M. Gaillard considère que le pouvoir exercé dans l’intérêt de quelqu’un qui n’est pas sujet de droit n’est pas un pouvoir de représentation284. Il semble qu’il faille entendre ici par « quelqu’un qui n’est pas sujet de droit », une personne non titulaire de droit subjectif. Ainsi, le pouvoir qui ne correspond pas à l’exercice du droit subjectif d’autrui n’est pas un pouvoir de représentation. Tandis que le pouvoir est indépendant de la notion de droit subjectif, la représentation implique la coexistence de droits subjectifs et de pouvoirs. Le « simple » pouvoir ne met en œuvre qu’une seule prérogative tandis que le pouvoir de représentation correspond à l’exercice de deux prérogatives. Pour que le pouvoir soit de représentation, la prérogative doit consister en une action au nom d’autrui c’est-à-dire l’exercice du droit subjectif d’autrui.

281Ibid., n° 161 et s.

282Ibid., n° 277. 283Ibid., n° 287.

84. Or, en ce qui concerne l’autorité parentale, la prérogative exercée n’est que celle des parents, non celle de l’enfant. Historiquement, l’autorité est un droit propre aux parents dont ils bénéficient en raison des liens de filiation. Si cette prérogative s’est muée en pouvoir, c’est-à-dire en « prérogative finalisée » par l’intérêt de l’enfant, elle demeure un pouvoir personnel aux parents. En aucun cas, l’exercice des droits de garde, de surveillance ne correspond à l’exercice parallèle de droits de l’enfant : il ne s’agit que de fixer la résidence de l’enfant par exemple ou encore de veiller à ses fréquentations et activités et d’assurer son bon développement intellectuel et physique. Les titulaires de l’autorité parentale disposent d’un pouvoir propre de direction générale de la personne de l’enfant285 qui n’implique pas l’exercice des droits de l’enfant.

Cependant, la mise en œuvre des droits de l’enfant est protéiforme et les parents en accomplissant leur mission d’autorité parentale n’assurent-ils pas le respect des droits de l’enfant, tels que le droit à l’éducation, à être élevé par ses deux parents, à une protection générale ?286 Dès lors, à lui seul, le critère de la titularité du droit ne semble pas à l’heure actuelle à même de résoudre la question de savoir si l’autorité parentale est un pouvoir de représentation ou non. La mutation de l’autorité parentale en pouvoir exercé dans l’intérêt de l’enfant et l’accroissement des droits de l’enfant viennent bouleverser les raisonnements classiques. Se pose désormais un problème, voire un conflit, de coïncidence des droits des parents et des droits de l’enfant. Comment dans ces conditions se fonder sur la titularité du droit comme déterminant de la nature du pouvoir des titulaires de l’autorité parentale ?

85. En réalité, il s’agit moins d’un conflit de droits subjectifs que d’une coexistence entre les droits de l’enfant et les devoirs des parents. Si être titulaire de l’autorité parentale, c’est être titulaire de droits propres sur l’enfant, désormais l’aspect « devoir et responsabilité » est fondamental, voire primordial287. L’autorité parentale n’est entendue que comme un complexe de droits et de devoirs ainsi que le rappelle l’article 371-1 alinéa 1er du Code civil : les père et mère sont titulaires du droit d’éduquer et de surveiller l’enfant mais également du devoir d’assurer son développement et sa

285 L. Leveneur, « Renforcer l’autorité parentale et promouvoir les droits de l’enfant », art. préc., op. cit., p. 43 et s., spéc. n° 20; Ph. Bonfils, A. Gouttenoire, op. cit., n° 608.

286 Un des objectifs de la loi du 4 mars 2002 était notamment de valoriser « le droit pour tout enfant d’être éduqué et protégé par ses parents » inspiré de l’article 7 de la CIDE. V. Compte rendu analytique officiel,

séance du 21 novembre 2001, propos de S. Royal, ministre déléguée à la Famille, à l'enfance et aux personnes handicapées, JO Sénat Débats parlementaires, p. 18.

protection. Les parents sont en définitive débiteurs de leur enfant, lui-même créancier d’une obligation générale de protection et d’éducation. C’est ainsi que l’enfant dispose du droit d’être élevé par ses deux parents et de maintenir des relations personnelles avec les deux288, même en cas de séparation de ceux-ci. Auparavant le parent séparé de son enfant disposait d’un droit de visite et d’hébergement de son enfant, devenu un devoir de visite et d’hébergement, conséquence de la reconnaissance du droit de l’enfant au maintien de relations personnelles avec ses parents289. Il s’agit davantage d’un droit de l’enfant que d’un droit des parents, envers qui le droit s’est mué en devoir. De la même manière, l’enfant jouissant du droit à l’éducation et à la protection, les titulaires de l’autorité parentale qui disposaient à cette fin des droits de garde et de surveillance, ont désormais devoirs de garde et de surveillance de leur enfant. C’est donc bien un droit de l’enfant qui est au cœur du pouvoir d’autorité parentale, mais ce droit n’est pas exercé par représentation puisque les titulaires de l’autorité parentale ne font qu’exécuter une obligation pesant sur eux. Par conséquent, ce pouvoir n’est nullement représentation puisqu’il n’est intégré que dans les rapports internes entre parents et enfants.

Si le conflit entre droit des parents et droit de l’enfant semble résolu par le recours à la notion de devoir parental, il n’en demeure pas moins que l’aspect « droit » n’a pas disparu290. L’ambivalence de la notion d’autorité parentale ne permet pas d’écarter tout conflit de droits subjectifs, ni de se fonder sur la titularité du droit pour connaître la nature du pouvoir exercé. En revanche, le second critère fondé sur l’effet du pouvoir est davantage discriminant quant à la détermination de l’essence du pouvoir d’autorité parentale.

288 Article 373-2 alinéa 2 du Code civil

289 TGI Poitiers, 15 novembre 1999, BICC n° 524 du 15 nov. 2000, décision n° 1294 : « Le droit de visite et d’hébergement s’analyse aussi comme un devoir pour le parent à qui il a été reconnu et son non-exercice constitue une faute sur le fondement de l’article 1382 du Code civil ». V. cependant, Douai 9 juin 2011, n° RG 10/04103. Cette décision fait douter de la réalité de l’existence d’un devoir parental dans la mesure où le droit et devoir de visite et d’hébergement du père n’a pas été ordonné puisque celui-ci ne le voulait pas.

290 Réaffirmant l’aspect « prérogative » et « droit » du pouvoir d’autorité parentale, Civ. 1ère 27 février 2007, Bull. civ. I, n° 78 ; RJPF-2007-5/33, note F. Eudier ; Dr. famille 2007, comm. 124, obs. P. Murat ;

RTD Civ. 2007. 327, obs. J. Hauser. En l’espèce, obtient réparation du préjudice moral causé par la méconnaissance de ses prérogatives d’autorité parentale, le parent dont l’autorisation n’a pas été demandée pour publier les photos de son enfant.