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La représentation extrapatrimoniale, un principe pour le mineur

À L’ÉGARD DE LA SUMMA DIVISIO

B. La représentation extrapatrimoniale, un principe pour le mineur

39. Parce que le raisonnement est propre au droit des incapacités, la représentation a vocation à s’appliquer à titre de principe en matière extrapatrimoniale pour le mineur. La nécessité de représenter le mineur apparaît sur plusieurs plans d’une part, parce qu’elle évite au mineur de subir une incapacité de jouissance (1) et d’autre part, parce que l’incapacité d’exercice de droit rend l’action par l’intermédiaire des parents impérative (2).

107 Articles 458 et 459 alinéa 1 du Code civil. 108 Article 459 alinéa 2 du Code civil.

1) Le rejet d’une incapacité de jouissance extrapatrimoniale

40. L’exposé d’actes relatifs à la personne du mineur démontre que la technique de la représentation ne se limite pas aux actes patrimoniaux, la justification d’une telle extension du champ d’application résidant dans la particularité du domaine d’intervention : l’incapacité juridique. Si rejeter la représentation en matière personnelle se conçoit tout à fait pour un majeur ne bénéficiant pas de mesure de protection puisqu’il dispose de l’aptitude mentale et juridique à effectuer de tels actes et qu’il est le meilleur juge de ses intérêts, cela est beaucoup moins évident pour une personne protégée, notamment le mineur qui, à quelques exceptions près109, subit une incapacité d’exercice totale et de principe, due à son immaturité, même en matière personnelle. La question se pose en réalité différemment selon que la représentation est la conséquence d’une incapacité d’exercice ou de la volonté du représenté lui-même capable de tous les actes de la vie civile. Rejeter la représentation extrapatrimoniale à l’occasion d’actes juridiques extrapatrimoniaux conduirait à une incapacité de jouissance du mineur, ce qui n’est pas le cas du majeur non protégé, tout à fait capable de passer un acte seul110. Une telle incapacité est contestable puisqu’elle porte atteinte à la personnalité juridique du mineur et la représentation dans l’accomplissement d’actes personnels est donc une nécessité de la vie juridique111.

Certains auteurs considèrent pourtant, à propos des actes strictement personnels relatifs au majeur protégé, qu’il est parfois préférable d’être frappé d’une incapacité de jouissance plutôt que de voir un tiers intervenir dans la vie personnelle et intime du représenté112. Cette position ne peut être admise que de manière spéciale et ne saurait

109 V. infra n° 354 et s.

110 La représentation extrapatrimoniale d’origine conventionnelle n’est pas inenvisageable. A partir du moment où il est spécial, un mandat pourrait très bien porter sur l’exercice d’un droit extrapatrimonial pourvu que cet exercice soit suffisamment contrôlé. Ainsi en est-il de la représentation par un agent artistique dont le mandat peut porter sur le droit à l’image de l’artiste. Il en est de même du mandat de protection future qui porte sur la personne du majeur lorsqu’il sera protégé mais est conclu alors que celui-ci est pleinement capable. Quoiqu’il en soit, rejeter la représentation dans le cas d’un majeur non protégé ne lui fait pas subir une incapacité de jouissance.

111 R. Savatier, « L’écran de la représentation devant l’autonomie de la volonté de la personne », art. préc., n°4 et 15. L’auteur estime d’une part, que le mécanisme de représentation s’explique par les nécessités de la vie juridique de la personne car « il n’est pas de personne sans vie de droit » et d’autre part que la représentation en matière extrapatrimoniale existe « par la force des choses », les pouvoirs du représentant s’étendant « en ce qui touche les besoins immédiats de [la] vie à la conduite de [la] personne. »

112 Th. Fossier, « La protection de la personne, un droit flexible », Dr. famille 2007, étude 17 : à propos de la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, qui énonce le principe d’une représentation à titre d’exception du majeur protégé pour les actes impliquant un « consentement

être appliquée en général au mineur : rejeter la représentation extrapatrimoniale globalement et non pour des actes spécifiques - ce qui est le cas des actes strictement personnels du majeur - porte gravement atteinte à la qualité de sujet de droit du mineur. Le seul recours serait alors d’admettre que l’autorité parentale stricto sensu assure le respect de ces droits et effectivement ce fondement est envisagé par les tenants de la « protection »113. Certes, la rénovation actuelle de la défense des intérêts des personnes vulnérables impose de la penser différemment, en détachant les notions de protection et d’incapacité d’exercice, la seconde n’étant qu’une déclinaison de la première. La protection implique désormais de recourir à des techniques ne portant pas atteinte à la capacité d’exercice et valorisant l’autonomie de la personne. En définitive, l’autonomie surveillée prévaut sur l’incapacité d’exercer ses droits et l’autorité parentale en tant qu’accompagnement de l’enfant autonome s’inscrirait pleinement dans cette modernisation. Cette évolution est évidemment louable mais s’agissant du mineur pour qui le principe demeurera l’inaptitude à exercer ses droits, elle paraît peu réaliste et n’aura vocation à s’appliquer que de manière exceptionnelle à mesure de l’accroissement de sa capacité naturelle. En réalité, les nouvelles modalités de la protection des personnes vulnérables ne valent que si le postulat est l’autonomie de la personne et finalement la capacité d’exercice. Si la représentation est une exception dans la protection de la personne du majeur sous tutelle, elle demeure un principe de protection du mineur car le raisonnement doit être différent, malgré leur similarité apparente, entre majeur protégé et mineur.

2) La représentation, un mécanisme nécessaire ab initio

41. Le postulat est différent selon que l’hypothèse concerne un majeur protégé ou un mineur. En principe, un majeur est pleinement capable, à l’inverse du mineur. Dans ces conditions, porter atteinte à la capacité d’exercice du majeur ne doit se faire qu’en respectant les principes de nécessité, de subsidiarité et de proportionnalité114 : la mise en

strictement personnel », l’auteur estime qu’il est des actes « rebelles à toute immixtion d’un tiers, en sorte qu’il vaut mieux soit les laisser faire par le sujet concerné (au risque d’une annulation pour trouble mental), soit y renoncer, plutôt que de les faire faire ou même seulement de les faire contrôler par un autre sujet, serait-il légalement mandaté. ». Pour un point de vue similaire, M. Azavant, « Effets généraux (comptes et logement) et effets personnels », art. préc. Contra, P. Salvage-Gerest, « Les actes dont la nature implique le consentement strictement personnel du majeur en tutelle : une catégorie à revoir d’urgence », Dr. famille 2009, étude 17.

113 V. Da Silva, thèse préc., n° 637.

114 Article 428 du Code civil. V. Th. Fossier, « La réforme de la protection des majeurs, Guide de lecture de la loi du 5 mars 2007 », JCP G 2007, I, 118. Du même auteur, « L’objectif de la réforme du droit des

place d’une mesure de protection ne doit avoir lieu que si elle se révèle nécessaire à la sauvegarde des intérêts de la personne, si aucune autre solution n’est envisageable et elle doit être adaptée à la situation en cause. C’est pourquoi, la représentation du majeur protégé ne doit intervenir qu’en dernier recours. Le mineur, en revanche, est frappé d’une incapacité d’exercice de principe et absolue. Ab initio, la question de la nécessité de la représentation ne se pose pas : elle l’est115.

42. Comme tout principe, elle pourra néanmoins connaître des exceptions mais l’autonomie du mineur ne peut être que résiduelle et progressive à mesure de sa maturité et du risque encouru116 ou du caractère éminemment personnel de l’acte117. Le droit médical étant dérogatoire au droit commun, la représentation y apparaît aménagée, voire subsidiaire pour certains118 mais elle existe incontestablement119. La règle selon laquelle le mineur doit consentir à titre de principe à l’acte médical doit être considérée comme une disposition spéciale120 ne remettant pas en cause le caractère principal de la représentation. Seule la spécificité du droit médical et la sauvegarde de la santé l’expliquent. Dans le même ordre d’idées, le consentement du mineur de plus de treize ans est exigé pour certains actes relatifs à sa personne sans que le principe de représentation soit fondamentalement remis en question121. Il est en outre d’autres cas où le mineur est autorisé à agir seul, mais il ne faut y voir que des exceptions à la représentation en matière extrapatrimoniale, sans que la règle soit pour autant atteinte122. Il s’agit en effet d’actes dits strictement personnels ou éminemment personnels assez peu nombreux. Qu’il faille prendre en compte la maturité croissante de l’enfant ou son autonomie grandissante dans sa vie personnelle ne remet pas en question

incapacités, protéger sans jamais diminuer », Rép. Def. 2005. 3 ; « Nécessité, subsidiarité et proportionnalité de la protection des majeurs », JCP N 2005. 1104.

115 La jurisprudence de la CEDH illustre cette nécessité pour le mineur d’être représenté par l’intermédiaire du droit à un recours effectif garanti par l’article 13 de la CEDH. Le mineur doit pouvoir avoir accès à un tribunal et les États doivent faire en sorte que son droit soit effectif. V. CEDH X et Y c/ Pays-Bas 26 mars 1985, série A, n° 91 ; JDI 1986. 1080, obs. P. Rolland ; Andersson c/ Suède 25 février 1992, série A, n° 226-A.

116 Il est possible d’y voir une application du principe de proportionnalité, ce qui ne modifie pas le principe en lui-même. V. infra n° 353.

117 V. infra n° 373.

118 V. Rachet-Darfeuille, « Témoins et représentants du patient : les apports de la loi du 5 mars 2007 relative à la protection des majeurs», RGDM 2007, n° 25, p. 236 et 241.

119 V. supra n° 32.

120 Article L. 1111-4 alinéa 6 du Code de la santé publique : « Le consentement du mineur ou du majeur sous tutelle doit être systématiquement recherché s’il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. »

121 V. infra n° 390 et s. 122 V. infra n° 373.

le principe d’une représentation extrapatrimoniale. S’il est âgé de plus de 16 ans, le mineur peut accomplir seul les démarches en matière de nationalité123. Le parent mineur peut exercer une action en recherche de maternité ou de paternité124 ou reconnaître son enfant125 comme exercer seul ses droits de parent126. La jeune fille dispose également d’une autonomie en matière de contraception et d’interruption volontaire de grossesse127. Il en est de même pour tout mineur lorsqu’une intervention médicale s’avère nécessaire à la sauvegarde de sa santé et qu’il souhaite garder le secret128. Si dans l’un et l’autre cas, les actes strictement personnels ne peuvent être réalisés par représentation, mineur et majeur sous tutelle sont néanmoins soumis à des régimes différents : l’autonomie en matière personnelle est la règle pour le majeur protégé alors qu’elle n’est qu’une exception pour le mineur.

43. Le pouvoir de représentation détenu par les titulaires de l’autorité parentale est donc un pouvoir incluant les actes juridiques extrapatrimoniaux. Même si elle n’est pas systématiquement visée, c’est bien de représentation qu’il s’agit lorsque les titulaires de l’autorité parentale sont visés129 et qu’il convient de mettre en œuvre un droit de la personnalité, aboutissant à insérer le mineur dans un rapport de droits et d’obligations. L’extension du pouvoir au domaine extrapatrimonial est dérogatoire au principe selon lequel admettre la représentation dans la conclusion d’actes relatifs à la personne du représenté porte atteinte au respect de sa personne. Cette dérogation trouve sa justification non seulement dans l’impossibilité de frapper le mineur d’une incapacité de jouissance d’une grande ampleur, l’atteinte à la personnalité du mineur s’avérant alors plus grave, mais également dans l’impossibilité d’admettre qu’il s’agisse d’une décision de pure autorité de la part des parents en raison de l’existence d’un droit subjectif propre à l’enfant.

44. Dans la mesure où il ne faisait aucun doute que le pouvoir est patrimonial, le domaine de la représentation est donc tel qu’énoncé par l’article 389-3 du Code civil : tous les actes de la vie civile sont exercés par représentation des administrateurs légaux.

123 Article 17-3 du Code civil. 124 Article 328 du Code civil

125 Req. 4 novembre 1835, S. 1835, I, 785. 126 Ph. Bonfils, A. Gouttenoire, op. cit., n° 1155.

127 Article L. 5134-1 du Code de la santé publique ; article L. 2212-7 alinéa 3 du Code de la santé publique.

128 Article L. 1111-5 du Code de la santé publique. 129 Ph. Bonfils, A. Gouttenoire, op. cit., n° 1002.

Cependant, la référence faite aux titulaires de l’autorité parentale pose problème. Elle confirme, en renvoyant aux protecteurs de la personne du mineur, que la représentation a lieu en matière extrapatrimoniale, mais brouille la notion de représentant du mineur. Le fondement juridique de la représentation en matière extrapatrimoniale et plus largement de la représentation légale du mineur soulève des difficultés. A ce titre, il importe de vérifier si la représentation extrapatrimoniale trouve son assise dans l’article 389-3 du Code civil, son fondement traditionnel ou si, au contraire, elle s’en affranchit.

Section 2 : L

E CARACTÈRE EXCLUSIVEMENT PATRIMONIAL